C’est lundi. Je me suis levé ce matin en me demandant ce que je pourrais bien faire d’intéressant aujourd’hui à Paris.
Il faut vraiment être touriste et se lever endormi pour se poser une telle question. Oui, les lundis, les musées (sauf le Louvre) sont fermés. Mais cette ville, c’est à 99% autre chose que des musées.
Après m’être ressaisi, je pars à l’aventure. Je mets le cap sur le quatrième arrondissement, soit le sud du Marais.
Détail de la façade de l’église Saint-Merri
Je vais d’abord à l’église Saint-Merri. Achevée en 1552, cette église a sévèrement été endommagée à la Révolution. Les statues de sa façade datent de 1842. À l’intérieur, toutes les surfaces peintes sont encore en très mauvais état.
Autel de l’église Saint-Merri
Mais je me rappelle que l’an dernier, j’avais raté les photos du chœur; trop sombre, trop flou. Je prends quelques instants pour faire mieux cette fois-ci.
En me rendant au Mémorial de la Shoah, j’emprunte des rues secondaires et je tombe par hasard sur la maison de Nicolas Flamel.
Maison de Nicolas Flamel
Celle-ci n’apparait pas sur la carte du guide de voyage que j’utilise cette année. Pendant la vingtaine de minutes que je passerai à observer la richesse de sa façade, je serai la seule personne à y prêter attention.
C’est pourtant la plus vieille maison de Paris, terminée en 1407.
Le rez-de-chaussée — aujourd’hui occupé par un restaurant — était originellement voué au commerce. Les étages hébergeaient gratuitement les nécessiteux à la condition qu’ils récitent matin et soir un Pater Noster et un Ave Maria aux noms du maitre du logis et de son épouse (alors décédée).
Détail de la façade
Sous la corniche, juste au-dessus des fenêtres, on peut lire l’inscription : « Nous homes et femes laboureurs demourans ou porche de ceste maison qui fut faite en l’an de grace mil quatre cens et sept somes tenus chascu en droit soy dire tous les jours une paternostre et 1 ave maria en priant Dieu que sa grace face pardon aus povres pescheurs trespasses Amen » (Note: j’ai mis en italiques la partie du texte qu’on peut lire sur la photo ci-dessus).
Cliquez sur l’image pour l’agrandir
Vers 14h, j’arrête dans cette boulangerie sur la même rue pour m’acheter un sandwich au jambon et au fromage — à 3,5 euros, soit environ 5$ — que je mange ensuite en me dirigeant vers l’église Saint-Gervais-Saint-Protais afin d’y reprendre quelques photos plus ou moins réussies l’an dernier.
Crypte du Mémorial de la Shoah
Étudiants au Mémorial de la Shoah
Après ma visite décevante au Musée d’Art et d’histoire du Judaïsme au jour 9 de ce voyage, j’ai hésité à visiter le Mémorial de la Shoah (c’est-à-dire de l’Holocauste).
Au contraire, celui-ci est une réussite.
Il a l’audace de présenter les deux génocides de la première moitié du XXe siècle; le génocide arménien, puis l’holocauste. Créé il y a une décennie, c’est un musée didactique extrêmement bien fait.
Situé dans la partie extérieure du musée, le Mur des Noms est l’essence du mémorial. Fait de pierres provenant de Jérusalem, il a pour but de ne jamais faire oublier ceux qui sont partis pour les camps de concentration.
Le musée est notamment illustré d’une maquette du ghetto juif de Varsovie, et de nombreux films (certains inédits) tournés par l’armée soviétique lors de la libération des camps de concentration.
Son centre de documentation conserve un fonds parmi les plus importants d’Europe; 40 millions de documents d’archives dont 250 photos et 80 000 ouvrages et périodiques.
Quelques désirs de Manon
Puis je me promène çà et là dans le Marais. Vers 15h30, je m’arrête Aux Désirs de Manon m’acheter une pointe de crumble aux pommes et aux petits fruits à 3,5 euros (environ 5$).
Depuis deux jours, j’ai un orgelet. J’ai pensé mouiller un bas propre et m’en servir comme compresse humide. Mais l’eau du robinet de ma chambre n’est pas très chaude. Durant une partie de la nuit, j’ai donc appliqué sur mon visage le coussin électrique que j’ai acheté le premier jour de ce voyage. Mais l’idée de me mettre du 220 volts sur l’oeil me rend craintif.
Depuis le début de cette infection, je me suis rendu à deux reprises dans des pharmacies afin de savoir si des onguents ophtalmiques antibiotiques sont disponibles en France sans ordonnance. On m’a appris que non.
Mais aujourd’hui, j’ai changé de stratégie. Au lieu de demander si ces préparations s’obtiennent sans ordonnance, j’ai plutôt demandé à un troisième pharmacien ce qu’il avait de bon à me suggérer contre cet orgelet (qui me déforme le visage).
