Les miettes fédérales à Bombardier

Publié le 8 février 2017 | Temps de lecture : 7 minutes
© — Bombardier

Introduction

On croit généralement que ce sont les dettes qui acculent une compagnie à la faillite. En réalité, l’assèchement de ses liquidités donne le même résultat.

La CSeries est le projet industriel canadien le plus important depuis les vingt dernières années; Bombardier y a investi 5,4 milliards$ en recherche et développement, ce qui a considérablement tari les liquidités qui lui sont nécessaires pour payer ses employés et ses fournisseurs.

Il est à noter que le coût de développement du Concorde a été de 3 milliards d’euros en valeur d’aujourd’hui (soit 4,5 milliards$).

L’an dernier, le gouvernement Couillard a investi plus d’un milliard de dollars américains pour donner un peu de répit à Bombardier à la veille de la livraison des premiers avions de la CSeries.

De plus, Bombardier a vendu 30% de sa division ferroviaire à la Caisse de dépôt et placement du Québec pour les mêmes raisons.

Sans être absolument indispensable, l’ouverture d’une marge de crédit par le gouvernement canadien permet à des entreprises comme Bombardier de rassurer ses investisseurs.

De plus, en offrant à Bombardier les liquidités dont elle a besoin pour développer les CS500, elle protège Bombardier d’une guerre de prix de Boeing et d’Airbus dans le créneau très précis des avions de la taille des CS300.

Or finalement, la contribution fédérale est extrêmement décevante.

En effet, la nouvelle est tombée de matin : ce sera un prêt de 372,5 millions$, dont les 248 millions$ — les deux tiers — iront au programme d’avions d’affaires Global 7000, construit en Ontario.

Puisque le Québec aide Bombardier et que le Fédéral se trainait les pieds jusqu’ici, la rumeur veut qu’au cours des négociations, Bombardier ait menacé secrètement le fédéral de rapatrier ses installations ontariennes au Québec, d’où ce prêt fédéral, conditionnel à ce que cet argent serve principalement à des fins ontariennes.

Les 124 millions$ du fédéral pour la CSeries seront insuffisants pour lancer le CS500 — le modèle de 160 à 180 places — dont le développement pourrait couter un milliard$ supplémentaire. Ces miettes serviront donc au CS300.

Le Québec, colonie canadienne ?

À l’annonce de la contribution fédérale, le ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique a déclaré : « Il s’agit d’un engagement historique; c’est la plus importante contribution jamais versée (à une entreprise) par le gouvernement fédéral

Vraiment ?

Le sauvetage de Bay Street

Lors de la Grande récession, l’aide accordée aux banques canadiennes a atteint 114 milliards$, soit 3 400$ pour chaque homme, femme et enfant au Canada.

De cette somme, rien ne fut accordé aux Caisses populaires Desjardins puisque celles-ci ont une charte québécoise, et non fédérale.

En d’autres mots, cette aide ne servit qu’à aider les banques ontariennes de Bay Street.

Le sauvetage de l’industrie automobile ontarienne

En 2009, le plan fédéral de sauvetage de l’industrie automobile —  située exclusivement en Ontario — a été de 13,7 milliards$, dont 3,5 milliards$ ne seront jamais récupérés.

À l’époque, les porte-paroles du gouvernement canadien avaient rassuré les Québécois en leur promettant qu’Ottawa serait aussi généreux lorsque viendrait le temps d’aider l’industrie aéronautique, principalement située au Québec.

L’appui au secteur aéronautique, promis en contrepartie au Québec, c’est donc 372,5 millions, soit l’équivalent de 2,8% (dont 0,9% pour le Québec) du sauvetage des succursales canadiennes de GM et de Chrysler.

Les contrats de la Canadian Royal Navy

En 2011, le gouvernement conservateur a accordé 33 milliards$ de contrats à des chantiers maritimes canadiens.

Environ 25 milliards$ de contrats militaires sont allés aux chantiers Irving à Halifax tandis qu’un constructeur maritime de Vancouver a hérité de la portion non militaire.

Rien n’est allé au Québec. Toutefois, Ottawa a accordé un contrat de 700 millions$ au chantier maritime Davie de Lévis pour la conversion d’un navire marchand en navire ravitailleur.

Ce 700 millions$ au Québec, c’est 2,6% de la somme versée aux deux provinces anglophones.

Pourtant, le Chantier de Lévis, le plus important au Canada, apparait sur la Lloyd’s List North American Maritime Awards 2015 à titre de meilleur constructeur naval nord-américain.

La vente de chars d’assaut à l’Arabie saoudite

La vente de 14 milliards$ d’armement à l’Arabie saoudite est un contrat garanti par le gouvernement canadien. Le contrat certifie que le constructeur ontarien sera dédommagé dans l’éventualité où l’Arabie saoudite refuserait de payer la note. En effet, l’Arabie saoudite n’est soumise à la juridiction d’aucun tribunal international de commerce.

Lorsque Bombardier a tenté de vendre des avions à l’Iran, le gouvernement canadien a refusé de s’impliquer sous le prétexte qu’il n’avait pas de relations diplomatiques avec ce pays.

De plus, l’organisme fédéral Exportation et développement Canada n’offre aucune possibilité de financement pour l’Iran, contrairement à ses équivalents français, italiens ou encore danois.

Conséquemment, Bombardier n’a rien vendu à ce pays.

La catastrophe environnementale de Lac-Mégantic

Le transport interprovincial de marchandise étant un domaine fédéral exclusif de compétence constitutionnelle, Ottawa avait l’habitude de payer la totalité des frais d’une catastrophe environnementale lorsque le transporteur ferroviaire n’était pas en mesure de les assumer.

Dans le cas de Lac-Mégantic, le fédéral a décidé de ne payer que 50% des couts. Pourquoi seulement la moitié dans ce cas-ci ? « Parce que nos règles ont changé.» s’était contenté de répondre M. Harper.

Les Québécois paieront donc le 50% refilé au provincial, en plus du 12% de leur part du fédéral, soit 62% de la facture.

La négociation d’accords commerciaux

Avez-vous remarqué que lorsqu’un secteur industriel est sacrifié sur l’autel du libre-échange, c’est toujours un secteur québécois ?

Conclusion

Les Québécois paient 50 milliards$ de taxes et d’impôt au fédéral en contrepartie de 9 à 12 milliards$ de péréquation.

Quand vient le temps d’investir dans la création d’emplois au Québec, l’avarice fédérale est proverbiale. La raison en est simple.

Le fédéral est l’héritier du pouvoir colonial britannique. Mais contrairement aux autres pays colonisateurs, sa colonie n’est pas sous les tropiques; elle est à l’interne, encastrée dans son propre territoire.

D’où une constitution ethnique, signée par une ethnie (le Canada anglais) et imposée à une autre ethnie (nous) à l’issue d’une ultime séance de négociation à laquelle le Québec n’a pas été invité.

Quand vient le temps pour la métropole de décider des règles du jeu, l’avis d’une colonie compte peu.

Et quand il est question d’argent, on pille toujours la colonie au profit de la métropole. Jamais l’inverse. La splendeur de certaines capitales européennes en témoigne.

À l’annonce de ce prêt, le chef du Parti québécois a déclaré que c’était une raison de plus de faire l’indépendance. Je me demande si les Québécois ne devraient pas y songer sérieusement…

Références :
Aide à Bombardier: une raison de faire l’indépendance, selon Lisée
Bombardier: de l’aide pour un avion construit en Ontario
Bombardier et la Serie C: les Coûts du « fédéralisme canadien »
Chantier Davie est écarté des contrats des navires fédéraux
Dévoilement du sauvetage secret des banques du Canada
La clarté et l’opacité du ministre Dion
La CSeries de Bombardier
L’aide d’Ottawa à Bombardier, un prêt de 372,5 millions
Le gouvernement Trudeau approuve l’exportation des blindés vers l’Arabie saoudite
Ottawa confirme le contrat au chantier Davie
Ottawa vole au secours de Bombardier
Pourquoi Bombardier n’a pas encore vendu d’avions à l’Iran?

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Lettre à Jean-François Lisée au sujet des Québécois musulmans

Publié le 4 février 2017 | Temps de lecture : 4 minutes

Aux funérailles montréalaises de trois des victimes de l’attentat antimusulman de Québec, tenues à l’aréna Maurice-Richard, les ministres du gouvernement Couillard et les chefs des partis d’opposition n’ont pas été invités à prendre la parole.

Si on vous avait permis de la faire, je ne suis pas convaincu que l’accueil de la foule à votre égard — où à l’égard de M. Legault, s’il y avait été présent — aurait été plus chaleureux que celui accordé aux premiers ministres du Canada et du Québec.

En effet, même s’il est de bon ton aujourd’hui pour les dirigeants du Parti québécois de prendre leurs distances à l’égard de la Charte de la laïcité, ce projet leur a aliéné de nombreux Québécois de religion musulmane.

C’est ce que soutiennent aujourd’hui MM. Gérard Bouchard et Charles Taylor dans une entrevue au Devoir.

Ceux-ci déclarent : « Les musulmans, ce qui leur a fait le plus mal, c’est la charte des valeurs. Ça les a blessés, humiliés et dressés contre la majorité. C’était une erreur magistrale de ce point de vue là.»

Je suis de cet avis.

Afin de rétablir les ponts avec la communauté musulmane du Québec, j’aimerais que le PQ s’illustre contre la xénophobie de la Droite québécoise. Une Droite que se disputent la CAQ et le PLQ. Et que le PQ a courtisée en vain sous Mme Marois.

Sur les médias sociaux et dans les commentaires publiés sur les sites web de différents quotidiens, il est jugé acceptable d’insinuer que les Musulmans sont en train de prendre le contrôle du Québec; que les Musulmans veulent pervertir nos valeurs fondamentales; que les Musulmans sont tous des cellules dormantes de groupes terroristes; ou que les Musulmans se réjouissent tous secrètement des attentats commis par leurs coreligionnaires à l’Étranger. Jamais un commentaire dans ce sens n’est censuré.

Dans tous ces cas, il s’agit d’une stigmatisation. Or cette stigmatisation est au cœur de la propagande haineuse de la Droite québécoise; ces Québécois sont présentés d’abord comme des Musulmans (ce qui insinue des ‘étrangers’) et non comme des concitoyens.

Il m’est arrivé moi-même d’utiliser l’expression ‘Musulmans d’ici’ pour parler d’eux : je me rends compte que j’ai eu tort et je m’en excuse publiquement.

Je suggère donc que dans toutes ses communications écrites et, si possible, dans les discours de ses élus, le PQ s’engage à utiliser l’expression ‘Québécois musulmans’ et non ‘Musulmans’ ni ‘Musulmans du Québec’. Ici, l’accent est mis sur ‘Québécois’ et non sur ‘Musulmans’. Parce que nous sommes tous des Québécois.

Une telle mesure suscitera évidemment les accusations de récupération politique et l’hostilité de ceux qui sont déjà acquis à d’autres formations politiques.

Mais les membres de la communauté musulmane, eux, y seront sensibles.

De plus, je suggère que le Parti québécois promette, s’il est élu, de consacrer des sommes d’argent aux cimetières du Québec qui voudront devenir multiconfessionnels, sous réserve de différents critères, dont celui de l’acceptabilité sociale dans leurs milieux respectifs. Cela les obligera à travailler eux-mêmes à cette acceptabilité s’il veulent bénéficier de cette subvention.

Pour terminer, les pratiques funéraires musulmanes sont interdites au Québec puisque seuls l’incinération ou l’ensevelissement à la suite d’un embaumement sont permis. Je suggère que cela soit corrigé.

Il s’agit de trois mesures simples que ni la CAQ ni le PLQ ne peuvent adopter sans indisposer une partie de leur base électorale. Tout au plus, le PQ pourrait s’attirer les foudres de ceux qui, de toute façon, ne voteraient pas pour lui, en contrepartie de l’appui massif des Québécois musulmans, heureux de constater que le PQ est dans de meilleures dispositions à leur égard.

Travailler à la cohésion sociale du Québec exige un peu d’effort de chacun d’entre nous et je crois que ces trois mesures iraient dans la bonne direction.

Sur le même sujet :
La Charte de la laïcité : un mauvais départ

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le gouvernement Couillard accorde le droit d’expropriation aux pétrolières

Publié le 12 décembre 2016 | Temps de lecture : 4 minutes

Introduction

Le 10 décembre 2016, sous le bâillon, l’Assemblée nationale du Québec adoptait la loi 106. Celle-ci donne aux pétrolières le droit d’expropriation.

Normalement, l’expropriation crée une obligation d’abandonner à l’État la propriété d’un bien, moyennant une indemnité, quand l’intérêt public l’exige.

Au début des années 1970, deux grands projets ont nécessité des expropriations massives : la création de l’aéroport de Mirabel (392 km²) et la création du parc national de Forillon (245 km²).

Dans son livre ‘L’expropriation du territoire de Forillon : les décisions politiques au détriment des citoyens’, l’historienne Aryane Babin explique que des centaines de familles vivaient en autarcie sur le territoire de Forillon avant la création de ce parc.

Ces familles ont été réduites à la misère par le gouvernement québécois, recevant pour leur terre à bois, leur potager, les animaux de la ferme et leur bâti (ferme et maison) une somme qui ne dépassait pas 30 000$ en dollars d’aujourd’hui.

Cette dépossession a été condamnée par tous les tribunaux auxquels les expropriés se sont adressés. Si bien que depuis, on a mis en place un certain nombre de mesures qui visent à éviter la répétition d’une telle tragédie.

En décidant de déléguer à l’entreprise privée le soin d’exproprier les territoires sur le passage du pipeline Énergie Est, le gouvernement Couillard ne fait pas que de se décharger de l’odieux d’une expropriation réalisée au bénéfice d’intérêts étrangers; il court-circuite toutes les mesures mises en place depuis Forillon.

En effet, la loi 106 ne prévoit rien qui soit destiné à encadrer le conflit d’intérêts des pétrolières, à la fois évaluatrices de la valeur d’un terrain et bénéficiaires des économies réalisées lors de son acquisition.

Concrètement, ce nouveau pouvoir accordé aux pétrolières signifie que si un citoyen refuse de vendre son terrain ou s’il demande un prix jugé excessif par la compagnie, celle-ci pourra s’en emparer de force et l’obtenir pour presque rien.

La loi 106 n’est rien de moins que la capitulation de l’État qui, au lieu de défendre le territoire national, l’offre à la convoitise irrépressible d’intérêts étrangers.

Grâce à cette loi, Trans-Canada pourra faire main basse sur tout territoire convoité et obliger leurs propriétaires à le lui céder — sous la menace d’expropriation — au plus faible prix possible.

En somme, il s’agit d’un pouvoir d’extorsion accordé légalement aux pétrolières.

Le boycottage

Le Printemps érable ne s’est terminé qu’à la suite de l’accession au pouvoir de Mme Marois.

Cette crise sociale a démontré l’inefficacité de marches de protestation contre un gouvernement libéral déterminé à parvenir à ses fins.

Voilà pourquoi je suggère un moyen nouveau, d’autant plus efficace qu’il tient compte de la vulnérabilité des partis politiques, encadrés au Québec par de strictes règles de financement.

Ce moyen nouveau, c’est le boycottage du financement populaire.

On n’a pas pris conscience de l’impact révolutionnaire de la loi sur le financement des partis politiques : celle-ci place les politiciens à la merci du peuple. Le peuple n’a plus le pouvoir uniquement au moment du scrutin : il a ce pouvoir en tout temps.

Dans ce cas-ci, il s’agit de faire cesser immédiatement toute contribution financière au Parti Libéral du Québec tant qu’il n’aura pas retiré la loi 106.

Ce qu’il faut, c’est que le mot d’ordre de boycottage se répande sur les médias sociaux, les blogues et les courriers des lecteurs, comme le feu sur une flaque de pétrole.

Le premier ministre et son cabinet ne sont que la façade derrière laquelle se cachent les véritables dirigeants du PLQ. Ceux qui mènent cette formation politique, ce sont les collecteurs de fonds. C’est à eux qu’il faut nous adresser.

Ce boycottage est le moyen ultime pour nous faire entendre d’eux.

J’invite donc les lecteurs de ce blogue à répandre le court clip vidéo ci-dessous dans les médias sociaux. À cette fin, il suffit de cliquer sur la flèche qui apparaitra dans le coin supérieur droit de la vidéo à la fin du visionnement.

Merci à l’avance.
 

 

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le fédéral veut permettre aux banques de frauder les consommateurs

Publié le 6 décembre 2016 | Temps de lecture : 5 minutes

Introduction

Au début des années 2000, au retour de vacances, des consommateurs québécois ont eu la désagréable surprise de découvrir que leurs banques facturaient des taux de conversion anormalement élevés sur leurs achats effectués en devises étrangères.

C’est qu’en plus des taux de conversion officiels qui varient de jour en jour et qui sont appliqués par les cartes de crédit, les banques ajoutaient d’autres frais à l’insu du consommateur afin de maximiser leurs profits. Or jamais les utilisateurs n’en avaient été informés.

Après le rejet des demandes de remboursement présentées par les quelques consommateurs qui s’en étaient aperçus, les banques suggéraient aux insatisfaits d’en appeler à leur ombudsman ‘maison’. Après analyse de la plainte, celui-ci rejetait la plainte en concluant que la banque (son employeur à lui) avait raison.

Voilà pourquoi des clients se sont tournés en 2003 vers la loi québécoise de protection des consommateurs pour intenter des recours collectifs contre neuf banques canadiennes.

Celles-ci ont fait trainer les procédures si bien qu’après avoir perdu leur cause devant la Cour supérieure (en première instance), puis devant la Cour d’appel, ce n’est qu’en septembre 2014 — onze ans plus tard — qu’elles ont finalement été condamnées par la Cour suprême du Canada à rembourser aux consommateurs les 32 millions$ qui leur avaient été volés sous forme de frais cachés.

À l’époque, on en avait conclu que les banques étaient soumises à la Loi de protection des consommateurs. En réalité, cette conclusion doit être nuancée pour comprendre ce qui va suivre.

La Cour suprême a plutôt statué unanimement que les banques canadiennes étaient soumises aux dispositions de la loi québécoise sur la protection du consommateur qui n’entrent pas en contradiction avec la loi fédérale sur les banques. Nuance.

Pour les banques condamnées, il suffisait donc de se faire voter une loi fédérale taillée sur mesure pour entrer en contradiction avec la loi québécoise.

Le projet de loi C-29

Le parlement canadien a adopté en première lecture le projet de loi C-29. Celui-ci est un texte législatif de 244 pages qui modifie quatorze lois fédérales.

La section 5 de sa partie 4 s’intitule Régime de protection des consommateurs en matière financière. En dépit de son titre rassurant, elle fait exactement le contraire puisque ses articles permettront aux banques canadiennes de se soustraire aux lois provinciales et les laissent libres de frauder à leur guise les consommateurs canadiens.

On y affirme que « …la présente partie vise à avoir prépondérance sur les dispositions des lois et règlements provinciaux relatives (sic) à la protection des consommateurs et aux pratiques commerciales visant ceux-ci.»

Dans une lettre publiée dans Le Devoir, Nicolas Marceau, ex-ministre des Finances du Québec, explique : « Dorénavant, (les consommateurs) ne pourront s’adresser qu’à l’ombudsman des banques, un employé officiellement neutre, mais qui est nommé et payé par les banques. Pire, il ne peut que faire des recommandations. Aucune sanction, aucune amende.

C’est ainsi que toutes les protections juridiques dont jouissent les consommateurs québécois disparaissent au profit d’un mécanisme qui ne repose plus que sur la bonne volonté des banques.


Frais cachés, modification des frais ou des services décidée unilatéralement par les banques, obligation d’offrir un contrat en français, interdiction de la publicité trompeuse, tout ça tombe, au profit des banques. On remplace nos droits par la promesse que les banques seront gentilles avec nous.»

Le 29 novembre dernier, une motion présentée par le Parti québécois à l’Assemblée nationale a été adoptée unanimement par les députés de tous les partis politiques du Québec.

Sont également opposés à ce projet de loi, tous les partis d’opposition à Ottawa, la Chambre des notaires du Québec, le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MEDAC) et le groupe Option consommateurs.

Aujourd’hui dans Le Devoir, Pierre Craig, ex-animateur de l’émission La facture raconte l’anecdote suivante : « Il y a quelques années à La facture, mon équipe et moi avions réalisé une entrevue avec le porte-parole de l’Association des banquiers canadiens. Celui-ci nous avait déclaré qu’il n’était pas question que les banques canadiennes reçoivent des ordres de Saint-Stanislas-de-Kostka, le nom de ce village de 1600 habitants étant utilisé pour désigner les provinces en général. Voilà la façon, à la fois arrogante et méprisante, dont les banques considèrent les lois des provinces de notre pays qui veulent vous protéger.»

Références :
Banque de Montréal c. Marcotte
La trilogie Marcotte de la Cour suprême du Canada
Les banques au-dessus des lois québécoises? Non merci, Ottawa
Projet de loi C-29
Projet de loi C-29: Ottawa incapable de dire si la LPC s’appliquerait aux banques
Projet de loi C-29 : «C’est un cadeau aux banques avant Noël»
Projet de loi C-29, Trudeau et les banques — Promesse rompue
Projet de loi sur les banques — Donner la gérance de la bergerie au loup

Paru depuis : Projet de loi sur les banques — Québec ira en Cour suprême s’il le faut (2016-12-08)


Post-Scriptum : Le 12 décembre 2016, l’honorable Bill Morneau, le ministre des Finances du Canada, a confirmé le retrait de la section 5 du projet de loi C-29.

Référence : Protection du consommateur : Ottawa recule devant Québec (2016-12-12)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Montréal, co-capitale du Québec

Publié le 20 novembre 2016 | Temps de lecture : 2 minutes

Au cours des derniers mois, neuf des vingt-deux rencontres entre des représentants de l’État québécois et des dignitaires étrangers se sont déroulées à Montréal.

Plus tôt cette semaine, le maire de Québec déplorait cette situation. En commission parlementaire, celui-ci s’est fait menaçant : « Là, on est bien patients, mais on peut devenir un peu impatients. Par exemple, une fois la loi sur la capitale nationale adoptée, si on entend parler qu’un dignitaire étranger a été accueilli à Montréal, là on va être moins patients.»

Au Canada, toutes les ambassades sont situées à Ottawa. Toutefois, un certain nombre de pays maintiennent des consulats dans les grandes métropoles du pays comme Montréal, Toronto, Calgary et Vancouver.

Cette présence diplomatique permet la délivrance d’urgence d’un passeport à un ressortissant qui aurait perdu le sien, permet d’aider les familles étrangères qui doivent rapatrier la dépouille d’un parent, ou sert à répondre à toute autre situation d’urgence.

Or il y beaucoup plus d’étrangers qui visitent ou travaillent dans une grande ville internationale et multiethnique comme Montréal comparativement à Québec.

Lorsqu’un chef d’État étranger est de passage à Montréal afin de visiter une entreprise de haute technologie, il serait stupide pour le premier ministre du Québec de refuser de le rencontrer sous le prétexte qu’une rencontre dans la métropole risquerait de susciter la jalousie d’un roitelet de campagne.

Les citoyens de la région de Québec votent majoritairement pour la CAQ, un parti qui prône la diminution du rôle de l’État. De plus, les radios de la vieille capitale passent leurs journées à déblatérer contre les gouvernements, responsables apparemment de tous nos problèmes.

Pourquoi ne pas respecter la volonté populaire des gens de Québec et diminuer cette présence offensante de l’État dans la Vieille capitale au profit de la Nouvelle, c’est-à-dire Montréal ?

Selon un vieux proverbe, Il ne faut pas mordre la main qui nous nourrit. Peut-être y a-t-il là matière à réflexion pour le maire de Québec…

Référence :
La diplomatie à Montréal près de la moitié du temps

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le deuxième débat des candidats à la course à la chefferie du PQ

Publié le 26 septembre 2016 | Temps de lecture : 4 minutes

Introduction

Au lendemain de sa cuisante défaite, le Parti québécois avait hésité à s’engager dans un bilan post-électoral qui aurait été l’occasion de déchirements internes.

Dans ce que disent les candidats à la course actuelle à la chefferie du Parti Québécois (PQ), on note l’apparition d’idées qui rapprochent cette formation politique de l’opinion publique québécoise.

L’option indépendantiste

Ceux qui souhaitent que le PQ abandonne son option indépendantiste doivent comprendre que cela n’arrivera jamais. Ce serait d’ailleurs une grave erreur.

Les Québécois fédéralistes ont déjà le choix entre deux partis fédéralistes. Si ces gens n’aiment pas les Libéraux, ils ont la CAQ comme solution de rechange. Pourquoi le PQ devrait-il se disputer cette clientèle ?

En fait, les fédéralistes peuvent aussi voter pour le PQ puisqu’on ne fait pas au Québec d’élections référendaires; on vote pour un gouvernement et, par la suite, on tient des référendums sur l’indépendance s’il y a lieu.

Déclin de l’appui à l’indépendance du Québec depuis une décennie

L’option indépendantiste est partagée par près de 40% des Québécois. En raison du rejet massif de cette option chez les Anglophones, c’est près de 50% du reste (Francophones et Allophones) qui sont indépendantistes.

Compte tenu des suspicions légitimes des Anglophones au sujet d’une conversion feinte du PQ au fédéralisme, le PQ se partagerait à trois le vote du 50% des Francophones fédéraliste alors qu’il possède actuellement un quasi-monopole de l’autre 50%, celui des Francophones indépendantistes.

C’est clair : le PQ se tirerait dans le pied.

Mais si l’option fondamentale n’est remise en question par personne au sein du PQ, on voit toutefois poindre des suggestions audacieuses qui, il y a peu de temps encore, auraient fait sourciller les gardiens du dogme péquiste.

La défense du français

La Canadian Constitution de 1982 est une loi ethnique votée par le Canada anglais qui vise, entre autres, à étouffer les lois linguistiques dont le Québec s’est doté pour protéger le français.

À maintes reprises sur ce blogue, j’ai exprimé l’avis que le Québec était stupide de se soumettre volontairement à des dispositions constitutionnelles qui menacent sa survie.

À la course précédente à la chefferie, M. Péladeau — qui a finalement été élu — soutenait, au nom du respect de l’État de droit, la soumission au carcan constitutionnel canadien; si le Québec voulait être libre, il n’avait qu’à faire l’indépendance.

Cette approche a du mérite. Toutefois, le déclin démographique des Francophones québécois est inquiétant, notamment à Montréal. Cette situation justifie des correctifs plus immédiats que l’attente d’une accession hypothétique du Québec à l’indépendance.

Or surprise : voilà qu’au cours de ce dernier débat, dimanche dernier, Martine Ouellet proposait le recours à la clause dérogatoire de la Canadian Constitution afin de revenir aux dispositions originelles de la Loi 101 quant à la langue d’affichage.

L’opposition d’Alexande Cloutier à cette suggestion fut huée par la salle. Ce furent les seules huées de la soirée.

Je présume qu’il y a là matière à réflexion de sa part.

La neutralité religieuse de l’État

Mais la bombe de la soirée — qui a peu été rapportée par les quotidiens le lendemain — est la suggestion de Jean-François Lisée d’appuyer le projet de loi libéral relatif à la neutralité religieuse de l’État.

Sur ce blogue, je me suis déjà prononcé à de multiples reprises en faveur d’une telle neutralité.

Indépendamment des motifs invoqués pour M. Lisée pour soutenir sa position, il est clair qu’il entend tourner la page sur le douloureux épisode de la Charte de la laïcité.

Je ne doute pas que cette position courageuse sera l’objet d’interminables discussions au sein du PQ.

Mais c’est la seule qui soit susceptible de rapprocher le PQ de sa base montréalaise (de loin la plus importante) et également des jeunes d’aujourd’hui, beaucoup plus ouverts que les babyboumeurs à l’expression vestimentaire de l’appartenance religieuse.

Références :
La Charte de la laïcité : un mauvais départ
Le projet de loi libéral au sujet de la neutralité de l’État (2e partie : laïcité vs neutralité religieuse)
Le français en péril

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le PQ et Énergie-Est

Publié le 16 septembre 2016 | Temps de lecture : 6 minutes

Hier soir dans mon quartier, j’ai assisté à une conférence prononcée par un candidat à la chefferie du Parti Québécois (PQ). Ce candidat n’était pas mon préféré jusque là mais il l’est devenu en dépit de sa position au sujet d’Énergie-Est.

Rappelons qu’Énergie-Est est le nom d’un pipeline que veut construire une pétrolière et qui doit acheminer 1,1 million de barils de pétrole de l’Ouest vers le Nouveau-Brunswick principalement à des fins d’exportation, et ce en traversant la totalité de la vallée du Saint-Laurent.

Le candidat en question est opposé au passage de ce pipeline au Québec. Bien. Mais il a déclaré que le Québec possédait des moyens d’empêcher la construction de ce pipeline.

Et il a donné comme exemple la possibilité d’obliger la pétrolière à obtenir un permis chaque fois que son pipeline traverserait un cours d’eau. Or ce pipeline doit traverser 830 cours d’eau au Québec.

Et, l’air espiègle, il a précisé que ces demandes devront obtenir l’autorisation de sa collègue Martine Ouellet (dont l’opposition à ce projet est également bien connue).

Voyons les faits.

Le transport interprovincial de marchandises est un domaine de compétence constitutionnelle exclusif du fédéral. Dans un État de droit, on ne peut pas faire indirectement ce qu’il est interdit de faire directement.

En d’autres mots, le Québec ne peut pas empêcher par des moyens détournés un projet autorisé par le gouvernement fédéral dans un domaine de compétence qui lui est exclusif.

Si le Québec devait essayer d’agir de la sorte, les tribunaux invalideraient les moyens entrepris d’autant plus facilement que ce candidat a commis l’imprudence de révéler publiquement leur véritable but.


 
Si le Québec était déjà un pays indépendant, la controverse relative à Énergie-Est n’existerait pas; le Canada exporterait son pétrole par un port situé dans la Baie-d’Hudson (voir ci-dessus).

Pour l’instant, le Québec est une province au sein d’un pays démocratique. Or il faut deux choses pour qu’un pays se définisse comme tel.

Il faut que les minorités puissent s’exprimer. C’est le cas : le Québec peut clamer son opposition.

Mais il faut aussi que la majorité puisse agir. Or justement, le Canada anglais veut Énergie-Est. Conséquemment, ce pipeline nous sera imposé que cela nous plaise ou non.

Tant que le Québec ne deviendra pas un pays indépendant, il devra se soumettre aux décisions majoritaires du Canada anglais. L’adoption de la Canadian constitution de 1982 en est un exemple.

La principale faille idéologique du PQ, c’est de faire croire aux Québécois qu’on peut obtenir à peu près tous les avantages de l’indépendance sans avoir besoin de la faire.

Déclin de l’appui à l’indépendance du Québec de 2004 à 2014

Involontairement, c’est le message que répète inlassablement le PQ depuis des décennies. Il ne faut donc pas se surprendre du lent déclin de la ferveur indépendantiste au Québec.

Les Québécois ne sont pas fous. Pourquoi se lanceraient-ils dans l’aventure incertaine de la partition du Canada quand ils n’auront presque rien de plus qu’en y restant ?

En réalité, les seules manières d’empêcher la construction du pipeline Énergie-Est, ce sont soit l’indépendance du Québec ou des cours pétroliers tellement bas qu’ils rendent cette construction non rentable.

En entrevue avec la chaine télévisée Business News Network, le premier ministre de la Saskatchewan déclarait lundi dernier qu’il s’inquiétait pour l’unité du pays si le processus de consultation de l’Office national de l’énergie ne se terminait pas bien.

Nationalisme albertain

C’était une menace voilée au sujet de l’émergence possible de forces sécessionnistes dans l’Ouest canadien si le fédéral ne réussissait pas à imposer ce pipeline aux Québécois.

Mais ce faisant, le premier ministre de la Saskatchewan révélait ce qui inquiète au plus haut point les stratèges fédéralistes. Ces derniers sont incapables de contrer l’opposition massive des Québécois au passage d’Énergie-Est dans leur province.

Cela ne laisse pas d’autre alternative au fédéral que d’imposer le passage de ce pipeline manu militari — de préférence avec l’aide d’un gouvernement provincial complice — comme ce fut le cas lors de la création du parc national de Forillon et de l’aéroport de Mirabel.

Il s’agit donc d’un argument en or pour inciter les Québécois à opter pour l’indépendance. En effet, le Québec a le choix entre demeurer au sein du Canada et devenir une autoroute à pétrole — par pipeline, par trains et par navires de type Panamax — ou stopper tout cela en devenant indépendant.

En somme, la capitulation du Québec face à l’ordre pétrolier canadien est le prix de son appartenance au pays.

Parce que le fédéralisme a un prix, ce qu’on oublie trop souvent de dire.

Si, comme je le pense, ce pipeline finit par traverser le Québec, les stratèges fédéraux — par le biais de Radio-Canada et La Presse — n’auront plus qu’à détourner la colère populaire contre le PQ qui aura trompé les Québécois sur son aptitude (en réalité nulle) à les protéger de ce projet.

Voilà pourquoi je ne porte pas rancune à ce candidat; ses collègues à la chefferie sont comme lui, occupés à nous expliquer que leur programme électoral est le meilleur pour rendre confortable notre domination au sein du Canada, au point de rendre l’indépendance du Québec à peine nécessaire.

Références :
Énergie Est : Le vrai enjeu
Pipeline Énergie Est : le NON ! de Montréal
Risques décuplés par les navires sous pavillon de complaisance

Au sujet de la dangerosité environnementale des pipelines :
Keystone pipeline raises concerns after third major spill in five years (2022-12-21)

Pour consulter les textes de ce blogue consacrés au prix à payer pour l’appartenance au Canada, veuillez cliquer sur ceci

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Hausse du prix des demandes d’autorisation des pétrolières

Publié le 29 juillet 2016 | Temps de lecture : 3 minutes

J’ai honte.

J’ai honte parce que je me vois contraint de l’avouer; pour une fois, je suis entièrement d’accord avec David Heurtel, le ministre de l’Environnement du gouvernement Couillard.

Par tous les dieux du ciel, de quoi s’agit-il ?

Le gouvernement Couillard vient d’imposer une hausse tarifaire substantielle aux entreprises pétrolières et gazières qui souhaitent obtenir des autorisations du ministère de l’Environnement. Le prix exigé pour l’analyse d’une demande passe de 569$ à 18 750$.

L’article 22 de la Loi sur la qualité de l’environnement exige l’obtention préalable d’un certificat d’autorisation avant d’effectuer tout travail qui serait susceptible de créer des contaminants dans l’environnement ou d’en modifier la qualité.

Prenons un exemple.

En 2014, lorsqu’un certificat d’autorisation avait été accordé à TransCanada pour lui permettre de commencer les travaux de forages à Cacouna (une décision annulée par la Cour), quatre fonctionnaires avaient été impliquées dans l’étude de ce dossier, dont une jeune analyste qui y avait consacré plusieurs semaines de travail.

Et pour défendre cette décision, contestée devant les tribunaux par des environnementalistes, le ministère avait également dépensé des milliers de dollars en honoraires juridiques.

Dans cet exemple, TransCanada n’avait versé que 569$ pour que sa demande soit analysée.

Après avoir calculé le cout réel moyen de ces analyses, le ministère hausse donc de 569$ à 18 750$ le tarif des demandes d’autorisation.

Ce qui signifie que jusqu’à maintenant, à chaque fois qu’une pétrolière versait 569$, les contribuables payaient la différence — soit 18 181$ — ce qui correspond à une subvention involontairement du peuple québécois à cette industrie richissime.

Ce qui est révélateur est la réaction de cette dernière.

Selon l’Association pétrolière et gazière du Québec, cette mesure crée une nouvelle barrière au développement des hydrocarbures dans la province.

Mais est-ce que cette mesure compromet réellement la croissance économique du Québec ?

Le cout d’un seul forage destiné à explorer le potentiel d’un territoire en hydrocarbures est d’environ dix-millions de dollars.

Dans le cas de la demande récente de Petrolia à Antocosti en vue d’effectuer trois nouveaux forages, cette hausse aurait représenté une augmentation des couts de 0,07% si le nouveau tarif avait été en vigueur.

Je soupçonne que c’est beaucoup moins que l’augmentation du salaire du président de cette compagnie cette année.

Références :
Certification d’autorisation: Québec impose une hausse de tarifs aux pétrolières
Décision de la Cour Supérieure au sujet des bélugas du Saint-Laurent

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Être condamné dans une langue qu’on ne comprend pas

Publié le 11 juillet 2016 | Temps de lecture : 7 minutes

Introduction

Un article de La Presse paru vendredi dernier a remis dans l’actualité une histoire qui remonte à 2013.

Il s’agit du cas d’un avocat de la défense qui a protesté parce qu’une cause entièrement plaidée en français a abouti à un jugement écrit en anglais.

Tout cela revient dans l’actualité parce que cet avocat vient d’être condamné par le Comité de discipline de son ordre professionnel pour avoir osé protester à ce sujet.

Les détails

Jacques Caya exerce le métier de conseiller en sécurité financière. En 2009, il a été condamné sous divers chefs d’accusation par la Chambre de la sécurité financière.

En 2013, il perd également une cause qui l’oppose à l’Autorité des marchés financiers. Cette condamnation est portée en appel devant la Cour Supérieure du Québec, une cour où tous les juges sont nommés par le gouvernement fédéral.

C’est là que les choses se gâtent.

L’appel est entendu en avril 2014 par la juge fédérale Karen Kear-Jodoin. Celle-ci est bilingue mais est beaucoup plus familière avec l’anglais.

En effet, c’est en anglais, sa langue maternelle, que cette juge rend presque tous ses jugements. Elle doit au ministre fédéral Rob Nicholson, unilingue anglais, sa promotion à la magistrature.

Devant la Cour supérieure, lors de l’audition de la cause en question, tous les avocats sont francophones et le procès se déroule exclusivement en français. L’appelant — qui est l’accusé en première instance — est unilingue français.

À la fin des procédures, la juge Karen Kear-Jodoin informe les avocats des deux parties qu’elle rendra son jugement en anglais. L’avocat de M. Caya est absent et est représenté par une collègue qui négligera d’en informer son confrère.

En janvier 2015, par un courriel rédigé en anglais, la secrétaire de la juge anglophone informe l’avocat de la défense que le jugement a été finalement rendu. C’est en prenant connaissance de ce jugement de huit pages que celui-ci découvre qu’il est rédigé en anglais.

Ce dernier s’empresse d’écrire une lettre de protestation à la juge Karen Kear-Jodoin, avec copie conforme au juge en chef de la Cour supérieure.

Celui-ci porte l’affaire à l’attention du syndic du Barreau qui fait alors condamner l’avocat protestataire par son Comité de disciple en mai 2016 pour défaut de soutenir l’autorité des tribunaux.

Contrairement aux avocats, vous et moi ne sommes pas obligés de faire des courbettes à un magistrat lorsqu’il manque de jugement.

Au Québec, il y a une multitude de secrétaires juridiques qui sont également traductrices. Au lieu, comme elle l’a fait, d’avoir engagé une secrétaire anglophone plus ou moins bilingue, si la juge Karen Kear-Jodoin avait embauché une secrétaire parfaitement bilingue, personne ne soupçonnerait les lacunes de son français écrit.

De plus, c’est un grossier manque de jugement que d’accepter d’entendre une cause dans une langue dont on ne maitrise pas toutes les subtilités.

Le conformisme juridique face au colonialisme canadian

En 1760, aucun juge de la Nouvelle-France récemment conquise n’était familier avec le Common Law. C’est pourtant le cadre juridique anglais qui s’appliquait dorénavant dans les affaires criminelles de la colonie. Le nouveau pouvoir colonial fut donc obligé de nommer urgemment des juges anglais pour traiter des affaires criminelles courantes.

Voilà pourquoi le conquérant a imposé à ses nouveaux sujets le droit du juge de rendre ses décisions dans la langue de son choix puisque ces nouveaux juges ne parlaient pas français.

Chez un peuple conquis militairement — comme ce fut notre cas en 1760 — tout jugement rendu dans la langue du conquérant est une offense aux yeux du conquis et le rappel de son assujettissement.

De constitution en constitution, cette situation perdure depuis.

Le British North America Act de 1867 permettait également aux tribunaux de rendre un jugement dans la langue de leur choix.

Et ce droit discrétionnaire a été reconduit par la Canadian Constitution, adoptée en 1982 par l’ethnie dominante du Canada à l’issue d’une séance ultime de négociation à laquelle le Québec n’a pas été invité. Tout comme une colonie ne décide pas de la manière avec laquelle le pouvoir colonial exerce son autorité sur elle.

Dans les faits, aucun juge ne condamne un Anglophone en français. Mais à l’inverse, jusqu’au XXe siècle, il était fréquent que des tribunaux canadiens condamnent en anglais des Francophones. Heureusement, de nos jours, cela est devenu très rare.

Le jugement de la magistrate Karen Kear-Jodoin est donc un cas exceptionnel. Mais il tire son importance du fait qu’il est révélateur de l’état d’assujettissement du peuple francoQuébécois à l’ordre colonial canadien.

Dans la majorité des pays, le droit d’être jugé dans sa langue est considéré comme un droit fondamental. En d’autres mots, il s’agit d’un droit de la personne.

L’accusé, surtout s’il perd sa cause, doit comprendre pourquoi il est condamné. Peut-on lui garantir une justice équitable lorsqu’il lui est facile d’imaginer que le tribunal n’a pas très bien compris la preuve présentée devant lui ? La crédibilité du système juridique exige le respect de ce droit fondamental. Lorsque les deux parties parlent une langue différente, la primauté devrait aller à celle de l’accusé.

Mais ce n’est pas le cas au Canada, où prime le droit constitutionnel du juge : cette primauté est un reliquat du passé colonial du pays.

En dépit de l’indélicatesse de l’avocat contestataire, le syndic du Barreau n’était pas obligé de soumettre son cas devant son Comité de discipline. Mais il a préféré rappeler à l’ensemble de la profession juridique son statut de subalterne à l’ordre colonial canadien.

