La sympathie discrète du gouvernement israélien pour Al-Qaida

Publié le 9 décembre 2015 | Temps de lecture : 2 minutes

Le très sérieux Wall Street Journal révélait en mars dernier que les combattants d’Al-Qaida blessés au sud-ouest de la Syrie trouvaient refuge en Israël pour y être soignés.

Amos Yadlin — ancien chef du Renseignement militaire israélien dont Le Monde publie ce matin une entrevue — déclarait plus tôt cette année que l’Iran et le Hezbollah étaient des menaces bien plus graves pour Israël que les islamistes radicaux sunnites (dont Al-Qaida et l’État islamique font partie).

Ce qui est vrai pour Al-Qaida, l’est moins pour le califat parce ce territoire n’est pas situé près des frontières israéliennes; les blessés graves de l’ÉI sont plutôt soignés en Turquie, plus proche.

Si le territoire de l’ÉI s’approchait des frontières israéliennes, ses combattants blessés seraient soignés en Israël selon la politique obsessionnelle de Benyamin Netanyahou d’appuyer tout ce qui pourrait nuire à l’Iran et à son allié Bachar el-Assad.

En vertu du serment d’Hippocrate, les médecins sont tenus de soigner tout être humain, quelles que soient ses convictions religieuses et ses idées politiques.

Je ne reproche donc pas aux médecins d’avoir soigné des terroristes; ils ont fait leur devoir. Je reproche plutôt au gouvernement israélien de Netanyahou de permettre à ces combattants, une fois remis sur pied, de retourner combattre en Syrie plutôt que de les emprisonner et de les accuser de terrorisme.

Si ces derniers, revenus au combat, étaient affectés à la commission d’un attentat terroriste ici même à Montréal, je doute que les excuses d’Israël rencontreraient beaucoup de sympathie au Québec.

Conséquemment, on ne peut que qualifier d’irresponsable la politique du gouvernement de Benyamin Netanyahou à l’égard des terroristes sunnites et espérer qu’il se ressaisisse avant d’avoir à porter l’odieux des conséquences d’une complicité honteuse.

Références :
Al Qaeda a Lesser Evil? Syria War Pulls U.S., Israel Apart
Amos Yadlin : « Bachar Al-Assad fait partie de l’axe radical qui veut détruire Israël »
Wall Street Journal: Israel Caught Red-handed Aiding al-Qaeda in Syria

3 commentaires

| Géopolitique, Sécurité, Terrorisme | Mots-clés : , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Impopularité d’Al-Qaida chez les Musulmans

Publié le 9 février 2011 | Temps de lecture : 3 minutes

Lorsque je repense aux attentats du 11 septembre 2001, trois images me reviennent à l’esprit. Premièrement, le moment précis où un deuxième avion percute une tour du World Trade Center de New York et grave son profil dans l’immeuble. Deuxièmement, l’air abruti de G.W. Bush à qui on vient de souffler à l’oreille : «  Sir, America is under attack » et qui reste là, pétrifié pendant un long moment, devant cette classe d’élèves de Floride. Et la dernière image, c’est l’explosion de joie de Palestiniens des territoires occupés en apprenant la nouvelle.

À l’époque, je ne savais pas dans quelle mesure le sentiment de ces Palestiniens était partagé par l’ensemble des Arabes. Mais présentées en boucle par toutes les chaines d’information de la planète, ces images sont maintenant gravées dans la mémoire de ceux qui les ont vues et symbolisent respectivement l’attaque, l’Amérique stupéfaite et les Arabes triomphants.

On présume que ce jour-là, Oussama Bin Laden cristallisait tout le ressentiment envers les États-Unis. Mais une décennie plus tard, qu’en est-il de la popularité d’Al-Qaida dans le monde arabe ?

J’ai déjà abordé cette question dans un billet publié il y a quelques jours. Voici les chiffres.

Le Pew Research Center (PRC) est un organisme américain sans but lucratif créé en 1948 par le fondateur de la Sun Oil Company, Joseph-N. Pew, et son épouse Mary Anderson-Pew. Le Centre a effectué divers sondages qui permettent de suivre l’évolution des mentalités dans les pays musulmans.


Pourcentages d’appui aux attentats-suicides en 2002 et 2009


 
Le cas du Pakistan est intéressant puisque c’est le pays où se cache probablement Bin Laden. Le sondage de la PRC reflète surtout l’opinion des Pakistanais urbains. Tout comme les Talibans, les Pakistanais sont partisans de punitions jugées excessives en Occident.


Pakistanais, appuyez-vous les punitions suivantes ?

