Ottawa finance la demande d’invalidation de toutes les lois du Québec

21 mai 2018

Introduction

Aussi incroyable que cela puisse paraitre, l’ordre professionnel des avocats du Québec (appelé le Barreau) et sa branche montréalaise ont déposé le vendredi 13 avril dernier une requête destinée à faire invalider toutes les lois du Québec. Rien de moins.

Alors qu’on imagine très bien la profession juridique jouant le rôle de pilier de l’ordre établi, voilà que leur ordre professionnel souhaite l’instauration du chaos qui résulterait de l’abolition de toutes les lois civiles de la province.

Seul le Code criminel, de compétence fédérale, demeurerait en vigueur.

Mais quel est donc le problème qui nécessiterait un remède aussi draconien ?

Un processus qui serait vicié

Le Barreau estime que les lois actuelles du Québec ont été adoptées selon un processus qui n’a pas été suffisamment bilingue.

Selon l’article 133 du British North America Act — la loi britannique qui a servi de constitution au Canada de 1867 à 1982 — les débats entourant l’adoption d’une loi au Québec peuvent se dérouler en français ou en anglais, au choix de chaque parlementaire. De plus les lois du Québec doivent être imprimées et publiées dans ces deux langues.

La traduction française de cet article constitutionnel n’exige pas cela des projets de loi, mais uniquement des lois elles-mêmes. En effet, c’est seulement après qu’un texte soit devenu loi qu’il devient obligatoire de l’imprimer et de le publier dans les deux langues officielles du Canada.

La version anglaise de l’article 133 est encore plus explicite puis que la seule chose que le parlement québécois est tenu d’imprimer et de publier dans les deux langues, c’est un Act of Parliament. Or ce terme anglais ne s’applique pas à un projet de loi (appelé Bill) mais à une loi (Law), une fois celle-ci adoptée.

Nulle part est-il écrit qu’une loi québécoise doit même être adoptée dans les deux langues.

Mais la Charte de la langue française va plus loin. Son article 7 exige que les projets de loi soient imprimés, publiés, adoptés et sanctionnés à la fois en français et en anglais.

Mais cet article ne précise pas à partir de quand il doit en être ainsi.

Dans le processus d’adoption des lois du Québec, leur version française est généralement celle qui est soumise à l’attention des parlementaires et la version anglaise apparait à la toute fin du processus d’adoption.

De plus, il est fréquent qu’on découvre des erreurs de traduction après la publication d’une loi. C’est ainsi que lors de la révision du Code civil, on a apporté des milliers de corrections mineures à la version anglaise afin de la concilier avec la version française.

Le Barreau estime que la version anglaise de plusieurs lois n’est pas l’œuvre du législateur, mais plutôt le fruit de l’interprétation à postériori qu’en ont fait les traducteurs de l’Assemblée nationale. Il réclame donc l’invalidation de toutes les lois du Québec.

À l’appui de sa thèse, le Barreau présente deux jugements opposés relatifs à l’utilisation d’un téléphone portable au volant. Un jugement basé sur la version anglaise et l’autre sur la version française.

Une contestation contestable

En réalité, dans le cas dont nous venons de parler, cette contradiction ne serait pas survenue si on avait respecté les directives de la Cour suprême du Canada au sujet de l’interprétation des lois.

Celle-ci a invité explicitement les tribunaux inférieurs à interpréter le sens des lois (dont celles du Québec) à la lumière des faits historiques, juridiques et parfois même politiques ayant entouré ou mené à leur adoption.

Ce qui signifie qu’il faut tenir compte des débats à l’Assemblée nationale et en commission parlementaire.

Même si, théoriquement, les deux versions (française et anglaise) ont la même valeur juridique, que fait-on lorsqu’ils se contredisent ? Eh bien l’article 8 de la Charte de la langue française qui précise que dans ce cas, le texte français prévaut.

De toute évidence, le juge francophone qui s’est basé sur la version anglaise n’a pas tenu compte de l’article 8 de la Charte.

La faiblesse de l’argumentation du Barreau ne l’empêche pas d’aller de l’avant.

Un sondage réalisé auprès d’un échantillon de 125 lecteurs de la revue spécialisée Droit Inc a révélé que 19,2% d’entre eux approuvent la démarche du Barreau et que 80,8% s’y opposent.

Un certain nombre d’avocats ont obtenu la convocation — le jeudi 24 mai prochain  — d’une assemblée générale spéciale afin de discuter de cette question.

Que vient faire le fédéral là-dedans ?

Le Barreau entend consacrer une somme d’un demi-million de dollars à sa contestation juridique. Cette somme est financée à 25% par le gouvernement fédéral, par le biais du Programme de contestation judiciaire (PCJ).

Le PCJ dépend du ministère du Patrimoine canadien dont la titulaire est Mélanie Joly. Ce fonds est géré par l’Université d’Ottawa.

Il serait facile pour le fédéral de s’en laver les mains et de soutenir que l’appui du PCJ à cette cause est une décision prise indépendamment de lui par l’Université d’Ottawa.

Mais comme le tocsin de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois annonçait le début de la Saint-Barthélemy, à moins d’une semaine de l’Assemblée générale spéciale du Barreau, la ministre a publié dans Le Devoir un plaidoyer demandant d’aller plus loin en matière de bilinguisme sans toutefois faire allusion à la demande d’invalidation des lois du Québec qu’elle finance en sous-main.

On peut se demander si cette intervention publique de la commanditaire de cette contestation ne serait pas une manière détournée d’appeler en renfort les magistrats nommés par le fédéral et les avocats qui espèrent l’être afin qu’ils soutiennent le Barreau du Québec, sévèrement critiqué par ses membres.

Sur l’utilité de se tenir debout

Il est ironique de penser que l’article 55 de la Canadian Constitution de 1982 oblige le gouvernement fédéral à traduire dans les meilleurs délais toutes les dispositions du British North America Act de 1867 qui sont encore valides de nos jours.

Adoptés évidemment en anglais par le Parlement de Londres au XIXe siècle, ces articles ont été traduits depuis. Mais cette traduction n’est pas officielle parce qu’elle n’a jamais été adoptée par le parlement canadien comme l’exige depuis 36 ans la constitution actuelle…

Certains citoyens du Québec croyaient qu’en portant au pouvoir un gouvernement provincial à plat ventre devant Ottawa, on prévenait les querelles fédérales-provinciales.

Avec cette attaque frontale où le fédéral finance — en partie, grâce à nos taxes — l’abolition de toutes nos lois, on doit réaliser que plus on rampe devant Ottawa, plus on nous traite comme des vers de terre.

Et pendant ce temps, le gouvernement Couillard est silencieux, probablement pour ‘ne pas faire le jeu des séparatistes’ (l’argument ultime pour justifier sa lâcheté).

Jeudi prochain, on ne comptera donc finalement que sur des avocats de bonne foi — autant indépendantistes que fédéralistes — pour contrer l’assaut des apôtres de la bilinguisation du Québec, cette étape intermédiaire avant notre dissolution dans le grand magma anglophone de l’Amérique du Nord.

Références :
Article 133 du British North America Act de 1867
Charte de la langue française
Demande d’invalidation des lois: le Barreau se défend
La façade ministérielle du gouvernement fédéral
La liste des traitres
Langues officielles: il faut aller plus loin
La version française de la Constitution, toujours pas officielle après 28 ans
Le Barreau veut faire invalider les lois du Québec
Les barreaux veulent invalider les lois québécoises !
7,5 millions de dollars pour le Programme d’appui aux droits linguistiques de l’Université d’Ottawa

Post-Scriptum : À l’occasion de l’Assemblée générale spéciale du 24 mai 2018, par un vote de 52,5 %, les membres du Barreau du Québec ont demandé à leur ordre professionnel d’abandonner ses démarches juridiques en vue de l’invalidation des lois du Québec.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le ‘Test des valeurs’ de la CAQ : distinguer entre la connaissance et l’allégeance

18 mai 2018

L’immigration est un des thèmes récurrents de la Coalition Avenir Québec (CAQ).

Alors que le Québec manque de main d’œuvre pour soutenir son développement économique, ce parti politique veut réduire le nombre annuel d’immigrants. Et on croit que la venue d’un nombre jugé excessif d’étrangers créerait un risque de perversion de nos valeurs.

Dans ce contexte, la politique migratoire de la CAQ joue un rôle capital dans son programme électoral.

Dans celui-ci, la CAQ se propose d’imposer la réussite d’un Test des valeurs à tout immigrant et cela, trois ou quatre ans après son accueil chez nous.

Elle compte sur la menace d’une expulsion du pays pour motiver les immigrants à la réussite. Une expulsion qui, doit-on le préciser, ne dépendrait pas d’un gouvernement de la CAQ puisque celle-ci compterait sur Ottawa pour ce faire.

Cet examen serait un test de connaissance et non un serment d’allégeance. En d’autres mots, il ne s’agirait pas d’un engagement solennel à y adhérer.

