Il y a deux ans, Pesticides Canada (le surnom de Santé Canada) révélait son intention de tripler les limites permises de glyphosate (RoundUp™ de Mosanto/Bayer) dans les céréales et les légumineuses canadiennes.
Avant le triplement proposé, les limites étaient déjà 50 fois plus élevées que celles imposées au moment de la commercialisation du produit, au début des années 1990. Ce qui fait que la nouvelle limite aurait été 150 fois supérieure à celle de départ.
Mais les journalistes ont découvert que la décision du fédéral ne s’appuyait pas sur de nouvelles preuves quant à l’innocuité du défoliant, mais faisait suite à une simple requête du fabricant du glyphosate. Pire, ils ont trouvé que ce dernier, par le biais de ses démarcheurs, avait coécrit le projet de norme qui le concernait.
En somme, tout cela révélait que Pesticides Canada n’était que le valet de l’industrie agrochimique.
En raison du tollé provoqué par ces révélations, le premier ministre canadien, à quelques semaines du déclenchement des élections, avait jugé bon mettre le couvercle sur la marmite en suspendant cette décision et en promettant qu’on reverrait de fond en comble le processus décisionnel de Pesticides Canada.
Que de belles promesses…
Ottawa a bien mis sur pied un comité d’experts indépendants dont le rôle était de conseiller scientifiquement les autorités. Mais en juin dernier le président de ce comité claquait les portes en refusant de servir de caution à un organisme fédéral bien décidé à continuer d’opérer comme avant.
Si bien qu’à Pesticides Canada, le naturel est revenu au galop. À preuve : à la demande de son fabricant, Pesticides Canada décidait récemment de hausser de 200 fois la limite maximale de fludioxonil qui pouvait être retrouvé dans la betterave sucrière.
Puisque les consommateurs réguliers de betteraves sont beaucoup moins nombreux que ceux qui consomment des aliments contenant des céréales ou des légumineuses, la décision au sujet du fludioxonil est plutôt passée inaperçue. Mais elle est encore plus significative puisqu’il s’agit d’une hausse de 20 000 %.
Le jour même de l’annonce de cette nouvelle, le 27 juillet, j’ai expédié à l’organisme fédéral un courriel intitulé “Augmentation de 200 fois des teneurs permises de fludioxonil”. Le texte de ce courriel était bref : “Pourrais-je avoir la liste des références scientifiques qui justifient votre décision ?”
Trois semaines plus tard, on ne s’est pas donné la peine de m’envoyer un accusé de réception. Ce qui, normalement, est fait automatiquement par un robot informatique.
Dans tous les ministères fédéraux à vocation économique — y compris ceux qui ont une incidence indirecte à ce sujet comme Santé Canada — leurs mandarins se conçoivent comme les gestionnaires suprêmes du marché intérieur canadien.
En effet, l’idéologie néolibérale a perverti les vieilles démocraties parlementaires nées au XIXe siècle en faisant en sorte que ceux qui nous dirigent ne sont plus les serviteurs du peuple, mais des courtiers vantant les mérites de la servilité du pays à des entreprises multinationales devenues souveraines.
Partout à travers le monde, les citoyens s’indignent que leur gouvernement préfère servir les intérêts des géants de l’agrochimie plutôt que de les protéger.
Mais contrairement aux autres peuples, nous avons la possibilité de nous libérer de tout cela en nous dotant d’un pays érigé sur des bases véritablement démocratiques. Bref, en faisant l’indépendance du Québec.
Références :
Encore et toujours plus de glyphosate
Fiche toxicologique du fludioxonil
Quand Santé Canada complote dans le dos du peuple
Santé Canada propose un seuil décuplé pour un pesticide
Sortir les vendeurs de pesticides de Santé Canada
« Transparence obstruée » à Santé Canada : un conseiller scientifique sur les pesticides claque la porte
Paru depuis : « Tiger Team » : quand fonctionnaires et lobbyistes coopèrent dans l’ombre (2023-09-26)
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