Introduction
Au cours de la dernière campagne électorale québécoise, la Coalition avenir Québec (CAQ) a ravivé cette tradition déjà ancienne de promettre la création d’un troisième lien entre la ville de Québec et la rive sud du Saint-Laurent.
Actuellement, côte à côte, le pont Pierre-Laporte (le numéro 1 sur la carte ci-dessus) et le pont de Québec (le numéro 2) sont les deux seuls qui relient la vieille capitale à Lévis, la ville jumelle qui lui fait face, à un kilomètre de l’autre côté du fleuve.
Et puisque les deux ponts actuels sont très décentrés vers l’ouest, les citoyens qui veulent se rendre d’un centre-ville à l’autre doivent effectuer un détour d’environ dix-neuf kilomètres.
À sa face même, il est évident qu’un pont reliant directement les deux centres-ville serait très utile.
Mais…
Le problème est que cela couterait dix-milliards de dollars… et plus, évidemment, s’il a des dépassements de cout. Ce qui est probable.
Une nouvelle merveille
Le 7 novembre 2018, face aux divers tracés proposés, le ministre Bonnardel a tranché; on réalisera le projet de lien le plus long, celui qui passe à l’est par l’ile d’Orléans.
Au lieu d’un détour vers l’ouest, la grande majorité des automobilistes auraient fait un détour vers l’est. On se demande qu’est-ce que ça change…
Mais le 29 janvier 2020, le ministère des Transports se ressaisit et dévoile finalement un nouveau tracé plus direct entre les deux centres-ville. Il s’agira d’un tunnel sous-fluvial qui s’étendra sur 8,3 km.
C’est 36 fois la largeur de la pyramide de Khéops, et 69 fois la longueur des jardins suspendus de Babylone, respectivement première et deuxième merveilles du monde.
Le tunnel aura six voies sur deux étages. Son diamètre intérieur sera de 19,4 m, soit à peu près la hauteur de la statue d’Artémis à Éphèse, quatrième merveille du monde.
Sa construction nécessitera la création du plus grand tunnelier jamais construit et le recours aux plus récentes technologies. Ce qui n’était pas le cas du colosse de Rhodes, sixième merveille du monde, qui s’est effondré au premier tremblement de terre venu.
La quantité de béton nécessaire à ce projet sera supérieure à la quantité de pierres qui ont servi à l’érection du phare d’Alexandrie, septième des sept merveilles du monde.
On aura donc bien compris; n’importe quel Québécois aura toutes les raisons d’être très fier de ce tunnel. Comme le serait un assisté social qui s’est acheté un Picasso.
Un projet néfaste pour l’économie du Québec
• Favoriser le déficit commercial
À part la fabrication d’autobus scolaires, le Québec ne produit pas d’automobiles. De plus, ce n’est pas un producteur de pétrole.
Chaque fois qu’on achète une voiture ou qu’on fait le plein d’essence, c’est de l’argent qui sort de nos poches pour enrichir les régions du monde qui produisent des voitures, des pièces automobiles, des pneus, ou de l’essence.
En somme, favoriser l’achat ou l’utilisation des automobiles, c’est saigner l’économie du Québec.
• Favoriser l’étalement urbain et le dézonage agricole
Plus on rapproche la campagne des centres-ville, plus des familles choisiront de s’établir au loin, là où les terrains sont moins chers, où l’air est pur et où les enfants peuvent grandir dans un environnement sain.
Dans la vallée du Saint-Laurent, les agglomérations les plus rapprochées des grandes villes sont toujours en zone agricole. Plus précisément, ils sont souvent situés sur les sols les plus fertiles du Québec.
Quand ces petites villes ou des villages connaissent un boum démographique, la première idée de ses élus municipaux est de faire pression sur le gouvernement québécois pour qu’on dézone des terres agricoles afin d’augmenter les revenus fonciers de leur municipalité.
• Nuire au transport en commun
Plus on favorise l’étalement urbain, moins on rend rentable le transport en commun.
Partout sur terre, on ne trouve des métros que dans les métropoles densément peuplées. C’est ce qui explique qu’au Québec, c’est seulement à Montréal qu’on trouve un métro.
Au contraire, plus la densité de la population est faible dans une ville, plus il est couteux d’y maintenir un bon réseau de transport par autobus. Les autobus passent donc peu souvent et empruntent d’innombrables détours pour ramasser le plus de gens possible.
Dans le projet de tunnel de la CAQ, deux des six voies seront empruntées par des autobus. On ne sait pas très bien si ces voies leur seront exclusives.
Il n’en faut pas plus pour qu’à l’Assemblée nationale, le ministre Bonnardel, la vice-première ministre et son chef présentent le troisième lien comme un projet destiné à favoriser le transport en commun. Vraiment ?
Tous les autobus au monde roulent sur les rues. Il faut nous prendre pour des débiles profonds pour s’imaginer qu’on va croire que construire des routes, c’est favoriser le transport en commun.
En réalité, plus on construit des routes, plus on favorise l’achat de voitures. Et plus on en achète, plus on favorise la congestion routière. Et plus on favorise cela, plus les automobilistes réclament la construction de nouvelles routes. Et ainsi de suite.
C’est ce qu’on fait depuis des décennies. Et c’est assez. Développer le réseau routier, construire des ponts et des aéroports, c’est la stratégie industrielle du gouvernement Lesage, appropriée il y a 60 ans.
De nos jours, développer l’économie du Québec, c’est favoriser la production de biens et de services québécois — dont la production de matériel de transport en commun — et leur exportation à l’Étranger. C’est comme ça qu’on développe l’économie nationale.
L’exemple de la Finlande
Avec sa population de 5,4 millions d’habitants et un rude climat hivernal, la Finlande est un ‘petit’ pays qui a de nombreux points en commun avec le Québec.
Depuis des décennies, la Finlande a investi des sommes considérables afin de se doter d’un vaste réseau de transport en commun, fiable et efficace.
Pour desservir un territoire qui représente 22 % de la taille du Québec, le réseau finlandais comprend 5 865 km de voies ferrées, soit à peine moins qu’au Québec (6 678 km).
La création du métro d’Helsinki visait à enfouir sous terre l’augmentation prévue des déplacements de la circulation en surface dans la capitale finlandaise.
De la même manière, la création de son important réseau ferroviaire (à moitié électrique) visait à prévenir une augmentation de la circulation automobile qui aurait nécessité des investissements encore plus importants dans l’expansion du réseau routier.
Cette stratégie a fonctionné. Pour chaque tranche de mille citoyens, il y a 373 véhicules de moins sur les routes et autoroutes finlandaises en comparaison avec celles du Québec.
Malgré cela, pour ceux qui ont besoin d’utiliser une voiture, cela équivaut, par exemple, à faire disparaitre 694 000 véhicules qui encombrent les voies de circulation sur l’ile de Montréal.
Pour l’ensemble du Québec, c’est comme enlever 3,1 millions de véhicules de nos routes.
C’est non seulement moins d’encombrements sur les routes; c’est aussi plus de places disponibles pour le stationnement en ville.
Bref, le transport en commun, c’est bon pour tout le monde. Même pour les automobilistes.
Conclusion
Le projet d’un troisième lien pour la ville de Québec est le deuxième dossier important confié au ministre des Transports, M. François Bonnardel.
Le premier était le dossier de l’ubérisation du taxi québécois.
Ce rachat massif des permis de taxis déjà accordés afin de permettre à Uber de brasser des affaires au Québec a couté trois quarts de milliard de dollars. Vous avez bien lu; milliard et non million.
Et qu’est-ce que cela a changé dans nos vies ? Pour 99,9 % des gens, rien. Du pur gaspillage des fonds publics pour plaire à une multinationale déjà milliardaire.
Infatigable dépensier, voilà ce bon ministre Bonnardel piloter aujourd’hui le projet pharaonique du troisième lien de Québec.
La CAQ vit dans le passé. Le temps des grands projets routiers est révolu. Peu importe les avantages indéniables de ce projet pour les automobilistes de ces deux villes, c’est trop tard.
À l’heure actuelle, le Québec possède déjà le réseau qui lui est nécessaire pour approvisionner facilement plus de 90 % de sa population par voie terrestre. On peut réparer nos routes. Pas en construire de nouvelles, sauf pour compléter le réseau vers des villes éloignées et pour favoriser ainsi l’occupation du territoire.
De nos jours, ce qu’il faut privilégier, c’est le transport en commun.
À l’heure des changements climatiques, nous avons le devoir de nous opposer à cet autre gaspillage des fonds publics du ministre, un gaspillage dont l’effet permanent sera de polluer encore un peu plus la planète.
À un an des élections, les stratèges de la CAQ scrutent les astres. Permettez-moi de terminer ce texte en leur adressant le message suivant.
Est-ce que la CAQ tient absolument à nous obliger de voter libéral pour économiser dix-milliards de dollars ? N’est-ce pas un cadeau de plus de mille dollars dans les poches de chaque femme, homme et enfant du Québec ? En d’autres mots, une économie familiale de plus de quatre-mille dollars. Je connais beaucoup de Québécois qui se boucheraient le nez et qui voteraient libéral pour moins…
À bon entendeur, salut…
Références :
Creuser le tombeau de la CAQ
Le transport en commun finlandais : le matériel roulant
L’ubérisation du taxi québécois
7 G$ pour un tunnel de 8,3 km sur deux étages entre Québec et Lévis
Troisième lien entre Québec et Lévis
Un troisième lien aérien
Paru depuis :
Labeaume déconstruit le projet de 3e lien dans une lettre à Legault (2021-11-12)
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