— Vous êtes…
— …Canadien (lui dis-je).
Canadien est un mot magique. À l’enfant qui demande du lait, la mère demande : C’est quoi le mot magique ? Et l’enfant de répondre : S’il vous plait, maman. Et ce s’il vous plait est un mot magique qui permet à l’enfant d’obtenir finalement son verre de lait. Canadien, c’est pareil avec les pharmaciens français.
On m’a donc donné la totale : les gouttes Dacryum à l’acide borique pour nettoyer l’oeil et les paupières, les gouttes antibiotiques Atébémyxine à instiller le jour, et l’onguent antibiotique Sterdex pour la nuit. Le tout pour 20 euros (30$). Ouf ! Fini le dangereux coussin électrique.
Heureux de mon butin, je mets le cap sur le célèbre restaurant Bouillon Chartier.
Le neuvième arrondissement est un des plus hospitaliers de Paris. J’y marchais depuis moins de dix minutes que déjà une jolie fille me demandait :
— Bonjour.
— Bonjour, répondis-je.
— Ça ca ?
Avant que je n’aie eu le temps de lui dire tout de mon état de santé, elle ajouta :
— On y va ?
— Non merci, répondis-je, heureux que mon affreux orgelet ne soit pas si rébarbatif à une si jolie guide touristique (je présume).
Le Bouillon Chartier est un impératif. C’est abordable (comme cette guide touristique, si j’ose dire) et c’est bon (ce que j’ignorerai toujours dans le cas de celle-ci). Mais c’est surtout un lieu mythique qui correspond à l’image que se font les étrangers d’un bistro typiquement parisien.
En dépit du fait qu’à 17h50, le restaurant était encore presque vide, le placier m’a attribué un siège à une table pour deux déjà occupée par un jeune homme imberbe aux traits asiatiques.
J’ai salué mon voisin de gauche (un Suisse originaire du canton de Berne), mais je n’ai jamais dit un mot à mon vis-à-vis asiatique qui, en retour, n’a jamais levé les yeux vers moi de tout son repas (même en buvant son verre de vin). J’ai donc pu l’observer à loisir.
À son air dubitatif, je crois deviner qu’il mangeait des escargots à l’ail pour la première fois de sa vie. Chaque bouchée était suivie avec empressement d’une gorgée d’eau.
Peu familier avec l’utilisation de la fourchette, son souci principal semblait être de ne pas faire de bruit avec ses ustensiles.
À chaque minuscule bouchée de son confit de canard, il tournait sa fourchette de manière à l’insérer dans sa bouche le côté courbe orienté vers le bas, comme si cela avait de l’importance.
Soigneusement, il a dépouillé de sa pelure chacune des pommes de terre grenailles avant de couper en minuscules moitiés.
Bref, c’était le spectacle d’une rencontre entre deux civilisations.
Calcul manuel de l’addition
Au Bouillon Chartier, les serveurs n’écrivent pas votre commande dans un calepin : ils l’écrivent sur le napperon en papier de votre table. C’est sur celle-ci qu’ils calculent l’addition (voir ci-dessus).
Comme entrée, j’y ai commandé un Museau de bœuf vinaigrette (3,8 euros). Je ne vous cacherai pas mon appréhension. Ce mets a l’aspect de fins rubans de chair et de cartilage souple. C’est plutôt bon.
Pot au feu ménagère
En met principal, j’ai commandé le Pot au feu ménagère accompagné de 250ml de Cuvée Cartier. Le tout m’a couté 20 euros (30$) avec le pourboire.
Après ce repas, je suis rentré à l’hôtel pour la nuit.
Détails techniques : Olympus OM-D e-m5, objectifs PanLeica 25 mm F/1,4 (2e, 4e, 8e et 10e photos), M.Zuiko 7-14 mm F/2,8 (1re, 3e et 6e photos), et M.Zuiko 12-40 mm F/2,8 (5e et 7e et 9e photos)
1re photo : 1/500 sec. — F/2,8 — ISO 200 — 10 mm
2e photo : 1/100 sec. — F/1,4 — ISO 200 — 25 mm
3e photo : 1/125 sec. — F/2,8 — ISO 200 — 9 mm
4e photo : 1/400 sec. — F/1,4 — ISO 200 — 25 mm
5e photo : 1/125 sec. — F/2,8 — ISO 200 — 12 mm
6e photo : 1/60 sec. — F/2,8 — ISO 5000 — 14 mm
7e photo : 1/100 sec. — F/2,8 — ISO 200 — 12 mm
8e photo : 1/30 sec. — F/5,6 — ISO 6400 — 25 mm
9e photo : 1/80 sec. — F/2,8 — ISO 2000 — 16 mm
10e photo : 1/60 sec. — F/2,2 — ISO 640 — 25 mm
Pour lire les comptes-rendus du premier ou du deuxième voyage à Paris, veuillez cliquer sur l’hyperlien approprié.