  Oui Non ?  
Adultères lapidés 83% 8% 9%
Voleurs fouettés ou amputés d’une main 80% 12% 9%
Peine de mort pour apostasie 71% 13% 16%


 
Malgré la similitude des mentalités, les Pakistanais sont devenus en 2009 majoritairement opposés à Al-Qaida et aux les Talibans.


Pakistanais, appuyez-vous Al-Qaida et les Talibans ?

    2008       2009  
  Oui Non ?     Oui Non ?  
Al-Qaida 25% 34% 41%   9% 61% 30%
Talibans 27% 33% 40%   10% 70% 20%


 
De manière générale, c’est en Palestine que Bin Laden est demeuré populaire. Il est à noter que le PRC n’a pas publié de données relatives à l’Afghanistan, à l’Arabie Saoudite et au Soudan (trois pays où Al-Qaida compte de très nombreux partisans).


Avez-vous confiance en Oussama Bin Laden ?

  Oui Non
Égypte 23% 68% 9%
Indonésie 24% 53% 23%
Jordanie 28% 61% 11%
Liban 2% 98% 0%
Nigéria 54% 39% 7%
Palestine 51% 47% 2%
Turquie 3% 77% 20%


 
Qu’est-ce qui explique ce déclin de la popularité d’Al-Qaida parmi les Musulmans ? Ils ont simplement réalisé que depuis des années, ce sont eux les principales des victimes d’Al-Qaida.

En effet, depuis les attentats du métro de Londres, le 7 juillet 2005, toutes les tentatives d’attentats en Occident d’Al-Qaida ont échoué, parfois à la dernière minute. Si bien qu’entretemps, ses revenus servent principalement à tuer d’autres Musulmans.

Références :
Confidence in Obama Lifts U.S. Image Around the World
Mixed Views of Hamas and Hezbollah in Largely Muslim Nations
Pakistani Public Opinion

Compléments de lecture :
Arabes vs Musulmans
La lapidation ou la barbarie participative
Les boucs-émissaires
Nourriture halal : controverses futiles

2 commentaires

| Terrorisme | Mots-clés : , , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Les Musulmans et Al-Qaida

Publié le 20 janvier 2011 | Temps de lecture : 5 minutes

Avant propos : Dans le cadre de la discussion relative à une vidéo de propagande sur YouTube « prouvant » que le Président Obama est musulman, j’ai rédigé le bref message suivant (en anglais) :

« Est-ce que les États-Unis sont en guerre contre les Musulmans (1,5 milliards de personnes) ou contre Al-Qaida ? Si les bigots du Parti républicain ne peuvent faire la différence entre les deux et continuent de prêcher l’intolérance contre les Musulmans, votre pays pourrait bien avoir à se chercher des amis lorsque la Chine sera la première puissance de la planète. »

À la suite de ce message, quelqu’un m’invitait par courriel à préciser mon opinion. On trouvera ci-après la traduction française de ma réponse. Il est à noter que la première moitié du texte explique la rage antimusulmane des participants américains à la discussion relative à la vidéo.


Le racisme viscéral du sud des États-Unis

Historiquement, le sud des États-Unis était pauvre, peu instruit, religieux et rural. Il était renommé pour sa violence raciale dirigée contre les Noirs et pour sa religiosité. Les personnes qui y habitaient, y menaient une existence rude destinée à assurer leur subsistance.

Depuis, un grand nombre d’entreprises de haute technologie ou reliées au complexe militaro-industriel s’y sont établies. Si bien qu’aujourd’hui, les États du sud rivalisent de prospérité avec ceux du nord de ce pays.

Toutefois, les mentalités n’ont pas évolué. La bigoterie et l’intolérance se rencontrent encore aussi couramment.

La violence, idéalisée dans le cinéma américain et les jeux vidéos, y est endémique. Par exemple, le taux d’homicides en Floride est le triple de la moyenne américaine, qui est lui-même le triple de la moyenne européenne.

Plus de 15 millions de personnes, principalement au sud des États-Unis, croient au créationnisme et s’opposent à l’enseignement scolaire de la théorie de l’évolution des espèces de Darwin (jugée contraire à la Bible).

Même si le Klu Klux Klan n’y fait plus semer la terreur, cette organisation terroriste américaine a toujours la sympathie de plusieurs Sudistes (comme en témoignent les messages racistes au sujet de la vidéo en question).

Ils ne connaissent presque rien du monde à l’extérieur des États-Unis et un grand nombre de jeunes adultes ont de la difficulté à épeler l’anglais correctement.