Il est donc illusoire d’imaginer qu’un tel test protègerait la société québécoise de la ‘perversion’ causée par l’accueil de gens différents de nous; on peut savoir ce que sont les valeurs québécoises sans avoir la moindre intention de s’y conformer.

Dans le texte ‘Le serment d’allégeance aux valeurs du pays’, je suggérais que soit modifié le serment que l’immigrant doit prêter lors de la cérémonie de naturalisation, c’est-à-dire lors de l’étape ultime qui lui permet de devenir citoyen canadien.

Ce serment ne peut être exigé que par Ottawa.

Si la CAQ veut que le gouvernement québécois ait le pouvoir de l’imposer, il lui faudra réaliser l’indépendance du Québec (ce qui n’est pas dans son programme politique, je crois).

Au sein du Canada, il ne reste plus à la CAQ que le pouvoir d’exiger la connaissance de valeurs dites québécoises.

Mais pour exercer ce pouvoir limité, elle doit le faire avant l’émission d’un certificat de sélection. C’est-à-dire avant que le requérant mette les pieds au Québec.

Or cela se fait déjà.

Lorsqu’une personne demande à immigrer au Québec, elle doit signer une Déclaration sur les valeurs communes de la société québécoise.

Le requérant y déclare vouloir respecter ces valeurs et apprendre le français.

Tant que ce document n’est pas signé, le dossier du requérant est incomplet et ce dernier ne peut recevoir le certificat de sélection émis par Québec.

Tout comme un test de connaissance, une déclaration d’intention est moins contraignant qu’un serment d’allégeance. On peut très bien déclarer vouloir une chose et changer d’idée le lendemain, alors qu’il est plus difficile de renier un serment qui faisait de vous un citoyen du pays.

En somme, la déclaration d’intention est l’équivalent d’une résolution du Nouvel An.

Mais la CAQ n’a pas le choix; une fois que la personne concernée est admise au pays, un gouvernement caquiste ne pourrait rien exiger de plus. Cette impuissance est le prix du fédéralisme.

En effet, l’appartenance au Canada se paie par la soumission de la CAQ à une constitution adoptée en 1982 par le Canada anglais à l’issue d’une séance ultime de négociation à laquelle le Québec n’a pas été invité.

Cet ordre constitutionnel condamne tout gouvernement provincial à n’être que l’intendant régional du gouvernement canadian. Parce que c’est ce que veut l’ethnie dominante du pays.

La CAQ contribue à une psychose antimigratoire alors que sa politique à ce sujet, clé de voute de son programme électoral, est son talon d’Achille. Et c’est précisément parce que cette faille met en péril sa crédibilité que ses adversaires s’acharnent à ce sujet.

À quelques mois des élections, la CAQ pourrait in extremis apporter les changements nécessaires à son programme électoral.

À défaut de cela, ce parti enfourchera une picouille — sa politique migratoire actuelle — comme cheval de bataille de son combat contre l’immigration. De toute évidence, la CAQ risque de payer cher ce choix de monture.

En faisant la promotion de mesures coercitives qu’elle ne peut réaliser qu’après l’indépendance du Québec, la CAQ suscite des espoirs qui ne peuvent trouver leur aboutissement que si ses sympathisants portent au pouvoir une autre formation politique…

Tout un paradoxe !
 
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Écrit par Jean-Pierre Martel


La tour de Babel de la laïcité libérale

10 mai 2018

Introduction

La ministre de la Justice du Québec dévoilait hier les lignes directrices destinées à encadrer les demandes d’accommodement pour un motif religieux. Ces lignes directrices entreront en vigueur le 1er juillet 2018.

Le propre d’une loi bien écrite, c’est d’être facile d’application.

Vous roulez au-delà de la limite de vitesse : vous commettez une infraction. Vous cultivez plus de quatre plants de cannabis : vous violez le Code criminel.

Même la Loi de la Relativité d’Einstein — destinée à expliquer toutes les forces de l’univers — peut se résumer simplement par l’équation E = mc².

Hélas, la laïcité libérale est beaucoup plus complexe. En résumé, tout dépend de tout. Ou plus exactement, tout dépend de tout et vice-versa… à moins du contraire.

L’avenir appartient aux répondants

« Chaque demande d’accommodement pour un motif religieux sera étudiée au cas par cas, et ce, en fonction du contexte au moment où la demande est formulée » selon la ministre.

Chaque municipalité et chaque organisme public ou parapublic devra désigner un ou plusieurs ‘répondants’. Ceux-ci auront à traiter les demandes d’accommodement pour motif religieux.

« Ce n’est pas chaque chauffeur, ce n’est pas chaque employé qui est responsable de (traiter) la demande. Ce seront les répondants » précise la ministre.

Par conséquent, une entreprise comme la Société de transport de Montréal ne peut pas émettre une directive pour expliquer à ses employés ce qu’ils doivent faire s’ils se retrouvent dans une situation précise. Tout peut varier.

Un cas concret

Dans le métro, vous êtes dans la file d’attente pour acheter un titre de transport.

Au début de la file, une personne demande un accommodement raisonnable. Le préposé contacte aussitôt un répondant. Mais la ligne n’est pas libre.

Le répondant est occupé à peser et à sous-peser un cas qui s’est présenté quelques minutes plus tôt ailleurs sur le réseau, voire à contacter les avocats de la STM à ce sujet.

L’attente au bout du fil sera brève puisque les lignes directrices de la ministre sont simples.

Selon la ministre, « le demandeur doit croire sincèrement qu’il est obligé de se conformer à cette conviction ou cette pratique dans le cadre de sa foi.»

La première tâche du répondant est donc d’analyser la sincérité du demandeur auquel il ne peut pas parler directement.

Ensuite, l’accommodement demandé ne doit pas entrer en conflit ni avec le droit à l’égalité entre les femmes et les hommes ni avec le droit de toute personne d’être traitée sans discrimination. Autrement dit, les autres usagers ou les employés ne doivent pas subir de discrimination fondée sur leur sexe, leur race, leur identité de genre, leur orientation sexuelle ou tout autre motif interdit par la Charte des droits et libertés de la personne.

Selon la ministre, on doit aussi avoir en tête les principes de sécurité, de communication et d’identification lorsqu’une personne voudra recevoir service public tout en demeurant masquée.

Tout cela est bien vague. Cela veut dire quoi concrètement ? Le répondant jugera.

D’autre part, le demandeur devra collaborer à la recherche d’une solution satisfaisante et raisonnable en faisant des compromis pour limiter les contraintes que sa demande peut causer.

En particulier, l’accommodement demandé ne doit pas imposer une contrainte excessive à l’organisme visé, c’est-à-dire nuire de façon importante à sa prestation de services, à sa mission et à la qualité de ses services.

Un demandeur qui essuie un refus pourra interjeter appel devant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Ce qui prend des mois.

Est-il utile de rappeler que vous êtes toujours dans votre file d’attente dans le métro…

Conclusion

En matière de laïcité, le plus petit dénominateur qui unit toutes les formations politiques québécoises, c’est leur volonté commune qu’au moment d’une interaction entre le prestataire de service gouvernemental et la personne qui le reçoit, il soit obligatoire que les deux interagissent à visage découvert.

Une telle obligation est parfaitement conforme à la constitution de nombreux pays — notamment en Allemagne, en Belgique, au Danemark et en France — et une telle exigence est même reconnue valide par la Cour européenne des droits de la personne.

Et pourtant, cela est contraire à la Canadian Constitution. Cette constitution ethnique a été adoptée en 1982 par l’ethnie dominante du Canada à l’issue d’une ultime séance de négociation à laquelle le Québec n’a pas été invité.

Pour s’y soustraire, le Québec n’a qu’à invoquer sa clause dérogatoire. Mais le Parti libéral du Québec est le parti de la soumission à cette camisole de force constitutionnelle qui oblige le Québec d’être constamment en deçà de ce qu’il aspire à être.

À défaut d’invoquer la clause dérogatoire, le gouvernement Couillard se voit dans l’obligation d’ériger un écran de fumée qui masque son impuissance.

D’où l’adoption de cette loi inutile. Inutile dans la mesure où elle ne permet rien de plus que ce qui est déjà permis. Et elle n’interdit rien de plus que ce qui est déjà interdit.

Cet écran de fumée est couteux; il nécessitera la création de nombreux postes de ‘répondants’ là où une simple directive aurait fait l’affaire.

C’est le prix du fédéralisme niais du gouvernement Couillard…

Références :
Accommodement raisonnable: la règle du cas par cas s’appliquera
La CEDH juge «nécessaire» l’interdiction du voile intégral dans l’espace public
L’uniforme laïque des forces de l’ordre
Québec présente les lignes directrices pour les accommodements religieux
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Écrit par Jean-Pierre Martel


Couillard à Lac-Mégantic : acheter des votes avec l’argent des contribuables

8 mai 2018

C’est vendredi prochain que le premier ministre Justin Trudeau annoncera un investissement de 133 millions$ destiné à construire une voie ferroviaire de contournement à Lac-Mégantic.

