Comme tous les pays qui ont grandement besoin des devises apportées par les touristes, Cuba ne peut pas se permettre d’être perçu comme un pays dangereux. Il y a des malfaiteurs dans tous les pays, mais vous avez beaucoup moins de chance d’en être victime à Cuba qu’aux États-Unis, par exemple.
À l’intersection située près de la maison où j’habitais, une nuit vers minuit, un groupe de jeunes ont fait du vacarme. Dans les deux jours qui suivirent, des jeunes policiers furent postés à cette intersection. Bref, pour moi qui suis très respectueux des lois des pays dans lesquels je voyage, la présence policière ne m’inquiète pas : elle me rassure.
Au cours de ce voyage, je n’ai pas fait preuve de discrétion dans l’utilisation d’objets dispendieux qui auraient pu attirer la convoitise des voleurs. Dans les parcs de La Havane, j’utilisais deux appareils photos (un pour la couleur et l’autre pour l’infrarouge). À plusieurs reprises au restaurant, on pouvait me voir tapant du texte sur mon iPad ou mon netbook. Le soir, dans les rues mal éclairées de la capitale cubaine, je marchais toujours accompagné de cet appareil. J’ai visité des coins de la ville où les touristes vont rarement. Pourtant, en aucun cas, je ne me suis senti menacé. Sauf à une occasion très particulière.
Cette fois-là, c’est quand j’ai suivi un entraineur et ses trois jeunes boxeurs dans une partie de la ville que je ne connaissais pas encore, à une heure où il ferait bientôt nuit, alors que j’avais aucune chance d’éviter une raclée s’ils avaient voulu m’en donner une. Et pourtant les choses se sont très bien passées.
Donc, La Havane est une ville très sécuritaire.
Les moyens de transport
La capitale cubaine n’a pas de métro. Elle dispose d’un bon réseau de transport par autobus, habituellement bondés, et donc l’extérieur est parfois d’une saleté inimaginable.
Les taxis sont omniprésents. S’ils sont libres, les chauffeurs offrent leurs services dès qu’on passe à proximité de leur véhicule. Contrairement à ce que disent les guides de voyage, les chauffeurs utilisent rarement leur compteur. Voilà pourquoi je suggère de toujours demander à l’avance le prix du trajet, avant même d’embarquer dans le taxi. Ce prix varie toujours de cinq à huit pesos, sauf pour l’aéroport (20 pesos) et des distances hors de l’ordinaire.
Choisissez de préférence un taxi qui vous semble en bon état de fonctionnement. Dans de rares occasions, vous pourriez avoir à respirer l’odeur d’essence mal brulée qui entre par les trous du plancher de la carrosserie.
Les cars d’HavanaBusTour sont propres, efficaces et peu coûteux : 5 pesos pour une journée. C’est un moyen pratique d’entrevoir la ville, pour le touriste qui n’est dans la capitale que pour peu de temps. Sur le dessus du car, il vente beaucoup. Donc si vous avez un couvre-chef, il doit être solidement fixé. Dans tous les cas, la crème solaire est indispensable.
Des calèches sont disponibles au Parc central et près de la Place d’Armes. Je n’en ai pas vu stationnées ailleurs.
Les vélotaxis se rencontrent beaucoup dans la Vieille ville. Leur suspension est insuffisante à amortir les chocs. Or la chaussée de ce quartier est en très mauvais état. Prenez-les si vous avez envie d’en faire l’expérience. Autrement, sachez que c’est une façon lente et inconfortable de se transporter.
Une particularité de la Havane, ce sont les cocotaxis. Je ne les ai pas essayés donc je ne peux pas vous en parler.
L’internet
À La Havane, les touristes accèdent au web dans les grands hôtels, qu’ils y logent ou non. Dans tous les cas, ces hôtels offrent la location d’un ou de quelques ordinateurs connectés à l’internet. En plus, certains hôtels offrent une connexion sans fil (Wi-Fi) à ceux qui ont leur propre ordinateur ou ardoise électronique : certains jours, ce réseau est en panne et vous devrez alors vous résigner à louer un ordinateur.