C’est la clientèle idéale pour la machine de propagande du Parti républicain. Celle-ci pratique le lavage des cerveaux avec succès, réussissant à faire croire aux Américains des choses aussi stupides que :

  • Saddam Hussain possédait des armes de destruction massive,
  • il est impossible que G.W. Bush ait menti relativement aux véritables raisons de la guerre contre l’Irak puisqu’un « born-again Christian » comme lui ne ment jamais,
  • plus on baisse les impôts des riches, plus l’économie prospère (ils suffit de regarder l’état actuel de l’économie américain pour juger de la stupidité de cette idée)
  • le monde déteste les États-Unis, donc les Américains sont justifiés de détester tout le monde.

Jésus de Nazareth a dit que lorsqu’on vous frappe sur une joue, présenter l’autre. Son message de tolérance est déformé par des prédicateurs qui, en son Nom, citent des extraits de l’Ancien testament pour propager la haine et l’intolérance. Tout comme Al-Qaida déforme le Coran en faisait de ce Document une arme de haine.

Le déclin de la sympathie pour Al-Qaida

Aux États-Unis, presque personne n’est conscient qu’Al-Qaida a été marginalisé — non pas par les bombes américaines — mais plutôt par les Musulmans eux-mêmes. En effet, ceux-ci ont réalisé que la plupart des victimes d’Al-Qaida, depuis des années, sont des Musulmans et non des Américains ou des Juifs.

La plupart des combattants d’Al-Qaida en Irak sont des étrangers en provenance d’Arabie Saoudite. Pourquoi ? Parce que l’organisation terroriste peine à recruter des gens en Irak : elle doit importer ses combattants d’Arabie, où Bin Laden demeure très populaire.

Au Pakistan, le chef des opérations d’Al-Qaida, Osama Hamoud al-Shehri, est saoudien et non pakistanais.

Les organisations terroristes dont les membres ne sont pas saoudiens sont simplement « affiliées » à Al-Qaida plutôt que d’en faire partie intégralement parce que Bin Laden s’en méfie, craignant qu’elles ne soient infiltrées d’espions américains.

Depuis les attentats du métro de Londres, le 7 juillet 2005, toutes les tentatives d’attentats en Occident d’Al-Qaida ont échoué, parfois à la dernière minute. Si bien qu’entretemps, ses revenus servent principalement à tuer d’autres Musulmans.

Ses hommes expérimentés ne parvenant pas à franchir la muraille de sécurité dressée afin de protéger les pays occidentaux, Al-Qaida doit se rabattre depuis quelques temps sur de jeunes recrues, nées en Occident, qui savent à peine manier les explosifs et qui, ayant échoué et ayant été capturées, fragilisent encore plus l’organisation par leurs révélations.

Jean-Pierre Filieu, un des plus grands spécialistes français de l’islamisme, dresse déjà le post mortem d’Al-Qaida et soutient que ce sont les Musulmans eux-mêmes qui ont eu raison de l’organisation de Bin Laden.

Bref, voir dans chaque Musulman un partisan d’Al-Qaida, prêt à contribuer à la destruction de la Civilisation occidentale, c’est profondément mal connaître le monde actuel.

Référence : Filieu JP, Al-Qaïda – c’est fini, La Revue, 2010;6:32-47.

Laissez un commentaire »

| Politique internationale, Religion | Mots-clés : , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


L’Arabie saoudite et le financement d’Al-Qaida

Publié le 10 décembre 2010 | Temps de lecture : 5 minutes
© 2010 — Google Maps

Avant le régime taliban en Afghanistan

Oussama ben Laden est l’un des 54 enfants — nés des 22 épouses —de Mohammed Ben Laden, un entrepreneur saoudien. Ce dernier est propriétaire de la Bin Laden Construction group, une des plus riches entreprises de construction au monde et détentrice de nombreux contrats d’exclusivité avec le gouvernement saoudien. Les actifs globaux du Groupe Ben Laden sont évalués à cinq milliards de dollars.

En 1979, le prince Turki Al Fayçal — chef des services secrets de l’Arabie saoudite de 1977 à 2001 — offre 200 millions de dollars à Oussama ben Laden afin qu’il organise le départ des volontaires saoudiens désirant s’impliquer en Afghanistan contre l’invasion russe de ce pays.

Oussama ben Laden se rapproche alors de Gulbuddin Hekmatyar, un chef fondamentaliste local et principal bénéficiaire des 3,3 milliards de dollars d’aide officielle des États-Unis aux rebelles afghans contre les Russes (un montant à peu près équivalent étant, dit-on, fourni par l’Arabie saoudite).

Quelques années plus tard, en 1994, la montée des Talibans coïncidera avec leur saisie de l’importante réserve d’armes de Gulbuddin Hekmatyar (dont nous venons de parler) à Kandahar. Cette prise leur permettra de prendre le contrôle de la moitié du pays.