Il s’agit d’un projet conjoint du gouvernement fédéral et du gouvernement du Québec : Ottawa paiera 80 millions$ tandis que Québec paiera les 53 millions$ restants.

Au moment où ces lignes sont écrites, il n’est pas clair s’il s’agit d’un don public au transporteur ferroviaire qui a pris la relève de la défunte MMA ou si la voie de contournement sera de propriété étatique.

Dans ce dernier cas, s’agit-il d’une propriété conjointe des deux gouvernements ? Et si c’est le cas, le transporteur ferroviaire aura-t-il à payer des droits de passage pour l’emprunter ?

La dérèglementation du transport ferroviaire — amorcée par les gouvernements libéraux fédéraux et poussée jusqu’à l’absurde par les conservateurs — consistait, entre autres, à remettre la sécurité des Canadiens entre les mains d’aventuriers. Avec le résultat qu’on sait.

Bref, après la MMA, le fédéral est, au second degré, le responsable de la catastrophe humaine et environnementale de Lac-Mégantic.

Dans tous les déraillements antérieurs à celui de Lac-Mégantic, le fédéral payait la totalité des frais lorsque le transporteur ferroviaire était inapte à le faire.

Mais à Lac-Mégantic, le fédéral a décidé de refiler 50 % de la facture à Québec (qui, pourtant, n’y était pour rien). Nos règles ont changé, disait Stephen Harper.

Les Québécois ont donc payé le 50 % refilé au provincial, en plus du 12 % de leur part du fédéral, soit 62 % de la facture.

Maintenant, pour la voie de contournement, Québec investira 53 millions$ dans un domaine de compétence exclusive du fédéral.

Indépendamment de l’opportunité de cette voie de contournement, il est clair que ce n’est pas à Québec de payer pour réparer les pots cassés du fédéral.

Durant les trois premières années au pouvoir, Philippe Couillard a saigné à blanc partout dans les champs de compétence du Québec. Et en cette année du père Noël, le voilà qui ne sait plus où il pourrait semer au vent nos dollars.

Sa générosité comble jusqu’au gouvernement fédéral. Qui en a tellement besoin.

Ces 53 millions$ que le fédéral épargne grâce à la bonté servile du gouvernement Couillard, il pourra les investir au développement économique du reste du pays.

Et inversement, c’est autant d’argent que le gouvernement du Québec n’aura pas pour s’acquitter de ses responsabilités.

C’est ce qui arrive lorsqu’on n’a pas de stratégie industrielle; on ne sait pas où dépenser.

Référence :
La voie de contournement de Lac-Mégantic sera annoncée vendredi

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Tensions à l’approche de la légalisation du cannabis

7 mai 2018

Introduction

D’ici l’automne qui vient, la consommation du cannabis sera égalisée au Canada.

À l’approche de cette légalisation, le gouvernement Couillard, réticent à cette légalisation, n’a pas fait grand-chose pour calmer les appréhensions des Québécois à ce sujet.

Voici les réponses à quelques questions qu’on pourrait se poser.

Comment éviter les dangers de la fumée secondaire ?

Les dangers de la fumée secondaire n’ont été prouvés que dans des endroits clos, c’est-à-dire dans les cas où la fumée est expirée dans une voiture ou dans une pièce non aérée.

On n’a jamais prouvé ce danger à l’extérieur. Et il est improbable qu’une telle preuve apparaisse un jour. Pourquoi ?

Le contenu de deux poumons pleins de fumée de cannabis, dilué dans les centaines de litres d’air séparant le fumeur de toute autre personne, donnera une concentration de fumée insignifiante, variable selon la direction du vent.

D’autant plus que la fumée a tendance à s’élever, comme tout gaz chaud.

Pour des raisons liées à la survie de l’espèce, les humains sont sensibles à l’odeur de la fumée. Il est donc facile de sentir la puanteur de la fumée de cannabis, même à des concentrations trop faibles pour avoir un effet pharmacologique.

Voilà pourquoi l’espoir d’obtenir un trip gratuit simplement en suivant sur la rue un inconnu en train de fumer un joint est plus du domaine du fantasme que celui de la réalité.

Devrait-on bannir la consommation de cannabis à l’intérieur des immeubles ?

En légalisant la consommation de cannabis, cette activité tombe sous la protection de la Charte canadienne des droits et libertés.

Par conséquent, les propriétaires qui voudraient interdire à leurs locataires de fumer du cannabis dans leur logis n’ont pas de base légale pour ce faire.

Dans son logement, un locataire est chez lui. Comme s’il en était propriétaire.

Toutefois, la fumée du cannabis est légèrement plus cancérigène que celle du tabac. Sur cette base, on peut instaurer des interdits qui se justifient par le gros bon sens.

La consommation de cannabis dans les ascenseurs (un lieu clos) et dans les aires communes d’un immeuble peut donc être interdite comme elle l’est déjà pour le tabac.

Cette légalisation, compromet-elle la sécurité de nos routes ?

Dans les États américains qui ont légalisé l’usage de la marijuana, cette légalisation a entraîné une légère diminution de la consommation chez les jeunes après quelques mois.

Au Québec, la consommation de cannabis est tolérée depuis des décennies. Sa légalisation ne représente qu’un changement de fournisseur pour l’utilisateur.

On ne voit pas pourquoi, de manière générale, les automobilistes prendraient soudain l’habitude de fumer un joint avant de prendre le volant. S’ils ne le font pas déjà, pourquoi se mettraient-ils à le faire ?

Ceci étant dit, des milliers de Canadiens sont blessés annuellement dans des accidents de la route — causant des dizaines de morts — en raison de la conduite automobile avec facultés affaiblis, principalement chez les jeunes. Et ce, en partie causée par la consommation de cannabis.

Ce qui prouve que la prohibition, malheureusement, n’est pas un substitut à l’éducation pour combattre les mauvaises habitudes.

Comment les policiers peuvent-ils savoir que quelqu’un est stone ?

Il n’existe pas de test fiable qui permettrait de connaitre les taux sanguins des ingrédients actifs du cannabis à partir d’un prélèvement de salive.

Puisque les policiers n’ont pas le droit d’effectuer des prélèvements sanguins et ne sont pas compétents pour en faire, comment peuvent-ils prouver qu’une personne est intoxiquée ?

Dans le cas des benzodiazépines et les autres psychotropes, il n’existe pas non plus de tests qui soient aussi simples et aussi faciles que ceux pour l’alcool.

Ce qui n’empêche pas les policiers d’être en mesure de vérifier la coordination motrice du conducteur intercepté; le toucher du bout du nez, la marche en ligne droite, et ainsi de suite.

Dans le cas du cannabis, les policiers feront ce qu’ils font déjà en présence de quelqu’un qui leur semble intoxiqué par des médicaments.

Pourquoi s’oppose-t-on à la culture domestique de quatre plants de cannabis ?

Selon le gouvernement Couillard, « ce type de production serait difficile à contrôler, contribuerait à banaliser la substance et pourrait augmenter l’accès du produit aux enfants et adolescents présents au domicile.»

Il n’est pas question pour les policiers de ‘contrôler’ la production domestique de cannabis, pas plus qu’ils le font pour le vin.

Toutefois, la limite de quatre plants facilite l’application de la loi. Lors d’une perquisition pour différentes raisons, cette limite permettra aux policiers de distinguer entre la production domestique et la production industrielle.

Tout comme la limite de 100 km/h au-delà de laquelle il y a excès de vitesse, la limite de quatre plants est arbitraire. Il faut une limite claire et la voilà.

Est-ce que les policiers vont arrêter celui dont un des quatre plants se sera ramifié pour donner naissance à un cinquième plant embryonnaire ? C’est possible. Tout comme il est possible pour un policier de donner une contravention à celui qui dépasse la limite de vitesse par 0,5 km/h.

Le fédéral aurait fixé une autre limite, qu’on aurait la même discussion byzantine.

Y a-t-il danger d’empoisonnement quand le cannabis est cultivé à domicile ?

À la différence des bébés des animaux herbivores, il est rare qu’un bébé humain mange les plantes d’intérieur de ses parents.

C’est une chance puisque le muguet est mortel alors que le cannabis ne l’est pas.

De plus, la teneur en fibre du cannabis est telle qu’il est désagréable d’en brouter les feuilles.

L’argument du gouvernement Couillard à ce sujet est irrationnel et dépourvu de fondement scientifique.

Comment expliquer la fermeté de Justin Trudeau ?

Au cours de la dernière campagne électorale fédérale, Justin Trudeau a promis de légaliser la consommation du cannabis. Ce n’était pas sa promesse la plus importante mais c’en est une qui a beaucoup attiré l’attention.