Le coût de la connexion varie. Le moins cher, c’est à l’hôtel Parc central. Pour la location d’ordinateur, c’est cinq pesos par tranche de trente minutes : dès la 31e minute, c’est le tarif d’une heure qui s’applique (dix pesos). Si les textes à expédier sont longs (des reportages, par exemple), on a intérêt à taper le texte à l’avance et à l’apporter sur une clé USB.
Dans le cas de la connexion sans fil, on vous vend des cartes, bonnes pour soixante minutes. À l’instar d’une carte de loterie instantanée, chaque carte possède des cases à gratter qui révèlent un code d’accès et un mot de passe exclusifs. La facturation se fait à la minute; par exemple, si vous l’utilisez dix minutes, il vous en reste cinquante. La carte est bonne durant un mois après son activation et est valable partout. L’hôtel Parc central les vend huit pesos.
La connexion internet est extrêmement lente. Éviter Internet Explorer de Microsoft, incapable de faire face à une telle lenteur. Chrome (de Google) et Firefox s’acharneront à tenter la connexion peu importe le temps que cela prend. Simplement pour que WordPress accepte finalement mon mot de passe et me reconnaisse comme auteur, cela prenait environ trois minutes.
La sollicitation
À La Havane, le touriste est harcelé à tout bout de champ par trois types différents de sollicitation.
Il y a d’abord les taxis. L’offre de taxi dépasse de beaucoup la demande. Donc, dès que vous passez à proximité d’un taxi, s’il est libre, le chauffeur vous offrira ses services. Même chose pour les vélotaxis.
Le deuxième type de sollicitation, ce sont les « têteux ». Ils constituent une partie infiniment petite de la population cubaine. Mais puisqu’ils « tètent » les touristes à la journée longue, on a l’impression qu’il y en a beaucoup.
Durant mon voyage, ils procédaient à peu près tous de manière identique. On m’abordait en me disant :
— Happy holiday, my friend. Where are you from ? (Joyeuses Fêtes, mon ami. D’où viens-tu ?)
— From Canada.
— Ah, from Canada. That’s a very cold country. From which city ? (Ah, du Canada. C’est un pays très froid. De quelle ville ?)
— From Montréal.
— Ah, from Montreal…
Et la suite, c’est qu’il a eu un parent, un ami, une connaissance, qui a déjà habité à Montréal. Après deux ou trois phrases de plus, cela se terminait par quelque chose du genre :
— Ma femme vient d’avoir un bébé et elle est trop pauvre pour acheter du lait, etc. etc.
Après quelques jours, dès qu’on m’abordait, je disais (avant même le début de la sollicitation) No gracias (non merci), ce qui était généralement suffisant à éloigner cette personne.
Ce refus est encore plus expéditif dans le cas des Cubaines à la recherche d’un mari puisqu’elles sont moins insistantes. Ces filles n’ont pas l’air de prostituées. Elles ressemblent plutôt à une voisine de palier.
Au dernier soir de ma visite, alors que je rentrais faire mes bagages, celle qui m’a abordé près du restaurant Floridata était de toute beauté; parfaitement maquillée, particulièrement jolie, elle avait l’air d’une vedette de cinéma. Elle est venue directement à moi en m’abordant vers l’arrière, du côté gauche. Dès que j’ai entendu son Ola, je me suis retourné pour lui répondre mon No gracias coutumier. Mais en la voyant, j’ai perdu tous mes moyens et j’ai finalement baragouiné mon refus (presqu’en bégayant) alors qu’une voix intérieure me disait : Mais tu es fou : regarde-là…
En acceptant cette sollicitation, le pire qui peut vous arriver, c’est qu’elle vous amène dans un petit bar peu fréquenté où un barman complice vous chargera vos consommations à un prix excessif. Mais vous pourriez juger que cela vaut le prix d’une escorte, dans le cas où vous apprécieriez sa présence.
Le troisième type de sollicitation, ce sont tous ces guides ou gardiens de musée qui créeront des interdits factices (pas le droit de photographier ceci ou pas le droit d’entrer là) dans l’unique but de vous offrir le privilège de les transgresser, à la suite de quoi ils vous demanderont une petite contribution pour leur femme qui vient d’avoir un bébé et qui…
La Havane n’est pas une capitale gastronomique. La restauration y est très abordable mais toutes les viandes y sont hyper-cuites. Attendez-vous à avoir des fibres sèches de poisson, de poulet ou de bœuf entre les dents à l’issue des repas.
Mais contrairement à Prague — où on mange tout aussi mal — il n’y a pas de cure-dents aux tables. Donc vous devez absolument apporter votre soie dentaire dans la capitale cubaine et, préférablement, l’apporter avec vous lorsque vous visitez la ville. J’ai utilisé pendant trois jours le même dernier 20 cm de soie dentaire que je conservais précieusement.
À l’occasion, vous trouverez un endroit où on mange bien. Retournez-y le plus souvent possible et ne perdez pas votre temps à chercher mieux. Durant mon voyage à La Havane, j’ai perdu trois kilos, ce qui ne m’est jamais arrivé dans mes voyages précédents.
Si vous voyagez en groupe, vous avez de bonnes chances d’expérimenter la lenteur du service dans certains restaurants cubains. À moins que l’arrivée de votre autobus au restaurant ait été prévue dans le plan quinquennal du Parti communiste cubain, il est possible que le personnel ne soit pas plus nombreux qu’entre les repas pour faire face à cette affluence.
Je n’ai connu cette lenteur qu’à une seule occasion, probablement parce que la serveuse m’avait oublié. Durant mon voyage, je n’ai jamais hésité, à la fin du repas, à prendre mon assiette et à l’apporter à la caisse pour régler l’addition.
Rappelez-vous que dans un pays communiste, il n’y a pas (théoriquement) de maitres, ni de valets. Donc si votre serveuse est occupée à regarder des vidéos musicaux à la télévision depuis quinze minutes, ne vous impatientez pas contre elle. Si vous voyagez seul ou en couple, faites comme moi. À la caisse, si vous prenez la peine de laisser un généreux pourboire (15 à 20%, sur une addition minime de 4 à 8 pesos), votre brusquerie sera pardonnée. Dans tous les cas où j’en ai fait l’expérience, le personnel semblait amusé de voir un touriste agir de la sorte.
Le bruit
La Havane est une ville grouillante d’activités. Et cette animation s’exprime par le bruit. Lorsqu’on marche dans une rue non-commerciale, si on n’entend pas la radio ou la télévision jouée à tue-tête, c’est que les propriétaires sont absents, décédés, ou qu’ils écoutent clandestinement la télévision américaine.
Tout comme chez nous, les maisons possèdent une sonnerie électrique. Mais à La Havane, elle ne fonctionne pas. On a donc l’habitude de crier le nom de l’habitant lorsqu’on veut entrer chez lui. On pourrait cogner à la porte si on était certain de pouvoir couvrir le son de la télévision. Donc on crie. Et si on est présent, on ouvre ses volets et on crie à l’invitée de bien vouloir entrer, comme dans un bon film italien.
Chaque jour de semaine, les vendeurs de fruits et légumes — ognons, ail, tomates, ignames ou malanga, piments, avocats et plantains — les aiguiseurs de couteaux, et autres petits métiers ambulants annoncent leur service en criant dans les rues étroites de la ville.
À l’aller ou au retour de l’école, les écoliers se chamaillent.
Et tous les conducteurs de voitures klaxonnent pour dire aux piétons de se tasser à leur passage.
Le soir, les ados s’agglutinent devant l’entrée d’un ami pour discuter et passer le temps au son de la musique.
Bref, c’est bruyant. Mais la vie est bruyante. Pour les gens allergiques au bruit, rien de mieux qu’une petite place au Cimetière Christophe-Colomb : la vue du marbre de Carrare y est splendide.
L’argent
À l’exception de la location de chambre dans les grands hôtels, les cartes de crédit ne sont acceptées nulle part à La Havane. Tout se fait en argent comptant. Puisqu’on ne peut pas se procurer de l’argent cubain à l’extérieur de ce pays, il vous faudra apporter des devises étrangères.
