Le Canada doit-il reconnaitre le gouvernement des Talibans ?

Publié le 31 août 2021 | Temps de lecture : 4 minutes

Depuis la reconquête de l’Afghanistan par les Talibans se pose la question de savoir si le Canada devrait reconnaitre officiellement le nouveau gouvernement de ce pays.

À l’heure actuelle, Washington s’y refuse, de même que la France.

Selon le premier ministre canadien, notre pays n’en a pas l’intention, soulignant que les Talibans sont sur la liste canadienne des organisations terroristes.

De nos jours, n’importe quel citoyen qui s’oppose par les armes à l’invasion de son pays par des soldats étrangers est considéré comme un terroriste par les forces d’occupation.

Dans ce pays en guerre civile depuis des décennies, les armes sont omniprésentes. Si les Talibans ont pu s’emparer de l’Afghanistan en y rencontrant si peu de résistance, c’est que le peuple afghan y a consenti.

Peu importe ce que suggèrent ces images de milliers d’Afghans désireux de quitter le pays, les trente-huit-millions d’Afghans ne tenaient pas très fort, apparemment, à ce que soit prolongée notre présence chez eux.

Il arrive qu’on soit tanné de la visite après deux jours; imaginez après vingt ans…

Pour reconnaitre officiellement un gouvernement, il n’est pas nécessaire de l’aimer; aussi méprisable qu’elle soit, l’idéologie misogyne et obscurantiste des Talibans est identique à celle de l’Arabie saoudite, une dictature mafieuse avec laquelle nous entretenons des liens diplomatiques depuis sa création.

Quand l’ex-ministre des Affaires étrangères du Canada, l’honorable François-Philippe Champagne, parlait de sa majesté le prince ben Salmane, il parlait avec déférence d’un homme qui fait dépecer ses opposants politiques à la tronçonneuse.

Et s’il est vrai que les Talibans ont autrefois fraternisé avec les terroristes d’Al-Qaïda — incidemment financés par l’Arabie Saoudite — ils n’ont jamais eu l’ambition de s’adonner eux-mêmes au terrorisme international.

La création d’un lien diplomatique avec le nouveau gouvernement se justifie par le besoin d’entretenir un canal de communication. Ce qui simplifie considérablement les discussions qu’on pourrait avoir avec lui.

Or justement, le Canada espère récupérer (un peu tard) les ressortissants afghans qui ont risqué leur vie en collaborant à la ‘mission’ canadienne. Depuis ce printemps, le Canada savait que les Américains comptaient quitter le pays quelques mois plus tard. Plutôt que de hâter les procédures conduisant à l’asile politique de ces collaborateurs, notre pays s’est trainé les pieds.

Maintenant que l’Afghanistan est entre leurs mains, lorsque le Canada fera parvenir indirectement aux Talibans la liste des noms et des coordonnées des Afghans qu’il aimerait accueillir, est-ce que notre pays aimerait apprendre que le nouveau gouvernement afghan en a profité pour décapiter tous ces traitres (de son point de vue) ?

Il serait donc prudent que les négociations canado-afghanes soient placées sous le signe de la confiance mutuelle. Et pour ce faire, rien de mieux qu’un canal diplomatique.

Dans un ordre d’idée, l’Afghanistan est sur la nouvelle Route de la Soie que compte créer la Chine afin de faciliter l’importation des matières premières dont elle a besoin et l’exportation de ses produits finis.

Si les pays occidentaux veulent jouer à la chaise vide, il ne faudrait pas qu’ils se surprennent d’apprendre un jour que le soft-power chinois réussit mieux à créer des liens d’amitié que les bottes de nos soldats…

Références :
Afghanistan: Le Drian affirme que « reconnaître le régime des talibans n’est pas d’actualité »
Follow the New Silk Road
Le ministre François-Philippe Champagne, paillasson de l’Arabie saoudite
Le régime des talibans pas reconnu par Washington pour le moment
Nouvelle route de la soie
Pourquoi le Canada devrait songer à reconnaître un gouvernement taliban

4 commentaires

| Géopolitique, Politique canadienne | Mots-clés : , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Recrudescence de la violence en Afghanistan en 2014

Publié le 19 février 2015 | Temps de lecture : 2 minutes

C’est en décembre 2014 que s’est achevé le retrait des troupes de combat de l’OTAN en Afghanistan.

En raison de l’intensification des combats au sol, cette année fut la plus meurtrière de la guerre dans ce pays depuis les six dernières années.

Selon les Nations Unies, il y eut 3 699 tués, dont 2 687 hommes, 298 femmes et 714 enfants. Il s’agit d’une augmentation de 25% par rapport à 2013.

Les civils tués l’ont été à 72% par des Talibans, à 14% par des forces gouvernementales, 4% par des mines explosives, et à 10% par une cause inconnue.

Quant aux civils blessés, leur nombre a atteint 6 849, soit une augmentation de 21% en comparaison avec 2013.

Ces données suggèrent une intensification de la lutte des Talibans en vue de reprendre le pouvoir par des moyens autres que démocratiques.

Qui dit retrait des soldats étrangers, dit également retrait des journalistes envoyés pour couvrir leur travail.

Les Talibans contrôlant déjà une bonne partie du territoire afghan, il est à prévoir qu’ils profiteront du retrait des forces d’occupation pour prendre le contrôle total du pays, à la surprise feinte des pays occidentaux.

Dans ce pays, le sort des mères monoparentales est peu enviable. Victimes de pauvreté, elles doivent souvent vendre leurs filles et retirer leurs garçons de l’école. Les veuves sont particulièrement vulnérables à la violence par des adultes de leur famille ou de leur entourage.

Références :
Afghanistan : 2014, année la plus meurtrière dans la guerre

Complément de lecture :
How the ‘good war’ went bad: elite soldiers from Australia, UK and US face a reckoning (2021-06-01)

Un commentaire

| Géopolitique | Mots-clés : | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Le Canada complice des coutumes arriérées de l’Afghanistan

Publié le 3 décembre 2011 | Temps de lecture : 2 minutes

Plus tôt cette semaine, on apprenait l’histoire de cette Afghane violée par le cousin de son époux alors qu’elle n’avait que 17 ans, répudiée par son mari parce que « souillée » par ce drame, condamnée pour « adultère » par les tribunaux, et qui avait donné naissance en prison à une fillette issue de ce viol, il y a deux ans. L’attention médiatique portait sur le fait que cette femme avait reçu une offre de libération à la condition d’épouser son violeur, Asadullah Sher Mohammad.

À la suite du scandale que cette nouvelle a provoqué en Occident, cette femme aurait finalement été libérée sans condition.

Son cas est connu de tous grâce à un documentaire réalisé à son sujet. Sans ce film, personne n’aurait entendu parler d’elle et cette femme continuerait de purger sa peine de douze ans de prison.

Ce qui est significatif, c’est que les forces d’occupation — dont le Canada — n’ont joué aucun rôle jusqu’ici dans cette affaire. En Afghanistan, des femmes sont battues, violées, vitriolées, ou tuées sans que le Canada ne lève le petit doigt pour elles à moins que l’opinion publique canadienne ne le force à agir. Pourquoi ?

Parce que le gouvernement canadien n’a aucune volonté de faire évoluer les coutumes et mentalités de ce pays. Le but de l’occupation est uniquement de prévenir le retour au pouvoir des Talibans.

Il suffirait que le régime fantoche de Kaboul décide de vouloir changer les coutumes arriérées du pays pour que les Afghans se soulèvent massivement contre lui à l’invitation du pouvoir religieux local, comme ce peuple s’est soulevé autrefois contre les Russes quand ceux-ci ont voulu faire de même au nom du communisme.