En tant que chef d’État, Justin Trudeau a toute la latitude pour se couvrir personnellement de ridicule. Mais il n’a pas la liberté de porter atteinte à la crédibilité de l’État fédéral.

Comme l’a démontré le texte La façade ministérielle du gouvernement fédéral, les grands mandarins sont ceux qui exercent le véritable pouvoir au sein de la machine de l’État fédéral.

Si Justin Trudeau entrait en conflit avec eux, ceux-ci auraient tôt fait (par des fuites compromettantes) se saper son autorité et de discréditer son gouvernement dans l’opinion publique.

Bref, ces grands serviteurs de l’État n’hésiteraient pas à rappeler à l’ordre Justin Trudeau s’il avait la tentation de céder à Philippe Couillard.

Dans une meute, le loup dominant doit toujours apparaitre comme invulnérable. C’est une loi universelle en politique.

Bref, dans le rapport de vassalité dans lequel le fédéral maintient les gouvernements provinciaux, on doit croire que le fédéral finit toujours par l’emporter. Ce qui dissuade les provinces d’entrer en conflit avec lui.

À l’approche des élections, Philippe Couillard semble espérer que son grand frère libéral l’aidera à gagner des votes en cédant à des demandes futiles. Cela est très téméraire de sa part.

Conclusion

La population québécoise a longtemps souhaité la légalisation de la consommation du cannabis. Les sondages récents prouvent que ce n’est plus le cas; de ces temps-ci, 54 % des Québécois y sont plutôt défavorables ou très défavorables.

À des degrés divers, les trois principaux partis politiques du Québec ont décidé de courtiser cet électorat.

Le gouvernement Couillard a demandé qu’on retarde l’entrée en vigueur de la loi fédérale et s’oppose à toute culture domestique de plants de cannabis. La CAQ s’oppose bec et ongles à cette légalisation. Le PQ a réservé ses reproches sur la manière choisie par le gouvernement pour encadrer la distribution de cannabis au Québec.

Beaucoup de citoyens espèrent que le gouvernement québécois (ou, à défaut, les municipalités) interdira la consommation de cannabis sur la voie publique sous le prétexte du danger de la fumée secondaire (qui n’est dangereuse que dans des endroits clos).

Et on compte sur les propriétaires pour interdire de fumer à l’intérieur pour d’autres raisons qui seraient toutes aussi valables si on les appliquait au tabac.

Bref, hypocritement, on veut que nulle part le fumeur de cannabis ne puisse se prévaloir de la légalisation. Dit autrement, on veut rendre impossible ce que le fédéral veut permettre.

En réalité, le droit criminel est un domaine de compétence exclusive du fédéral. Et son application relève des provinces. En d’autres mots, les provinces peuvent appliquer (mollement ou non) une loi fédérale. Mais elles ne peuvent pas créer d’offenses criminelles là où il n’y en a pas.

En conséquence, dans ce cas-ci, toute tentative de s’opposer au fédéral est vouée à l’échec. Et toute contestation juridique serait un gaspillage des fonds publics.

Philippe Couillard prêche les vertus de l’appartenance du Québec au Canada. Pour être cohérent, il doit apprendre à en respecter les règles. Donc, se soumettre à un ordre constitutionnel qui fait de lui un intendant régional du gouvernement canadien.

Références :
Cannabis au volant: la tolérance zéro serait impossible
Culture du Cannabis: Couillard demande à Ottawa de lui laisser les coudées franches
La légalisation de la marijuana fait-elle augmenter la consommation chez les ados?
Le fédéralisme de guerre
Légalisation du cannabis : les Canadiens divisés, les Québécois contre
Pour la déclaration obligatoire des investissements des élus dans les paradis fiscaux
Sondage CROP-Radio-Canada : Les Canadiens et la légalisation du cannabis
Trudeau tient aux quatre plants de marijuana à domicile

Paru depuis :
Les risques de la fumée secondaire du cannabis sont minimes (2018-10-22)
 
 
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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le transport aérien d’urgence d’enfants autochtones malades : la cruauté de l’État québécois

4 mai 2018

Introduction

En 1981, le gouvernement du Québec mettrait sur pied un programme de transport aérien d’urgence appelé Évacuations automédicales au Québec (ÉVAQ).

Ce service transporte 3 700 patients par an, soit environ dix par jour.

Financé par le ministère de la Santé, l’ÉVAQ couvre toutes les régions éloignées du Québec, dont le Grand Nord.

Afin de s’acquitter de son mandat, l’ÉVAQ possède ses propres aéronefs équipés d’instruments médicaux puisque ce sont des ambulances volantes. Dans un cas, il s’agit même d’un avion-hôpital.

Chaque vol de celui-ci coute environ sept-mille dollars. En comparaison, le transport aérien d’un cas ‘ordinaire’ coute en moyenne deux-mille dollars.

En 1985, le Québec inaugurait un hôpital dans le Grand Nord (à Puvirnituq). Parmi les services offerts, on y effectue des chirurgies d’un jour. Son centre de santé dessert sept communautés dispersées le long du littoral de la Baie d’Hudson.

Ailleurs, les soins de santé sont assurés par des infirmières à l’emploi de dispensaires dispersés à quelques endroits sur ce vaste territoire.

Toutefois, les cas urgents et lourds doivent être transférés vers les centres hospitaliers du Sud, situés à quatre heures d’avion.

À cette fin, l’ÉVAQ effectue des vols à partir des quatorze aéroports régionaux créés le long du littoral du Nouveau-Québec (le Nunavik).

Les enfants séparés de leur mère

Lorsqu’un enfant autochtone tombe à ce point malade qu’il faut d’urgence le transporter par avion à un hôpital situé dans le Sud, le Québec est la seule province canadienne qui refuse que l’enfant soit accompagné de sa mère.

Imaginez le contexte. Un enfant blessé ou susceptible de mourir — dont la langue maternelle n’est ni le français ni l’anglais — est arraché à son village afin de prendre l’avion pour la première fois de sa vie sans la présence rassurante de sa mère.

Dans certains cas, on prendra en charge un enfant qui sanglotera durant tout le vol et ne cessera de pleurer que sous anesthésie générale.

Pour l’hôpital de Montréal ou de Québec, cette séparation occasionne des difficultés à obtenir le consentement éclairé des parents.

De plus, ces derniers doivent — à leurs propres frais sur des vols commerciaux — se rendre à l’hôpital et y arriver après leur enfant. Parfois, après que tout soit terminé.

Depuis les années 1970, certains groupes de pression ont organisé un boycottage international de la vente de fourrure par les Inuits canadiens.

Puisqu’il s’agissait essentiellement de leur seule source de revenus, ce boycottage a ruiné les communautés inuits du Québec, poussant les taux de suicide à des sommets historiques.

Conséquemment, le cout d’un vol aérien est prohibitif pour une bonne partie d’entre eux. Et dans les rares cas où leur enfant décède dans le Sud, ils n’ont même pas les moyens financiers de rapatrier son corps.

Aveuglement partisan

Il y a trois mois, après avoir essuyé de sévères critiques, le ministre de la Santé du Québec avait annoncé sa décision de permettre qu’un parent accompagne son enfant lors du transport d’urgence dans le Sud. Comme cela se fait déjà partout ailleurs au Canada.

Mais on apprend aujourd’hui que rien n’a été fait.

Depuis ce temps, il ne se passe pas une journée à l’Assemblée nationale sans que le ministre de la Santé reproche à la Coalition Avenir Québec d’être un parti d’extrême droite.

Mais qu’est-ce qu’un parti de droite ? C’est un parti du côté des possédants plutôt que du côté du peuple.

Ces partis assèchent les finances de l’État par des réductions d’impôts qui profitent aux riches, ce qui oblige l’État à couper dans le filet de protection sociale. Et surtout, ils s’acharnent contre les citoyens les plus pauvres avec une cruauté proportionnelle à leur vulnérabilité.

Or, ce dont on parle ici, c’est d’humains qui font souffrir d’autres humains sous le principe de la rigueur budgétaire.

Si le ministre se croit à gauche, j’ai vu mieux…

Références :
Avion-ambulance: de jeunes patients sont encore évacués du Nunavik sans leurs parents
Évacuations automédicales au Québec
Notre (véritable) position sur la chasse au phoque

Paru depuis :
Sur la trace des enfants autochtones disparus (2021-05-25)

Compléments de lecture :
Une femme algonquine et crie dénonce une stérilisation sans son consentement (2021-05-13)
Les Inuit « systématiquement privés » d’indemnités allouées aux victimes de violence (2021-08-01)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Référendum québécois : il suffit de 50% des voix plus une

29 avril 2018


 
Introduction

Le procès relatif au pourcentage des votes nécessaire pour qu’un référendum soit déclaré victorieux a connu un cheminement plutôt rocambolesque.

À la suite du référendum québécois de 1995, le fédéral adopte en juin 2000 la Loi sur la clarté référendaire.

En vertu de cette loi, le gouvernement canadien se réservait le droit de décider à postériori du pourcentage nécessaire pour qu’un référendum québécois soit jugé gagnant.

En décembre 2000, le gouvernement du Québec réplique en adoptant la loi 99. Entre autres, celle-ci précise que pour être jugé gagnant, un référendum doit recueillir 50% des voix plus une.

Quelques mois plus tard, plus précisément en mai 2001, le Québécois Keith-Owen Henderson, chef du Parti Égalité, s’adresse aux tribunaux afin de faire déclarer anticonstitutionnelle cette nouvelle loi québécoise.

Une guerre de procédures s’entama aussitôt. Ce qui eut pour effet de retarder considérablement cette cause. La Cour à laquelle ce citoyen s’adressa mit seize ans avant d’entendre les parties et une année de plus pour trancher la question. Au total, ce fut une attente dix-sept ans.

Au début, le conflit n’opposait que le gouvernement du Québec à M. Henderson et son parti.

Après la dissolution officielle du Parti Égalité en mai 2012, le gouvernement canadien s’invita directement dans le débat en 2013. Et la Société Saint-Jean-Baptiste fit de même en 2016.

Lorsque la poussière procédurière retomba finalement, la Cour supérieure entendit les parties en mars 2017 et rendit sa décision le 18 avril 2018.

Importance de la loi 99

La loi 99 est remarquable par sa brièveté; un préambule de quinze considérants suivi de seulement quatorze articles (il est reproduit intégralement à la fin du texte).

À son sujet, la décision de la Cour supérieure a surtout attiré l’attention parce qu’elle inflige (par la bande) un sérieux revers à la loi fédérale sur la clarté référendaire.

Toutefois, l’importance de cette loi dépasse très largement la simple question du pourcentage qu’un référendum doit atteindre pour être jugé gagnant.

L’Honorable Dallaire écrit :

Bien que la Loi 99 ne bénéficie pas comme tel du statut de loi supra-législative, (…) nous sommes d’opinion que la matière qu’elle contient porte sur des principes fondamentaux se situant au cœur du système démocratique qui a toujours prévalu au Québec, que ce soit avant et depuis l’avènement de la Confédération.
(…)
Son titre, Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec, est l’indice le plus important pour confirmer l’intention du législateur d’en faire une loi particulière et fondamentale.

Selon la magistrate, la loi 99 n’est rien de moins qu’une constitution intra-étatique puisqu’elle établit les principes démocratiques du fonctionnement de l’État québécois. En d’autres mots, c’est la codification législative du droit québécois en matière de démocratie.

Le style littéraire de la magistrate

En principe, lire un jugement de plus de six-cents paragraphes est une corvée. Dans ce cas-ci, la tâche est allégée par le style littéraire de la juge Claude Dallaire.

En dépit du fait que le plaignant soit anglophone, la magistrate a choisi de rendre son jugement en français, comme il se doit, puisque l’accusé — dans ce cas-ci l’État québécois — est français.

Et on s’amuse en pensant à ces pauvres traducteurs qui auront la corvée de traduire des expressions comme ‘là où le bât blesse’, ‘débuter sur des chapeaux de roue’, ‘substantifique moelle’, ‘se faire taper sur les doigts’, ‘tourner autour du pot’, ‘ajouter des bretelles à la ceinture’, etc.

L’interprétation de la loi 99

La Grande-Bretagne a ceci de particulier : elle ne possède pas de constitution au sens moderne du terme.

Dans le droit anglais (le Common Law), celui-ci est fabriqué par les juges et consigné dans la jurisprudence. Cette dernière est la source première du droit. Les lois britanniques n’existent que pour préciser ou déroger à la judge-made law.

À l’opposé, le droit français (ou droit civil) nait du législateur. Et ce sont les juges qui l’interprètent et l’appliquent.

Par l’Acte de Québec de 1774, le Parlement britannique permettait aux magistrats du Québec de rendre justice selon les lois civiles françaises. À l’exclusion toutefois des offenses criminelles, sanctionnées par le Common Law britannique.

Pendant des siècles, les débats des parlementaires n’étaient pas publiés. Les tribunaux ne pouvaient donc pas en tenir compte lorsqu’ils avaient à apprécier l’intention du législateur. En somme, c’était le pif du juge qui prévalait.

Même après qu’on se soit mis à imprimer le journal des débats, beaucoup de juges ne se donnaient pas la peine d’en prendre connaissance.

Voilà pourquoi la Cour suprême du Canada a invité explicitement les tribunaux inférieurs à interpréter le sens des lois (dont celles du Québec) à la lumière des faits historiques, politiques et parfois même juridiques ayant entouré ou mené à leur adoption.

Cette directive visait à éviter aux assemblées législatives d’avoir à légiférer chaque fois qu’un juge prenait un peu trop ses aises avec le texte d’une loi qu’elles avaient adopté.

Au Québec, cette directive de la Cour suprême a eu une conséquence imprévue.

Lorsque vient le temps d’interpréter les lois civilistes, cela disqualifie les juges qui comprennent mal le français. En effet, ceux-ci ont à interpréter le sens de lois adoptées à la suite de débats — à l’Assemblée nationale et en commission parlementaire — qui se déroulent presque exclusivement en français et qui ne sont pas traduits comme le sont les lois et les avis officiels de l’État québécois.

La juge Dallaire a donc profité pleinement de son avantage linguistique.

Partout où le plaignant, M. Henderson, aurait eu raison de dire que la loi 99 était ambigüe et pouvait être interprétée à des fins sécessionnistes, la juge Dallaire cite les propos rassurants du ministre Joseph Facal, parrain de la loi en question.

Donc, en prenant au pied de la lettre les directives de la Cour suprême du Canada, la juge Dallaire inflige une gifle au gouvernement fédéral et n’offre au plaignant que le choix d’en appeler auprès des tribunaux supérieurs.

Mais après avoir attendu dix-sept ans pour ce jugement en première instance, les rhumatismes de M. Henderson l’incitent sans doute à prendre sa retraite au coin du feu…

Références :
Décision de la juge Claude Dallaire
Acte de Québec (1774)
Loi sur la clarté référendaire
Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec


Texte de la Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec

 
CONSIDÉRANT que le peuple québécois, majoritairement de langue française, possède des caractéristiques propres et témoigne d’une continuité historique enracinée dans son territoire sur lequel il exerce ses droits par l’entremise d’un État national moderne doté d’un gouvernement, d’une assemblée nationale et de tribunaux indépendants et impartiaux;

CONSIDÉRANT que l’État du Québec est fondé sur des assises constitutionnelles qu’il a enrichies au cours des ans par l’adoption de plusieurs lois fondamentales et par la création d’institutions démocratiques qui lui sont propres;

CONSIDÉRANT l’entrée du Québec dans la fédération canadienne en 1867;

CONSIDÉRANT l’engagement résolu du Québec à respecter les droits et libertés de la personne;

CONSIDÉRANT l’existence au sein du Québec des nations abénaquise, algonquine, attikamek, crie, huronne, innue, malécite, micmaque, mohawk, naskapi et inuit et les principes associés à cette reconnaissance énoncés dans la résolution du 20 mars 1985 de l’Assemblée nationale, notamment leur droit à l’autonomie au sein du Québec;

CONSIDÉRANT l’existence d’une communauté québécoise d’expression anglaise jouissant de droits consacrés;

CONSIDÉRANT que le Québec reconnait l’apport des Québécoises et des Québécois de toute origine à son développement;

CONSIDÉRANT que l’Assemblée nationale est composée de députés élus au suffrage universel par le peuple québécois et qu’elle tient sa légitimité de ce peuple dont elle constitue le seul organe législatif qui lui soit propre;

CONSIDÉRANT qu’il incombe à l’Assemblée nationale, en tant que dépositaire des droits et des pouvoirs historiques et inaliénables du peuple québécois, de le défendre contre toute tentative de l’en spolier ou d’y porter atteinte;

CONSIDÉRANT que l’Assemblée nationale n’a pas adhéré à la Loi constitutionnelle de 1982, adoptée malgré son opposition;

CONSIDÉRANT que le Québec fait face à une politique du gouvernement fédéral visant à remettre en cause la légitimité, l’intégrité et le bon fonctionnement de ses institutions démocratiques nationales, notamment par l’adoption et la proclamation de la Loi donnant effet à l’exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec;

CONSIDÉRANT qu’il y a lieu de réaffirmer le principe fondamental en vertu duquel le peuple québécois est libre d’assumer son propre destin, de déterminer son statut politique et d’assurer son développement économique, social et culturel;

CONSIDÉRANT que, par le passé, ce principe a trouvé à plusieurs reprises application, plus particulièrement lors des référendums tenus en 1980, 1992 et 1995;

CONSIDÉRANT l’avis consultatif rendu par la Cour suprême du Canada le 20 aout 1998 et la reconnaissance par le gouvernement du Québec de son importance politique;

CONSIDÉRANT qu’il est nécessaire de réaffirmer les acquis collectifs du peuple québécois, les responsabilités de l’État du Québec ainsi que les droits et les prérogatives de l’Assemblée nationale à l’égard de toute question relative à l’avenir de ce peuple;

Le Parlement du Québec décrète ce qui suit :

Chapitre I : Du Peuple québécois

1 – Le peuple québécois peut, en fait et en droit, disposer de lui-même. Il est titulaire des droits universellement reconnus en vertu du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes.

2 – Le peuple québécois a le droit inaliénable de choisir librement le régime politique et le statut juridique du Québec.

3 – Le peuple québécois détermine seul, par l’entremise des institutions politiques qui lui appartiennent en propre, les modalités de l’exercice de son droit de choisir le régime politique et le statut juridique du Québec.

Toute condition ou modalité d’exercice de ce droit, notamment la consultation du peuple québécois par un référendum, n’a d’effet que si elle est déterminée suivant le premier alinéa.

4 – Lorsque le peuple québécois est consulté par un référendum tenu en vertu de la Loi sur la consultation populaire, l’option gagnante est celle qui obtient la majorité des votes déclarés valides, soit 50% de ces votes plus un vote.

Chapitre II : De l’État national du Québec

5 – L’État du Québec tient sa légitimité de la volonté du peuple qui habite son territoire.

Cette volonté s’exprime par l’élection au suffrage universel de députés à l’Assemblée nationale, à vote égal et au scrutin secret en vertu de la Loi électorale ou lors de référendums tenus en vertu de la Loi sur la consultation populaire.

La qualité d’électeur est établie selon les dispositions de la Loi électorale.

6 – L’État du Québec est souverain dans les domaines de compétence qui sont les siens dans le cadre des lois et des conventions de nature constitutionnelle.

Il est également détenteur au nom du peuple québécois de tout droit établi à son avantage en vertu d’une convention ou d’une obligation constitutionnelle.

Le gouvernement a le devoir de soutenir l’exercice de ces prérogatives et de défendre en tout temps et partout leur intégrité, y compris sur la scène internationale.

7 – L’État du Québec est libre de consentir à être lié par tout traité, convention ou entente internationale qui touche à sa compétence constitutionnelle.

Dans ses domaines de compétence, aucun traité, convention ou entente ne peut l’engager à moins qu’il n’ait formellement signifié son consentement à être lié par la voix de l’Assemblée nationale ou du gouvernement selon les dispositions de la loi.

Il peut également, dans ses domaines de compétence, établir et poursuivre des relations avec des États étrangers et des organisations internationales et assurer sa représentation à l’extérieur du Québec.

8 – Le français est la langue officielle du Québec.

Les devoirs et obligations se rattachant à ce statut ou en découlant sont établis par la Charte de la langue française.

L’État du Québec doit favoriser la qualité et le rayonnement de la langue française. Il poursuit ces objectifs avec un esprit de justice et d’ouverture, dans le respect des droits consacrés de la communauté québécoise d’expression anglaise.

Chapitre III : Du territoire québécois

9 – Le territoire du Québec et ses frontières ne peuvent être modifiés qu’avec le consentement de l’Assemblée nationale.

Le gouvernement doit veiller au maintien et au respect de l’intégrité territoriale du Québec.

10 – L’État du Québec exerce sur le territoire québécois et au nom du peuple québécois tous les pouvoirs liés à sa compétence et au domaine public québécois.

L’État peut aménager, développer et administrer ce territoire et plus particulièrement en confier l’administration déléguée à des entités locales ou régionales mandatées par lui, le tout conformément à la loi. Il favorise la prise en charge de leur développement par les collectivités locales et régionales.

Chapitre IV : Des nations autochtones du Québec

11 – L’État du Québec reconnait, dans l’exercice de ses compétences constitutionnelles, les droits existants — ancestraux ou issus de traités — des nations autochtones du Québec.

12 – Le gouvernement s’engage à promouvoir l’établissement et le maintien de relations harmonieuses avec ces nations et à favoriser leur développement ainsi que l’amélioration de leurs conditions économiques, sociales et culturelles.

Chapitre V : Dispositions finales

13 – Aucun autre parlement ou gouvernement ne peut réduire les pouvoirs, l’autorité, la souveraineté et la légitimité de l’Assemblée nationale ni contraindre la volonté démocratique du peuple québécois à disposer lui-même de son avenir.

14 – (Omis).

Annexe abrogative

Conformément à l’article 9 de la Loi sur la refonte des lois et des règlements, le chapitre 46 des lois de 2000, tel qu’en vigueur le 1er avril 2001, à l’exception de l’article 14, est abrogé à compter de l’entrée en vigueur du chapitre E-20.2 des Lois refondues.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’uniforme laïque des forces de l’ordre

23 avril 2018

Introduction

Le sujet qui suscite actuellement les débats les plus passionnés au Québec est celui de la laïcité.

Il oppose les partisans de la laïcité républicaine (d’inspiration française) à la neutralité religieuse de l’État (d’inspiration anglo-saxonne).

À de nombreuses reprises, tant sur ce blogue que dans les commentaires soumis au quotidien Le Devoir, je me suis exprimé en faveur de la neutralité religieuse de l’État. Ce qui signifie l’indifférence de l’État face aux symboles religieux portés par les citoyens, y compris par ses fonctionnaires.

En somme, c’est vivre et laisser vivre.

À mon avis, il est normal que l’ensemble des serviteurs de l’État reflètent la Nation. Celle-ci regroupe des citoyens de sexes différents, des grands et des petits, des gens à la pilosité et à la pigmentation variées, de même que des gens vêtus, peignés, tatoués et percés différemment. Et des gens de confessions religieuses différentes comme en témoignent leurs tenues vestimentaires.

Contrairement à ce que certains prétendent, porter un turban sikh, un foulard musulman ou un uniforme religieux, cela n’est pas du prosélytisme; personne ne change de religion à la vue d’un vêtement porté par quelqu’un d’autre.

Mais il n’y a pas de principe absolu. Après mure réflexion, j’en suis venu à croire qu’on devrait interdire le port de signes religieux (ostentatoires ou non) aux personnes qui exercent les pouvoirs répressifs de l’État : les soldats, les policiers, les juges et les gardiens de prison.

Non pas à toutes les personnes en position d’autorité (comme le veut la Coalition Avenir Québec), mais seulement aux forces de l’ordre. Parce que dans l’esprit de tous, un policier est un représentant de l’État : ce n’est pas le cas d’un professeur ni d’une éducatrice en garderie.

Les bases historiques des laïcités républicaine et anglo-saxonne

Le but de la Révolution américaine était de soustraire les colons blancs américains du pouvoir de taxation arbitraire du roi d’Angleterre.

Par le biais de la Démocratie parlementaire — le droit de choisir ses dirigeants politiques — ces colons pouvaient influencer les taxes qui leur étaient imposées.

Une idéalisation contemporaine de cette révolution l’a transformée un triomphe des droits de la personne. Il n’en est rien. À preuve : la nouvelle République américaine toléra longtemps l’esclavagisme noir.

La population de ce nouveau pays était composée en bonne partie d’Européens qui avaient fui les persécutions religieuses. On s’assura de l’indifférence de l’État face aux différentes pratiques religieuses des citoyens.

Voilà les assises historiques de la laïcité anglo-saxonne.

La Révolution française de 1789 était plus ambitieuse. Sa devise — Liberté, égalité, fraternité — exprimait le désir de proclamer l’égalité civique de chaque citoyen.

Il ne s’agissait plus seulement du pouvoir de choisir ses dirigeants, mais de les contraindre juridiquement à respecter la dignité du peuple.

Pour inciter les citoyens à adhérer aux idées révolutionnaires, il était essentiel que la République mette fin aux injustices de l’Ancien régime.

Justice et apparence de justice

Dans de très nombreux cas — par exemple, lors d’une arrestation pour excès de vitesse — le policier possède le pouvoir discrétionnaire de donner un avertissement ou une contravention.

Le citoyen ne doit pas soupçonner qu’il aurait pu bénéficier de l’indulgence du policier s’il avait appartenu au même groupe ethnique ou religieux que lui. Voilà pourquoi, dans les pays où il existe de profondes rivalités interculturelles, il est préférable que les responsables du maintien de l’ordre soient habillés de la même manière.

En Europe, les policiers portent des uniformes qui permettent au citoyen de savoir à quel type d’agent de la paix il a affaire : responsables de la circulation, policiers, gendarmes, gardien de prison, etc. Cela révèle l’étendue des pouvoirs dont cette personne est investie.

L’absence de distinctions ethniques est moins vrai dans le cas des armées.

À l’époque où certains pays européens possédaient des colonies, il était fréquent qu’on regroupe les soldats ‘indigènes’ dans des bataillons spécifiques où il leur était permis de porter un uniforme qui témoigne de leur appartenance ethnique, mais pas religieuse, à l’exclusion des aumôniers (qui portent le col romain) et des ministres du culte.

Toutefois, ces soldats interagissent rarement avec la population habitant la métropole. Donc ces distinctions n’avaient pas d’impact sur la population du pays colonial.

En résumé, le prérequis à l’application du principe selon lequel l’État doit traiter chaque citoyen de manière égale, c’est que les personnes investies des pouvoirs répressifs de l’État doivent paraitre sans biais politique, religieux ou autre.

D’où le port d’un uniforme destiné à masquer tout biais chez ces personnes. Ce qui rejoint l’étymologie du mot ‘uniforme’, c’est-à-dire un seul aspect.

La camisole de force constitutionnelle

La Canadian Constitution de 1982 a été adoptée par les provinces anglophones à l’issue d’une séance ultime de négociation à laquelle le Québec n’a pas été invité.

Les idéologues qui l’ont rédigée voulaient consacrer la suprématie absolue des droits individuels pour deux raisons.

Premièrement, parce que cela permettait d’ajuster le système juridique canadien au néolibéralisme triomphant de l’époque.

Et deuxièmement, parce que cela bloquait les dispositions les plus importantes de la Loi 101. En effet, celle-ci proclamait la préséance de certains droits collectifs — ceux nécessaires à la pérennité de la langue française au Québec — sur certains droits individuels, notamment celui de s’assimiler au groupe linguistique de son choix.

Selon la mythologie fédéraliste, la Canadian Constitution est un texte sacré que l’ancien premier ministre Pierre-Elliott Trudeau — tel Moïse descendant de la colline Parlementaire — aurait confié à son peuple de la part de Dieu.

En consacrant la suprématie absolue des droits individuels, les idéologues canadians n’ont pas su prévoir la montée de l’intégrisme islamique, résultat des sommes colossales que la dictature saoudienne consacre à sa promotion.

Si bien que, par exemple, le port du niqab sur la voie publique est un droit constitutionnel au Canada, mais ne l’est pas ni en France, ni en Belgique, et ni en Allemagne. Et ce n’est même pas un droit constitutionnel au Maroc, pourtant pays musulman.

En raison de cette constitution dysfonctionnelle, le fondamentalisme islamique est au Canada ce que la vache sacrée est à l’Inde.

Voilà pourquoi, les tribunaux canadiens ont reconnu à Mme Zunera Ishaq le droit d’être masquée en recevant sa citoyenneté canadienne.

De la même manière, un juge nommé par le Fédéral au Québec a rendu un jugement en anglais dans lequel il suspend l’application de l’article clé de la loi québécoise qui oblige les services gouvernementaux à être rendus et reçus à visage découvert.

Cela signifie que toutes les formes de laïcité préconisées par les partis politiques du Québec sont anticonstitutionnelles. Même le parti le moins exigeant à ce sujet (le Parti Libéral du Québec) devra céder devant l’ordre constitutionnel canadian.

Une capitulation en douceur

Cela place nos dirigeants politiques (municipaux comme provinciaux) dans une situation très inconfortable, coincés entre l’opposition vive des citoyens et un carcan constitutionnel auquel les tribunaux les soumettront inexorablement à plus ou moins long terme.

D’où l’idée de tenter de modifier l’opinion publique.

On nous citera l’exemple de la Gendarmerie royale (où les turbans sikhs sont permis) et quelques villes canadiennes où les agents de la paix sont autorisés à porter des signes religieux.

Et tout dernièrement, il y a eu le cas d’une étudiante montréalaise qui désire devenir policière tout en conservant son hijab.

Écoutez ce qu’en dit la ministre de la Justice du Québec :

« C’est triste de casser les rêves d’une jeune fille qui est déterminée. Une jeune fille qui est née ici au Québec. Une jeune fille qui est déterminée. Qui a des rêves. Qui souhaite s’intégrer dans un métier qui est non traditionnel.


C’est triste de dire à cette jeune fille : Non. Sais-tu, tes rêves, tu ne peux pas les poursuivre au Québec parce que ta foi me dérange.»

Le premier ministre Philippe Couillard renchérit :

« Alors, dire à cette femme, à cette jeune femme : Non, ton rêve, ce ne sera pas au Québec. Va ailleurs.


Je ne peux pas comprendre qu’on envoie un message semblable.»

Ce que la ministre Vallée et le premier ministre Couillard oublient de mentionner, c’est que la première chose qu’on apprend à un étudiant qui veut devenir policier ou soldat, c’est d’obéir aux ordres. S’il reçoit un ordre qui ne lui convient pas, il lui faudra s’y soumettre ou exercer un autre métier.

Cette étudiante qui ‘rêve’ d’être la première policière à porter le hijab est dans la même situation que celui qui ‘rêve’ de devenir soldat tout en respectant le sixième commandement de sa foi chrétienne : ‘Tu ne tueras point’.

Quand le général ordonne ‘Tirez !’, eh bien on tire. Par contre, si on veut être objecteur de conscience, on ne fait pas carrière ni dans l’armée ni dans la police.

Conclusion

Depuis une décennie, le Québec s’est engagé dans une profonde réflexion au sujet de la laïcité.

S’inspirant de la laïcité républicaine, les Québécois sont en train de définir leur propre conception des règles qui devraient régir la séparation entre l’État et l’Église et, par-dessus tout, dans quelle mesure ceux qui dispensent les services de l’État peuvent afficher leur foi.

Dans la guerre d’usure qui vise à soumettre le Québec au carcan constitutionnel décidé par le Canada anglais, l’issue est prévisible; le Québec devra inexorablement se soumettre à la camisole de force constitutionnelle que l’ethnie dominante du Canada lui a imposée en 1982.

Les partis d’opposition ont beau promettre qu’ils seront plus exigeants à ce sujet que le Parti libéral du Québec (PLQ). En réalité, ils devront capituler. En effet, même les intentions minimalistes du PLQ vont déjà trop loin.

La solution de facilité est évidemment d’invoquer la clause dérogatoire. Ce que pourrait faire un parti résolu à affronter le tollé de l’élite médiatique anglo-canadienne et les menaces de représailles de la classe politique fédéraliste.

La moitié des francoQuébécois sont fédéralistes. Il est certain que ceux-ci s’accrocheront à l’illusion que le Québec peut demeurer fidèle à lui-même tout en demeurant dans le Canada.

En réalité, l’accommodement raisonnable le plus détestable exigé de nous par le fédéralisme canadien, c’est d’accepter d’être constamment en deçà de nos possibilités dans le but de nous plier à la mentalité de l’ethnie dominante du pays.

Progressivement, les fédéralistes québécois réaliseront que la perte de notre identité, de nos valeurs et même de notre langue est le prix à payer pour appartenir au Canada.

Au-delà des cataplasmes sur une jambe de bois, la seule issue véritable pour la nation québécoise si elle veut vivre comme elle l’entend, c’est de s’affranchir du colonialisme canadien et de devenir un pays indépendant.

Références :
Étudiante en techniques policières voilée: la politique de la division
La CEDH juge «nécessaire» l’interdiction du voile intégral dans l’espace public
La Charte de la laïcité : un mauvais départ
La façade ministérielle du gouvernement fédéral
La laïcité républicaine
L’Allemagne interdit le voile intégral dans la fonction publique
L’École nationale de police se prononcera pour la première fois sur les signes religieux
Le Danemark veut interdire le voile intégral dans les lieux publics
Le Maroc interdit la fabrication et la vente de la burqa
Le projet de loi libéral au sujet de la neutralité de l’État (2e partie : laïcité vs neutralité religieuse)
Les services à visage découvert et les droits constitutionnels
Neutralité religieuse : un juge suspend l’application de l’article clé de la loi
Policiers et symboles religieux – une ligne à ne pas franchir
Sondage: les Canadiens et les Québécois favorables au projet de loi 62
Zunera Ishaq, who challenged ban on niqab, takes citizenship oath wearing it

Parus depuis :
Denmark passes law banning burqa and niqab (2018-05-31)
L’Algérie interdit le port du niqab sur le lieu de travail (2018-10-19)
Switzerland to ban wearing of burqa and niqab in public places (2021-03-07)

Pour consulter les textes de ce blogue consacrés au prix à payer pour l’appartenance au Canada, veuillez cliquer sur ceci

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Une assemblée d’investiture

9 avril 2018
Carole Poirier, Jean-Martin Aussant et Véronique Hivon
La députée Carole Poirier

Introduction

Dimanche dernier, j’ai assisté pour la première fois à une Assemblée d’investiture.

Celle-ci avait pour but de choisir la personne qui portera les couleurs du Parti québécois (PQ) lors des prochaines élections québécoises.

Cette réunion était précédée d’une autre, soit l’Assemblée générale annuelle des membres du PQ qui habitent le quartier.

Les finances de l’association locale

Les états financiers nous apprennent que de janvier à décembre 2017, l’association locale disposait d’un budget d’un peu plus de trois-mille dollars, plus précisément de 3 212,50$. À cet ordre de grandeur, la précision compte.

Près de 60% de cette somme n’a pas été dépensée. Elle a été économisée en vue de constituer un butin de guerre en vue des élections.

Évidemment, à cette occasion, l’essentiel des sommes dépensées par le PQ le seront pour la campagne au niveau de l’ensemble du Québec.

Afin de promouvoir la candidate de la circonscription, les instances nationales transfèreront un somme d’un peu plus de onze-mille dollars. C’est tout.

C’est donc à dire que la campagne de la candidate reposera sur l’implication bénévole des citoyens.

L’investiture de Carole Poirier

L’horaire prévoyait le moment précis du début de l’Assemblée d’investiture sans préciser un autre moment pour sa fin.

Comme si cette réunion se terminerait dans la minute même, soit 14h15.

Ce fut presque le cas puisqu’une personne était en lice, soit la députée sortante.

L’hommage à la candidate

Jusque-là à moitié vide, le grand gymnase de l’école Baril s’est rempli pour la dernière partie de la rencontre. Il s’agissait d’un hommage à la candidate.

Après une présentation sommaire de Jean-Martin Aussant — un brillant économiste qui agit présentement à titre de conseiller du chef du parti — c’est essentiellement Véronique Hivon, vice-cheffe du Parti Québécois, qui fut responsable de plaider la cause de la candidate et de nous parler de l’importance de l’implication citoyenne dans le processus électoral.

Mme Carole Poirier se chargea de la dernier partie de la réunion en faisant le bilan de ses réalisations.

Très habilement, l’évènement se tenait à l’école Baril, une des trois écoles désamiantées récemment dans le quartier. En fait, celle-ci a été rasée puis construite à neuf.

J’ignore combien il y a eu de nouvelles écoles construites ces dernières années sur l’ile de Montréal, mais je soupçonne qu’il y en a peu.

Cette réalisation était un rappel que la députée est un pitbull. Plus exactement, c’est le grain de sable dans le soulier des fonctionnaires qu’elle harcèle jusqu’à ce que le quartier reçoive les investissements publics nécessaires, en dépit des politiques d’austérité gouvernementale.

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5 mark II, objectif M.Zuiko 75mm F/1,8
1re photo : 1/160 sec. — F/1,8 — ISO 200 — 75 mm
2e  photo : 1/160 sec. — F/1,8 — ISO 200 — 75 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Pour la déclaration obligatoire des investissements des élus dans les paradis fiscaux

12 février 2018
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Introduction

À la période de questions du 8 février 2018, le député péquiste Nicolas Marceau, suivi du chef de l’opposition, abordèrent le dernier sujet de la journée; la commercialisation de la marijuana au Québec.

Des rapports policiers indiquent que le crime organisé s’apprête à s’impliquer dans la production légale de cannabis afin de compenser la perte de ce marché au profit de l’État.

Son but est de prendre le contrôle de l’approvisionnement à la Société québécoise du cannabis, responsable de sa distribution. À cette fin, on créerait des usines de production financées par des sociétés-écrans situées dans des paradis fiscaux.

On devine le reste. Une fois ses usines de productions reconnues, la pègre éliminerait ses concurrents par des menaces, par l’extorsion et par des actes criminels. Jusqu’à reconstituer le monopole qu’elle a déjà.

En interdisant la production personnelle de cannabis, le gouvernement Couillard contribuera également à ce monopole de la pègre.

L’État deviendrait ainsi le distributeur au détail du crime organisé.

Afin d’éviter cela, le Parti Québécois suggérait de doter la Société québécoise du cannabis du pouvoir de rayer toute entreprise financée à partir de paradis fiscaux de la liste de ses fournisseurs.

Dans le fond, cette suggestion ressemble au pouvoir de refuser d’accorder un permis d’alcool à tout établissement qui est la propriété du monde interlope.

Et dans le cas des fournisseurs qui n’appartiennent pas à la pègre, on s’assure ainsi que les profits réalisés par la production de cannabis ne seront pas détournés vers les paradis fiscaux et que ces entreprises paieront leur juste part d’impôts.

Mais voilà que la question de l’opposition soulève la colère du ministre des Finances. Au point de justifier l’intervention du président de l’Assemblée nationale.

Frappant son bureau, bafouillant et gesticulant dans tous les sens, le ministre des Finances s’est perdu dans considérations teintées d’émotivité. Si bien qu’il n’a pas réussi à terminer sa réponse incohérente dans le temps qui lui était alloué.

Conséquemment, la période des questions s’est terminée en queue de poisson.

Le gouvernement Couillard et les paradis fiscaux

Depuis quinze ans, le Parti libéral gouverne à peu près sans interruption le Québec. Jusqu’ici, il n’a presque rien fait contre l’évasion et l’évitement fiscaux.

Officiellement, il est contre le premier et pour le second alors que l’évitement fiscal n’est que de l’évasion fiscale légalisée.

Le gouvernement libéral invoque qu’il ne peut agir seul et qu’il doit attendre l’action concertée de tous les pays de l’OCDE avant d’agir.

Des experts comme Alain Deneault soutiennent le contraire.

Mais supposons que le ministre ait raison. Dans ce cas, il est clair que la suggestion du chef de l’opposition permet de pallier ‘l’impuissance’ présumée du gouvernement Couillard d’agir autrement.

Or cette suggestion met le ministre dans tous ses états. Pourquoi ?

La lutte contre les conflits d’intérêts

Au Québec, l’article 38 du Code d’éthique des membres de l’Assemblée nationale oblige tous les élus (au pouvoir comme dans l’opposition) à divulguer leurs intérêts pécuniaires. En plus, dès qu’ils deviennent ministres, ceux-ci doivent confier les sociétés qu’ils contrôlent à des fiducies sans droit de regard.

Cette divulgation concerne les sommes qui doivent leur être versées au cours de l’année, les biens immobiliers (sauf la résidence personnelle), les emprunts et les prêts d’une certaine valeur (sauf le solde de comptes bancaires), les investissements sous forme d’actions ou d’obligations (dans des entreprises cotées ou non en bourse).

Pourquoi la loi exige-t-elle cela ? Afin d’empêcher les élus d’adopter des mesures qui les favorisent personnellement au détriment de l’intérêt général.

L’échappatoire

Rien dans ce code de déontologie n’oblige la divulgation des sommes déposées dans un établissement financier. Ce qui veut dire que n’importe quel élu peut cacher son argent dans des paradis fiscaux.

De plus, si une partie de l’argent caché dans des paradis fiscaux sert à l’achat d’actions ou d’obligations, le député doit déclarer cet investissement mais pas qu’il a été effectué par le biais d’un paradis fiscal et conséquemment, que les profits et les gains de capital réalisés sur cet investissement sont libres d’impôt.

Les élus faisant partie du 1%

Pour faire partie du 1% au Québec, il faut des revenus annuels supérieurs à 190 000$. Concrètement, les médecins et les avocats — omniprésents ces jours-ci dans le Conseil des ministres — en font partie.

Combien d’entre eux cachent leur argent dans les paradis fiscaux ? Nul ne le sait. Et on l’ignore parce que rien n’oblige les élus à le dire. Donc personne ne le fait.

Est-il possible que le peu d’empressement de nos gouvernements à s’attaquer aux paradis fiscaux tire son explication du fait que beaucoup d’élus en profitent ?

Compte tenu de ce qui est déjà exigé, rien n’empêcherait que le code d’éthique soit amendé afin d’obliger la divulgation explicite des avoirs dans des paradis fiscaux.

Ce faisant, les élus concernés seraient tenus de s’abstenir de tout débat au sujet des paradis fiscaux comme ils doivent le faire lorsqu’il s’agit de débats qui concernent leurs avoirs personnels.

Évidemment, on peut présumer que des petits malins compteront sur le secret entourant les paradis fiscaux pour éviter de se soumettre à la loi. Mais puisque tout finit toujours par se savoir — comme dirait Bill Morneau, ministre canadien des Finances — on peut s’attendre que, d’un scandale à l’autre, on apprenne à se soumettre à la loi.

Et c’est ainsi qu’on comprendra peut-être pourquoi un ministre québécois des Finances réagit si émotivement face à une suggestion d’agir contre les paradis fiscaux…

Références :
Code d’éthique et de déontologie des membres de l’Assemblée nationale
Paradis fiscaux : le Québec peut agir
Qui fait partie du fameux 1% le plus riche au Québec?

Parus depuis :
Lisée accuse le fédéral de nuire à la lutte contre les paradis fiscaux (2018-02-12)
Cannabis médical: 277 millions investis par un fonds mystérieux (2018-02-14)
Plantations de cannabis: épidémie de vols et de méfaits à Laval (2018-02-16)
Gabriel Zucman : « Comprendre les implications de l’évasion fiscale » (2018-05-28)
Des dizaines de dirigeants mondiaux exposés dans les « Pandora Papers » (2021-10-04)
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