Davantage de poussière cancérigène sur Québec, grâce à la CAQ

Publié le 18 décembre 2021 | Temps de lecture : 4 minutes
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Introduction

Après le chrome, le nickel est le plus dur des métaux. Cette dureté, de même que sa résistance à la corrosion, en ont fait un métal de choix pour la fabrication de la monnaie.

De 1922 à 1942, la pièce canadienne de 5 cents était composée à 99 % de nickel. Depuis 2000, elle est en acier (à 94,5 %), seulement plaquée nickel.

La toxicité du nickel

Le nickel est le plus allergisant des métaux; une personne sur huit y est allergique.

Au sujet de ce métal, Wikipédia écrit :

Certains composés de nickel sont des corps dangereux ou très toxiques, par exemple le nickel tétracarbonyle, cancérigène reconnu, présent dans les vapeurs ou fumées.

Même la poussière de nickel ou les diverses poudres de nickel finement divisés, utilisé en catalyse, sont également reconnues cancérigènes, ils provoquent d’abord par contact et à faibles doses chroniques des dermites et des allergies cutanées.

L’inaction libérale

En provenance des gisements du Nord-du-Québec et du Labrador, le minerai brut de nickel transite par le port de Québec avant d’être acheminé à l’Étranger pour y être raffiné. Ce qui crée très peu d’emplois ici.

Pendant des années, le transbordement de minerais au port de Québec soulevait d’importantes quantités de poussières qui se déposaient sur les quartiers populaires de la Basse-Ville.

Puisque tous les ports du Québec sont de compétence constitutionnelle fédérale, les autorités portuaires ignorèrent les plaintes des citoyens et ne prirent aucune mesure destinée à réduire cette pollution. Et, en bon pouvoir colonial, Ottawa refusait d’intervenir.

Les dirigeants du port eurent même l’audace d’interdire l’accès au port aux enquêteurs de la santé publique du Québec.

Toutefois, l’analyse de la poussière — déposée, entre autres, sur les voitures stationnées près du port — avait révélé une teneur élevée en nickel.

Dépourvu de colonne vertébrale face à Ottawa, le gouvernement libéral du Québec préférait fermer les yeux.

La réaction péquiste

En 2013, le gouvernement de Pauline Marois décidait d’agir et de protéger la population à ce sujet.

Son ministre de l’Environnement, Yves-François Blanchet — l’actuel chef du Bloc Québécois au parlement canadien — adoptait une norme maximale de 14 nanogrammes de nickel par mètre cube d’air.

De la même manière que toutes les entreprises de compétence constitutionnelle fédérale doivent respecter les règlements municipaux et les lois du Québec, le règlement péquiste assurait la prépondérance de la santé des citoyens sur l’appât du gain des autorités portuaires nommées par Ottawa.

À l’époque, le ministre Blanchet se vantait d’avoir adopté une des normes les plus sécuritaires au monde.

Mais les temps changent.

L’assouplissement caquiste

Le gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ) annonçait hier son intention de hausser de cinq fois la teneur maximale permise de nickel dans l’air. La norme québécoise passerait donc de 14 à 70 nanogrammes par mètre cube.

La raison invoquée par le ministre de l’Environnement est le désir d’harmoniser les normes québécoises à celles en vigueur en Ontario et en Europe, notamment dans les anciennes républiques soviétiques (dont la Russie, deuxième producteur mondial).

En réalité, il s’agit d’un moyen d’augmenter la profitabilité de l’industrie minière aux dépens de la santé des gens de Québec.

Malheureusement, on ne voit pas très bien comment cela devrait générer plus de revenus fiscaux pour le gouvernement québécois puisque l’industrie minière prélève des milliards de dollars de ressources naturelles, mais délocalise presque tous ses profits dans des paradis fiscaux.

Références :
Ingéniosité et résistance – la pièce de 5 cents
Nickel
Norme sur le nickel : le gouvernement « va trouver les citoyens sur son chemin »
Québec durcit le règlement sur la présence de nickel dans l’air

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5, objectif M.Zuiko 60mm Macro F/2,8 — 1/160 sec. — F/8,0 — ISO 200 — 60 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’unilinguisme anglais à Immigration Canada

Publié le 10 novembre 2021 | Temps de lecture : 6 minutes

Au Canada, la compétence constitutionnelle en matière d’immigration est exclusivement fédérale.

Depuis 1991, Ottawa délègue toutefois au Québec les dossiers d’immigration ‘ordinaires’ tout en se réservant ceux des réfugiés et les demandes pour motif de réunification familiale.

Dans le cas des réfugiés, Ottawa ne peut pas déléguer leurs dossiers en raison de son obligation de répondre de ses obligations internationales à ce sujet.

À Montréal, Immigration Canada s’occupe non seulement des demandes d’immigration pour tout le Québec, mais opère également un Centre de soutien à la clientèle qui dessert l’ensemble du pays. Dans ce centre, 80 % des appels sont en anglais.

Invoquant des difficultés de recrutement, Immigration Canada annonçait dernièrement sa décision d’embaucher des agents unilingues anglais à ce centre d’appels.

Dans la mesure où l’appelant pitonne ‘un’ pour parler en français et ‘two’ pour parler en anglais (ou l’inverse), cette décision semble anodine.

Pourtant, à l’annonce de cette nouvelle, l’Assemblée nationale a réagi en adoptant unanimement une résolution de la députée Ruba Ghazal (de Québec solidaire) demandant que la Loi 101 s’applique non seulement aux entreprises sous l’autorité d’Ottawa, mais également aux ministères fédéraux.

Pourquoi une réaction aussi vive ?

C’est qu’il n’y a pas de barrière étanche entre le personnel de ce centre d’appels et les agents d’immigration proprement dits. En d’autres mots, les préposés de ce centre d’appels ne sont pas que des téléphonistes; ce sont des agents d’immigration à qui on attribue la tâche de répondre aux appels.

Entre l’agent qui prend les appels et celui qui procède à l’analyse des documents généralement soumis par courrier ou qui procède, si nécessaire, à une longue entrevue effectuée face à face avec un requérant, il n’y a qu’un pas.

Les problèmes de recrutement d’Immigration Canada au Québec s’étendent bien au-delà de son centre téléphonique. La cause profonde de ces difficultés vient de l’obligation des francoQuébécois d’être bilingues pour y travailler, que ce soit dans le centre d’appels ou ailleurs.


 
Selon le recensement de 2016, un Québécois sur deux est unilingue français. En imposant la nécessité du bilinguisme à ses employés francoQuébécois (mais pas aux angloQuébécois), Ottawa exerce une discrimination à l’embauche contre la moitié des personnes susceptibles de travailler pour lui à Montréal.

Sans cette exigence, ce ministère pourrait doubler la taille de son personnel au Québec. Mais il s’y refuse.

Officiellement, on justifie ce refus par la nécessité de comprendre les demandes concernant les réfugiés, rédigées très majoritairement en anglais.

Mais par ailleurs, dans les dossiers d’immigration au Québec, une partie importante des demandes au motif de réunification familiale (probablement la majorité) concernent les francoQuébécois dont les parents vivent dans des pays de la Francophonie.

Alors pourquoi l’obligation du bilinguisme s’applique aux agents francophones (pour qu’ils comprennent les dossiers des réfugiés) mais pas aux agents anglophones (pour comprendre les dossiers de réunification familiale) ?

La réponse est simple; parce que c’est un prétexte.

La véritable raison est que les rapports des agents québécois adressés à Ottawa doivent être rédigés en anglais. Il en est de même des notes ajoutées aux dossiers électroniques des requérants. Afin que les décideurs d’Ottawa puissent les comprendre.

Lorsque les citoyens francophones s’adressent aux services à la clientèle situés dans les régions francophones du pays, ils trouvent facilement un employé qui parle leur langue. Mais derrière cette façade, la fonction publique fédérale à Ottawa est très largement unilingue anglaise, à l’image de la population canadienne elle-même.

C’est donc à dire qu’au sein de la fonction publique fédérale, la langue de travail, c’est l’anglais. Voilà pourquoi les agents québécois d’Immigration Canada doivent être de parfaits locuteurs anglophones; afin de rédiger des rapports compréhensibles à Ottawa.

En diminuant ses quotas d’immigration, le gouvernement de la CAQ augmente la proportion des personnes admises au Québec en vertu des pouvoirs que le fédéral ne lui a pas délégués.

En raison du rôle stratégique que joue l’immigration dans l’anglicisation du Québec, il était prévisible qu’Ottawa en profiterait pour augmenter la proportion de ses agents incapables de traiter les demandes d’immigration rédigées dans une autre langue que l’anglais.

Pour paraphraser un courriel que le Parti Québécois expédiait à ses membres la semaine dernière, je dirais : rester dans le Canada, c’est consentir à notre extinction.

Références :
Aperçu du fonctionnement interne de l’État canadien
Embauche d’agents d’immigration anglophones : « Un manque de respect », dénonce Québec
Immigration Canada recrute des agents uniquement anglophones au Québec
Immigration : l’illusion des prophéties
La politique migratoire de la CAQ
Liste des régions bilingues du Canada aux fins de la langue de travail
Quatre-millions de Québécois victimes de discrimination à l’embauche
Rapport du vérificateur au sujet des centres d’appels
Un fonctionnaire fédéral défend son droit de travailler en français

Parus depuis :
Refus massif d’étudiants africains francophones : Ottawa accusé de « discrimination » (2021-11-28)
« Je suis effondré » : le cri du cœur d’un étudiant africain refusé par Ottawa (2022-01-28)
Ottawa accusé de retarder l’immigration francophone (2023-05-18)
Immigration: le Canada répond «in English only» (2023-05-19)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La fêlure du Canada : l’adoption de la constitution sans le Québec

Publié le 6 novembre 2021 | Temps de lecture : 5 minutes

Introduction

Il y a quarante ans, dans la nuit du 4 au 5 novembre 1981, Ottawa et les provinces anglophones du pays aplanirent leurs différends et conclurent un projet de loi constitutionnelle sans le Québec.

Cette séance ultime de négociation s’est tenue secrètement en pleine nuit, à l’insu de tous les représentants du Québec.

Dès le lendemain, le 5 novembre 1981, la Canadian Constitution fut adoptée sans nous. Elle entra en vigueur lors de sa promulgation royale le 17 avril 1982.

Une anecdote

En novembre 2013, je me trouvais à table avec deux autres co-pensionnaires d’un même appartement à La Havane; l’un était Britannique, l’autre Américain.

Évidemment, la discussion suivante s’est déroulée en anglais.

Vers la fin du repas, de but en blanc, le Britannique me demande : “C’est quoi le problème avec le Québec ?

Nous étions en vacances et du coup, ce n’était pas le temps d’énumérer la litanie des griefs du Québec depuis la conquête anglaise de 1760.

J’ai donc choisi l’argument le plus court et plus éloquent quant au statut colonial du Québec au sein du Canada.

Après lui avoir expliqué qu’en 1982, le Canada anglais avait adopté une nouvelle constitution canadienne sans nous, je lui ai demandé : “Si l’Angleterre dotait votre pays d’une constitution sans l’assentiment de l’Écosse, du pays de Galles et de l’Ulster, trouveriez-vous cela normal ?

Et comme il demeurait silencieux, je me suis tourné vers son collègue américain : “Et si les États du Nord des États-Unis dotaient votre pays d’une nouvelle constitution sans le consentement des États du Sud, trouveriez-vous ça normal ?

Et comme lui non plus n’a pas répondu, nous avons continué le repas en parlant d’autres choses.

Mon but n’était pas de les convaincre de mon point de vue, mais de susciter dans leur esprit le doute que quelque chose ne tournait pas rond dans le gentil pays du Canada (soit l’image qu’il projetait à l’époque).

L’urgence d’une nouvelle constitution canadienne

Avec l’adoption en 1975 d’une Charte québécoise des droits et libertés de la personne, le British North America Act de 1867 (qui faisait office de constitution canadienne) prenait soudainement un coup de vieux.

Mais c’est surtout l’adoption en 1977 de la Charte de la langue française (ou Loi 101) qui rendit urgente (aux yeux d’Ottawa) l’adoption d’une nouvelle constitution canadienne.

Jusqu’ici, les divers paliers de gouvernements pouvaient, dans certaines circonstances, brimer des libertés individuelles.

Par exemple, les villes pouvaient interdire le tapage nocturne ou imposer le respect de leur plan d’urbanisme. Les provinces pouvaient limiter la vitesse des automobiles ou retirer la garde d’un enfant à l’autorité de ses parents. Et le fédéral pouvait ordonner la conscription obligatoire.

Avec la Loi 101, pour la première fois, on donnait préséance à un droit collectif à caractère ethnique — le droit du peuple francoQuébécois d’assurer sa survie — sur un droit individuel, soit celui d’appartenir au groupe linguistique de son choix.

Or c’est sur cette liberté individuelle que repose la lente extinction du peuple francoQuébécois.

Sans cette protection collective, ouvrir l’école publique anglaise à tous les néoQuébécois qui le souhaitent, c’est faire en sorte que les francoQuébécois financent eux-mêmes leur propre extinction.

À l’opposé, se jugeant incapables de maintenir la fréquentation de leurs écoles et l’audience de leurs institutions culturelles sans l’assimilation des néoQuébécois, les angloCanadiens du Québec se sont sentis menacés par la Loi 101.

Pour répondre à leurs craintes, la solution d’Ottawa fut d’adopter une nouvelle constitution basée sur le multiculturalisme et notamment, sur la liberté de tout citoyen de s’assimiler au groupe linguistique de son choix.

Il était prévisible que le Québec refuserait de revêtir la camisole de force constitutionnelle conçue spécialement contre lui.

Ottawa aurait pu attendre qu’un gouvernement de ‘collabos’ succède à celui de René Lévesque. Mais dans l’urgence d’agir, on a préféré adopter cette loi fondamentale sans le Québec. En somme, on a préféré doter le pays d’une constitution illégitime.

Conclusion

Dans un empire colonial, la métropole peut consulter ses colonies lorsqu’elle s’apprête à adopter des lois qui les concernent. Mais elle n’y est pas obligée.

La meilleure preuve du statut colonial du Québec au sein du Canada, c’est cette constitution adoptée sournoisement par l’ethnie dominante.

Quand les assises d’un pays reposent sur une loi fondamentale née dans la fourberie, cette fêlure congénitale condamne inévitablement l’édifice à l’effondrement.

Ce n’est qu’une question de temps…

Références :
Il y a 40 ans, le Canada se dotait d’une entente constitutionnelle sans le Québec
Le colonialisme économique ‘canadian’
Le marécage du multiculturalisme canadien

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Michael Rousseau et le moteur de l’anglicisation du Québec

Publié le 5 novembre 2021 | Temps de lecture : 5 minutes
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Le fonctionnement interne d’Air Canada

Nommé PDG d’Air Canada le 15 février 2021, Michael Rousseau est un angloQuébécois qui vit à Montréal depuis quatorze ans.

Il y a deux jours, il a été incapable de comprendre la moindre des questions qui lui furent adressées en français à la suite de la conférence qu’il a prononcée en anglais devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

En raison de son unilinguisme absolu, les réunions du Conseil d’administration d’Air Canada se déroulent exclusivement en anglais et tous les rapports qui lui sont soumis sont rédigés dans cette langue.

Son service à la clientèle est bilingue et beaucoup de ses agents de bord le sont. Mais à l’interne, la langue de travail est l’anglais. Comme c’est le cas du gouvernement fédéral à Ottawa.

L’anglicisation favorisée par Ottawa

Depuis quelque temps, des pressions s’exercent sur le gouvernement canadien pour qu’il consente à ce que les entreprises sous son autorité (comme Air Canada) soient assujetties à la Charte de la langue française.

Ottawa n’en a pas l’intention. Voilà pourquoi on parle plutôt de la nécessité de simplement moderniser la loi fédérale sur les langues officielles.

Les politiques d’Ottawa qui visent à défendre les minorités linguistiques du pays ont toujours eu pour principal objectif de promouvoir les intérêts de la ‘minorité anglaise du Québec’ alors que celle-ci est plutôt l’annexe québécoise de la majorité angloCanadienne. En somme, ses politiques servent de paravent à la colonisation anglaise du Québec.

Jusqu’à maintenant, le gouvernement canadien n’a jamais réalisé que la principale minorité linguistique du Canada, ce sont les francoQuébécois. C’est cette minorité-là qui est menacée par l’océan anglophone nord-américain.

La discrimination à l’embauche

M. Rousseau est la preuve vivante qu’on peut très bien réussir sa vie au Québec en étant unilingue anglais.

Par contre, l’Office québécois de la langue française révélait l’an dernier que dans 63 % des entreprises de la métropole, tout candidat à l’embauche est refusé s’il ne parle pas l’anglais.

Le cas typique est celui des trottinettes Lime qui ne publiaient leurs offres d’emplois qu’en anglais et dont l’immense majorité du personnel ne parlait pas français.

Une anecdote

Il y a quelques années, dans la pièce où prenaient place les candidats en attente d’une entrevue d’embauche chez Air Canada, une jeune Montréalaise avait fait connaissance avec la personne assise à côté d’elle.

Malheureusement, cette personne ne parlait pas français alors que l’offre d’emploi stipulait l’exigence du bilinguisme. Malgré cela, c’est elle qui obtint le poste.

L’explication était simple; la version française de l’offre d’emploi exigeait le bilinguisme, alors que la version anglaise n’en faisait pas mention.

Sans le dire, ce qu’Air Canada voulait réellement, c’est quelqu’un qui parle anglais.

Conclusion

La Charte de la langue française (la Loi 101) exige l’unilinguisme français au sein des entreprises du Québec. À l’embauche, il est illégal d’exiger la connaissance de l’anglais, sauf lorsque cela est strictement nécessaire (pour servir dans sa langue la clientèle anglophone, par exemple).

Tant que les règles d’embauche au Québec exigeront illégalement la connaissance de l’anglais chez les francoQuébécois, mais n’empêcheront pas un angloQuébécois unilingue de faire carrière ici, cette discrimination à l’embauche sera le moteur de l’anglicisation de Montréal.

Hier, le Parti Québécois expédiait à ses membres un courriel intitulé ‘Rester dans le Canada, c’est consentir à notre déclin’.

Je ne saurais mieux dire…

Références :
Aperçu du fonctionnement interne de l’État canadien
Doit-on interdire l’accès à la magistrature aux avocats québécois unilingues français ?
La ministre Petitpas Taylor veut lutter contre « le déclin du français »
Langues officielles: il faut aller plus loin
La responsabilité du conseil d’administration d’Air Canada
Le PCJ, annexe de la machine coloniale canadienne
Quatre-millions de Québécois victimes de discrimination à l’embauche

Parus depuis :
Canadien National : Les francophones écartés de la table du C.A. (2022-04-21)
« It’s very english » sur la voie maritime du Saint-Laurent (2023-05-19)
Ottawa a versé des milliards pour l’anglais au Québec (2023-11-27)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Se moquer d’un garçon handicapé est un droit constitutionnel au Canada

Publié le 30 octobre 2021 | Temps de lecture : 4 minutes

Vendredi dernier, la Cour Suprême du Canada a infirmé deux jugements antérieurs qui avaient condamné un humoriste pour avoir choisi un jeune handicapé comme souffre-douleur.

De septembre 2010 à mars 2013, au cours de 230 représentations vues au total par cent-trente-cinq-mille personnes, Mike Ward a présenté un numéro dans lequel il se moquait de certaines caractéristiques physiques de Jérémy Gabriel à l’époque où ce dernier avait entre 10 et 13 ans.

Les blagues de l’humoriste étaient des descriptions péjoratives basées sur le handicap du garçon, atteint du syndrome de Treacher Collins.

À l’école, les autres enfants répétaient les insultes et exacerbaient la moquerie.

Du strict point de vue juridique, toute cette affaire se résume à la conception qu’on se fait de la discrimination (au sens d’ostracisme).

Les articles de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne (sur lesquels s’appuie cette cause) se lisent comme suit :

Article 4 : Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.

Article 10 : Toute personne a droit […] à l’exercice […] des droits et libertés de la personne, sans distinction […] fondée sur […] le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap.

Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction […] a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit

Dans un premier temps, les instances québécoises — le Tribunal des droits de la personne et la Cour d’appel du Québec — avaient estimé qu’en exposant Jérémy Gabriel à la moquerie en raison de son handicap, Mike Ward a porté atteinte à la dignité humaine du garçon.

Toutefois, en appel à la Cour Suprême, celle-ci estime que pour prouver qu’il y a ostracisme, on doit démontrer que les propos incitent à mépriser la victime ou à détester son humanité pour un motif de distinction illicite (dans ce cas-ci, son handicap physique).

On doit ensuite établir que ces propos, placés dans leur contexte, peuvent vraisemblablement avoir pour conséquence de frapper cette victime d’exclusion sociale.

Pour la plus haute instance du pays, le sort infligé à Jérémy Gabriel ne répond pas à ces critères, en dépit des apparences.

Qu’est-ce qui explique cet aveuglement ?

À deux reprises dans le jugement majoritaire de la Cour suprême, celle-ci déclare que la Charte québécoise des droits et libertés possède un champ d’application plus vaste que celui de la Charte canadienne (synonyme de la Canadian Constitution).

Selon la Cour, au chapitre des droits individuels, la Charte québécoise lie non seulement l’État, mais aussi toutes les personnes physiques et morales situées sur le territoire du Québec.

En atténuant la protection offerte par celle-ci, la Cour Suprême l’érode pour la mettre davantage en phase avec les dispositions moins contraignantes de la Canadian Constitution.

Tout comme pour la Loi 101, la Cour Suprême poursuit ainsi son travail de sape de la spécificité québécoise.

Ceux parmi nous qui voulons vivre dans une société où le mot civisme a un sens devons remettre en question notre appartenance à ce pays où l’expression publique du mépris et de l’intolérance se justifie au nom de la liberté d’expression.

Références :
Décision de la Cour suprême : Mike Ward vs Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse
Mike Ward ou le harceleur public

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Tire Sainte-Catherine et autoflagellation

Publié le 14 octobre 2021 | Temps de lecture : 7 minutes

Historique

Depuis le Xe siècle, la fête de la Sainte-Catherine est célébrée par les Catholiques le 25 novembre de chaque année.

Au Québec, c’était la fête des vieilles filles, c’est-à-dire des femmes de plus de 32 ans qui n’avaient pas encore trouvé un mari à leur gout.

Dans le premier quart du XXe siècle, mon grand-père paternel créa une confiserie qui, au fil des années, devint la principale entreprise de ce type des comtés de Joliette, de l’Assomption et de Montcalm.

Le 25 novembre était une des principales occasions d’affaires de l’année.

Puisque les trois premiers de ses enfants à atteindre l’adolescence furent des filles, ce sont trois de mes tantes qui eurent pour tâche de préparer la tire Sainte-Catherine.

Après avoir ajouté une grande quantité de sucre à de la mélasse, le tout devenait tellement épais que la seule manière d’en mélanger les ingrédients était de l’étirer dans le sens de la longueur pour en faire un gros câble, de suspendre ce câble collant à un mur par le moyen d’un crochet de métal, de l’étirer par les deux bouts, de le torsader, de suspendre par le milieu le câble torsadé au crochet, de l’étirer de nouveau, et ainsi de suite jusqu’à l’obtention d’une texture blonde relativement uniforme.

Puis il fallait couper le tout pour en faire des papillotes.

À l’époque, on appelait ces papillotes des klondikes en raison de leur couleur, semblable (avec un peu d’imagination) à celle de pépites d’or.

L’origine de cette coutume remonterait au XVIIe siècle. Selon la légende, c’est Marguerite Bourgeois, fondatrice de la Congrégation des sœurs de Notre-Dame, qui aurait institué cette coutume.

Sur le site du Réseau de diffusion des archives du Québec, on peut lire : “ Fait légendaire ou historique, on raconte qu’elle en aurait fabriqué pour attirer les enfants à son école, surtout les petites «sauvagesses».

Ainsi, comme la sorcière du conte ‘Hansel et Gretel’, Marguerite Bourgeois aurait utilisé cette friandise pour attirer des jeunes Autochtones à l’école, pour les séquestrer, les priver de leur culture, et leur imposer une autre religion. Et, selon cette légende, ils en sortaient aussi différents que les biscuits sortant du four de la méchante sorcière.

Apprenant cela, il n’en fallait pas plus pour que les dirigeants du Centre de santé communautaire du Grand Sudbury décident de bannir cette coutume, dans un effort de réconciliation avec les peuples autochtones du Canada.

Les politiques génocidaires anglo-saxonnes

L’idée qu’en Nouvelle-France, la tire Sainte-Catherine servait à piéger sournoisement les enfants Autochtones en vue de leur emprisonnement dans des pensionnats est le comble du ridicule. Pas un seul historien, même Autochtone, ne supporte cette thèse farfelue.

Tenter d’exterminer les peuples Autochtones pour ensuite assimiler les survivants furent des objectifs du colonialisme anglo-saxon.

Aux États-Unis, on a tué des millions de bisons dans le but précis d’affamer à mort les Sioux dont les troupeaux de bisons étaient le garde-manger.

Puis on a enfermé les survivants dans des prisons à ciel ouvert qu’étaient les réserves indiennes. Situés sur les terres les moins fertiles (préférablement désertiques) des États-Unis, ces réserves servaient à limiter leur croissance démographique.

On fit l’équivalent au Canada et en Australie.

Au Canada, on ne comptait pas sur des friandises pour attirer les enfants Autochtones dans des pensionnats. Il était tout simplement illégal pour les mères Autochtones de refuser d’envoyer leurs enfants au pensionnat. En clair, la police canadienne venait arracher les enfants des bras de leur mère.

D’autre part, en Nouvelle-France, il est vrai que les missionnaires se donnaient comme mission de convertir les Autochtones. C’était leur rôle. Comme aujourd’hui les preachers américains. Un missionnaire demeure un missionnaire.

Mais les missionnaires en Nouvelle-France n’utilisaient pas la force, ni la menace (autre que celle du purgatoire). Ont-ils utilisé des friandises ? C’est possible. Mais quelle importance ?

Va-t-on mettre sur le même pied les sévices subis par les enfants Autochtones dans les pensionnats financés par Ottawa et une offre de friandises par Marguerite Bourgeois ?

Ce qui intéressait la France en Nouvelle-France, c’était le commerce des fourrures. Paris y envoyait des commis-voyageurs appelés coureurs des bois.

Par troc, chacun d’eux devait se procurer les fourrures accumulées par les peuples Autochtones depuis sa dernière visite. Et s’il devait se quereller avec eux, il ne pouvait pas ‘appeler la police’; il était complètement à leur merci. Ce qui l’obligeait à bien s’entendre avec eux.

Conclusion

Si l’ethnie dominante du Canada se sent coupable des crimes commis par la colonisation anglaise, c’est son problème.

Grâce au Ciel, on ne nous a pas exterminé comme les Béothuks. On ne nous a pas enfermé non plus dans des réserves.

On a simplement exercé un colonialisme économique destiné à nous appauvrir. Ottawa a subventionné grassement l’annexe québécoise de la majorité anglo-canadienne par le biais des politiques destinées à soutenir les ‘minorités’ officielles du pays. Alors que la principale minorité linguistique du Canada, c’est nous.

Et pour nous forcer à adopter l’idéologie de l’ethnie dominante du pays — notamment le tribalisme anglo-saxon qui interdit toute forme de laïcité — cette ethnie nous a imposé une camisole de force constitutionnelle en 1982.

À cette occasion, les provinces anglophones ont tenu une séance ultime de négociation à l’insu du Québec et ont adopté le lendemain la Canadian Constitution sans nous.

Par des moyens très différents, Autochtones et nous devons lutter contre notre assimilation, entourés que nous le sommes d’un océan de gens qui ne partagent ni nos coutumes, ni notre manière de penser, et ni notre manière de vouloir vivre ensemble.

Du coup, nous les Québécois, n’avons pas à partager la culpabilité de l’ethnie dominante du Canada pour les crimes contre l’Humanité commis par son gouvernement colonial.

En conclusion (et pour revenir au sujet principal), si on veut éviter de manger de la tire Sainte-Catherine, que ce soit parce que cet aliment n’est pas inscrit au guide alimentaire canadien et non parce que nous devons expier une faute prétendument commise par Marguerite Bourgeois.

Références :
De coutume en culture
Fête de la Sainte-Catherine
Gabriel Sagard en Huronie
Le colonialisme économique ‘canadian’
Le génocide des Béothuks à Terre-Neuve
Le multiculturalisme ou le tribalisme des sociétés anglo-saxonnes
Pensionnats autochtones : la honte canadienne
Réconciliation avec les Autochtones – Le miroir australien
Vérité et réconciliation : devrait-on cesser de fêter la Sainte-Catherine?

Paru depuis :
Ottawa a versé des milliards pour l’anglais au Québec (2023-11-27)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La monarchie constitutionnelle canadienne vieillit mal

Publié le 11 octobre 2021 | Temps de lecture : 7 minutes

Les démocraties parlementaires en Europe

Les démocraties parlementaires sont celles où les représentants élus par les citoyens exercent les pouvoirs de l’État.

La plupart des démocraties parlementaires européennes sont nées au XIXe siècle afin de répondre aux espoirs suscités par la Révolution française.

Parce que contrairement à la Révolution américaine (qui lui est antérieure), la Révolution française eut une influence qui dépassa largement les frontières du pays dans lequel où elle se déroula.

Après la défaite de Napoléon et la restauration des diverses dynasties que les armées napoléoniennes avaient renversées, les monarques acceptèrent de partager (de manière variable selon les pays) leur pouvoir avec un parlement élu au suffrage universel masculin (étendu aux femmes au XXe siècle).

Ce parlement était toutefois soumis à l’autorité royale.

Cette forme de gouvernement hybride entre la monarchie absolue et la démocratie parlementaire est appelée monarchie constitutionnelle.

Encore de nos jours, on compte douze monarchies constitutionnelles en Europe.

L’Angleterre était déjà une monarchie constitutionnelle lorsqu’éclata la Révolution française. Et c’est cette forme de gouvernement qu’elle imposa au Canada par le biais d’une loi coloniale adoptée par le parlement britannique en 1867. Appelée British North America Act, cette loi fit office de constitution canadienne jusqu’en 1982.

L’héritage colonial du système politique canadien

Au Canada comme en Grande-Bretagne, le peuple élit les députés d’une chambre basse appelée Chambre des Communes. Indirectement, le peuple élit également le chef du gouvernement puisque le parti qui fait élire le plus de députés forme le gouvernement.

Les lois de la Chambre des Communes sont soumises à l’approbation d’une chambre haute — appelée Sénat à Ottawa et Chambre des Lords à Londres — et finalement à la sanction purement symbolique du monarque (ou de son représentant).

Alors que la Chambre des Lords est composée de membres
à vie nommés par le monarque (dont certains sont des lords héréditaires, issus de la noblesse anglaise), le Sénat canadien est composé exclusivement de nominations politiques.

Toutefois, près de 40 % des Québécois sont inaptes à y être nommés. En effet, en vertu de dispositions constitutionnelles remontant à 1867 (mais encore en vigueur), seul un propriétaire foncier est qualifié pour devenir sénateur.

Depuis 1867, on ne peut être nommé au Sénat que si on possède des terres d’une valeur minimale de 4 000 piastres (sic) dans la province ou le territoire que l’on représente ainsi que des propriétés mobilières et immobilières d’une valeur minimale de 4 000 autres piastres en sus de toutes ses dettes et obligations.

Les exigences constitutionnelles de 1867 avaient pour but de s’assurer que le Sénat canadien représenterait l’élite économique (sic) du Canada.

Ces exigences ont été reconduites dans la Canadian Constitution de 1982. Toutefois, on ignore toujours (puisque cela n’a jamais été plaidé) si le surplus exigée de l’actif sur le passif du sénateur (4 000 piastres) équivaut, juridiquement, à 4 000 dollars d’aujourd’hui ou à une valeur indexée de près de 80 000 dollars.

En somme, parmi le 60 % (approximativement) de Québécois propriétaires, la majorité d’entre eux ne peuvent pas être nommés au Sénat tant qu’ils n’auront pas payé leur hypothèque.

Au Canada, le pouvoir du peuple de choisir ses dirigeants est donc limité à la chambre basse d’un parlement bicaméral (c’est-à-dire à deux chambres).

Quand une discrimination basée sur l’argent empêche la grande majorité de la population d’un pays de pouvoir accéder à une des deux chambres d’un parlement bicaméral, ce pays ne peut pas être qualifié de démocratique.

Lorsque Justin Trudeau déclare que le Canada est un pays post-national, s’il veut dire qu’il est tellement dépourvu d’identité propre qu’il pourrait facilement disparaitre — s’annexer aux États-Unis, par exemple — sans que personne ne voit de différence, il a raison.

Mais cela ne change pas le fait que sa structure gouvernementale est celle d’une monarchie constitutionnelle, soit une structure totalement dépassée au XXIe siècle.

Les mœurs politiques au pays

Dans les vieilles démocraties nées au XIXe siècle, l’histoire politique est une succession de dictatures dont la durée est celle du mandat obtenu.

Le pouvoir du peuple ne s’exprime qu’au moment du scrutin. Une fois élu, un gouvernement majoritaire est doté de tous les pouvoirs jusqu’à l’élection suivante.

Par exemple, si la dernière tentative d’Ottawa de tripler (de 5,0 ppm à 15,0 ppm) le taux maximal de glyphosate dans le blé canadien a échoué, c’est parce que cette décision a été annoncée à la veille du déclenchement des élections.

Autrement, elle serait passée comme lettre à la poste. Comme chacune des décisions antérieures qui ont progressivement fait augmenter le taux maximal de 0,1 ppm à 5,0 ppm (50 fois plus) au fil des années.

Une campagne électorale ne comporte pas d’obligations contractuelles. En d’autres mots, rien n’oblige le politicien à réaliser ses promesses.

Une fois élu, le politicien fédéral pourra oublier les milliards d’arbres qu’il avait promis de faire planter.

Son collègue au niveau municipal pourra oublier les dizaines de milliers de logements sociaux qu’il avait promis de faire construire; parce que c’est toujours la faute d’un palier de gouvernement supérieur si cela ne se fait pas.

Et si certaines promesses nous sont familières — comme la gratuité du transport en commun aux étudiants ou aux retraités — ce n’est pas une illusion. Comme ces autoroutes promises depuis des décennies, il est important d’éviter de réaliser trop vite les promesses qui ‘marchent’ et qui pourraient encore ‘marcher’ à l’élection suivante…

Quant aux grands enjeux, notamment au sujet de l’environnement, rien de mieux qu’une promesse ambitieuse étendue deux ou trois décennies. En faisant une telle promesse, le chef d’un parti promet que ceux qui lui succèderont à la tête de l’État au cours des 20 ou 30 prochaines années la réaliseront pour lui. Ce n’est pas forçant.

L’important est de prendre le pouvoir. Une fois cela fait, les hasards de la vie fournissent toujours, sans qu’on les cherche, la justification aux promesses brisées.

Faire table rase

Tout cela dure depuis plus de 150 ans.

Il faudrait être naïf pour croire qu’on peut réformer le Canada; les changements nécessaires sont tellement fondamentaux qu’ils nécessiteraient une refonte complète de la Canadian Constitution de 1982.

Or cette constitution est verrouillée; il est impossible de l’amender de manière substantielle.

En Islande, la Révolution des casseroles a été possible parce que ce pays est petit et que son gouvernement peu militarisé est constamment à la merci de la colère du peuple.

Le Canada, lui, est une monarchie constitutionnelle qui a mal vieilli.

Ce genre de pays convenait à l’époque où le peuple était illettré. De nos jours, les citoyens se contentent de moins en moins d’être consultés une fois par quatre ans.

Pour vivre dans un pays où, en tout temps, le peuple peut ramener à l’ordre n’importe quel palier de gouvernement qui s’égare — en d’autres mots, un pays où le peuple peut destituer ses dirigeants politiques n’importe quand — rien de mieux que de créer un pays à neuf et de choisir tous ensemble comment il devrait fonctionner.

Vous voyez ce que je veux dire ?

Complément de lecture : Corruption fédérale : les voyages forment la vieillesse

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les Pandora Papers : pour en finir avec les paradis fiscaux

Publié le 7 octobre 2021 | Temps de lecture : 10 minutes

Évitement fiscal vs évasion fiscale

L’évitement fiscal consiste à utiliser légalement les failles du système fiscal d’un État afin d’y payer moins d’impôt.

Par contre, l’évasion fiscale consiste à utiliser différents stratagèmes comptables afin de déplacer frauduleusement les revenus réalisés dans un pays vers des pays à très faible taux d’imposition (surnommés ‘paradis fiscaux’).

Malheureusement, il suffit de permettre la délocalisation des profits pour blanchir l’évasion fiscale et ainsi la légaliser. C’est ce qu’ont fait de nombreux pays, dont le Canada.

Si bien qu’il n’y a pas de distinction entre les deux; l’évitement fiscal est de l’évasion fiscale légalisée.

Cette pratique est même officiellement encouragée pour permettre aux entreprises ‘canadiennes’ d’être plus concurrentielles.

Dans la mesure où n’importe quelle personne fortunée peut s’incorporer et jouir du même privilège, la légalisation de l’évasion fiscale équivaut à dispenser les possédants du financement des gouvernements, faisant ainsi reposer le poids fiscal de l’État sur les épaules de la classe moyenne.

Les documents de Pandore

Une fuite récente de 11,9 millions de documents confidentiels provenant de quatorze cabinets d’avocats permet de constater que l’évasion fiscale se porte bien.

Que ce soit les Luxembourg Leaks (révélés en 2014), les Panama Papers (révélés en 2016), les Paradise Papers (révélés en 2017), les Luanda Leaks (révélés en 2020), ou ces nouveaux documents (appelés documents de Pandore), le profil est le même; des centaines de responsables publics, des dizaines de chefs d’État et de milliardaires cachent leur argent dans des paradis fiscaux afin d’échapper au fisc, et ce en toute légalité.

Le Consortium international des journalistes d’investigation va plus loin. Il conclut que les sociétés créées dans les paradis fiscaux sont entourées d’un secret qui permet de cacher des flux d’argent illicites permettant la corruption, le blanchiment d’argent, l’évasion fiscale et le financement du terrorisme.

Les solutions

Abolir les paradis fiscaux

L’idée est évidente. Mais tout seul, ce moyen ne permet pas de mettre fin à l’évasion fiscale. Prenons un exemple.

N’importe quelle minière peut prétendre que son mode d’extraction est un secret industriel. Il lui suffit de transférer les droits d’auteur de ce procédé secret à sa succursale située aux Bahamas pour avoir le droit de collecter des droits d’utilisation auprès de chacune des succursales de cette minière à travers le monde (dont la canadienne).

En pareil cas, le flux d’argent n’est pas le résultat de la délocalisation des profits, mais le résultat du simple acquittement d’un droit d’utilisation. Le résultat est le même.

En somme, la délocalisation de la propriété intellectuelle permet une évasion fiscale impossible à combattre en raison des traités internationaux qui protègent les droits d’auteur.

Imposer une taxe minimale sur le chiffre d’affaires

En plus de l’impôt sur les profits, l’État peut imposer une taxe minimale sur le chiffre d’affaires qui est réalisé au pays. Cette taxe s’appliquerait également aux revenus des Canadiens qui ont choisi d’incorporer leurs activités professionnelles.

En somme, il s’agit d’une taxe de type GAFA qui s’ajoute à la TVA (ou Taxe sur la valeur ajoutée).

Punir les fraudeurs

Par le biais de la Foreign Account Tax Compliance Act (adoptée en 2010), les États-Unis obligent les banques étrangères à dévoiler les noms des Américains qui ont ouvert des comptes auprès d’elles. Le Canada ne possède pas une telle loi, préférant ne pas le savoir.

De plus, au Canada, il y a une justice pour les riches et une justice pour les pauvres.

C’est ce qui explique que de riches Canadiens condamnés à l’emprisonnement peuvent purger leur peine dans leur riche demeure, entourés de toutes les commodités et y donner même des réceptions.

C’est ce qui explique également qu’à la suite de la tragédie de Lac-Mégantic, par exemple, on a tenté de faire condamner des subalternes en évitant soigneusement d’accuser les vrais responsables, soit les patrons de la compagnie ferroviaire.

Lorsque le fisc canadien trouve qu’une riche personne est responsable d’évasion fiscale, il se contente de lui demander de verser les sommes dues, sans payer d’intérêts ni de pénalités.

Du coup, tous ceux qui sont tentés par la fraude fiscale ont intérêt à s’y adonner puisque dans le meilleur des cas, ils épargneront de l’argent et dans le pire, ils paieront ce qu’ils auraient payé de toute manière s’ils étaient demeurés honnêtes.

Les riches contribuables ont les moyens de se prendre un avocat et de faire trainer les procédures à leur sujet. Pour le ministère du Revenu, il devient alors plus économique de s’entendre à l’amiable avec les fraudeurs que d’engager des procédures couteuses en vue de leur condamnation.

Cette évaluation du rapport prix-bénéfice ne se justifie que dans une perspective néolibérale, en vertu de laquelle l’État est géré comme une entreprise privée. Et puisqu’il est impossible d’évaluer le prix de la justice sociale, on l’estime dépourvue de valeur.

C’est cette façon de voir les choses que partagent tous les partis politiques fédéraux susceptibles d’exercer le pouvoir.

Le Jour de la jalousie

Le 1er novembre, les Finlandais célèbrent la Journée nationale de la jalousie.

Ce jour-là, le ministère du Revenu rend public le revenu imposable de tous les citoyens. Il suffit d’en faire la demande pour apprendre combien gagne une célébrité, votre voisin, un dirigeant d’entreprise (votre patron, par exemple), ou un collègue qui effectue le même travail que vous.

Toutefois, depuis 2014, le ministère a décidé d’informer la personne concernée de l’identité des gens qui demandent à connaitre ses revenus. Ce qui a fait chuter dramatiquement le nombre de requêtes…

Ce qui n’empêche pas les journalistes de publier des articles comparatifs, soulignant au passage des rémunérations suspectes, suscitant les soupçons du fisc.

Retirer le droit fiscal du champ de pratique des avocats

Ce n’est pas une coïncidence si tous les grands scandales relatifs à l’évasion fiscale naissent de fuites de documents provenant de grands cabinets d’avocats-fiscalistes.

Dans tous les cas, ces cabinets ont pris contact avec des banques installées dans des paradis fiscaux, ont appris la manière de créer une constellation de sociétés-écrans destinée à opacifier les transferts de fonds, et ont développé pour leur clientèle un petit guide facile de la fraude fiscale basé sur un modus opérandi standardisé, propre à chaque cabinet d’avocats.

Et c’est derrière le paravent de leur secret professionnel que se cachent les fraudeurs.

Normalement, ce devrait être auprès d’un comptable que le contribuable prend conseil au sujet des moyens de payer le moins d’impôt possible.

Le rôle des avocats devrait se limiter à vulgariser publiquement le droit fiscal ou de l’expliquer privément à des comptables de manière à ce que ces derniers puissent conseiller le mieux possible leur clientèle.

Tant chez les comptables que chez les avocats, la loi permet la levée du secret professionnel lorsqu’il sert de paravent à la commission d’un délit.

Toutefois, les obstacles à la levée du secret professionnel sont beaucoup plus importants chez les avocats que chez les comptables.

Tout comme l’Ordre des comptables, le Barreau du Québec est le défenseur des utilisateurs des services de leurs membres. Mais à la différence du premier, le Barreau est aussi un puissant syndicat professionnel, farouche défenseur des privilèges de ses membres.

À titre d’exemple, j’ai eu l’occasion de travailler avec une avocate congédiée par le Barreau du Québec — elle y œuvrait à titre de syndic-adjointe — parce qu’elle avait osé porter plainte contre un avocat puissant…

D’autre part, les avocats poursuivis par l’État peuvent compter sur l’esprit de caste de leurs collègues nommés à la magistrature. Les comptables ne jouissent pas d’un tel avantage.

Bref, s’attaquer aux paradis fiscaux serait beaucoup plus facile à partir du moment où seuls les comptables auraient le droit de prodiguer leurs conseils fiscaux directement aux contribuables ou aux entreprises.

Y parvenir serait toutefois une tâche titanesque puisque la profession juridique en tire d’immenses bénéfices qu’elle défendra bec et ongles.

Conclusion

À la campagne électorale de 2015, Justin Trudeau promettait de mettre fin aux paradis fiscaux.

Fort de cette promesse, Gabriel Ste-Marie, député du Bloc Québécois, présentait en octobre 2016 la motion M-42 à la Chambre des Communes. Cette motion visait à mettre un terme à l’évitement fiscal à la Barbade, le principal paradis fiscal utilisé jusque-là par des Canadiens.

Étonnamment, un député libéral vota pour tandis que 172 députés libéraux votèrent contre. Tous les députés conservateurs votèrent contre. Seuls le NPD (39 votes), le Bloc Québécois (10 votes) et le Parti Vert (1 vote) ont appuyé la résolution.

Pire, en juin 2017, le gouvernement Trudeau ajoutait les iles Cook à la liste canadienne des endroits où les richissimes contribuables peuvent légalement cacher leur argent.

La conclusion est claire; peu importe ce qu’on nous promet, le Canada n’a pas l’intention de s’attaquer aux paradis fiscaux. En d’autres mots, tolérer les paradis fiscaux est le prix du fédéralisme canadien.

C’est une des nombreuses raisons qui m’incitent à être indépendantiste : la naissance d’un pays est une occasion de faire table rase du passé et notamment de l’établir sur des bases différentes de ces vieilles démocraties libérales, nées au XIXe siècle, sclérosées et impuissantes face à la montée des inégalités sociales.

En particulier, pourquoi ne pas créer un pays où règne la déclaration publique obligatoire de le fortune personnelle (un peu comme en Finlande) et où tout secret professionnel dans le domaine fiscal serait aboli ?

Références :
Est-il juste que les riches paient autant d’impôt ?
Évasion fiscale
« Journée de la jalousie » : quand la Finlande rend publics les revenus fiscaux de tous ses citoyens
Le Canada et les paradis fiscaux
La DPCP et l’esprit de caste
Le fédéral, les paradis fiscaux et l’indépendance du Québec
Motion M-42 : résultats du vote
Pandora Papers
Pour la déclaration obligatoire des investissements des élus dans les paradis fiscaux
Si le Canada voulait vraiment lutter contre les paradis fiscaux…
Une machine à déterrer l’hypocrisie
Vive les paradis fiscaux !

Parus depuis :
Les intouchables : KPMG a caché l’argent de riches clients (2022-06-21)
La Banque Royale forcée de révéler qui se cache derrière 97 comptes aux Bahamas (2022-07-27)
La Caisse de dépôt et placement du Québec légitime de plus en plus les paradis fiscaux (2023-04-29)
Les Suédois, sous haute transparence (2023-05-07)
Zéro impôt payé sur des gains de 35 milliards $ pour les plus riches (2023-08-15)
Les cadeaux fiscaux aux entreprises ont augmenté de 80% sous la CAQ (2023-10-19)
La grande évasion fiscale des multinationales continue (2023-10-22)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La question de Shachi Kurl à Yves-François Blanchet

Publié le 12 septembre 2021 | Temps de lecture : 5 minutes

Introduction

Le seul débat des chefs en anglais de la campagne électorale fédérale avait lieu jeudi dernier.

La première question à Yves-François Blanchet, chef du Bloc Québécois lui fut adressée par la modératrice, Shachi Kurl. Traduite, cette question fut la suivante :

Vous niez que le Québec ait des problèmes avec le racisme, mais vous défendez des lois comme la loi 96 et la loi 21 qui marginalisent les minorités religieuses, les anglophones et les allophones.

Le Québec est reconnu comme une société distincte, mais pour ceux qui sont à l’extérieur de la province, aidez-les s’il vous plait à comprendre pourquoi votre parti soutient aussi ces lois discriminatoires.

La loi 96

La loi 96 est le moyen choisi par le gouvernement québécois de la CAQ pour lutter — mollement à mon avis — contre l’anglicisation au Québec après 15 ans de laisser-faire libéral.

La plus importante minorité linguistique au Canada, ce sont les francoQuébécois et non les angloQuébécois.

Selon le comité des Droits de la personne des Nations-Unies, les angloQuébécois ne peuvent invoquer le statut de le minorité linguistique parce qu’ils ne sont que l’annexe québécoise de la majorité angloCanadienne. Selon les mots de l’ONU :

Quebec’s English community does not qualify for protection as a minority language group, because it forms part of the Canadian English-speaking majority.

Entouré de l’océan anglophone nord-américain, c’est le français qui est menacé au Québec et non l’anglais.

Or qu’il s’agisse de n’importe quelle loi qui protège le français — que ce soit la Loi 101 ou la loi 96 — toute tentative de lutter contre l’anglicisation du Québec est un affront aux yeux du Canada anglais puisque c’est l’équivalent d’un refus de notre part de devenir comme eux.

La loi 21

Adoptée par le gouvernement de la CAQ en 2019, la loi 21 interdit le port de signes religieux aux fonctionnaires en position d’autorité et aux enseignants du secteur public.

Elle respecte le droit de croire en n’importe quelle religion, mais interdit l’expression publique de cette appartenance confessionnelle à certains employés de l’État. Et ce, seulement dans l’exercice de leurs fonctions.

Les interdits de cette loi sont ceux qu’on trouve déjà dans des lois analogues adoptées par de nombreuses démocraties européennes. Des interdits déjà validés par leurs plus hautes instances juridiques.

Malheureusement, cette loi est incompatible avec la constitution que les provinces anglophones ont adoptée sournoisement en 1982, à l’issue d’une séance ultime de négociation à laquelle le Québec n’était pas invité.

Or cette constitution illégitime élève de simples fixations identitaires (le port de chiffon et de breloques) au rang de droits fondamentaux.

L’hypocrisie canadienne

Selon les recensements de Statistique Canada, la langue anglaise progresse partout au Canada, y compris au Québec. Dans ce contexte, qui marginalise qui ?

Logiquement, le groupe ethnique qui s’accroit est celui qui marginalise le groupe ethnique qui régresse démographiquement.

Un peu comme dans la fable Le Loup et l’Agneau, il faut beaucoup d’audace pour accuser les Québécois de marginaliser les angloQuébécois quand le peuple francoQuébécois ne fait que lutter contre son extinction.

Mais il faut encore plus d’audace pour souligner ‘les problèmes du Québec avec le racisme’, quand l’éléphant dans la pièce est le génocide culturel pratiqué par le Canada à l’égard de ses peuples autochtones depuis plus de 150 ans (après avoir échoué à les exterminer par les armes et la famine au XIXe siècle).

Conclusion

Tant que le Québec ne se sera pas affranchi de la camisole de force constitutionnelle que le Canada anglais lui a imposée en 1982, il devra non seulement justifier le moindre désir d’être différent (dont sa conception de la laïcité) mais il devra à la fois subir l’assaut du système juridique (toujours prêt à invalider nos lois), de même que lutter contre la propagande hostile des médias anglophones du pays.

Or la seule manière de nous en libérer, c’est de réaliser l’indépendance du Québec.