En février 1989 les Soviétiques annoncent leur retrait d’Afghanistan. Les États-Unis et l’Arabie saoudite ayant atteint leur objectif, arrêtent le financement et le soutien logistique massif aux rebelles en 1990.

À son retour en Arabie saoudite, Oussama ben Laden est accueilli en héros. Dans les mosquées, les écoles, et à l’université, il organise des conférences au sujet de son combat contre l’armée soviétique. Il recueille alors des fonds de sympathisants servant à financer sa milice.

Lors de la Première guerre du Golfe (1990-1991), Oussama ben Laden propose au roi d’Arabie d’utiliser cette milice pour défendre le pays contre une possible invasion des troupes irakiennes. Le roi refuse et préfère ouvrir son territoire à l’armée américaine.

Furieux, Ben Laden s’indigne que des soldats non-musulmans viennent souiller le sol sacré de l’Islam (l’Arabie saoudite étant la Terre sainte selon les Musulmans). Il va jusqu’à accuser de corruption la dynastie régnante dans ce pays.

En représailles, l’Arabie saoudite le prive de sa nationalité en 1994. Il reste discrètement en relation avec certains membres du régime saoudienc: en effet, avec ses 7,000 princes, la famille royale est peu unie.

Durant le régime des Talibans (1997-2001)

Le régime des Talibans ne sera reconnu officiellement que par trois pays : l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Pakistan.

En 1999, le prince saoudien Turki Al Fayçal (à titre de chef des services secrets de l’Arabie saoudite), verse 267 millions$ à un chef taliban en Afghanistan.

Tout au cours de ce régime, l’Arabie saoudite, principale puissance sunnite, inspire intellectuellement et finance les madrasas, ces écoles coraniques à la base du mouvement taliban. Par le radicalisme de leur enseignement, ces écoles s’avéreront des pépinières de terroristes.

Le 11 septembre 2001, les attentats-suicides d’Al-Qaida sont perpétrés aux États-Unis par 19 terroristes dont 15 étaient de nationalité saoudienne. Ces attaques provoquent la Guerre en Afghanistan (où sont basés les camps d’entrainement d’Al-Qaida). Entretemps, les États-Unis tentent par tous les moyens de tarir les sources de financement d’Al-Qaida (comme ils le font présentement avec WikiLeaks).

Après le renversement du régime taliban

Peu après la fin officielle de cette guerre, des milliers de Talibans non-afghans (dont beaucoup de Saoudiens) décèdent au cours du massacre à la prison de Mazar-i-Sharif. Ceux qui ne s’y trouvaient pas retournent dans leur pays d’origine. Certains d’entre eux constituent depuis des cellules dormantes d’Al-Qaida en Arabie et des sympathisants donateurs.

En 2003, les experts s’accordaient pour dire qu’une grande partie des revenus d’Al-Qaida provenaient de donateurs saoudiens. Leurs dons sont versés soit directement, soit par le biais d’organismes de charité ou d’écoles coraniques servant de paravent au financement de cette organisation terroriste.

En décembre 2006, plus d’une trentaine d’ecclésiastiques saoudiens se prononcent contre l’invasion de l’Irak et invitent tous les Sunnites à s’y opposer. En 2007, près de la moitié des insurgés étrangers en Irak sont des Saoudiens qui combattent pour Al-Qaida.

« Les donateurs privés en Arabie saoudite demeurent la principale source mondiale de financement de groupes terroristes sunnites », tels qu’Al-Qaida et les talibans afghans et pakistanais, déplorait l’ambassade américaine en Arabie dans cette note datée de 2009 et révélée par WikiLeaks cette semaine.

L’ambassade estime également qu’une partie de cette somme est collectée auprès de sympathisants à l’occasion du pèlerinage annuel à La Mecque et du Ramadan.

De plus, les hauts responsables talibans, lorsqu’ils se rendent en Arabie saoudite pour participer à des discussions sur le thème de la réconciliation, se livrent également à la collecte d’argent.

Références :
Documents Back Saudi Link to Extremists
Dasht-i-Leili massacre
Oussama ben Laden
Saudi Arabia: In al-Qaeda’s Sights
Saudi Arabia’s Dubious Denials of Involvement in International Terrorism
Saudi Arabia’s Links to Terrorism
Saudis faulted for funding terror
Taliban
US embassy cables: Hillary Clinton says Saudi Arabia ‘a critical source of terrorist funding’
WikiLeaks cables portray Saudi Arabia as a cash machine for terrorists

Parus depuis :
Des princes saoudiens auraient financé al-Qaïda (2015-02-05)
« Swissleaks » : HSBC abritait aussi des « parrains du terrorisme » (2015-02-11)

5 commentaires

| Sécurité, Terrorisme | Mots-clés : , , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel