L’adoption par des ‘Blancs’, le substitut aux pensionnats autochtones

Publié le 30 septembre 2021 | Temps de lecture : 5 minutes

Après avoir dépossédé les peuples autochtones des immenses territoires qu’ils occupaient et de les avoir confinés dans des réserves destinées à limiter leur croissance démographique, le Canada a adopté une série de mesures destinées à les soumettre à un génocide culturel.

On pense immédiatement à ces pensionnats où plus de 150 000 enfants autochtones ont été placés. Des établissements où parler leur langue était interdite et où on estime qu’environ six-mille d’entre eux sont morts de maltraitance, de maladie ou par suicide.

Depuis la disparition des pensionnats autochtones, les politiques génocidaires canadiennes sont devenues plus subtiles. Un des nouveaux mécanismes d’assimilation culturelle s’exerce par le biais du système de la protection de la jeunesse.

Au Canada, il existe de nombreuses écoles où l’enseignement se fait dans l’une ou l’autre des langues autochtones du pays. Mais aucune de ces maisons d’enseignement ne décerne de diplôme qui donne accès à des métiers spécialisés.

Ce qui veut donc dire, par exemple, que dans certaines provinces, aucun travailleur social n’est d’origine autochtone.

Puisque les peuples autochtones sont, sans exception, les groupes ethniques les plus pauvres du pays, on trouve de nombreux problèmes sociaux au sein de leurs communautés.

Lorsqu’on doit envisager la possibilité de retirer la garde d’enfants à leurs géniteurs, c’est toujours ou presque toujours des travailleurs sociaux ‘blancs’ qui évaluent les compétences parentales de parents autochtones.

Or, dans certaines provinces canadiennes — et notamment au Manitoba, la province la plus raciste du pays — les travailleurs sociaux ne recommandent jamais que ces enfants soient confiés à d’autres membres de leur communauté.

Ils estiment que la misère sociale y est tellement généralisée que ces enfants ont plus de chance d’être heureux s’ils sont adoptés par des parents ‘blancs’.

En réalité, on confond extrême pauvreté et misère sociale. Tout couple apte à assurer leur subsistance en totale autarcie — par le biais de la chasse et de la pêche — peut adopter un enfant, l’aimer et lui enseigner tout ce qu’il doit connaitre pour vivre en harmonie avec la nature. Comme le font ses ancêtres depuis des milliers d’années.

Mais selon le regard raciste de ces travailleurs sociaux, aucun autochtone n’est digne d’être parent d’adoption. Voilà pourquoi des milliers d’enfants autochtones ont fait le bonheur de parents adoptifs ‘blancs’.

À la suite d’un procès intenté par des enfants autochtones retirés de leur famille, le gouvernement canadien a perdu en 2019 devant le Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP).

À chaque enfant autochtone retiré de façon inappropriée de la garde de ses parents depuis 2006, le TCDP avait accordé le maximum prévu par la loi, soit 40 000$.

Le gouvernement canadien en a appelé de cette décision, estimant que les cas devaient être évalués individuellement et que l’indemnisation devait refléter le préjudice subit.

Hier, la Cour fédérale a maintenu le jugement rendu par le TCDP. Or on apprend aujourd’hui que le ministre des ‘Services’ autochtones étudie la possibilité d’en appeler de cette décision.

Ça suffit.

Ce qu’Ottawa s’entête à ne pas comprendre, c’est que l’indemnité maximale prévue par sa loi est trop basse. Voilà pourquoi les tribunaux donnent le maximum à tout le monde.

N’importe quel ‘Blanc’ en mesure de prouver qu’on l’a malicieusement retiré de la garde de ses parents, est en mesure de s’adresser devant n’importe quel tribunal et de réclamer des millions de dollars. Et si son avocat est habile à rendre pathétique le cas de son client, il a de très bonnes chances d’obtenir un dédommagement important.

En vertu du ‘droit autochtone’ — cet apartheid juridique qui fait que les Autochtones ont moins de droits juridiques que nous — l’indemnité maximale n’est que de 40 000$.

Les avocats du gouvernement canadien gagnent plus de 250$ de l’heure et au-delà d’un demi-million de dollars par année. Pour ces mercenaires du pouvoir colonial canadien, bouleverser la vie d’un enfant Autochtone (et parfois même, la gâcher) mérite au maximum 40 000$ de dédommagement. Parce qu’à leurs yeux, la vie d’un pauvre ne vaut pas grand-chose.

Pour la première fois aujourd’hui, nous commémorons la Journée annuelle de la vérité et de la réconciliation avec les peuples Autochtones.

Dans les faits, lorsqu’il s’agit de payer le prix de ses politiques génocidaires, le gouvernement canadien préfère dépenser une fortune à graisser la patte de ses avocats plutôt que d’utiliser cette somme à réparer les pots cassés.

Plutôt que d’en appeler de deux jugements consécutifs en sa défaveur, Ottawa doit cesser de gaspiller l’argent des contribuables et payer l’extraordinaire économie que représente le minable plafond qu’il a imposé comme dédommagement aux Autochtones dans ce cas-ci.

Références :
Droit autochtone canadien
Indemnisation d’enfants autochtones : Ottawa débouté en Cour fédérale
Manitoba : droits fondamentaux et laïcité
Traité no 1 : vers la création de l’Ouest canadien

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Mères porteuses vs le fanatisme d’une sociologue

Publié le 30 avril 2014 | Temps de lecture : 7 minutes

Céline Lafontaine est une sociologue chargée d’enseignement à Montréal et à la Sorbonne de Paris. À ce titre, celle-ci faisait paraitre vendredi dernier dans Le Devoir une critique virulente de la décision de l’État québécois de rembourser les frais relatifs à la procréation assistée, notamment par l’utilisation des mères porteuses. Entre autres, l’auteur s’interroge sur le bien-fondé de consacrer des ressources médicales à cette fin alors que tant d’autres besoins lui semblent plus pressants.

La question de l’allocation des ressources médicales est vaste et complexe. Elle se pose dans tous les cas où un traitement nécessite une mobilisation importante de ressources, que ce soit la transplantation rénale (que limite sévèrement l’Angleterre pour cette raison) ou, dans ce cas-ci, le traitement de l’infertilité.

En raison de cette complexité, je ne discuterai pas de cette question qui occupe d’ailleurs une place secondaire dans l’argumentation de Mme Lafontaine, en dépit du titre de son texte (« Le remboursement des mères porteuses ? Du délire »)

Plus discutables sont les arguments moraux invoqués par cette sociologue.

Celle-ci estime que la gestation pour autrui est contraire aux droits de la personne « puisqu’elle suppose l’objectivation complète de la femme en plus de faire de l’enfant à naître l’objet d’un contrat. »

Pour ce qui est de l’odieux de faire d’un être humain l’objet d’un contrat, je ne vois pas où est le problème puisque c’est également le cas de tous les contrats d’adoption, de mariage, et d’embauche.

Ne cherchez pas objectivation dans votre dictionnaire : c’est du patois de sociologue. L’objectivation de la femme désigne l’utilisation du corps féminin comme s’il s’agissait d’un objet, d’une chose. Évidemment, il s’agit ici d’une grossière exagération; ce n’est pas parce qu’une femme accepte de devenir mère porteuse qu’elle abaisse le corps de toutes les femmes au niveau d’une vulgaire marchandise.

Un contrat d’adoption n’est pas seulement une entente de service régissant une offre et une demande, mais c’est aussi un document qui précise les droits de l’enfant à naître. Et dans le cas précis qui a suscité l’indignation de Mme Lafontaine, ce contrat ne prévoyait pas de rémunération pour la mère porteuse, amie du couple stérile. Donc, contrairement à ce qu’écrivait la sociologue, il ne s’agit pas d’un contrat marchand.

Là où la sociologue se discrédite, c’est en portant un jugement moral sur cette mère porteuse, accusée de s’abaisser à servir de machine à produire des bébés — c’est son expression — et d’accepter d’abandonner (sic) son enfant à la naissance. Dans les faits, il s’agit d’une critique de toutes les mères qui donnent leur enfant en adoption, accusées implicitement d’être de mauvaises mères et de poser un geste contre nature. Dans sa surenchère verbale, l’auteure qualifie même l’enfant d’orphelin, alors qu’en réalité, ce dernier est le sujet d’une substitution parentale.

De nos jours, porter un tel jugement moralisateur peut sembler étonnant. Cela l’est moins lorsqu’on apprend que le cas qui a suscité l’indignation de Mme Lafontaine concerne l’adoption de l’enfant d’une amie par un couple homosexuel.

En dépit du fait que Mme Lafontaine se défend bien d’être homophobe, on doit mettre en perspective son indignation soudaine d’une part, et d’autre part le fait que le remboursement par l’État québécois de la procréation assistée (aussi discutable que soit cette décision) a été annoncée par l’ex Premier ministre Jean Charest en novembre 2008. On peut donc présumer que Mme Lafontaine était retenue en Europe depuis six ans et vient donc d’apprendre la nouvelle.

Dimanche dernier, un des deux conjoints du couple en question était l’invité de l’émission Tout le monde en parle, ce qui nous a permis d’apprendre les détails de cette affaire.

Les conjoints en question vivent ensemble depuis quatre ans. Ils ont déjà un petit garçon, obtenu par adoption internationale. Ils ont voulu une fillette (en réalité, il s’agira de jumelles). Puisque les critères régissant l’adoption internationale se sont resserrés et ont rendu l’adoption extrêmement difficile pour un couple homosexuel, ceux-ci ont cherché une solution alternative. C’est alors qu’une amie du couple leur a proposé de recevoir les ovules fécondés par le sperme d’un des deux partenaires.

Cette proposition s’est faite sans contrainte, ni rémunération.

Tout cela se déroulait harmonieusement jusqu’au scandale provoqué par le texte de Mme Lafontaine. Pour celle-ci, cette décision privée « incarne de manière radicale l’individualisme triomphant de l’époque » représenté par celui des parents adoptifs. Aveuglés par leur égoïsme d’avoir une famille, ceux-ci procèdent à « l’instrumentation du corps des femmes en les transformant en machines à produire des bébés. » Condamnant la gestation d’un « enfant dans le but de l’abandonner à la naissance » et conséquemment, cette « production programmée d’orphelin », Mme Lafontaine fait de ce cas précis le symbole « de la dérive éthique de la société néolibérale québécoise. »

Selon elle, « l’industrie de la fécondation in vivo aura réussi à ouvrir toutes grandes les portes du Corps-marché en faisant de la chair humaine une matière première au service du désir des plus riches de notre société. »

Mme Lafontaine considère que ce n’est pas le rôle de l’État de vouloir pallier « aux limites biologiques des individus eux-mêmes ». De plus, les citoyens doivent « assumer la limite de toute existence humaine ».

Ce faisant, elle semble oublier que dans le cas des femmes qui font des fausses couches à répétition et celles nées sans utérus, le recours aux mères porteuses permet aux parents adoptifs de fonder une famille. De plus, de manière générale, le but de tout régime public d’assurance-maladie est précisément de permettre à chacun d’entre nous de mener une vie normale en dépit de nos limites biologiques.

De nos jours, on est très loin de la mentalité qui veut que toute tare soit une punition de Dieu qu’il nous faut assumer par le sacrifice et la pénitence.

En tant que citoyenne et de contribuable, Mme Lafontaine est libre de ses opinions. Mais l’utilisation de son titre professionnel pour donner de la crédibilité à ses préjugés arriérés et à son féminisme de pacotille m’apparait très discutable.

Le rôle de la sociologie est d’étudier et de comprendre les sociétés, et non de les juger.

Références :
Le remboursement des mères porteuses ? Du délire
Mères porteuses — En finir avec les leçons de morale
Le Québec, un havre pour la communauté gaie
Pour un débat raisonné sur la «gestation pour autrui»
Procréation assistée: Charest se rallie à l’opposition

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Écrit par Jean-Pierre Martel