L’argent américain est l’objet d’une surtaxe de 10% et l’argent canadien n’est pas disponible dans tous les bureaux de change. Il est donc préférable d’apporter autant d’euros que vous pourriez avoir besoin durant votre séjour.
À votre arrivée à l’aéroport, aux bureaux de change de la ville, et à l’aéroport en quittant le pays, vous aurez l’occasion d’échanger vos euros pour de l’argent cubain ou vice-versa.
Cuba a deux monnaies différentes : la Monnaie Nationale (ou MN, destinée au peuple cubain) et le Peso convertible (ou CUC, pour les touristes). Cette dernière vaut 24 fois plus que la précédente. De nombreux produits n’ont qu’un seul prix (à l’épicerie, notamment), ce qui veut dire que vous paierez 24 fois le prix que paie un Cubain. Sachez que c’est un mode de redistribution de la richesse. Mais cela oblige les petits commerçants à maintenir deux comptabilités parallèles.
Ceci étant dit, même 24 fois plus cher, vivre dans la capitale cubaine est économique.
Le détail de mes dépenses pour ce voyage de trois semaines à La Havane est le suivant :
Assurance-maladie : 85 €
Transport aérien : 500 €
Hébergement (21 nuits) : 491 €
Œuvres d’Art : 78 €
Souvenirs : 12 €
Sept spectacles : 109 €
Publication sur le blogue : 80 €
Tout le reste (nourriture, admissions, transport, etc.) : 930 €
Pour un total de 2 295 €.
Cela revient approximativement à 100 € par jour. Pour ce prix, j’ai droit à tous les musées, le transport en taxi à volonté, des groupes de musiciens qui jouent gratuitement dans un grand nombre de restaurants, et une ville où la surveillance policière me protège très bien des malfaiteurs.
Pour les Cubains eux-mêmes, une telle somme représente une fortune puisque le salaire mensuel moyen à Cuba est actuellement d’environ 15 € (19$). Si j’exclus le billet d’avion et l’assurance-maladie, j’ai donc dépensé par jour à La Havane autant que ce qu’un Cubain gagne en moyenne en cinq mois de travail. On comprend donc l’importance de l’industrie touristique pour ce pays.
La vie culturelle
La Havane est une ville extraordinaire. On y trouve un grand nombre de musées, principalement dans la Vieille ville, souvent rudimentaires mais dont quelques-uns sont exceptionnellement riches.
Mais le cœur de la capitale cubaine, ce sont ses bars et ses restaurants à la tombée du jour.
Les Cubains forment un peuple très créatif et cette créativité trouve toute son expression dans la pratique de la musique latino-américaine. Motivés par la nécessité ou le plaisir, beaucoup de Cubains forment de petits ensembles qui jouent le soir dans des restaurants ou des bars, parfois devant aussi peu qu’une poignée de touristes.
Leur savoir-faire est excellent : cette musique coule de source dans leurs veines depuis toujours. Évidemment on peut se lasser de certains classiques qu’on entendra mille fois (Bésame Mucho, notamment), mais il faut comprendre que cette musique est destinée aux touristes. Les Cubains eux-mêmes s’intéressent plutôt aux clips musicaux en espagnol qu’ils voient à la télé et dont certains pourraient devenir ces classiques de demain que les touristes réclameront nostalgiquement.
La capitale cubaine est une des deux ou trois meilleures villes au monde pour voir du ballet. Toutefois, la promotion de la musique classique et du ballet est inexistante à Cuba.
Dans mes guides de voyage, on me parle de cahiers culturels dont je n’ai pas vu un seul exemple durant les trois semaines passées à La Havane.
Aux salles de spectacle, ne croyez pas pouvoir emporter un imprimé de ce qui est prévu durant les jours suivants et ne comptez pas sur un employé pour vous dire ce qui est à l’affiche au-delà de la fin de semaine qui vient. Le reste est une surprise. Si vous êtres chanceux, le programme de la semaine sera affiché près du guichet et vous pourrez le prendre en note ou le photographier.
Pour lire les comptes-rendus du premier ou du deuxième voyage à La Havane, veuillez cliquer sur l’hyperlien approprié.