L’Affaire de la ruelle et le contrôle du message

Publié le 15 septembre 2024 | Temps de lecture : 6 minutes


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Autrefois, il suffisait d’attendre le jugement d’un tribunal pour connaitre les causes exactes d’un accident.

En octobre 2020, un conducteur a dévié de sa course et a frappé dans le dos (à 80 km/h) une vieille dame qui marchait paisiblement sur le trottoir.

Le tribunal a classé l’affaire sans suite. Il a conclu que sa mort avait été causée par un arrêt cardiaque — Remarque : normalement, le cœur cesse de battre quand on meurt — alors que toute la preuve, sauf le témoignage de l’accusé, démontrait que ce dernier s’était endormi au volant.

Bref, lorsqu’un piéton est tué lors d’un accident, la meilleure source de renseignement est le rapport de police. Sauf, évidemment, s’il a été écrasé par une autopatrouille… ce qui arrive rarement.

À partir des rapports de police reproduits par nos quotidiens (notamment le Journal de Montréal), on pouvait savoir autrefois non seulement le lieu d’un accident — généralement une intersection que le lecteur pouvait éviter s’il la jugeait dangereuse — mais également les détails précis quant à la traversée du piéton et quant à la direction de la voiture impliquée.

À partir de ces détails, on pouvait déterminer, par exemple, que la cause du décès du 19e piéton en 2019 à Montréal, c’était la durée de traversée trop courte laissée aux piétons par les feux de circulation à cette intersection.

Malheureusement, depuis quelque temps, on peut noter un appauvrissement des rapports de police au sujet des accidents qui impliquent des piétons. Ce n’est pas le résultat d’une pénurie d’effectifs; on veut en dire le moins possible.

L’exemple le plus éloquent est l’Affaire de la ruelle.

Le communiqué émis par la police est vague quant au lieu de l’accident. Et tout ce qu’on sait, c’est que le conducteur de 29 ans a été admis à l’hôpital pour choc nerveux et que le vieillard de 79 ans est mort écrasé par la voiture.

Plus suspecte encore est l’attitude du poste de police de quartier No 20 où la policière était plus intéressée à voir ce que je savais déjà qu’à me fournir la seule chose que je lui demandais; me confirmer l’endroit précis du lieu de l’accident.

Dans la mesure où celui-ci est survenu sur la voie publique, cette information n’est jamais confidentielle.

Cette préoccupation à ‘contrôler le message’, vient-elle de la haute direction du Service de police de la ville Montréal ou, encore plus haut, de l’administration municipale de Valérie Plante ?

Ce qui nous incite à présumer que cela vient de la mairesse, c’est l’annonce récente de sa décision d’interdire les commentaires sur son compte sur X, invoquant l’incivilité des commentaires qu’elle y reçoit.

Dans le cas d’X, la limite de 280 caractères imposée aux commentaires fait en sorte qu’il est beaucoup plus facile d’y publier une courte appréciation générale (favorable ou non) que d’expliquer les raisons qui la justifient.

Lorsque Valérie Plante est arrivée au pouvoir, elle représentait un vent de fraicheur à l’hôtel de ville; première mairesse, déclaration faisant de Montréal ville-refuge pour les migrants, promesse de construire quatre-mille logements sociaux, désir de favoriser l’inclusion et la diversité, etc. Bref, que de bons sentiments.

Si bien que les messages sur X étaient des ‘Bravo !’ et des ‘Je t’aime Valérie’.

Après sept ans de promesses suivies de mesures homéopathiques (notamment quant au logement social), le charme de départ fait place aux incivilités.

Aucune personnalité publique de premier plan ne devrait perdre son temps à lire les messages qu’elle reçoit sur les médias sociaux. Supprimer les messages qui doivent l’être et transmettre les bonnes idées des citoyens est la tâche de ses conseillers politiques et de ses faiseurs d’image.

Avant d’aller plus loin, permettez-moi de définir deux néologismes.

‘Troll’ est le nom donné aux internautes qui publient des messages destinés à semer la zizanie parmi les participants d’un forum de discussion. Le mot peut aussi désigner leurs messages.

‘Boomer’ (abrégé de babyboumeur) sert à qualifier péjorativement les participants présumés âgés. C’est l’équivalent de les apostropher en leur disant ‘Hey, le vieux’.


 
Le deuxième message ci-dessus est un troll.

Il a été écrit soit par un supporteur aveugle de Mme Plante ou, au contraire, par un adversaire qui cherche à manipuler ses critiques en leur faisant croire que les partisans de la mairesse sont de grossiers personnages.

Je ne vous cacherai pas que le message de Charles Antoine (c’est peut-être un pseudonyme) fut ma motivation première à vérifier s’il était exact que la ville de Montréal, depuis longtemps, a installé des dos-d’âne partout où il le fallait.

Grâce à lui, cela m’a permis de constater que l’arrondissement Ville-Marie (dirigé par Mme Plante) porte une lourde responsabilité dans la mort de l’inconnu de l’Affaire de la ruelle.

Comme cela fut le cas au sujet du décès de la petite Mariia Legenkovska, survenu lui aussi dans l’arrondissement Ville-Marie. Et des morts dans l’incendie de la place d’Youville, située également dans le même arrondissement.

Tous ces morts commencent à faire un peu trop à mon gout, madame la mairesse d’arrondissement.

Ce sont des décès qui ne seraient probablement pas survenus si vous aviez fait ce pour quoi vous êtes payée.

Références :
Brigadière scolaire happée par une automobiliste
Le briquet et l’essence
Le 19e mort
Le feu à la place d’Youville : pour la scission de l’arrondissement Ville-Marie
Le laisser-faire de l’administration Plante face aux chauffards
Un dix-huitième piéton mort à Montréal en 2022
Valérie Plante défend son choix de bloquer les commentaires sur ses réseaux sociaux

Complément de lecture : « Il est mort tout seul dans le froid »

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Rebondissement dans l’Affaire de la ruelle

Publié le 14 septembre 2024 | Temps de lecture : 4 minutes


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La véritable ruelle de l’accident

Cet après-midi, je suis retourné sur les lieux de l’accident de mercredi dernier dans l’espoir d’interroger des témoins qui pourraient me révéler des détails intéressants à ce sujet.

J’en ai rencontré deux. Tous deux demeurent dans la tour résidentielle qu’on aperçoit à droite sur la première photo ci-dessus.

À ma stupéfaction, ceux-ci m’ont appris que l’accident n’avait pas eu lieu dans la ruelle à l’est de la rue Mackay, mais dans une impasse de l’autre côté de la rue, légèrement plus au sud.

L’imbroglio vient du fait qu’à la question “Pourriez-vous me confirmer que l’accident a bien eu lieu dans la ruelle située [à tel endroit]” la policière au poste de quartier No 20 a fait semblant de tout ignorer au sujet d’un accident mortel survenu tout près de ce poste de police de quartier.

J’ai eu beau lui donner tous les détails du communiqué émis par la police, elle prétendait toujours ne rien savoir. En supposant que cela avait été le le cas, elle n’a pas consulté l’ordinateur devant elle.

C’est quand la policière m’a demandé “Pourquoi vous voulez savoir ça ?” que j’ai compris que je n’obtiendrais jamais la confirmation que j’attendais d’elle.

Si j’avais demandé l’adresse personnelle de la victime ou celle du conducteur qui l’a tuée, je comprendrais le refus de fournir ces précisions.

Mais quand un accident a lieu sur la voie publique, ce lieu n’est jamais confidentiel.

La deuxième raison de cet imbroglio, c’est que je ne voyais pas pourquoi un conducteur — même poursuivi par des gens qui lui voudraient du mal — s’engouffrerait rapidement dans une impasse où il serait pris en souricière.

Revenons à nos témoins.

La première, une Francophone, n’a pas été témoin de l’accident. Mais elle est catégorique quant à l’endroit où il est survenu; ce soir-là, elle a vu les autos de police, l’ambulance, et la foule de curieux qui s’est formée sur la rue Mackay autour de l’entrée de l’impasse. Elle ignorait que la victime en était morte.

Le deuxième témoin est un jeune Québécois d’origine marocaine. Lui aussi m’a confirmé le lieu véritable de l’accident. De plus, il m’a précisé que les panneaux orange, de chaque côté de l’impasse, étaient bien là au moment de l’accident.

Mais cette ruelle, était-ce bien une impasse ?

Poursuivant mon enquête, je me suis rendu compte qu’au fond de la ‘ruelle barrée’, on pouvait tourner à gauche et poursuivre sa route dans une ruelle perpendiculaire qui aboutit au boulevard de Maisonneuve. Aucune d’entre elles n’a de dos-d’âne.

Et en tournant plutôt à droite, on accède au stationnement souterrain de la tour résidentielle. En d’autres mots, soir et matin, tous les automobilistes qui habitent cette tour empruntent l’une ou l’autre de ces ruelles.

Dans ce cas-ci, les dos-d’âne ralentiraient la vitesse des conducteurs pressés de rentrer chez eux en fin de journée.

Le communiqué de la police au sujet de l’accident précise :

Selon plusieurs témoins, la collision est survenue vers 21 h alors que le septuagénaire se trouvait déjà étendu au sol…

Cela signifie qu’avant l’accident, plusieurs personnes ont vu le septuagénaire gisant au sol, n’ont pas tenté de le réveiller — ce que je n’aurais pas fait moi-même par crainte qu’il soit violent — mais surtout, ne se sont pas donné la peine d’appeler la police pour que des agents (ou des travailleurs sociaux) amènent cette personne dans un lieu sécuritaire.

En est-on rendus là, à être complètement indifférent au sort des autres ? Au point que la mort d’un itinérant (en supposant que ce soit le cas) ne mérite qu’un vague communiqué de police de cinq paragraphes ?

Mourir est un évènement triste. Mourir dans l’indifférence totale est pathétique.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les ruelles non sécuritaires de Ville-Marie

Publié le 13 septembre 2024 | Temps de lecture : 3 minutes

Introduction

L’arrondissement Ville-Marie comprend le Centre-ville et le Vieux-Montréal. Autrefois, cet arrondissement possédait son propre maire de proximité.

Mais Mme Plante préfère diriger simultanément la mairie de Montréal et la mairie de cet arrondissement. Ce qui lui permet d’empocher deux salaires.

Malheureusement, tout cela est trop pour une personne.

D’où la multitude de cas où la mairesse apprend, en lisant les journaux, ce qui se passe chez elle.

Des raccourcis dangereux

Vers 21h mercredi soir dernier, un véhicule a écrasé mortellement un vieillard qui gisait par terre dans une ruelle de l’arrondissement Ville-Marie.

Parallèle à la rue Sherbrooke et un peu au sud de celle-ci, cette ruelle, longue d’environ 75 mètres, relie les rues Mackay et Bishop.

Ces jours-ci, de grands travaux sont effectués à proximité, sur la rue Sainte-Catherine (plus au sud). Ce qui perturbe la circulation et incite les conducteurs pressés à utiliser des raccourcis, dont l’emprunt des ruelles.

Y placer des dos d’âne ralentirait la vitesse et rendrait ces raccourcis moins attrayants.

Ayant fait cette suggestion sur le site de Radio-Canada, un internaute a soutenu que les dos d’âne étaient monnaie courante dans les rues de Montréal.

Dans la ruelle qui passe derrière mon appartement (dans le quartier d’Hochelga-Maisonneuve), on trouve un dos-d’âne fonctionnel à son embouchure. Mais l’asphalte des autres s’est ramolli au cours des canicules successives. Si bien que ceux-ci ont été aplanis par le passage des voitures.

Ce qui, dans ma ruelle, n’a pas d’importance puisqu’il y est impossible d’y faire de la vitesse en raison du très mauvais état de la chaussée.

Mais qu’en est-il dans la ruelle où ce vieillard a été écrasé ?

La ruelle dont il est question

On peut imaginer qu’il soit difficile, la nuit, de distinguer une forme humaine sur la voie publique lorsque celle-ci est irrégulière et rapiécée de différentes couleurs de bitume. Comme c’est le cas de la grande majorité des ruelles de Montréal.

En me rendant sur place, je m’attendais à cela.

Au contraire, de toute évidence, le pavage de cette ruelle a été refaite il y a peu de temps; sa surface est relativement lisse et de couleur uniforme sur toute sa longueur.

Sur la photo ci-dessus, le jet de lumière permet de voir la régularité de la surface de cette ruelle, plate et horizontale.

Ce qu’il faut retenir, c’est que cette ruelle est dépourvue de dos-d’âne; rien ne s’oppose à ce qu’on y circule le plus rapidement possible.

Précisons toutefois qu’à l’entrée, l’asphalte est légèrement plus sombre sur une section perpendiculaire. Comme s’il y avait déjà eu un dos-d’âne, retiré depuis, pour ne pas nuire au passage des voitures et des camions.

Dans les six autres ruelles que j’ai arpentées dans les environs, aucune n’avait de dos-d’âne.

Référence : Un septuagénaire meurt après avoir été frappé par un véhicule à Montréal

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Écrit par Jean-Pierre Martel