Et pour pallier à cela, la Charte québécoise de la langue française (la Loi 101) prévoit que tout jugement rendu par un tribunal soit traduit gratuitement en français ou en anglais, à la demande d’une partie. Voilà pourquoi l’avocat de M. Caya a finalement obtenu une traduction gratuite du jugement après en avoir fait la demande.

Toutefois, on doit se rappeler que ces frais de traduction, à la charge des contribuables, ne seraient pas nécessaires dans bien des cas si les tribunaux respectaient nos droits fondamentaux au lieu d’être bafoués par des magistrats qui, comme la juge Karen Kear-Jodoin, incarnent le colonialisme canadien.

Références :
Décision de la Chambre de la sécurité financière
Français au tribunal: plainte contre le juge en chef
Judgment by the Honourable Karen Kear-Jodoin
La nomination de Rob Nicholson aux Affaires étrangères critiquée à Québec
Le juge en chef de la Cour supérieure clarifie ses motifs
Lettre de Me Allali
Un avocat sanctionné après s’être plaint d’avoir reçu un jugement en anglais
Une décision en français svp

Parus depuis :
Les faux procès (2016-07-14)
L’article controversé de la loi sur la neutralité religieuse est suspendu (2017-12-02)
Être compris par le juge dans sa langue officielle : la Cour suprême devra se prononcer (2022-10-07)

Pour consulter les textes de ce blogue consacrés au prix à payer pour l’appartenance au Canada, veuillez cliquer sur ceci

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Eaux d’Anticosti : Couillard s’en mêle… ou s’emmêle

Publié le 6 juillet 2016 | Temps de lecture : 5 minutes

En février 2015, à la suite d’une série de bourdes de ses ministres devant les caméras de télévision, le premier ministre leur a imposé le silence; avant d’accorder des entrevues, les ministres doivent obtenir l’autorisation du bureau du premier ministre et ils doivent répéter le plus fidèlement possible le message du parti.

C’est l’excellent journaliste Alexandre Shields du Devoir qui a révélé la décision gouvernementale du 15 juin dernier d’autoriser les pétrolières à puiser trente-millions de litres d’eau des rivières à saumon d’Anticosti à des fins de prospection.

Au Dakota du Nord, il est courant que les pétrolières utilisent l’eau des rivières pour effectuer de la fracturation hydraulique. Cette méthode consiste à injecter dans le sol de l’eau sous pression afin de briser le schiste et libérer les hydrocarbures emprisonnés dans la pierre.

Le Dakota du Nord est situé au centre de la partie Nord des États-Unis, à 360km des Grands Lacs. Anticosti est une ile située dans le golfe du Saint-Laurent.

On comprend mal comment le ministre de l’Environnement David Heurtel a pu autoriser les pétrolières à puiser de l’eau cristalline des rivières d’Anticosti — pour y ajouter du benzène, du sable et d’autres produits chimiques — quand c’est si simple de pendre de l’eau du Saint-Laurent à proximité.

Effectivement, selon le journaliste du Devoir, utiliser l’eau du Saint-Laurent était une suggestion d’un rapport gouvernemental remis au ministre de l’Environnement à la fin du mois de mai. Mais ce dernier en a décidé autrement.

Puisque les révélations du Devoir ont suscité la colère des habitants d’Anticosti et l’incompréhension de beaucoup de Québécois, le bureau du premier ministre a envoyé le ministre des Ressources naturelles au front afin de limiter les dégâts dans l’opinion publique.

Son mandat était double : défendre la décision de son collègue de l’Environnement et rejeter la faute sur le gouvernement péquiste de Mme Marois.

Mais cela n’a pas suffi; la controverse a rejoint le premier ministre.

Interrogé, celui-ci a répété dans ces propres mots le message du parti. Notez la similitude :

Ministre Arcand sur les ondes de Radio-Canada :

« Nous, on a un contrat. Un contrat qui a été signé par l’ancien gouvernement de Mme Marois. Nous, ce qu’on dit depuis le début, c’est qu’on respecte le contrat tel qu’il est.»

Qualifiant de ‘malheureux’ le contrat en question, le premier ministre ajoute, selon la Presse Canadienne :

« Le contrat étant ce qu’il est, on doit le suivre. C’est ce que nous faisons.»

Alors le contrat est ‘ce qu’il est’. Mais comment est-il, au juste, ce contrat ?

Le fameux contrat qui sert de paravent au gouvernement Couillard est essentiellement un contrat d’investissement.

Selon l’insinuation du ministre Arcand — reprise par le premier ministre — le contrat aurait également accordé la permission aux pétrolières d’utiliser l’eau des rivières à saumon d’Anticosti à leur guise.

Le message du premier ministre est simple. Nous, du Parti Libéral, sommes des victimes. Nous sommes obligés de donner suite à un funeste contrat signé par la méchante sorcière qui a dirigé le Québec avant nous.

Mais si cela est vrai, on se demande pourquoi le ministre de l’Environnement a décidé le 15 juin dernier d’accorder aux pétrolières une permission qu’elles avaient déjà. Une permission déjà accordée par la ‘méchante’ Mme Marois.

En somme, les justifications gouvernementales sont cousues de fils blancs. Comme la triste histoire d’Hansel et Gretel retenus prisonniers (ou comme Arcand et Heurtel dans la version libérale du conte pour enfants).

Mais plus gênant est le fait que le premier ministre s’est placé dans une situation d’extrême vulnérabilité. Toute sa crédibilité repose sur les modalités d’un contrat maintenu secret.

En justifiant une décision ministérielle aberrante sous le prétexte d’un ‘malheureux’ contrat qu’on ne peut pas révéler, le gouvernement motive ses adversaires politiques à en divulguer le contenu.

Si personne ne révèle le contenu de ce contrat, c’est que le premier ministre dit vrai. S’il a menti publiquement, il faut donc s’attendre à ce qu’un journaliste en reçoive mystérieusement une copie de la part d’un expéditeur anonyme.

Le suspense politique demeure donc entier…

Références :
Anticosti : 30 millions de litres d’eau pour 3 forages
La malhonnêteté intellectuelle du ministre Arcand
Pompage d’eau sur l’île d’Anticosti: Couillard, désolé, se dit lié par contrat
Quand le contrôle tue le message

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Écrit par Jean-Pierre Martel