Pendant ce temps en Chine : les semi-conducteurs

20 octobre 2023

Introduction

Le 2 mars dernier, l’Institut australien de politique stratégique publiait une étude effectuée sur plus d’un an et qui concluait que la recherche chinoise était en avance dans 37 des 44 technologies de pointe étudiées.

Les semi-conducteurs sont un des sept domaines où l’Occident prime encore. Ceux-ci sont des composants essentiels de tout produit de consommation dit ‘intelligent’, du réfrigérateur haut de gamme, au téléviseur branché, en passant par l’auto électrique, etc.

À l’intérieur de ces puces, le courant électrique parcourt un grand nombre de circuits. Plus ces circuits sont courts et rapprochés les uns des autres, plus le courant électrique effectue ses tâches rapidement.

Actuellement, la technologie la plus sophistiquée pour graver ces puces, c’est la lithographie UV extrême (Deep UV Lithography). Celle-ci est capable de graver des circuits d’une finesse de 2 nanomètres.

La seule compagnie au monde qui peut graver des circuits intégrés avec une telle précision, c’est TSMC (Taiwan Semiconductor Manufacturing Company).

Ses puces haut de gamme actuelles sont à 3 nm; elle projette de fabriquer des puces à 2 nm à partir de 2025.

Les plans quinquennaux chinois

Périodiquement, les grands mandarins de l’État chinois planifient l’économie du pays pour les cinq années suivantes.

En 2014, la Chine mettait sur pied un fonds d’investissement de 21,8 milliards$US destiné à rendre la Chine autosuffisante en matière de semi-conducteurs.

Dans son plan quinquennal de 2019, la Chine haussait son investissement à 29,1 milliards$US.

Et finalement, en 2023, c’est 40 milliards$US que la Chine investira au cours des cinq prochaines années.

En 2021, l’importance stratégique des semi-conducteurs est apparue lorsque les carrossiers américains et certains fabricants d’appareils électroménagers ont dû interrompre leur production en raison de problèmes d’approvisionnement en semi-conducteurs asiatiques.

Cette crise des semi-conducteurs a justifié l’adoption en 2022 d’une des deux plus importantes pièces législatives de l’administration Biden, soit le ‘CHIPS and Science Act’.

Huit ans après la Chine, les États-Unis se dotaient d’un plan d’investissement de 280 milliards$US destiné à soutenir la recherche fondamentale au sujet des semi-conducteurs et à encourager leur fabrication en sol américain.

Afin d’empêcher la Chine de combler son retard dans ce domaine, les États-Unis ont interdit l’exportation dans ce pays :
• de puces électroniques puissantes, notamment celles qui servent à l’intelligence artificielle,
• du matériel robotisé nécessaire à leur fabrication,
• des ingrédients qui entrent dans leur composition, et
• des logiciels nécessaires à leur conception.

Au départ, le blocus technologique concernait uniquement l’exportation par des entreprises américaines. Mais depuis le début de 2023, les États-Unis ont conclu des accords avec le Japon et les Pays-Bas qui calfeutrent les fuites possibles vers la Chine de puces fabriquées dans ces deux pays.

Signalons que Taïwan ne participe pas à ce blocus technologique qui n’est ni dans son intérêt commercial ni son intérêt sécuritaire.

Le microprocesseur à 7 nm de Huawei

Malgré son bannissement occidental en tant qu’équipementier téléphonique, Huawei est encore la marque de téléphone multifonctionnel la plus populaire en Chine.

Il y a six semaines, cette compagnie lançait le Mate 60 Pro et le Mate 60 Pro+ 5G. Ces modèles sont propulsés par un microprocesseur dont les circuits intégrés ont été gravés à 7 nm.

Pourtant, depuis octobre 2022, quiconque vend à la Chine des semi-conducteurs à 16 nm ou moins est passible des sanctions prévues par la loi américaine.

Or non seulement Huawei a été capable de concevoir les prototypes de ses nouveaux modèles avec des puces ‘interdites’, mais l’entreprise assure être capable d’en trouver des dizaines de millions d’autres pour équiper ses nouveaux appareils au cours des mois qui viennent.

Ce qui veut dire qu’il existe en Chine un ou plusieurs fabricants en mesure de graver des semi-conducteurs à 7 nm pour Huawei.

Aparté : En raison du blocus technologique imposé par Washington contre la Chine, Apple a dû rompre ses liens commerciaux avec Ofilm. Celle-ci est la compagnie chinoise qui fabriquait les modules photographiques des périphériques mobiles d’Apple. Ofilm a pris sa revanche en devenant le fournisseur officiel… d’Huawei.

Le secret de la percée chinoise

Nous avons vu plus tôt que seule la Taiwan Semiconductor Manufacturing Company était capable de produire des semi-conducteurs à 3 nm. Et bientôt à 2 nm.

Mais le mérite de cette prouesse technologique ne lui appartient pas. Il revient revient plutôt à une compagnie néerlandaise, l’ASML Holding. Celle-ci est le principal fabricant des machines qui servent à graver les semi-conducteurs.

Cette entreprise ne fabrique pas de puces électroniques; elle fabrique les microlithograveuses, c’est-à-dire les robots dont ont besoin les entreprises qui fabriquent des semi-conducteurs.

Ses machines de cent-quatre-vingts tonnes coutent près de 150 millions de dollars canadiens (environ 100 millions d’euros) et nécessitent dix-huit mois d’assemblage.

À la suite de pressions américaines, les Pays-Bas ont imposé à ASML Holding l’obligation d’obtenir un permis pour exporter ses machines les plus précises. Comme c’est déjà le cas pour du matériel militaire.

Cette mesure est partiellement entrée en vigueur le 1er septembre dernier et sera pleinement opérationnelle le 1er janvier 2024.

À partir de cette date, les fabricants étrangers de semi-conducteurs ne pourront plus vendre à la Chine des puces à 16 nm ou moins. De plus, leurs succursales en sol chinois sont astreintes à cette même limite.

C’est ainsi que la TSMC fabrique ses puces à 3 nm dans ses installations taïwanaises. Mais à Nanjing, son unique filiale chinoise fabrique des semi-conducteurs limités à 24 nm.

Jusqu’ici, la seule manière de graver en Chine des semi-conducteurs plus performants était d’acheter des microlithograveuses néerlandaises.

C’est ce qu’on fait les clients chinois d’ASML Holding. Ceux-ci représentaient 8 % de son chiffre d’affaires au premier trimestre de 2023, 24 % au deuxième et 46 % au troisième trimestre.

De toute évidence, les fabricants chinois de semi-conducteurs se sont empressés d’acheter tout ce qui leur était permis jusqu’à la date limite. Or l’un d’eux, de toute évidence, a pu se procurer une microlithograveuse à 7 nm.

À l’inverse de la croissance de ses importations de microlithograveuses néerlandaises, la Chine réduisait de 15 % ses importations de puces électroniques, probablement parce qu’elle est maintenant en mesure de les produire elle-même.

Mais dès 2024, il sera impossible pour ce pays de se procurer de nouvelles machines. Au fur et à mesure que la technologie évoluera, l’Occident disposera de semi-conducteurs de plus en plus performants alors que la Chine sera limitée à fabriquer de vieilles puces électroniques.

C’est du moins le pari de Washington. Mais déjà, le ciel s’assombrit.

Jusqu’à maintenant, l’unique fabricant de microlithograveuses en Chine, la Shanghai Micro Electronics Equipment (SMEE) ne pouvait pas fabriquer des robots capables de graver avec une précision plus fine que 90 nm.

On est loin de 5 nm.

Mais cet été, la SMEE annonçait la mise au point d’une microlithograveuse qui fabriquera des puces à 28 nm. C’est un saut technologique important.