Références :
Anglicisation du Québec : l’omelette de la loi 96
Décision de l’ONU sur la Loi 178
Débat des chefs en anglais: la modératrice défend son intervention
John A. Macdonald
La destruction des Indiens des Plaines. Maladies, famines organisées, disparition du mode de vie autochtone
Le multiculturalisme ou le tribalisme des sociétés anglo-saxonnes
Manitoba : droits fondamentaux et laïcité

Parus depuis : Ottawa a versé des milliards pour l’anglais au Québec (2023-11-27)
Government offices in EU can ban wearing of religious symbols, court rules (2023-11-29)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Santé Canada = Pesticides Canada

Publié le 30 juillet 2021 | Temps de lecture : 7 minutes

Introduction

La semaine dernière, à la demande de Bayer/Monsanto, Ottawa annonçait son intention de tripler la teneur maximale de glyphosate autorisée dans le blé. Cela correspond à 150 fois la limite permise à l’époque où ce défoliant était mis en marché.

Mais on n’arrête pas le progrès. Or pour le gouvernement canadien, le progrès, c’est toujours plus de pesticides dans notre diète. En fait, il suffirait d’ajouter des protéines et quelques vitamines au RoundUp™ pour en faire un aliment complet, semble-t-il…

Le progrès étant toujours en marche, c’est maintenant au tour du géant des pesticides Syngenta et des cultivateurs de Colombie-Britannique (par l’intermédiaire d’Agriculture Canada) de faire connaitre leur volonté de faire hausser les normes élastiques de Santé Canada au sujet des framboises et des gros bleuets dits ‘sauvages’.

Les petits fruits, le régal des ravageurs

Les petits fruits sont principalement composés d’eau et de glucides. Ils sont aimés des oiseaux frugivores, des mammifères, des insectes, et d’innombrables microorganismes.

Et pour protéger les récoltes de la convoitise de ces deux dernières catégories de ravageurs, les cultivateurs utilisent des pesticides. De plus en plus de pesticides.

Chaque printemps, The Environmental Working Group publie sa liste des 46 fruits et légumes les plus contaminés par des pesticides. Cette année, les bleuets sont au 16e rang (en hausse d’un rang en comparaison avec l’an dernier) et les framboises au 22e rang (inchangé).

Précisons que dans le cas des bleuets, il s’agit des gros bleuets comme ceux cultivés en Colombie-Britannique, et non des petits bleuets ‘sauvages’ du Québec et du Nouveau-Brunswick.

Une consultation bidon

Contrairement à la consultation relative à la hausse des taux limites pour le glyphosate, Santé Canada a maintenus secrets les motifs invoqués par Syngenta et les producteurs de Colombie-Britannique pour justifier leur demande de tripler la limite maximale permise du métalaxyl (un fongicide) et du sulfaxaflore (un insecticide).

Il est donc impossible de réfuter les arguments des demandeurs puisqu’ils nous sont inconnus.

De plus, il faut savoir que contrairement aux exigences imposées à l’industrie pharmaceutique à la suite du scandale du thalidomide, l’industrie agrochimique n’est pas tenue de révéler toutes les études de toxicité en sa possession. Un producteur de pesticide est libre de maintenir secrètes les études qui ne lui conviennent pas.

Puisque ces études ont été financées par l’industrie, celle-ci estime qu’elle en est propriétaire et interdit à Santé Canada d’en révéler le contenu tout en l’invitant à se baser sur elles pour prendre ses décisions.

C’est donc à dire à quel point il est presque impossible de lutter contre un adversaire aussi insaisissable que l’industrie agrochimique.

Dans le cas du RoundUp™, on sait que dès le départ, Santé Canada a accepté le principe proposé par Mosanto selon lequel tout ingrédient du produit qui n’est doué de propriétés défoliantes est présumé inoffensif.

On ne sait donc rien de la toxicité des produits extrêmement chimiques qui accompagnent le glyphosate dans la recette du RoundUp™ et il y a lieu de croire que c’est la même chose pour les produits impliqués ici.

La ministre de l’Agriculture du Canada et le premier ministre ont fait savoir qu’ils jugent important d’obtenir l’avis du public, mais qu’en bout de compte, la décision d’Ottawa serait basée ‘sur la science’.

On sait d’avance que les citoyens qui participeront à cette consultation seront presque unanimement opposés à ce qu’on augmente la quantité de produits chimiques dans leur diète, mais que leurs arguments seront jugés irrationnels.

Par opposition, ce que les mandarins de Santé Canada appellent ‘la science’, ce seront l’ensemble des études secrètes soumises par l’industrie.

Conclusion

Dans les pays qui se prétendent démocratiques, on devrait s’attendre à ce que le peuple soit souverain.

Malheureusement, dans le cas des résidus de pesticides dans notre diète, nous ne sommes pas libres de décider de notre niveau d’exposition à ces produits chimiques.

La volonté (en théorie absolue) du peuple est soumise au tribunal de hauts fonctionnaires de Santé Canada qui s’érigent en juges paternalistes de ce qui est bien pour nous.

Cette infantilisation du peuple découle de la conception de l’État que se font les mandarins de la fonction publique fédérale.

Dans tous les ministères fédéraux à vocation économique — y compris ceux qui ont une incidence indirecte à ce sujet comme Santé Canada — ces mandarins se conçoivent comme les gestionnaires suprêmes du marché intérieur canadien.

En effet, l’idéologie néolibérale a perverti les démocraties parlementaires en faisant en sorte que l’État n’est plus l’instrument de la souveraineté du peuple, mais une entreprise de services dont les contribuables sont de simples clients.

Même en élisant un autre gouvernement, cela ne changerait rien. Au Canada, n’importe quel gouvernement constitue la façade ministérielle d’une machine étatique animée par sa propre conception de l’État.

Dans un pays qui possède une longue tradition constitutionnelle, le rapport entre le pouvoir judiciaire, le pouvoir politique et celui détenu dans les faits par les mandarins de la fonction publique est presque immuable.

Cela est une protection contre les dérives autoritaires d’un chef d’État. Par contre, le pouvoir du peuple demeure celui qu’il était au XIXe siècle; celui de choisir périodiquement ses dirigeants politiques à la suite de quoi il doit assumer passivement les conséquences, heureuses ou malheureuses, de ce choix.

La seule manière d’établir un assujettissement permanent du pouvoir politique à la volonté populaire, c’est en faisant table rase des vieilles démocraties parlementaires héritées du XIXe siècle et de créer un nouvel État construit sur des bases nouvelles.

C’est ce que permet l’indépendance du Québec. Celui-ci n’est rien d’autre qu’une occasion de nous affranchir de l’État pétrolier canadien et d’ériger un État digne du XXIe siècle; écologique, juste, laïque, républicain, et voué au bonheur du peuple.

Références :
Encore et toujours plus de glyphosate
La façade ministérielle de l’État canadien
Le thalidomide et le MER/29
Les céréales canadiennes contaminées au glyphosate
Pesticides dans les petits fruits : l’identité des demandeurs dévoilée
Pesticides : Ottawa veut permettre plus de résidus dans les bleuets sauvages
Shopper’s Guide to Pesticides in Produce™

Parus depuis :
Santé Canada envoie 229 pages blanches en réponse à une demande d’accès à l’information (2022-10-24)
Ottawa s’associe au lobby agrochimique en pleine réforme controversée (2023-05-03)
Pesticides : démission « révélatrice » d’un scientifique nommé par Ottawa (2021-07-18)
« Tiger Team » : quand fonctionnaires et lobbyistes coopèrent dans l’ombre (2023-09-26)

Postscriptum du 5 aout 2021 : À la suite du tollé provoqué par cette annonce, le gouvernement canadien a renoncé pour l’instant à toute hausse de pesticides avant une revue complète du processus décisionnel à ce sujet.

Référence :
Ottawa suspend tous les projets de hausse des limites de pesticides dans les aliments

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Écrit par Jean-Pierre Martel