L’origine du sida

11 avril 2012

Le Dr Jacques Pépin est un infectiologue à l’emploi du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke. Il y a deux semaines, soit le 29 mars dernier, il a reçu le Prix de la personnalité internationale de l’année. Ce prix lui a été décerné par le Centre d’études et de recherche internationales de l’université de Montréal pour son enquête minutieuse sur l’origine du sida.

Poursuivie pendant plusieurs années, cette recherche a fait l’objet d’un livre — « The Origin of AIDS » — publié l’automne dernier aux Presses de l’université Cambridge.

De tous les singes, le chimpanzé commun est le plus proche des êtres humains, tant physiquement que génétiquement. Près de 99% de notre ADN est identique à celui de ce singe.

Depuis des milliers d’années, un virus semblable à celui du sida infecte cet animal. Ce virus — appelé virus de l’immunodéficience simienne — se transmet de la même manière que le sida, c’est-à-dire par les relations sexuelles, la grossesse et, ce qui est rare chez les singes, l’échange de sang.

De nos jours, si la population du chimpanzé compte moins de 150 000 individus, principalement en Afrique centrale, elle comptait autrefois des millions de sujets.

Ceux-ci étaient capturés, chassés pour différentes raisons et même consommés. Il suffisait donc qu’un chasseur se blesse en dépeçant un chimpanzé atteint du virus, que le sang de ce dernier entre en contact avec celui du chasseur pour que le virus se propage à l’humain.

Cela est survenu probablement à de nombreuses occasions sans entrainer d’épidémie mondiale; le chasseur et son épouse décédaient, peut-être même tout leur village, et les choses en restaient là. Mais à force de tenter le diable…

La personne à l’origine de l’épidémie actuelle a vécu au cours des trois premières années du XXe siècle. La date la plus probable à partir de laquelle le premier être humain a transmis le virus de façon efficace est 1921.

De 1921 au début des années 1950, le virus se propage lentement à la faveur de l’urbanisation (propice au développement de la prostitution) et des programmes de lutte contre des maladies tropicales dont les traitements étaient administrés par voie intraveineuse à l’aide de seringues qui étaient réutilisées pour des raisons d’économie.

Contrairement à la multiplication cellulaire des animaux, il n’existe pas de mécanisme de contrôle de la qualité chez les virus. Les mutations génétiques sont fréquentes, ce qui contribue, par tâtonnements, à l’adaptation du virus aux différents milieux qu’il rencontre.

Au cours des années, par mutation, le virus du chimpanzé est devenu celui du sida humain.

Dans les années 1950, un programme de lutte intensive contre les maladies transmises sexuellement a été mis sur pied au Congo belge (devenu République démocratique du Congo). Des milliers de personnes y ont participé. Là encore, des seringues et des aiguilles souillées étaient réutilisées d’une personne à l’autre.

Après l’indépendance du Congo (en 1960), ce pays connait différents conflits armés qui feront 3,8 millions de morts et qui mineront l’économie du pays. La prostitution devient alors le premier vecteur de l’infection.

Les déplacements de population dus aux conflits propageront l’épidémie aux pays voisins, puis à tout le centre de l’Afrique et finalement à l’Afrique du Sud. Puisque ce dernier pays possède une importante communauté indoue, l’épidémie gagne l’Inde et se répand en Asie.

Parallèlement à cette diffusion, la guerre civile congolaise provoque l’exode des fonctionnaires et des élites du pays. Afin de combler les postes vacants, les Nations Unies et le gouvernement congolais font appel à des coopérants étrangers, principalement haïtiens. Près de 4 500 Haïtiens iront donc travailler au Congo.

Le VIH est introduit en Haïti vers 1967. Le virus s’y dissémine à la faveur d’une compagnie privée impliquée dans le commerce du sang.

D’Haïti, l’épidémie gagne les États-Unis par le biais du tourisme sexuel gai. Et comme la période d’incubation est d’environ dix ans, le virus se propage sournoisement en Occident avant que le sida ne fasse son apparition en Californie en 1981 où il est alors reconnu comme une nouvelle infection humaine.

À ce jour, 67 millions de personnes ont été infectées par le VIH, dont la moitié en sont mortes.

Références :
Chimpanzé
Il était une fois le sida

Paru depuis : Le sida, de Kinshasa au reste du monde (2014-10-02)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’heure d’été

10 mars 2012

Depuis 2007, la norme nord-américaine pour l’heure avancée est du deuxième dimanche de mars au premier dimanche de novembre. En somme, la nuit prochaine, à 2h du matin, il sera soudainement 3h.

En Europe, le passage à l’heure d’été se fera le dimanche 25 mars prochain. Au total, plus de 1,5 milliard de personnes modifieront légèrement leur cycle veille-sommeil ce mois-ci.

L’heure d’été est une idée de l’inventeur et homme politique américain Benjamin Franklin — publiée dans Le Journal de Paris en 1784 — alors qu’il séjournait dans la capitale française. Cette idée avait pour but de bénéficier d’un meilleur ensoleillement et de réduire la consommation d’énergie.

De nos jours, les économies réalisées pendant ces huit mois, pour la France seulement, seraient de l’ordre de 250 000 tonnes d’équivalent pétrole.

Toutefois, une étude canadienne, publiée en 1996 dans The New England Journal of Medicine, révélait que le risque d’accident automobile augmentait de 0,7% le lundi qui suit l’adoption de l’heure d’été.

D’autres chercheurs ont analysé les données du Registre suédois des infarctus du myocarde pour la période de 1987 à 2006, afin de savoir si le changement d’heure avait une incidence sur les crises cardiaques. Leurs résultats, publiés en 2008 dans cette même revue médicale, révélaient que les infarctus augmentaient de 5 % durant les trois jours qui suivent l’adoption de l’heure d’été et diminuaient de 1,5 % dans les jours qui suivaient l’adoption de l’heure normale, à l’automne.

La même année, une étude australienne révélait, dans la revue Sleep and Biological Rhythms, que la fréquence des suicides chez les hommes augmentait au cours des semaines qui suivent l’instauration de l’heure d’été.

On peut donc se demander ce qui nous empêche de profiter de cette économie à l’année longue et conséquemment, d’éviter les inconvénients associés à ce rituel qui se répète de manière opposée deux fois l’an.

Références :
Changement d’heure 2012, 2013, 2014…
Daylight Savings Time and Traffic Accidents
Heure d’été
Is Daylight Saving Time Bad for Your Health?
Shifts to and from Daylight Saving Time and Incidence of Myocardial Infarction

Parus depuis :
Le Parlement européen s’interroge sur l’utilité du changement d’heure (2018-02-08)
Le Québec pourrait-il à son tour adopter la fin du changement d’heure? (2019-03-09)
La Colombie-Britannique ne veut plus changer l’heure (2019-10-30)
Le Sénat américain vote contre le changement d’heure (2022-03-17)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le danger du lait cru

22 février 2012

Aux États-Unis, trente États permettent la vente de lait cru sur leur territoire : la loi fédérale américaine en interdit toutefois le transport entre les états et la vente d’un état à l’autre.

Selon une étude du Centers for Disease Control and Prevention (CDCP), l’incidence d’intoxications alimentaires causées par le lait cru est 150 fois plus élevée que celles causées par le lait pasteurisé. De même, l’incidence d’hospitalisation est treize fois plus élevée.

Entre 1993 et 2006, le CDCP a dénombré 121 épisodes d’intoxication alimentaire dans lesquels des produits laitiers — pasteurisés ou non — étaient impliqués aux États-Unis, affectant 4 400 personnes et provoquant 240 hospitalisations (dont trois morts) : 35,7% des personnes atteintes, 84% des hospitalisations et deux des trois morts, l’ont été par du lait non-pasteurisé ou des fromages au lait cru.

Des fromages ont été impliqués dans 54% des épisodes : la lait dans le reste. Des 65 épisodes reliés à la consommation de fromages, 41,5% ont été causés par des fromages au lait cru alors que 82% des 56 épisodes reliés au lait, l’ont été par du lait cru.

Or probablement moins de 1% des produits laitiers consommés aux États-Unis ne sont pas pasteurisés.

Rappelons que la pasteurisation consiste à chauffer le lait à 72 degrés Celsius pendant 15 secondes. Cela détruit les bactéries pathogènes en affectant minimalement la qualité nutritive du lait.

Alors comment se fait-il que le lait pasteurisé ait quand même causé une partie appréciable des cas observés ? C’est que dans cette étude, lorsque le lait destiné à être pasteurisé ne l’a pas été conformément aux normes, les conséquences ont quand même été imputées à du lait pasteurisé. Dans tous les cas où la pasteurisation s’est faite correctement, les causes sont la contamination après la pasteurisation, de même que le non respect des chaines de froid.

Références :
Majority of dairy-related disease outbreaks linked to raw milk
Nonpasteurized Dairy Products, Disease Outbreaks, and State Laws—United States, 1993–2006 (PDF)
Ontario court rules against raw milk farmer
Raw milk more likely to cause illness: study
35 cases of illness tied to Pa. farm’s raw milk

Parus depuis :
Fromage contaminé à l’E. coli : 7 nouveaux cas d’infection (2013-09-24)
Bactérie « E. Coli » : le ministère recommande de ne pas donner de lait cru aux enfants de moins de cinq ans (2019-04-30)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Visiter une personne hospitalisée sans attraper de diarrhée à Clostridium difficile

31 janvier 2012
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Introduction

Le texte « C. difficile et les égalisateurs de crasse » a été publié il y a cinq ans.

Ce document avait pour but de faire prendre conscience que les gels alcoolisés sont totalement inefficaces contre cette bactérie et que se badigeonner les mains avec ces « égalisateurs de crasse » n’était pas synonyme de se laver les mains, contrairement à ce que l’affiche ci-dessus (payée par l’industrie) suggère.

Or depuis ce temps, je n’ai jamais trouvé le temps de répondre à une question très simple : Quelles sont les mesures préventives qui permettent aux visiteurs d’éviter d’attraper une diarrhée à C. difficile ?

Comprendre comment prévenir

La diarrhée à C. difficile survient toujours après qu’on ait donné un antibiotique à un porteur asymptomatique, c’est-à-dire à une personne sans symptôme dont l’intestin contenait déjà cette bactérie. En d’autres mots, il est impossible de développer une diarrhée à C. difficile si l’intestin n’héberge pas cette bactérie au préalable.

Les antibiotiques ne créent pas l’apparition miraculeuse de C. difficile dans l’intestin des patients sous antibiothérapie : c’est le manque d’hygiène qui fait que bactéries de C. difficile se retrouvent dans l’intestin des patients après avoir été ingurgitées. Parce que la transmission se fait toujours de manière oro-fécale.

Environ 4% de la population humaine porte le C. difficile parmi sa flore intestinale. Cette proportion est multipliée par cinq après une hospitalisation.

De plus, c’est seulement lorsque des antibiotiques tuent ses ennemis naturels que le C. difficile peut prendre le contrôle de l’intestin et provoquer une diarrhée potentiellement mortelle. Par lui-même, il ne peut rien faire. En fait, il est tellement mal adapté à se développer par ses propres moyens dans l’intestin qu’environ la moitié des porteurs asymptomatiques deviendront libres de cette bactérie six mois plus tard (s’ils ne prennent aucun antibiotique entretemps et s’ils ne sont pas en contact avec des sources extérieures de cette bactérie).

Alors que faire afin d’éviter de devenir porteur asymptomatique ?

Les six mesures

Puisqu’il s’agit ici de la prévention avant de visiter une personne hospitalisée, les mesures débutent avant même votre départ pour l’établissement.

En premier lieu, portez des vêtements que vous pourrez laver dès votre retour.

Deuxièmement, prenez pour acquis que toutes les surfaces que vous pourriez toucher dans l’hôpital (poignées de porte, bouton d’ascenseur, table de chevet, etc.) sont contaminées par cette bactérie et conséquemment, que la contamination est impossible à éviter.

Troisièmement, évitez de consommer un aliment durant votre séjour à l’hôpital. Si cela est impossible, ne mangez que des aliments que vous ne toucherez pas directement avec vos mains après avoir pénétré dans l’établissement. Par exemple, vous pouvez manger un fruit qu’on peut peler facilement (ex.: une banane) mais jamais une pomme. Les sandwichs devront être mangés après les avoir été sortis d’un emballage sans avoir été au contact avec les mains : par exemple en les sortant d’un sac Ziplock en tâtant le bas du sandwich pour l’extraire par le haut.

Quatrièmement, à votre retour, déshabillez-vous complètement en mettant les pieds dans votre demeure. Débutez immédiatement la lessive de tous les vêtements que vous avez portés à l’hôpital et prenez votre douche.

Cinquièmement, si vous vous êtes rendu à l’hôpital en voiture, mettez des gants de plastique et, à l’aide d’une éponge imbibée d’eau de Javel diluée, lavez tout ce que vous avez touché dans votre voiture en revenant de l’hôpital (poignées de porte, volant, etc.).

La sixième mesure est facultative. Si vous ne souffrez pas d’intolérance au lactose, consommez quotidiennement un pot de 625g de yogourt sans saveur pendant cinq jours d’affilée. Je ne recommande pas les marques de yogourt dont les bactéries sont brevetées (sauf Bio-K). Si vous êtes intolérant au lactose, achetez les pots de soya fermenté de marque Bio-K. Sachez que les capsules de lactobacilles entreposées à la température de la pièce (ex.: Probaclac) ne valent probablement rien.

Rappelez-vous que même si vous ne prenez aucune mesure particulière, il y a seulement une chance sur cinq que l’hôpital vous aie contaminé (surtout si vous n’y mangez pas) et même si vous êtes devenu porteur asymptomatique, vous avez une chance sur deux d’être complètement libre de C. difficile six mois après votre visite.

Références :
C. difficile et les égalisateurs de crasse
Le déclin de l’hygiène corporelle
Moins d’antibiotiques ou plus d’hygiène contre C. difficile ?

Sur le même sujet : La transplantation de flore intestinale contre l’infection grave à C. difficile

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le reflux gastro-œsophagien

2 janvier 2012

Introduction

Le reflux gastro-œsophagien survient lorsque du contenu de l’estomac reflue vers l’oesophage, c’est-à-dire vers ce tube qui relie grosso-modo la bouche à l’estomac.

Un cas extrême de reflux est connu de tous ; c’est cette régurgitation qu’éprouvent tous les bébés gavés de lait.

Il serait facile de croire que si la nourriture qu’on avale descend, c’est parce qu’elle est attirée par la gravité. Cela est faux. Un fakir se tenant sur la tête pourrait boire un liquide sans problème : or dans ce cas, le liquide monte de la bouche vers l’estomac en dépit de la gravité.

En réalité, si la nourriture se rend à l’estomac, c’est qu’elle cède à une différence de pression ; elle se rend là où la pression est moindre.

L’œsophage est constitué d’une série de muscles lisses circulaires. Pour faire descendre une bouchée, l’œsophage contracte des anneaux musculaires au-dessus de la bouché, l’obligeant à se déplacer vers l’estomac.

Si bien que la pression au bas de l’œsophage est normalement plus élevée que la pression dans le haut de l’estomac. C’est ce qui explique que la nourriture passe de l’un à l’autre.

Inversion du gradient de pression

Mais si on augmente la pression dans l’estomac au point où elle devient plus élevée que dans l’œsophage, ne risque-t-on pas de provoquer du reflux ? Oui, assurément. Mais comment peut-on en arriver là ?

En prenant un repas très copieux, on augmente la pression dans l’estomac (comme dans un ballon qu’on gonfle). Il est donc préférable de prendre plusieurs petits repas plutôt qu’un seul gros repas.

Par ailleurs, lors d’une grossesse, l’augmentation spectaculaire de la taille de l’utérus fait pression sur l’intestin, ce qui se répercute sur l’estomac et favorise ainsi le reflux (ce que connaissent la grande majorité des femmes enceintes).

Une comédienne qui portera un corset à la journée longue afin de s’habituer au costume d’époque qu’elle doit porter en soirée, pourrait très bien éprouver du reflux, selon le même mécanisme que chez la femme enceinte.

L’athlète qui développe ses abdominaux afin d’améliorer sa silhouette donne naissance à une gaine naturelle qu’il porte lui aussi à la journée longue avec, comme conséquence, un risque de reflux.

L’affaiblissement du cardia

À la jonction de l’œsophage et de l’estomac, se trouve un sphincter qu’on appelle cardia à cause de sa proximité avec le cœur. Ce n’est pas une valve mais il agit comme si son rôle était de prévenir le retour de la nourriture vers l’œsophage.

Or cela est important puisque l’estomac secrète de l’acide chlorhydrique. Cet acide est assez puissant pour dissoudre le métal.

Alors comment se fait-il que l’estomac n’est pas attaqué par l’acide qu’il secrète ? Il s’en protège en sécrétant aussi une couche de mucus qui lui sert de barrière de protection.

Malheureusement, l’œsophage n’a pas cette barrière. Il n’en n’a pas parce qu’en temps normal, il n’en n’a pas besoin. Mais en cas de reflux, l’œsophage est complètement vulnérable à l’acidité gastrique.

Tout ce qui affaiblit le cardia favorise le reflux gastro-œsophagien. Une telle faiblesse peut être congénitale ou anatomique (ex.: une hernie).

Mais certains aliments et certains substances médicinales peuvent affaiblir le cardia : les aliments gras, les hormones progestatives et les substances qu’on qualifie d’anticholinergiques. On peut distinguer ces dernières par un effet secondaire qu’elles ont en commun : la sécheresse de la bouche.

Fumer un joint vous donne la bouche sèche ? C’est que la marijuana est un anticholinergique. Le Benadryl ou le Gravol vous donne la bouche sèche : ce sont d’autres anticholinergiques.

Conclusion

Parmi les facteurs qui favorisent le reflux gastro-œsophagien, il y a :
• les repas copieux
• la grossesse, les corsets, les gaines, la musculation abdominale
• les aliments gras (fromages, fritures, poutine, croustilles, chocolat, beurre d’arachide, etc.)
• les hormones progestatives (Provera, Prométrium, pilule contraceptive)
• les substances anticholinergiques (marijuana, Bentylol, certains médicaments contre l’allergie, etc.)

Évidemment, il faut éviter les aliments qui favorisent l’hyperacidité de l’estomac puisqu’ils augmentent le pouvoir corrosif de ce qui est refoulé vers l’œsophage (voir mon billet à ce sujet).

Pour terminer, le meilleur conseil à donner aux personnes sujettes au reflux gastro-œsophagien, c’est de hausser leur tête de lit d’environ dix centimètres, c’est-à-dire de faire en sorte que le lit soit en pente. Non pas d’ajouter des taies d’oreiller, ce qui est beaucoup plus simple mais qui donne des effets opposés puisque le corps est alors en « V » : les intestins poussent l’estomac, ce qui favorise le reflux. Au contraire, il faut que le lit soit en pente.

Au début, cela est un peu inconfortable puisqu’on a l’impression qu’on va se retrouver le lendemain matin au pied du lit, ce qui n’arrive jamais.

Si on analyse ce qui se produit lorsqu’on se couche dans un lit en pente, c’est que les viscères glissent vers le bassin, ce qui crée une succion négative sur l’estomac et conséquemment, une absence totale de reflux durant toute la nuit. Ce conseil est le plus efficace parmi tous ceux qu’on peut donner aux personnes sujettes au reflux.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le déclin de l’hygiène corporelle

14 octobre 2011
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Le quotidien The Guardian révélait hier qu’en Grande Bretagne, la surface d’un téléphone portable sur six était contaminée par E.Coli, une bactérie normalement trouvée dans les matières fécales des êtres humains.

Ce sont les résultats d’une étude effectuée dans douze villes britanniques auprès de 390 utilisateurs de téléphones portables.

Pourtant, les personnes interrogées déclarent se laver les mains régulièrement. Mentent-elles ?

L’immense majorité de la population croit que se badigeonner les mains avec des gels alcoolisés est une manière de se laver les mains. Or les gels alcoolisés sont essentiellement des « égalisateurs de crasse » dont la réputation antibactérienne est surfaite; ils sont totalement inefficaces — précisons : zéro pour cent d’efficacité — contre les bactéries sporulées (dont le C. difficile) et contre les virus sans paroi lipidique (dont le virus de la grippe). Toutefois, ils sont très efficaces contre les bactéries généralement inoffensives de la peau.

Mais pourquoi la population croit-elle que se badigeonner les mains avec des gels alcoolisés équivaut à se laver les mains avec de l’eau et du savon (pardonnez le pléonasme) ? Elle le croit parce que c’est le message que lui répètent ad nauseam les fabricants de gel alcoolisés, et que ce message est relayé par les cliniques médicales, les pharmacies, les bureaux de dentistes, et même les hôpitaux (voir la photo ci-dessus, prise à l’Hôtel-Dieu de Montréal il y a deux jours).

Mais E. coli n’est pas une bactérie sporulée. Cette bactérie devrait être tuée par des gels alcoolisés. Pourquoi ne l’est-elle pas ?

En fait, elle l’est. Toutefois lorsqu’une personne saisit sa bouteille de gel, elle en contamine la surface. Elle se désinfecte les mains puis se les contamine de nouveau en refermant sa bouteille. Ce qui fait qu’entre l’efficacité théorique (déjà pas fameuse) des gels alcoolisés et leur efficacité réelle, il y a un gouffre.

En somme, on ne pourra jamais faire réaliser à la population l’importance de l’hygiène corporelle et notamment de la propreté des mains, tant et aussi longtemps que les professionnels de la santé eux-mêmes véhiculent le préjugé à l’effet que cela n’est pas vraiment nécessaire et qu’on peut obtenir le même résultat, de manière beaucoup plus commode, en se badigeonnant les mains avec des égalisateurs de crasse.

On peut donc s’attendre de retrouver des E. coli encore longtemps sur les téléphones portables de Grande Bretagne et d’ici.

Références :
C. difficile et les égalisateurs de crasse
Moins d’antibiotiques ou plus d’hygiène contre C. difficile ?
One in six mobile phones contain E coli

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’Inde poursuit Monsanto pour biopiraterie

17 août 2011

En décembre 2002, l’Inde s’est doté d’une législation destinée à protéger la biodiversité du pays. Il y est interdit de breveter une espèce végétale rare ou menacée d’extinction ou lorsque ce brevet est préjudiciable au mode de vie traditionnelle de sa population ou lorsqu’il risque de créer des impacts environnementaux incontrôlables ou de porter atteinte à la diversité biologique du pays.

À cette fin, la loi indienne prévoit qu’on ne peut mettre au point une plante brevetée sans en avoir obtenu l’autorisation au préalable. De plus, les agriculteurs doivent notamment être consultés afin de négocier une éventuelle participation aux bénéfices tirés de l’exploitation commerciale d’une plante brevetée.

L’adoption de cette loi faisait suite aux violentes émeutes des paysans du nord du pays qui protestaient en 1997 contre le brevetage, par le semencier américain RiceTec, d’une variété de riz basmati appelée ‘kasmati’.

L’Inde — qui abrite 7,8% des espèces animales et végétales de la planète — compte 2 500 variétés d’aubergines. Une dizaine de ces variétés ont servi à créer une première aubergine génétiquement modifiée. Avec l’appui d’USAID (l’agence américaine de développement), Monsanto, Mahyco (une compagnie indienne dont Monsanto possède 26% des actions) et plusieurs universités indiennes s’étaient associées pour « découvrir » cette nouvelle aubergine.

Toutefois, parce que ces promoteurs n’ont pas respecté les exigences de la loi, l’Autorité indienne de la biodiversité a annoncé le 11 août son intention de poursuivre Monsanto pour biopiraterie, une infraction passible de trois années d’emprisonnement.

Références :
Biological Diversity Rules, 2004
Monsanto poursuivi pour “biopiraterie” par l’Inde

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Moins d’antibiotiques ou plus d’hygiène contre C. difficile ?

27 juillet 2011

Radio-Canada et Le Devoir publient aujourd’hui une nouvelle en provenance de la Presse canadienne qui se réjouit de la réduction de l’utilisation des antibiotiques au Québec, comparativement à une croissance de cette utilisation dans les autres provinces canadienne.

On en impute la cause à la publication de lignes directrices qui auraient favorisé la prescription plus judicieuse des antibiotiques au Québec. Ces directives avaient été distribuées aux médecins et pharmaciens québécois en janvier 2005 à cause de craintes concernant la surconsommation des antibiotiques et à la suite d’une éclosion d’infections à la bactérie C. difficile.

Tout le monde est d’accord avec l’utilisation judicieuse des médicaments. Toutefois une telle nouvelle ne prouve pas l’atteinte des objectifs visés (qui n’étaient pas d’ordre économique) puisqu’on ne fait pas de distinction ici entre la surconsommation et la consommation justifiée d’antibiotiques.

Voilà donc du mauvais journalisme. Non seulement n’a-t-on pas fait la preuve que ces lignes directrices aient entrainé une réduction de la consommation inappropriée d’antibiotiques mais on apporte aucune donnée prouvant une réduction des taux d’infection de C. difficile au Québec grâce à ces lignes directrices.

Contrairement à ce que beaucoup de personnes croient, les antibiotiques ne rendent pas les gens vulnérables à C. difficile ; en effet, il est impossible de développer une diarrhée à C. difficile si on n’est pas déjà porteur asymptomatique de cette bactérie. Or les gens ne deviennent pas porteurs asymptomatiques à cause des antibiotiques (utilisés rationnellement ou non), c’est le manque d’hygiène, principalement dans nos hôpitaux, qui augmente le nombre de ces porteurs asymptomatiques parmi la population.

Ceux-ci développeront une diarrhée à C. difficile lors de la prescription (justifiée ou non) d’antibiotiques. Les antibiotiques provoquent ces diarrhées mais n’en sont donc pas la cause. La cause, à laquelle il faut s’attaquer, c’est le manque d’hygiène.

Il est donc illusoire de vouloir combattre l’épidémie de C. difficile au Québec par une réduction globale de la consommation d’antibiotiques par la population. En effet, si on réduit de 10% l’utilisation des antibiotiques, on réduit de 10% les cas de diarrhée à C. difficile. Pas plus. Si on réduit leur utilisation de 20%, on réduit les cas de 20%, etc. Donc la seule façon de mettre fin l’épidémie de diarrhée à C. difficile par le moyen du contrôle de l’utilisation des antibiotiques, c’est en cessant totalement de les utiliser, ce qui n’arrivera jamais.

C’est parce que la stratégie de lutte contre le C. difficile au Québec est centrée sur la réduction de l’utilisation des antibiotiques que cette stratégie a échoué lamentablement jusqu’ici.

Il y a toujours eu des cas d’infection à C. difficile au Québec mais ces cas sont se sont multipliés au point de devenir une épidémie (avec, cumulativement, des centaines de morts) — non pas depuis la commercialisation des antibiotiques — mais depuis la popularité des gels alcoolisés.

Ceux-ci se sont généralisés dans la première moitié des années 2000. En 2002, il y avait 60 décès par année au Québec causés par le C. difficile : de nos jours, il y en a 500.

Or ceux-ci sont totalement inefficaces contre le C. difficile. Zéro pour cent d’efficacité. Les spores de bactéries, dont celles de C. difficile, peuvent vivre des années dans l’alcool.

Tant que le public croira que se badigeonner les mains avec un gel alcoolisé est aussi efficace que le lavage des mains (précisons : avec de l’eau et du savon), les gestionnaires publics partageront ce préjugé populaire : ces derniers continueront d’utiliser des moyens inefficaces (la réduction de la prescription d’antibiotiques) alors que le problème est ailleurs.

Références :
Baisse des prescriptions d’antibiotiques par les médecins du Québec
C. difficile et les égalisateurs de crasse
Des directives sur l’utilisation des antibiotiques s’avèrent efficaces au Québec
Grippe A : le marché des produits hydro-alcooliques est devenu fou

Sur le même sujet : La transplantation de flore intestinale contre l’infection grave à C. difficile

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’ABC des bactéries d’origine intestinale retrouvées dans nos fruits et légumes

9 avril 2011

Le 30 mars dernier, le réseau anglais de Radio-Canada révélait la présence de bactéries intestinales non-pathogènes dans des pousses de luzerne et d’autres légumes crus. Le journaliste de la CBC s’en étonnait.

Il faut savoir ce qu’on veut. Veut-on que les agriculteurs utilisent des engrais chimiques ou des engrais naturels ? Parce que s’ils utilisent des engrais naturels, cela s’appelle du fumier. Et du fumier, ce sont des matières fécales d’animaux. Il est donc normal qu’un légume qui pousse en terre puisse avoir à sa surface des bactéries non-pathogènes d’origine intestinale. Ce qui est moins normal, c’est de trouver de telles bactéries dans des légumes cultivés par hydroponie, comme c’est le cas des pousses de luzerne.

Ce qui n’est pas normal non plus, ce sont les bactéries pathogènes d’origine humaine, comme c’est le cas de ces souches d’Escherichia coli, retrouvées dans des noix écaillées en provenance des Etats-Unis. Comment peut-on expliquer une telle contamination ?

Il est fréquent aux États-Unis d’engager des travailleurs saisonniers étrangers, parfois entrés illégalement dans ce pays. Ceux-ci reçoivent des salaires de famine. On les entasse dans des baraques qui sont les seuls endroits sur la plantation dotés de toilettes.

Quand le travailleur doit déféquer, il le fait sur place dans le champ — les toilettes étant trop éloignées — et il s’essuie avec ce qu’il peut.

Dans des cas exceptionnels, il aura droit à des gels alcoolisés. Ceux-ci sont essentiellement des égalisateurs de crasse dont la réputation antibactérienne est très, très, très surfaite.

Dans le cas des noix écaillées, je serais très surpris qu’on les écaille à la main. Ce sont probablement des machines qui font ce travail. Toutefois, lorsque les noix entières sont contaminées, elles contaminent les machines écailleuses qui contaminent à leur tour les noix.

Il faut savoir également que dans certains pays en voie de développement, des matières fécales humaines sont utilisées comme engrais. Il n’est donc pas étonnant que des bactéries pathogènes se retrouvent dans certains fruits et légumes importés.

Alors que faire ? Lorsque des aliments sont cuits, la cuisson tue ces microbes. Autrement, on peut éplucher ou laver les légumes. Sinon…

Références :
C. difficile et les égalisateurs de crasse
High bacteria levels in bean sprouts: CBC probe
Noix de Grenoble contaminées à l’E. coli : un mort

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Évolution de l’espérance de vie depuis 1810

1 janvier 2011

 

 
Hier soir, un de mes amis m’a fait parvenir l’hyperlien de cette vidéo de la BBC. Ce qui m’a frappé, c’est le gouffre entre l’excellence du graphisme et la superficialité du commentaire. Habituellement, Hans Rosling est un très bon conférencier : dans ce cas-ci, son propos ne rend pas justice à la qualité habituelle de ce qu’il fait.

Il s’agit ici d’une perspective purement économique ; en effet, on suggère une relation directe entre la richesse des peuples et leur espérance de vie. Le graphique est conçu de manière à mettre en valeur une telle relation, avec le revenu en abscisse et l’espérance de vie en ordonnée. L’animation montre l’évolution à ce sujet depuis deux siècles.

On pourrait conclure que les gouvernements, au lieu de mettre sur pied de coûteux régimes d’assurance-maladie, devraient se limiter à l’amélioration de la croissance économique et à la redistribution de la richesse puisque leurs citoyens se porteront mieux du simple fait de l’amélioration de leur niveau de vie.

Il n’y a pas de doute que la richesse permet de lever les barrières économique à l’accessibilité aux soins de santé. Mais l’espérance de vie de l’Humanité est demeurée stable, autour de 35 ans, pendant des siècles et s’est accrue de manière spectaculaire depuis 150 ans principalement grâce à trois facteurs successifs : l’hygiène publique, la vaccination et enfin la découverte des antibiotiques et accessoirement des médicaments modernes.

En somme, contrairement à ce que suggère Hans Rosling, l’amélioration de l’espérance de vie s’est produite en dépit de l’industrialisation et non à cause d’elle. On aurait bien tort de croire que la suie qui a noirci les maisons et les poumons de Londres ou de Glasgow leur a été bénéfique. On vit donc plus longtemps grâce à la révolution scientifique des XIXe et XXe siècles plutôt que la révolution industrielle des XVIIIe et XIXe.

Voyez comment on insiste sur les « poor and sick » de 1948 comme la Chine, l’Inde, et le Pakistan alors qu’ils ont à peu près la même espérance de vie que l’Iran, dix fois plus riche qu’eux. Peut-on supposer que la redistribution de la richesse (probablement déficiente à l’époque en Iran) constitue un facteur important dans l’analyse de ces résultats ? Pourtant il n’en sera jamais question dans cette vidéo.

Entre 1948 et maintenant, on peut voir que des pays en voie de développement rattrapent les pays occidentaux quant à l’espérance de vie alors que leur prospérité est encore bien inférieure à la nôtre. Note : Rappelons que l’abscisse est en échelle logarithmique, ce qui atténue les différences économiques.

À l’aide de l’outil GapMinder, on peut voir que la richesse ne procure pas d’avantage au peuple américain en matière d’espérance de vie lorsqu’on compare leur pays à Cuba. De plus, l’amélioration notable de l’espérance de vie en Chine sous Mao Zedong s’est effectuée malgré une croissance économique médiocre, alors que depuis son décès, c’est le contraire; les progrès économiques remarquables de la Chine s’accompagnent d’une amélioration légère de l’espérance de vie.

En somme, on a affaire à un excellent travail de visualisation, accompagné d’un propos simpliste et trompeur.

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Écrit par Jean-Pierre Martel