Ce qui signifie que la Chine comble à grands pas son retard technologique dans ce domaine.

Conclusion

Alors que l’administration Trump a voulu combattre la montée en puissance de l’économie chinoise en imposant des tarifs douaniers, l’administration Biden a réalisé que l’hégémonie mondiale des États-Unis reposait, entre autres, sur leur supériorité technologique.

D’où la nécessité pour eux d’investir massivement afin de maintenir leur position dominante.

Aussi sage soit l’approche Biden, elle arrive quand la Chine est déjà en avance dans la grande majorité des technologies de pointe actuelles.

Et dans les domaines où les États-Unis ont conservé un leadeurship, leur avance rétrécit avec une vitesse telle qu’on peut anticiper que l’écart n’aura bientôt plus d’importance.

À la tête du pays comme au sein de sa population, la Chine compte beaucoup plus d’ingénieurs et de polytechniciens.

Par contre, les États-Unis — dirigés majoritairement par des avocats et des millionnaires — souffrent d’un manque d’accessibilité économique qui empêche des millions de jeunes issues de la ‘classe moyenne’ d’accéder aux études supérieures dans les domaines scientifiques et techniques.

Ce qui entraine inévitablement l’érosion de l’avance technologique des États-Unis dans les domaines où ils excellent.

Références :
ASML
ASML chip-making equipment sales fall as China rushes to secure tools ahead of widened US export controls
China’s chip imports decline 15% in first nine months of 2023 as the country braces for a new round of US tech export controls
China Expecting Key Native Lithography Machine This Year: SCMP
China Integrated Circuit Industry Investment Fund
China plans to build a giant chip factory driven by particle accelerator
CHIPS and Science Act
For Chinese chip-making, lack of advanced lithography systems becomes a focal point in wake of Huawei’s breakthrough
Huawei bolsters its push for 5.5G networks with operators from the mainland, Hong Kong and the Middle East
Pénurie de semi-conducteurs : de petites puces, mais de gros problèmes
L’invasion de Taïwan par la Chine continentale
Lithographie extrême ultraviolet
Part de marché des différentes marques de smartphone en 2023, selon les régions du monde
Huawei helps China to win ‘symbolic’ victory in defying Washington’s sanctions with Mate 60 Pro but headwinds remain
Ofilm, formerly blacklisted by US and dumped by Apple as supplier, is contractor for Huawei’s Mate 60 phone
The Netherlands has started limiting chip gear exports to China
TSMC Gets China Chip Waiver From US, Eyeing ‘Permanent’ Permit
World’s largest chipmaker TSMC sees biggest drop in profit in nearly five years

Parus depuis :
China’s YMTC makes world’s most advanced memory chip in ‘surprise technology leap’: TechInsights report (2023-10-26)
Huawei teardown shows 5-nm laptop chip made in Taiwan, not China (2024-01-07)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Pendant ce temps en Chine : la construction automobile

14 octobre 2023

L’exportation chinoise de voitures à essence

Pendant des décennies, le transport individuel en Chine se faisait essentiellement à pied ou en vélo.

Depuis les réformes économiques de Deng Xiaoping en 1978, des dizaines de millions de Chinois sont passés de cyclistes à automobilistes, faisant de leur pays le plus important marché quant à la vente d’autos.

Parallèlement, la Chine a haussé sa production pour atteindre annuellement quinze-millions de voitures à essence.

Toutefois, contrairement aux années antérieures, la demande intérieure pour celles-ci a diminué en 2023. Du coup, la Chine a dû accroitre ses exportations pour écouler ses excédents.

Les exportations étaient déjà de 2,5 millions de véhicules en 2022 et devraient dépasser 3,1 millions de voitures cette année. Cela fait de la Chine le premier producteur et le premier exportateur mondial de voitures à essence.

Leurs modèles les moins dispendieux arrivent en tête des ventes dans l’hémisphère sud du globe. Au point qu’on manque en Chine de navires spécialisés pour les transporter.

Avant ce boum des exportations, on construisait quatre porte-voitures par année à travers le monde. Actuellement, les armateurs qui font affaire en Chine en ont commandé 170, principalement de chantiers maritimes chinois.

La pénurie actuelle de ces navires a fait en sorte que le tarif de leur location est passé de 16 000 à 105 000 dollars par jour.

Dans la plus importante zone économique du pays (celle située près de l’embouchure du Yangtsé), les chantiers maritimes travaillent jour et nuit à construire, entre autres, des porte-voitures d’une capacité minimale de cinq-mille voitures.

La concentration géographique de cet effort industriel n’est pas sans inquiéter les plus hautes autorités chinoises. Au nom de la sécurité nationale, le président Xi Jinping mit en garde jeudi dernier les gestionnaires de l’économie chinoise contre une concentration excessive des usines dans cette zone économique qui fournit déjà 45 % du PIB national.

Pendant que les pays anglo-saxons construisent des porte-avions et des sous-marins afin de conserver leur supériorité militaire, la Chine construit des porte-voitures pour favoriser sa suprématie économique en temps de paix.

Et quand les États-Unis se mettront réellement à produire des automobiles électriques et à vouloir les exporter massivement hors du Continent américain, ils ne devraient pas être surpris d’apprendre que les opérateurs de porte-voitures ont des contrats d’exclusivité… avec la Chine.

D’autre part, la guerre en Ukraine a obligé la Russie à détourner une partie importante de sa capacité industrielle vers la fabrication d’armement. Conséquemment, la demande russe pour des voitures est comblée de nos jours par des autos chinoises acheminées par voie ferroviaire.

L’exportation chinoise de voitures électriques

Lancée par Xi Jinping à son accession au pouvoir, sa campagne anticorruption a coïncidé avec la disparition de plusieurs des personnes les plus riches de Chine. Malgré cela, ce pays demeure celui qui, après les États-Unis, compte le plus de millionnaires.

C’est en bonne partie sur ces derniers qu’a reposé la demande intérieure chinoise de biens de luxe (dont les voitures électriques).

En 2018, l’administration Trump a imposé une taxe de 30 % sur les voitures chinoises, leur fermant du coup le marché américain. L’Europe devint alors le marché cible de l’exportation des voitures électriques chinoises.

Dès le début de la guerre en Ukraine, l’Allemagne a cessé de s’approvisionner en gaz fossile russe, le moins cher au monde. Ce faisant, toute l’industrie lourde allemande perdait un avantage compétitif face à ses rivaux américains.

Dans le cas des carrossiers allemands, leur priorité depuis un an et demi, c’est de délocaliser leur production ou d’ouvrir des usines en Amérique du Nord (où l’énergie est à la fois abondante et économique).

Ce qui signifie choisir des lieux d’implantation, adopter des plans, commander des robots, et planifier les budgets nécessaires.

Et justement parce qu’ils ont l’esprit ailleurs, beaucoup d’entre eux ont été pris de court par l’abondance de l’offre chinoise aux plus récents salons de l’auto tenus en Europe.

L’acceptation de ces modèles par les consommateurs européens est facilitée par le fait que les carrossiers chinois ont acheté, il y a bien des années, quelques marques célèbres; Volvo (de la suédoise homonyme, achetée en 2010), la marque anglaise MG (de la britannique MG Motor, en 2006), etc.

Dans le cas particulier du Modèle 3 de Telsa, les voitures vendues aux États-Unis sont de fabrication américaine, mais celles, identiques, vendues en Europe, sont fabriqués près de Shanghai.

Si bien que depuis le début de l’année, l’Europe importe davantage de voitures électriques chinoises que de voitures électriques fabriquées hors de Chine.