Il y a cinq ans, je signais un texte intitulé « La mission canadienne en Afghanistan ou La perpétuation de coutumes arriérées ». Le cas de cette femme est un rappel que ce texte est tout aussi pertinent aujourd’hui qu’il l’était à l’époque.

Références :
Afghan woman jailed after being raped is freed after two years in Kabul prison
L’afghane violée libérée sans condition
Une Afghane emprisonnée après un viol épousera son agresseur pour être libérée

Laissez un commentaire »

| Politique canadienne | Mots-clés : , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


La guerre en Afghanistan : des chiffres

Publié le 27 novembre 2010 | Temps de lecture : 1 minute

2005 2009 2010
Militaires américains 18 000 57 000 95 000
Personnel civil américain 200 415 1 050
Autres militaires de la coalition 8 000 32 300 41 000
Forces de sécurité afghanes 50 000 170 000 230 000
Nombre approximatif d’insurgés 5 000 25 000 30 000
Nombre approx. d’attaques/semaine 60 80 120
Militaires américains tués 58 86 202
Militaires d’autres nationalités tués 5 70 121
Soldats et policiers afghans tués 200 485 500
Civils tués 300 580 700


Depuis les attentats du 11 septembre 2001, la lutte contre Al-Qaida a coûté aux États-Unis la somme de 1,112 milliards$, soit 369 milliards en Afghanistan et 744 milliards en Irak (où Al-Qaida n’était pas).

© 2010 — Carte de Google Maps (modifiée)

Références :
Cost of wars
La Revue, 2010;6:18.

Parus depuis :
L’Afghanistan, pourquoi ? (2020-03-05)
How the ‘good war’ went bad: elite soldiers from Australia, UK and US face a reckoning (2021-06-01)

Laissez un commentaire »

| Géopolitique, Politique internationale | Mots-clés : , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Opium et pavot

Publié le 22 novembre 2010 | Temps de lecture : 2 minutes
Cliquez sur l’image pour l’agrandir

Le pavot est une famille de plantes à fleur regroupant plusieurs espèces allant du coquelicot (photo ci-dessus) au pavot somnifère. Ce dernier possède deux variétés : le pavot blanc (surtout utilisé pour l’opium) et le pavot noir (surtout utilisé pour ses graines). Tous deux produisent de l’opium (pouvant contenir 10 à 16% de morphine et environ 3% de codéine).

Selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, en 2009, la surface totale des plantations de pavot dans le monde est de 181 000 hectares, produisant 7 754 tonnes d’opium dont 92% proviennent de l’Afghanistan. Plus de la moitié des terres cultivables de ce pays sont utilisées à la production d’opium : celle-ci représente officiellement 60% de l’économie afghane, mais dans les faits, le tiers de l’économie réelle du pays.

Le pavot somnifère est aussi cultivé pour ses graines, généralement noires, qu’on peut se procurer dans n’importe quel supermarché, au rayon des épices. Dans les pays d’Europe centrale et d’Europe de l’Est, elles servent à aromatiser les pains et les pâtisseries. Le pain au pavot est consommé couramment dans les régions slaves et germaniques, notamment en Alsace.

La culture légale du pavot — pour la production de médicaments et pour celle des graines — est l’objet d’importantes mesures de sécurité. Les trois principaux pays producteurs sont la République tchèque (31 000 tonnes de pavot cultivé sur 70 000 hectares, soit 0,9% du territoire), suivie de près par la Turquie, et loin derrière, la France (5 500 tonnes de pavot).

Le pavot tchèque est essentiellement utilisé en boulangerie et en pâtisserie alors que celui de la France est exclusivement destiné à l’industrie pharmaceutique.


Références :
Opium
Pavot
Morillot J. Pavot — Champions, les Tchéques. La Revue 2010; no 6: 22.
Pavot somnifère

Détails techniques de la photo : Olympus OM-D e-m5, objectif Helios 85mm F/1,5 — 1/4000 sec. — F/1,5 — ISO 125 — 85 mm

Laissez un commentaire »

| Fait divers | Mots-clés : , , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel