Le despotisme de Stiveniev Harperoff

Publié le 26 juin 2013 | Temps de lecture : 8 minutes

L’abus de pouvoir

En mars 2011, le gouvernement minoritaire de M. Harper devenait le premier gouvernement de l’histoire du Commonwealth à être renversé pour outrage au Parlement et ce, en raison de son refus obstiné de fournir les coûts de l’achat des avions militaires F-35, des baisses d’impôts accordées aux entreprises et de ses projets de loi en matière de justice criminelle.

Réélu à la tête d’un gouvernement majoritaire en mai 2011 avec seulement 39,6% des votes, il a utilisé la guillotine cinquante fois depuis ce temps pour limiter les débats concernant ses projets de loi, dont le quart au cours des deux derniers mois.

Le chef de l’État canadien n’en est pas à son premier mandat : toutefois ce record historique a été établi au cours de la première moitié de son mandat actuel. On peut s’inquiéter d’y voir là un dangereux glissement vers le despotisme et l’abus de pouvoir.

Gangstérisme et politique

Le député conservateur Maxime Bernier a été ministre des Affaires étrangères du gouvernement Harper. Il a démissionné après avoir oublié des documents ultraconfidentiels de l’OTAN au domicile de sa maitresse, une guidoune associée aux motards criminalisés.

Le 17 juin dernier, l’Unité permanente anti-corruption procédait à l’arrestation pour fraude et corruption de Saulie Zajdel, un ex-candidat du parti de M. Harper. Secrètement, celui-ci est à l’emploi du ministère du Patrimoine depuis sa défaite électorale. Sa description de tâche et son salaire sont confidentiels. Selon le Parti libéral, il serait payé à même les fonds publics aux seules fins d’intriguer et faire campagne en vue de déloger le député libéral élu.

Les forums de discussion de Radio-Canada et du Devoir fourmillent relationnistes payés pour défendre les politiques du gouvernement Harper. Ces infiltrateurs, zélés comme les espions de Staline, se reconnaissent facilement d’une part à leur français mal traduit de l’anglais, et d’autre part à leur ignorance totale du Québec (qu’ils sont censés habiter).

Pendant 39 ans, Gilles Vaillancourt a régné d’une main de fer à la tête de la troisième plus importante ville du Québec. L’ex-maire de Laval était un intouchable : il menaçait de poursuites quiconque osait publiquement mettre en doute son honnêteté. Pendant des décennies, il a donc distribué impunément des enveloppes brunes aux candidats de tous les partis politiques importants.

Lorsque Serge Ménard (ex-député du Bloc Québécois) a osé parler d’une tentative de corruption de la part du maire de Laval, ce dernier n’a eu qu’à effectuer quelques appels à Ottawa pour que M. Ménard soit sommé aussitôt de comparaitre devant un Comité parlementaire du gouvernement Harper, où des députés conservateurs et libéraux — notamment Denis Coderre — ont tenté par tous les moyens de miner la crédibilité de leur collègue et lui signifier qu’ils souhaitent la fin de ses révélations compromettantes. Rappelons que M. Vaillancourt a été arrêté depuis pour gangstérisme.

Affamer les pauvres

Le gouvernement Harper a coupé l’aide aux artistes, aux environnementalistes et aux travailleurs saisonniers. Par contre, il dépensera 45 milliards$ pour acheter des chasseurs-bombardiers F-35. Son bilan est simple : il consiste à affamer les pauvres afin d’acheter des joujoux dispendieux pour nos armées.

Son gouvernement est l’instrument de la Guerre interne du peuple : cette guerre consiste à dresser la classe moyenne contre les pauvres pendant que par ailleurs, on engraisse scandaleusement le complexe militaro-industriel américain et qu’on ferme les yeux sur les échappatoires fiscaux des particuliers et des entreprises.

L’achat des F-35 représente une dépense de 45 milliards$ dont seulement 450 millions$ (soit 1%) seront dépensés au Canada. Les retombées économiques totales sont estimées à dix milliards, soit une perte de 78% pour l’économie canadienne. Cette gestion désastreuse des dépenses militaires exige, en contrepartie, qu’on sabre dans les programmes sociaux.

Le mépris de la Démocratie

Après avoir identifié des électeurs qui s’apprêtaient à voter pour d’autres formations politiques, les organisations conservatrices de six circonscriptions ont procédés à des appels effectués faussement au nom d’Élections Canada.

On avisait ces électeurs qu’en raison d’un engorgement, ils devaient plutôt voter à un bureau de vote éloigné (où ils n’étaient pas inscrits). En essayant de décourager ces électeurs de voter, on sabotait ainsi le processus démocratique.

Lorsque l’affaire fut rendue publique, la première réaction de M. Harper fut celle de Vladimir Poutine, c’est-à-dire de nier le tout et d’accuser les autres formations politiques des torts qu’on reprochait à la sienne.

Dans tous les partis politiques, il y a des profiteurs et des individus louches. Leur présence ne met pas en cause l’intégrité des dirigeants politiques de nos partis politiques. Toutefois lorsque leur malhonnêteté devient publique, l’expulsion de ces éléments indésirables doit être prompte et non-équivoque.

En prenant fait et cause pour les fraudeurs et en agissant comme le défenseur aveugle d’une machine politique partisane truffée d’aventuriers et de parvenus, M. Harper s’est compromis et a déshonoré ses fonctions de chef d’État.

Dans son jugement de près de cent pages, le juge Richard Mosley a déterminé qu’effectivement des appels frauduleux avaient bel et bien eu lieu et que les banques de données du Parti conservateur étaient la source probable des listes de numéros de téléphone. De plus, le juge a accusé les Conservateurs de s’être livrés à une guerre de tranchées pour empêcher que l’affaire soit entendue sur le fond devant lui.

Il a refusé toutefois d’invalider les élections parce que rien ne prouve que l’ampleur du phénomène était telle qu’autrement les résultats auraient été différents.

À mon avis, il s’agit d’un très mauvais jugement. Les tribunaux ne refusent pas de condamner celui qui vole un pain à l’épicerie sous le prétexte que son délit n’a pas été suffisant pour acculer le commerce à la faillite. Donc, quand des députés sont élus à la suite de fraudes électorales graves qu’ils ont commises, les tribunaux ont le devoir d’être impitoyables. Sinon ils légalisent le droit à la fraude tant et aussi longtemps qu’on ne peut pas prouver qu’elle ait joué un rôle déterminant.

Cette fraude s’inscrit parfaitement dans la culture conservatrice qui veut que tous les moyens soient bons — :y compris les plus bas et les plus vils — pour s’emparer ou pour conserver le pouvoir, ce qui comprend le mensonge, la calomnie, la diffamation et, dans ce cas-ci, la fraude électorale.

À la suite de ce jugement, non seulement le gouvernement a prétendu faussement que ce jugement lui donnait raison, mais on apprend aujourd’hui que sept députés conservateurs ont l’audace de réclamer 355 000$ à ceux qui ont eu le courage de défendre la Démocratie canadienne en portant l’affaire devant les tribunaux mais qui, techniquement, ont échoué à invalider les résultats frauduleux.

Cette poursuite-bâillon s’apparente aux moyens juridiques qui ont permis au gangstérisme de régner sur l’hôtel de ville de Laval pendant des années.

Je m’attends donc à ce que le Premier ministre prenne les mesures qui s’imposent
 • pour mette fin à ces poursuites dans les plus brefs délais,
 • pour obliger les députés-fraudeurs à s’excuser publiquement sous menace d’expulsion du caucus conservateur,
 • pour purger sa garde rapprochée des voyous et des individus sans scrupule qui le conseillent et
 • pour contrer la tendance au despotisme qui caractérise de plus en plus son exercice du pouvoir.

Références :
Appels frauduleux – Les conservateurs balaient les critiques du jugement
Appels automatisés – Des conservateurs réclament 355 000 $
Arrestation de Saulie Zajdel: surprise au Parti conservateur
Conservateurs en mission
Corruption : la faille « Vaillancourt » doit être colmatée
Feds eyeing online forums to correct ‘misinformation’
Harper government monitoring online chats about politics
Le gouvernement Harper renversé par l’opposition
Les miettes dorées du F-35
M. Harper défend mollement la Démocratie canadienne
Pourquoi acheter des chasseurs F-35 ?
Se cacher derrière ses députés
Saulie Zajdel, fonctionnaire fantôme

Parus depuis :
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Écrit par Jean-Pierre Martel