Face à ce raz-de-marée, les dirigeants européens font semblant d’être surpris. Comme s’ils ignoraient que tout cela est la conséquence de leurs décisions…

L’Union européenne accuse donc Beijing de dumping; selon Bruxelles, la Chine accorderait des subventions dans le but de maintenir artificiellement bas le prix de ses voitures électriques.

Il est à noter que beaucoup de pays accordent une aide aux acheteurs d’une voiture électrique neuve. Cette subvention ’verte’ sert à rendre ces voitures moins onéreuses.

Vous voyez une différence ?

L’avantage actuel des batteries chinoises

Les batteries qui alimentent les voitures électriques fabriquées en Occident contiennent une quantité minime mais indispensable de cobalt.

Le plus important fabricant chinois de voitures électriques s’appelle BYD. Fondé en 1995, il s’agissait au départ d’un fabricant de batteries. Mais en 2003, il a fait l’acquisition d’un carrossier au bord de la faillite. Et c’est depuis que BYD fabrique avec succès des autos. Et ce, dans les usines les plus robotisées de l’industrie.

Les voitures électriques BYD sont équipées de batteries de marque BYD. Leur technologie est différente.

À puissance égale, celles-ci sont un peu plus volumineuses et plus lourdes que les batteries ordinaires.

Leur principal défaut est la dégradation de leurs performances à basse température. Voilà pourquoi on leur ajoute un système de chauffage capable de faire passer leur température (dans une voiture éteinte en hiver) de -30°C à +60°C en 90 secondes.

Par contre, ces batteries ont l’avantage d’être très résistantes à l’emballement thermique, d’être rechargeables un plus grand nombre de fois et d’être moins couteuses à produire.

De plus, ces batteries ne contiennent pas de cobalt, un métal dont la République démocratique du Congo est, de loin, le principal exportateur.

Or les sanctions économiques occidentales contre la Russie ont donné à la Chine une idée de ce qui l’attend si elle devait s’attirer les foudres de Washington.

Voilà pourquoi BYD a préféré équiper ses voitures de batteries sans cobalt, évitant ainsi tout risque de pénurie d’approvisionnement en ce métal.

C’est pour cette même raison sécuritaire que les voitures Telsa fabriquées en Chine seront dorénavant alimentées de batteries sans cobalt (probablement faites par BYD).

L’avenir de l’industrie automobile

Dans un marché naissant, l’accès à un bassin important de consommateurs permet d’amortir plus rapidement les investissements consentis jusque là, puis d’abaisser les prix afin de conquérir les marchés et se s’en tailler une position dominante.

C’est ce qu’a fait l’industrie automobile américaine au début du XXe siècle. Et du chaos originel ont surgi trois grands fabricants: GM, Ford et Chrysler.

C’est ainsi que, de nos jours, le marché intérieur de la Chine donne un avantage compétitif à ses carrossiers.

La taxe de 30 % imposée par Washington aux voitures électriques chinoises transforme l’Amérique du Nord en marché captif pour les constructeurs américains.

Par contre, les dirigeants européens ont sacrifié l’avenir de leur industrie lourde — dont celui de leurs constructeurs automobiles — sur l’autel des sanctions économiques exigées par les États-Unis contre la Russie.

Par ailleurs, l’obligation de maitriser tous les domaines d’expertise nécessaires à la fabrication des voitures d’aujourd’hui rendront difficiles les activités des constructeurs de pays comme la Corée du Sud, le Japon et l’Inde.

On pourrait donc voir apparaitre deux blocs principaux en matière de construction automobile; le bloc nord-américain et le bloc régional de la Chine (dont seront exclus la Corée du Sud et le Japon).

Le Québec a choisi son camp; il sera un fournisseur important de batteries auprès du bloc américain.

Il ajoute ainsi la fabrication des batteries de voiture électriques à la grappe industrielle qu’il consacrait déjà à l’électrification des transports, mais qui était limitée jusque là à l’assemblage de véhicules électriques (wagons de métro, trains et autobus scolaires).

Malheureusement, le talon d’Achille des voitures électriques occidentales, c’est leur batterie, sujette (rarement) à l’emballement thermique. Un risque n’ont jamais (ou presque) les batteries chinoises.

Au cours des toutes prochaines années, les poursuites les plus médiatisées à l’encontre les constructeurs automobiles concerneront des voitures qui auront spontanément pris feu.

N’est-il pas risqué pour le Québec d’investir des sommes colossales à subventionner la fabrication de batteries ‘inférieures’ ?

En réalité, ce risque est partagé avec toute l’industrie nord-américaine. Voilà pourquoi la recherche d’une solution sécuritaire de remplacement aux batteries chinoises est une priorité absolue, non seulement pour l’industrie, mais également aux yeux de Washington.

Tout comme au sujet de la recherche vaccinale contre le Covid-19, quand les États-Unis font de la recherche une priorité nationale, aucun problème n’est insurmontable.

Lorsque les nouvelles usines québécoises ouvrirent leurs portes, leurs batteries seront les meilleures que l’Occident peut produire.

Compte tenu de la vitesse des découvertes scientifiques qui concernent les batteries, il est certain que les fabricants québécois auront prévu la flexibilité nécessaire à l’adaptation à tout changement technologique majeur.

Références :
Ford Will Build a U.S. Battery Factory With Technology From China
Guerre russo-ukrainienne et désindustrialisation de l’Europe
G20 poured more than $1tn into fossil fuel subsidies despite Cop26 pledges
La Chine inonde le monde de ses voitures
Les conséquences géostratégiques du basculement vers les énergies vertes
Les millionnaires chinois
Les nouvelles batteries au phosphate de fer sans nickel ni cobalt
Les voitures fabriquées en Chine envahissent le monde
L’Union européenne ouvre une enquête sur les subventions publiques chinoises aux automobiles électriques
Xi Jinping tells China’s biggest economic zone to ‘balance growth and security’ – and no more mega projects

Parus depuis :
Sodium batteries: is China sparking a new revolution in the electric vehicle industry? (2023-11-10)
CATL, the little-known Chinese battery maker that has the US worried (2024-03-18)

Postscriptum du 25 octobre 2023 : À Montréal, le nombre de feux causé par les batteries lithium-ion utilisés dans les vélos, les trottinettes ou encore les quadriporteurs, est passé de 7 en 2020 à 21 en 2022.

Référence : Montréal prolonge son opération spéciale d’inspection des vieux bâtiments

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le grand-père de la vice-première ministre du Canada, un collabo nazi

7 octobre 2023

Introduction

En 2017, Chrystia Freeland venait à peine d’être nommée ministre des Affaires étrangères du Canada qu’est soudainement apparue la rumeur selon laquelle son grand-père maternel, d’origine ukrainienne, était un collabo du Troisième Reich.

Soulignant cette coïncidence, le gouvernement fédéral avait déclaré que cette rumeur était essentiellement de la propagande russe. Et la plupart des grands journaux du pays, en bons patriotes, s’étaient tus afin de ne pas faire le jeu des Communistes.

Qu’en est-il ?

Le trésor secret

Le grand-père dont il est question est Michael Chomiak. Mort au Canada, il est né dans ce qui s’appelait autrefois la Galicie.
 

 
La Galicie était une province polonaise qui sera scindée en 1945; sa partie occidentale (en violet sur la carte), peuplée à 13 % de Polonais ukrainophones, est demeurée en Pologne alors que sa partie orientale (en mauve), peuplée à 65 % d’Ukrainophones, a été cédée à l’Ukraine.

Depuis le rattachement définitif de ce territoire à l’Ukraine, ceux qui y sont nés et qui y ont vécu sont considérés des Ukrainiens. Tout comme les personnes nées en Alsace à l’époque où celle-ci faisait partie de l’Allemagne, sont aujourd’hui considérés comme des Français.

Au décès de Michael Chomiak en 1984, son gendre découvre que son beau-père conservait secrètement un trésor.

Ce trésor, c’était une collection de numéros de Krakivs’ki Visti — ce qui signifie ‘Les Actualités de Cracovie’ — un quotidien tiré à environ dix-sept-mille exemplaires et qui fut publié en langue ukrainienne de 1940 à 1945, c’est-à-dire au cours de l’occupation allemande de la Pologne.

Légués aux archives provinciales de l’Alberta, ces documents comprennent également de la correspondance éditoriale entre le quotidien et l’occupant nazi, notamment les directives de ce dernier.

Mais revenons un an avant la création de ce quotidien.

Sous l’occupation allemande

Après le partage du territoire polonais entre l’Allemagne et la Russie en 1939 (qui précède le partage définitif du pays en 1945), l’ouest du pays, sous contrôle allemand, devint le refuge pour les Polonais qui ne pouvaient pas souffrir la domination russe.

Ce fut le cas d’un bon nombre de Polonais de langue ukrainienne, dont Michael Chomiak. Celui-ci et sa famille s’installèrent en 1939 à Cracovie, la deuxième ville de Pologne (le point rouge sur la carte ci-dessus).

Il y arrive alors que le Comité central ukrainien de Pologne préparait le lancement d’un quotidien destiné à galvaniser la minorité ukrainienne de Pologne contre la Russie. Ce quotidien, ce sera Les Actualités de Cracovie.

L’occupant nazi avait facilité la naissance de ce quotidien en lui octroyant les presses qu’il avait confisquées d’une maison d’édition juive.

Les Actualités de Cracovie était l’organe officiel du Comité central ukrainien. Cet organisme à vocation partiellement caritative était dirigé par un Ukrainien renommé pour son fanatisme pronazi.

Ce biais était tel que Les Actualités de Cracovie fut le seul quotidien polonais dont le rédacteur en chef n’était pas un Allemand nommé par les forces d’occupation; cela n’était pas nécessaire.

Un mois après la parution du premier numéro (daté du 7 janvier 1940), Michael Chomiak devient le rédacteur-en-chef des Actualités de Cracovie et le demeura jusqu’à la fin de la guerre.

Au fil des années, le quotidien publiera de très nombreux textes de propagande, dont toutes les nouvelles relatives au déroulement de la guerre.

Ce qui est normal en temps de conflit armé. Cette propagande ne prouve rien quant aux convictions profondes des artisans du journal dirigé par Michael Chomiak.

Le quotidien publiait par ailleurs des textes d’intérêt général écrits par des historiens, des écrivains, des poètes, des critiques littéraires et des théologiens, assurant de maigres revenus aux intellectuels ukrainiens réfugiés dans la partie de la Pologne occupée par les Nazis.

En 1943, l’Allemagne essuya plusieurs défaites sur le front oriental. Pour renflouer ces pertes, on se résigna à créer des milices SS indépendantes de l’armée régulière allemande, des milices formées de Slaves zélés de la cause nazie.

Le président du Comité central ukrainien (dont nous avons parlé plus tôt) fut celui qui mit sur pied la Division SS Galicie dont a fait partie le vétéran nazi ovationné récemment à la Chambre des Communes.

Rappelons que cette milice ukrainienne sous commandement allemand est responsable de quelques-uns des pires massacres survenus au cours de la Deuxième Guerre mondiale.

Afin de motiver les lecteurs des Actualités de Cracovie à adhérer à cette milice, le Comité central ukrainien demanda aux dirigeants du quotidien de rédiger toute une série de textes particulièrement haineux contre les Juifs et contre l’Armée rouge (qui, rappelons-le, était alliée du Canada dans cette guerre).

En raison des difficultés à trouver des auteurs pour cette série, il est probable que Michael Chomiak ait mis les mains à la pâte.

Collabo ou non ?

De nos jours, ceux qui désirent que la mémoire de Michael Chomiak soit honorée plaident deux arguments pour le disculper de l’accusation d’être un collabo.

Premièrement, disent-ils, parmi tous les textes haineux publiés dans son quotidien, on n’en trouve aucun signé par Michael Chomiak. C’est vrai.

Alors que les textes ordinaires du quotidien étaient signés par leurs auteurs, les textes antisémites étaient toujours signés d’un pseudonyme. Or on ignore celui qu’aurait pu emprunter le rédacteur-en-chef.

Deuxièmement, on prétend que ce dernier n’a fait que gagner sa vie comme il le pouvait sous occupation nazie. Ce qui veut nécessairement dire qu’il devait obéir à l’ordre de publier la propagande du Troisième Reich.

On pourrait réfuter cette thèse en disant que si le grand-père de Chrystia Freeland éprouvait des remords d’avoir publié une telle propagande, il aurait tenté d’en bruler tous les exemplaires. Comme pour tenter d’effacer un passé honteux.

Au contraire, il les a conservés précieusement pendant plusieurs décennies. Comme de précieuses reliques.

Il n’y a pas de preuve plus convaincante de ses sympathies nazies que sa nostalgie de l’époque sanglante de l’occupation de la Pologne par le Troisième Reich.

Probablement parce qu’à l’époque il était habité par deux sentiments qui le grisaient.

En premier lieu, par la conviction que son métier de journaliste lui octroyait le privilège de consigner par écrit l’Histoire au fur et à mesure qu’elle de déroulait sous ses yeux.

De plus, à voir le succès de la campagne de recrutement à la Division SS Galicie (orchestrée par Les Actualités de Cracovie), il devait être conscient de son pouvoir de modifier la trajectoire du conflit par ses écrits.

Conclusion

On n’est jamais coupable des fautes commises par ses aïeux. On ne peut donc pas reprocher à Chrystia Freeland d’avoir un grand-père qui était un collabo nazi. Elle n’y est pour rien.

De plus, on doit pardonner à ceux qui posent un regard indulgent sur ceux à qui ils doivent la vie. Sur les médias sociaux, Chrystia Freeland a toujours présenté sa famille de manière flatteuse. Sachant que l’amour est aveugle, on lui permettra de fermer les yeux sur certains secrets de famille.

Le seul reproche qu’on peut adresser à Mme Freeland c’est d’avoir rejeté du revers de la main, en 2017, les rumeurs au sujet de son grand-père collabo. En somme, d’avoir menti.

Comme un boomerang, on voit ce sujet revenir dans l’actualité alors qu’il peut aujourd’hui causer des dommages beaucoup plus importants en raison de la succession de bourdes commises récemment au parlement et qui ont terni la réputation du Canada à l’Étranger.

Références :
Freeland knew her grandfather was editor of Nazi newspaper
Krakivski visti and the Jews, 1943: A Contribution to the History of Ukrainian-Jewish Relations during the Second World War
Les squelettes de Chrystia Freeland et le silence de Justin Trudeau
Long-Distance Nationalism: Ukrainian Monuments and Historical Memory in Multicultural Canada
Michael Chomiak
Volodymyr Kubijovyč

Compléments de lecture :
La désinformation au sujet de la Division SS Galicie
La nostalgie nazie en Ukraine

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La désinformation au sujet de la Division SS Galicie

30 septembre 2023

L’indulgence canadienne à l’égard du nazisme

La Division SS Galicie est une milice ukrainienne sous commandement allemand qui est responsable de quelques-uns des pires massacres survenus au cours de la Deuxième Guerre mondiale.

À la fin de ce conflit, l’armée britannique avait capturé plusieurs centaines de ses combattants.

En 1948, le ministre britannique de l’Intérieur écrivait :

Nous espérons toujours nous débarrasser des prisonniers de guerre ukrainiens les moins désirables, soit en Allemagne, soit au Canada.

À la suite de quoi, à la demande de la Grande-Bretagne, notre pays accueillait 1 200 à 2 000 vétérans nazis de la Division SS Galicie.

De plus, à la même époque, Londres suggérait secrètement au Canada de mettre un terme à la dizaine de procès qu’il avait intentés contre des criminels de guerre nazis.

Deux décennies plus tard, l’accord d’extradition conclu entre le Canada et Israël rendait irrecevable toute demande d’extradition présentée par ce dernier pays pour cause de crimes de guerre commis par des Nazis.

Et finalement, le 4 novembre 2022, le Canada a essayé de faire battre à l’Onu une résolution adoptée annuellement depuis 2012 qui condamne le nazisme. À cette occasion, l’Ukraine a également refusé de condamner le nazisme…

Laver l’affront

Le 22 septembre 2023, l’ovation au parlement canadien d’un ex-soldat de la Division SS Galicie a éclaboussé non seulement la réputation internationale du Canada, mais également la communauté ukrainienne du pays.

Afin de se porter à sa défense, Jurij Klufas — le président de la Fédération nationale ukrainienne du Canada — a déclaré hier que ce SS ukrainien n’était pas nazi et qu’il se battait pour l’Ukraine et non pour l’Allemagne.

On joue sur les mots.

Strictement parlant, le mot ‘nazi’ ne s’applique qu’aux adhérents au parti National-sozialistiche Deutsche Arbeiterpartei d’Adolf Hitler. Or, on n’y acceptait que des personnes de ‘race aryenne’. Ce qui excluait tous ceux de ‘races’ inférieures (dont les Slaves).

À moins d’être un descendant d’une lignée pure allemande, aucun Ukrainien ne pouvait être nazi si on donne à ce qualificatif son sens le plus strict.

Mais si on considère que le nazisme est d’abord et avant tout une idéologie raciale haineuse, on peut être nazi sans être membre du parti politique d’Adolf Hitler.

De plus, détenir la citoyenneté allemande était un prérequis pour adhérer à l’armée du Troisième Reich. Voilà pourquoi la Division SS Galicie n’était pas un bataillon de l’armée régulière allemande, mais une milice formée de volontaires armés par l’Allemagne nazie.

Contrairement aux affirmations de M. Klufas, les miliciens de la Division SS Galicie ne se battaient pas pour l’Ukraine; ils exécutaient les ordres de leurs chefs. Or tous les officiers supérieurs de cette milice étaient des SS. Et leurs ordres, c’était de tuer des Juifs, des Polonais et des Slovaques pour faire place à des colons allemands.

Le texte de Radio-Canada déclare également que dans son rapport, la Commission Deschênes (au sujet des criminels de guerre) aurait écrit que « les accusations de crimes de guerre contre les membres de la division de Galicie n’ont jamais été fondées.»

Ceci est inexact.

Au paragraphe 58 de la première partie de son rapport, le juge Deschênes écrit plutôt qu’aucune preuve ne lui a été présentée afin d’étayer les accusations de crimes de guerre portées contre les membres de la Division Galicie. Il n’a pas dit que ces preuves n’existaient pas, mais que si elles existent, elles ne lui ont pas été soumises.

Par contre, les avocats de la poursuite au Procès de Nuremberg ont disposé de ressources considérables. Or ils y ont fait la preuve que la Division SS Galicie avait commis quelques-uns des pires massacres de la Deuxième Guerre mondiale.

Conclusion

En 2019, la famille de Yaroslav Hunka a versé une somme de 30 000$ à l’Université de l’Alberta à titre de dotation privée à son nom.

À la suite du scandale à la Chambre des Communes invoqué plus tôt, l’université, à juste tire, a retourné cet argent à la famille Hunka.

Cette dernière serait bien avisée de verser cette somme à une fondation juive qui honore le nom des victimes de la Shoah.

De plus, au lieu de justifier les pages sombres de son passé, l’ex-milicien SS devait plutôt dire (même s’il n’y croit pas) que son adhésion à la Division SS Galicie était une erreur de jeunesse — il n’avait que 17 ou 18 ans — à une époque où il était difficile de partager les bons et les méchants.

Références :
À l’Onu, le Canada refuse de condamner le nazisme
Chrystia Freeland’s granddad was indeed a Nazi collaborator – so much for Russian disinformation
Comment des militaires d’une unité SS sont-ils arrivés au Canada ?
FSWC Appalled by Standing Ovation in Parliament for Ukrainian Veteran Who Served in Nazi Military Unit
Hundreds in Ukraine attend marches celebrating Nazi SS soldiers
Hunka un ex-SS : les Ukrainiens canadiens le savaient
L’ex-combattant nazi ovationné au parlement n’est pas le seul à avoir refait sa vie ici en héros
Long-Distance Nationalism: Ukrainian Monuments and Historical Memory in Multicultural Canada
14e division SS (galicienne no 1)
Rapport de la Commission Deschênes sur les criminels de guerre/a>
Un groupe ukrainien défend l’ancien membre de la Waffen-SS honoré au Parlement
University of Alberta returning $30,000 donation to Yaroslav Hunka’s family, closing endowment in his name

Parus depuis :
Rideau Hall s’excuse d’avoir nommé un vétéran nazi dans l’Ordre du Canada (2023-10-04)
La Russie poursuit pour « génocide » l’ex-soldat nazi ovationné aux Communes (2023-10-20)
L’ex-soldat nazi avait été invité à un autre événement par le bureau du PM (2024-02-05)
Canada memorial to Ukrainian soldiers in Nazi unit removed after protests (2024-03-12)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’inflation et la réponse enfantine du fédéral

18 septembre 2023

Introduction

Accusé de laxisme depuis des mois par le chef de l’opposition conservatrice, le gouvernement libéral s’est trouvé un bouc émissaire; les grandes chaines d’épicerie.

Celles-ci ont été sommées de se présenter à Ottawa aujourd’hui pour expliquer la hausse marquée du panier d’épicerie des Canadiens.

Signalons qu’en juin dernier, sous la pression du gouvernement français, les transformateurs et distributeurs alimentaires ont consenti volontairement à un gel de prix sur certains aliments.

Deux mois plus tard, le taux d’inflation du prix des aliments en France était encore le double du taux d’inflation pour l’ensemble de l’économie de ce pays. On a donc renforcé cette mesure en l’étendant à environ cinq-mille articles.

L’inflation au Canada et dans le monde
 

Dans un rapport sénatorial publié l’an dernier (et dont le graphique ci-dessus est tiré), les auteurs écrivent qu’un nombre relativement faible d’éléments — notamment l’énergie et les couts de l’habitation — explique en grande partie la hausse des prix moyens à la consommation.

Mais l’inflation n’est pas limitée au Canada; elle est mondiale.
 

 
Depuis trois ans, l’inflation a connu deux phases consécutives qui se sont superposées au point de créer, en apparence, une seule ‘vague’.

La première phase est apparue lors de la reprise économique consécutive à la levée des mesures sanitaires. La brutale augmentation de la demande qui en a résulté a provoqué la rupture temporaire des chaines d’approvisionnement avec l’Asie et l’engorgement des ports américains qui donnent sur l’océan Pacifique.

À cette inflation d’environ 3 %, s’est ajouté depuis l’effet des sanctions occidentales contre la Russie. Celles-ci ont provoqué une rupture permanente de milliers de chaines d’approvisionnement.

Obligées de s’approvisionner ailleurs, les entreprises ont dû, en catastrophe, rompre des contrats à long terme qui leur garantissaient un approvisionnement stable et économique, pour se tourner vers le marché libre où elles ont dû payer le gros prix pour obtenir la même chose.

Dans certains cas, ‘la même chose’ doit s’interpréter littéralement. C’est ainsi que les pays d’Europe occidentale achètent autant (sinon plus) d’hydrocarbures russes. Mais au lieu d’effectuer leurs achats directement de la Russie, ces pays achètent du pétrole russe une fois raffiné dans des pays intermédiaires.

D’autre part, afin d’éviter de pénaliser ses agriculteurs, Washington a pris soin d’exclure les engrais russes de la liste des produits interdits.

Mais Ottawa — sous l’influence de la vice-première ministre Chrystia Freeland (de descendance ukrainienne) — a interdit l’importation d’engrais russes. Ce qui a obligé les agriculteurs québécois à se tourner vers d’autres fournisseurs et à payer plus cher. Ce qui a contribué à hausser le prix des aliments au Canada.

Les taux d’intérêt

Les États-Unis ayant décidé de hausser substantiellement leurs taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation, le Canada a été obligé de suivre.

Obligé parce que sans une hausse similaire de ce côté-ci de la frontière, les gestionnaires de capitaux auraient boudé les obligations canadiennes et se seraient tournés massivement vers le marché obligataire américain, plus rentable. Et cette fuite des capitaux aurait provoqué une dépréciation de la devise canadienne.

Fondamentalement, toute hausse des taux d’intérêt diminue l’inflation en réduisant la demande de biens et services. En d’autres mots, en provoquant un ralentissement économique, voire une récession.

Les sanctions économiques contre la Russie s’étant avérées inefficaces, la solution de dernier recours est la récession économique.

En entrainant une diminution de la consommation mondiale des hydrocarbures, celle-ci provoquerait une chute des revenus d’exportation de la Russie et une diminution du financement de sa guerre en Ukraine.

Ici et ailleurs, les politiciens promettent diverses mesures pour faire face à l’inflation. On adopte ainsi des mesures de mitigation qui rendent nécessaires des hausses encore plus importantes des taux d’intérêt.

Conclusion

Plutôt que de laisser les peuples occidentaux assumer les conséquences des sanctions économiques qu’ils réclamaient hier à grands cris (et qu’ils appuient toujours), on infantilise la population en lui faisant croire qu’on peut indirectement faire la guerre sans en éprouver le moindre inconvénient.

La hausse du prix des hydrocarbures augmente le prix de tout ce qui est transporté sur de longues distances. Et cette hausse augmente également le prix des engrais puisque ceux-ci sont produits à partir de gaz fossile.

Donc la principale composante de l’inflation canadienne — la hausse du prix de l’énergie — est liée aux décisions géopolitiques d’Ottawa.

Et parce que cette inflation est intolérable aux yeux des banques centrales, celles-ci haussent leurs taux d’intérêt. Ce qui entrave l’accès à la propriété, aggrave la crise du logement, et pousse les loyers à la hausse.

Voilà l’origine de la deuxième composante de l’inflation canadienne en ordre d’importance.

Bref, le ‘show de boucane’ auquel Ottawa s’apprête à procéder aujourd’hui est un vieux truc qui fonctionne très souvent. Il consiste à faire d’un bouc émissaire le responsable de ses choix politiques.

Références :
Derrière les chiffres : ce qui cause la hausse des prix des aliments
France announces more food price caps, takes aim at multinational firms
La hausse (et le recul?) de l’inflation au Canada : une analyse détaillée de son évolution post-pandémie
Les baisses d’impôts, l’inflation et la guerre
Les PDG des grandes chaînes d’alimentation convoqués à Ottawa

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés à la guerre russo-ukrainienne, veuillez cliquer sur ceci.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le maïs transgénique et l’impérialisme anglo-saxon

26 août 2023

Avant-propos : le bannissement du blé transgénique au Canada

Depuis 2020, l’Argentine est le seul pays au monde à permettre la culture d’un blé transgénique sur son territoire.

Autorisés à titre expérimental, des essais de culture de blé OGM ont toutefois été menés en pleine nature de 1997 à 2005 au Canada et dans seize États américains.

Mais ces expériences sont demeurées sans suite puisque ces céréales n’ont jamais été autorisées à être commercialisées au Canada ou aux États-Unis.

Puisqu’il est impossible d’empêcher le vent de disséminer le pollen d’une plante OGM, un cas de blé transgénique a officiellement été découvert en Alberta en 2018, soit quatorze ans après la fin des essais canadiens.

Depuis 2004, il est probable que les gènes du blé transgénique de Monsanto se sont disséminés bien au-delà de ce champ albertain.

Pourquoi le Canada, d’habitude si servile à l’égard de l’industrie agrochimique, a-t-il tenu tête à Monsanto ? C’est en raison de l’opposition farouche des agriculteurs des provinces de l’Ouest, soutenus par le puissant Canadian Wheat Board, l’organisme qui possédait à l’époque le monopole de la commercialisation du blé canadien.

Pour justifier son refus d’homologuer le blé transgénique, Ottawa invoquait le principe de précaution. Le blé étant à la base de l’alimentation canadienne — puisqu’on le retrouve dans le pain, les pâtes, les pâtisseries, la bière, etc.— on jugeait préférable de ne pas transformer les Canadiens en rats de laboratoire sur lesquels serait évaluée la toxicité chronique du blé transgénique chez l’Humain.

Le bannissement du maïs transgénique au Mexique

Le maïs possède dans l’alimentation des Mexicains la même importance que le blé possède dans l’alimentation des Canadiens.

Après que le gouvernement mexicain eut autorisé la culture expérimentale de maïs OGM sur quelques milliers d’hectares en 2009, un collectif de producteurs mexicains (la Colectividad del maíz) obtint quatre ans plus tard une injonction dite ‘de précaution’ sur la base que la Constitution mexicaine garantit le droit à un environnement propre et considérant que la pollinisation croisée du maïs génétiquement modifié menaçait l’intégrité des variétés de maïs indigènes. Or, ceux-ci occupent une place centrale dans les paysages, les cultures et les cuisines du pays.

Les avocats mexicains ayant eux aussi la manie de multiplier les requêtes afin de maximiser leurs honoraires, la contestation juridique de cette injonction dura huit ans. Finalement, la Cour suprême du Mexique valida en 2021 l’injonction accordée en 2013.

Après avoir perdu une centaine de requêtes à ce sujet, les compagnies américaines touchées par ce bannissement ont convaincu l’administration Biden de menacer le Mexique de représailles en prétendant que les actions de ce pays seraient une violation de l’Accord de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.

Étonnamment, le gouvernement fédéral canadien a décidé d’appuyer les menaces américaines contre le Mexique afin de le forcer à ouvrir son marché au maïs transgénique.

Conjointement, le ministre canadien du Commerce international et celui de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire ont publié hier le communiqué suivant :

« Le Canada partage les préoccupations des États-Unis selon lesquelles le Mexique ne respecte pas les obligations en matière d’études scientifiques et d’analyse des risques en vertu du chapitre sur les mesures sanitaires et phytosanitaires de [l’accord de libre-échange].»

« Le Canada estime que les mesures adoptées par le Mexique ne sont pas étayées scientifiquement et qu’elles risquent de perturber inutilement les échanges commerciaux sur le marché nord-américain.»

En réalité, l’innocuité du maïs transgénique chez l’Humain n’a jamais fait l’objet d’une étude.

Les seuls données qui existent à ce sujet sont des études ‘maison’ financées par les semenciers. Il s’agit d’études effectuées en éprouvette et d’autres, dites de ‘toxicité chronique’ (de seulement 30 ou de 90 jours), effectuées chez l’animal.

Aucun rapport avec la consommation, toute sa vie durant, de la cuisine mexicaine.

Considérant que leurs études constituent de la propriété intellectuelle — donc protégées par les droits d’auteur — ces compagnies soumettent secrètement leurs ‘études’ aux organismes règlementaires (qui acceptent de les considérer) tout en leur interdisant de les rendre publiques.

Résultat : la communauté scientifique est incapable de réfuter, s’il y a lieu, les études dont le protocole est déficient ni de découvrir les conflits d’intérêts dont se sont rendus coupables leurs auteurs.

L’argument selon lequel la décision mexicaine n’est pas basée sur la science oublie hypocritement de dire que, tout comme le bannissement du blé OGM au Canada, l’interdiction mexicaine obéit essentiellement au principe de précaution.

Conclusion

On n’imagine pas le mélange de fascination et de détestation que suscitent les pays riches d’Occident auprès de la population des pays émergents.

Autant la technologie occidentale crée l’émerveillement, autant notre manie de faire la morale aux autres et nos menaces de sanctions économiques envers quiconque s’oppose à notre volonté irritent les pays auxquels nous adressons nos reproches.

C’est sans doute pourquoi 85 % de la population mondiale habite dans des pays qui n’ont pas adopté de sanctions contre la Russie et qui refusent de s’impliquer dans la guerre en Ukraine. Pour eux, il s’agit d’un conflit entre pays occidentaux (la Russie étant jugée comme tel malgré son système politique différent).

Il y a quelques années, au Forum économique de Davos, un conférencier du tiers-monde (de l’Inde, je crois) avait provoqué un tonnerre d’applaudissements en déclarant, en réponse à une question de l’assistance, que rien ne lui ferait plus plaisir que de voir les Occidentaux s’entretuer du premier jusqu’au dernier.

Les États-Unis et le Canada se prétendent de grands défenseurs de la Démocratie. Mais ce qu’ils oublient, c’est que la Démocratie, c’est le pouvoir souverain du peuple.

Quand le peuple mexicain est massivement hostile au maïs transgénique et préfère s’alimenter des variétés traditionnelles de maïs qui sont à la base de leur alimentation depuis des siècles, cette volonté populaire doit prévaloir, au nom de la Démocratie, sur des intérêts économiques étrangers.

De plus, on peut raisonnablement penser que si le bannissement du blé transgénique par le Canada et les États-Unis est conforme au traité de libre-échange nord-américain, il est probable que le bannissement du maïs transgénique au Mexique l’est également.

Mais cela n’empêche pas les États-Unis et le Canada, en tant que pays riches et puissants, de menacer le Mexique de représailles et de tenter de le forcer à plier devant les géants de l’agrochimie mondiale.

Leurs menaces sont révélatrices de l’incapacité des peuples anglo-saxons de se mettre à la place des autres, de faire l’effort de les comprendre et de respecter leurs préoccupations fondamentales.

Références :
Blé génétiquement modifié
Contamination de blé OGM en Alberta
Contamination du maïs mexicain : la controverse scientifique
Innocuité du maïs transgénique : les doutes
Interdiction du maïs génétiquement modifié : le Canada appuie les États-Unis dans un désaccord avec le Mexique
La contamination par les OGM au Canada
Mexique – La Cour suprême valide le moratoire sur le maïs OGM
Le maïs transgénique est-il inoffensif ?
Monsanto abandonne le blé GM
Monsanto abandonne le blé transgénique sous la pression des consommateurs

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le fascisme américain

13 juin 2023


 
Depuis la tentative de coup d’État de Donald Trump le 6 janvier 2021, un centre de recherche basé à l’université de Chicago suit tous les trois mois l’évolution de la sympathie de l’opinion publique américaine à l’égard de la violence politique.

Les résultats de son plus récent sondage, effectué en avril dernier, ont été publiés vendredi dernier par le quotidien britannique The Guardian.

Plus de deux ans après l’accession au pouvoir de Joe Biden, encore un électeur sur cinq croit qu’il est un usurpateur.

Même si l’appui au fascisme a diminué de moitié depuis juin 2021, cet appui semble se stabiliser; douze-millions d’Américains — soit 4,4 % de la population adulte de ce pays — croient justifié de recourir à la lutte armée pour restaurer le pouvoir de Donald Trump à la Maison-Blanche.

Au-delà de ce but très précis, si on inclut tous ceux qui croient que le recours à la force est opportun pour atteindre leurs objectifs politiques (quels qu’ils soient), on atteint 13,9 % des électeurs américains, soit un adulte sur sept.

À 12,4 %, les Américains croient à l’intérêt de recourir à la violence pour rétablir le droit à l’avortement. À 8,4 %, pour forcer leurs représentants à Washington à prendre les bonnes décisions. À 6,3 %, pour préserver la suprématie de la ‘race blanche’ (c’est-à-dire pour défendre les droits des ‘Blancs’). À 6,1 %, pour empêcher l’inculpation de Donald Trump au sujet de n’importe quel de ses crimes.

La proportion des Américains qui croient que le pouvoir à Washington est entre les mains de pédophiles sataniques est stable, passant de 11 % à 10 % entre juin 2021 et avril 2023.

La théorie du Grand Remplacement est soutenue par des influenceurs qui prétendent qu’il existe un complot en vue de remplacer la ‘race blanche’ américaine par des gens qui n’en font pas partie (les Juifs, les N… et les Latinos). Depuis deux ans, la proportion des partisans de cette théorie est relativement stable à 25 %.

Puisque le financement politique aux États-Unis est de corruption légalisée, on ne s’étonnera pas que 47,9 % des Américains pensent que leurs élites politiques (autant démocrates que républicaines) sont les gens les plus corrompus et les plus immoraux du pays.

Référence : 12m Americans believe violence is justified to restore Trump to power

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Espionnage : TikTok, applications téléphoniques et propagande

8 mai 2023
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Introduction

L’an dernier, l’émission française Cash Investigation a effectué un reportage au sujet de l’espionnage dont nous sommes les sujets par le biais de nos téléphones multifonctionnels.

Le reportage dure une centaine de minutes. Toutefois, l’essentiel se trouve dans les vingt premières minutes.

En résumé

Dès qu’une application demande l’accès aux contacts d’un internaute, si ce dernier acquiesce, cette application copiera intégralement toutes les données qui s’y trouvent et les vendra à des entreprises comme Lusha, Kaspr, AeroLeads ou Coldcrm.

Ce dernier, par exemple, autorise n’importe quel de ses abonnés (au tarif mensuel de 129 euros) d’effectuer une recherche parmi sa base de données. Celle-ci concerne 320 millions de personnes dont quelques-uns des principaux dirigeants politiques et militaires français.

Le système d’exploitation Android dirige le fonctionnement de 86 % des téléphones multifonctionnels. Or Android appartient à Google. Donc, sous Android, même si vous utilisez un autre moteur de recherche, Google vous espionne.

De plus, la majorité des applications téléphoniques utilisent des traceurs (ou cookies) mis au point par Facebook. Donc même si on évite d’installer Facebook sur son téléphone, toutes les informations colligées par ces traceurs sont transmises à Facebook quand même, peu importe la marque de l’appareil téléphonique utilisé.

L’application de prière Muslim Pro est accusée d’avoir transmis à l’armée américaine les données de géolocalisation de tous les Musulmans qui l’utilisent à travers le monde.

Les courtiers en données

Les courtiers en données sont des entreprises qui font affaire en achetant et en vendant des données. En Europe, ce marché représente à lui seul 400 milliards d’euros.

À 36:44, le reportage nous apprend que l’un d’eux, Axiom, possède la plus grande base de données au monde concernant les consommateurs; 2,5 milliards de personnes y sont fichées.

On y trouve des données générales comme l’état civil, l’adresse, le numéro de téléphone, l’âge, le poids, et les requêtes effectuées auprès des moteurs de recherche, etc.

Également, les courtiers de données chercheront à connaitre vos revenus, les personnes que vous fréquentez, vos centres d’intérêt, vos habitudes de consommation, etc.

Ils sont les clients les uns des autres afin de compléter le profil de chaque personne espionnée. Or ce profil comprend jusqu’à trente-mille informations obtenues de différentes sources.

Et pour reculer dans le temps avant l’invention de l’internet, on comptera le tout à l’aide de questions ‘de sécurité’ comme celles qui vous demandent quel était le nom de votre premier animal de compagnie ou la marque de votre première voiture.

Bref, voilà tout ce qui permettrait le vol de votre identité ou de vous personnifier auprès de gens qui ne vous ont pas vu depuis des décennies.

Et TikTok dans tout cela ?

Lorsqu’on écoute ce reportage attentivement, on réalise qu’il existe des outils sophistiqués qui permettent de savoir très précisément quelles sont les données qui sont recueillies et transmises par une application téléphonique.

On peut présumer que Washington dit vrai lorsqu’il accuse TikTok de colliger des données personnelles. Mais est-ce que ce média social va au-delà de ce que font déjà tous les médias sociaux américains ?

On peut en douter puisque jamais Washington ne le précise à l’aide de preuves pourtant faciles à obtenir. Ce sont toujours de vagues accusations hypothétiques selon lesquelles TikTok serait au service du gouvernement chinois.

Le peuple américain est essentiellement individualiste. Pour susciter sa cohésion sociale, il a besoin d’une menace externe commune.

Autrefois, c’était la peur viscérale du communisme. Aujourd’hui, la peur du ‘wokisme’, suscitée par des élus républicains, ne joue pas ce rôle puisqu’elle consiste à dresser les Américains les uns contre les autres.

De nos jours, ce qui unit les Américains, c’est la peur de la Chine. Une peur compréhensible puisqu’il est probable que la Chine détrônera un jour les États-Unis au titre de première puissance mondiale.

D’ici là, Washington est déterminé à faire flèche de tout bois. L’épisode rocambolesque des ‘ballons-espions’ chinois en est un exemple.

L’hostilité à l’égard de TikTok fait partie de sa propagande antichinoise.

Une propagande d’autant plus efficace qu’elle est de l’ordre de la paranoïa; comment une simple application de courts vidéos de danse, de recettes de cuisine, de trucs de maquillage ou de décoration intérieure peut-elle sournoisement menacer l’hégémonie mondiale des États-Unis ?

Parus depuis :
Doctissimo condamné à une amende de 380 000 euros pour de multiples violations du droit des données personnelles (2023-05-17)
Le FBI espionne encore régulièrement les communications d’Américains (2023-05-19)
Protection de données : une amende de 1,75 milliards $ pour Meta, un record en Europe (2023-05-22)

Compléments de lecture : Le bannissement de TikTok au travail

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Oui aux changements de régime à l’Étranger : non à l’ingérence étrangère au Canada

30 mars 2023

Le Canada souhaite un changement de régime en Russie

Le 26 mars 2022, à l’occasion d’un discours en Pologne, le président américain a déclaré que Vladimir Poutine ne pouvait pas moralement demeurer au pouvoir en Russie.

Aussitôt, le secrétaire d’État américain s’est empressé de rectifier le tir et de préciser que le président américain ne voulait pas réellement dire qu’il souhaitait le renversement du régime de Poutine.

Ce qui n’a pas empêché le sénateur républicain Lindsey Graham, sur les ondes de Fox News d’en appeler à l’assassinat du président russe. Une opinion partagée par plusieurs de ses collègues au Congrès.

Ceci étant dit, cela n’est pas la position ni officielle ni officieuse de Washington. La raison est très simple; personne ne possède la certitude que le successeur de Vladimir Poutine serait plus ‘acceptable’ du point de vue américain.

Or un tiens vaut mieux que deux tu l’auras.

Indépendamment de tout le mal qu’on en dit en Occident, Vladimir Poutine est un chef d’État froid et calculateur, totalement dépourvu d’impulsivité. Ceux qui le croient imprévisible ne connaissent rien au personnage.

Il y a quelques jours, la ministre des Affaires étrangères du Canada s’est réjouie publiquement à l’idée que les sanctions économiques occidentales contre la Russie puissent entrainer un changement de régime dans ce pays.

Ce qui a soulevé une vive réaction à Moscou.

L’indignation face à l’ingérence étrangère dans les affaires internes du Canada

À juste titre, notre pays condamne l’ingérence étrangère dans ses affaires internes.

Évidemment, on n’ose pas condamner le financement du Convoi de la liberté par la Droite américaine.

Mais on s’objecte aux tentatives de manipulation de l’opinion publique canadienne par des cyber-usines de trolls installées en Russie.

De la même manière, la Gendarmerie royale canadienne soupçonne le Service à la famille chinoise du Grand Montréal et le Centre Sino-Québec de la Rive-Sud d’être des antennes chinoises qui inciteraient des Sino-Canadiens à voter conformément à des directives émises par Beijing.

Dernièrement, la chaine de nouvelles Global News accusait la Chine d’avoir favorisé en 2019 l’élection du député libéral Han Dong (né à Shanghai).

Conformément au néoMaccarthysme hystérique qui s’est emparé de l’Occident depuis l’invasion russe en Ukraine, Global News accuse même le député d’avoir incité la Chine à prolonger l’emprisonnement de deux citoyens canadiens dans ce pays.

Comment peut-on croire sérieusement qu’un simple député canadien ait quelque influence que ce soit sur Xi Jinping ?

Conclusion

La Chine se mêle de politique intérieure canadienne par des moyens parfaitement légaux en vertu du Droit international et qui sont couramment utilisés par d’autres pays, dont les États-Unis et la Turquie.

Évidemment, les États-Unis ne menacent pas leurs propres ressortissants à l’Étranger, mais la Turquie le fait.

La condamnation par le Canada d’irritants qui sont inhérants à la démocratie — et qui, concrètement, ont eu peu d’effets sur l’issue du scrutin — est bien hypocrite puisque notre pays souhaite par ailleurs un changement de régime en Russie en aggravant une guerre que le Canada a rendu inévitable en soutenant l’expansionnisme toxique de l’Otan.

Si le Canada veut qu’on évite de se mêler de ses affaires internes, il doit donner l’exemple.

Références :
Allégations d’ingérence chinoise : le député Han Dong quitte le caucus libéral
Barack Obama invite les Canadiens à appuyer Justin Trudeau
Le « convoi de la liberté » avait réussi à recueillir 24 millions
Les cyber-adorateurs
Les «postes de police» chinois se sont ingérés dans des campagnes électorales
Les «postes de police» chinois se sont ingérés dans des campagnes électorales
Le terrorisme judiciaire d’Erdoğan
L’expansionnisme toxique de l’Otan
Maccarthysme
Millions in foreign funds spent in 2015 federal election to defeat Harper government, report alleges
Moscou outré par les commentaires de la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly
Québec coupe les vivres à un présumé poste de police chinois
Regime Change in Russia?
Ukraine: No Russia regime change plans, says Blinken
Why Regime Change in Russia Might Not Be a Good Idea

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Écrit par Jean-Pierre Martel


France : la réforme des retraites finance l’augmentation des dépenses militaires

18 mars 2023

Le président de la République française a justifié le recours au bâillon pour court-circuiter l’Assemblée nationale et forcer l’adoption de sa réforme des retraites en ces termes : « Je considère qu’en l’état, les risques financiers, économiques sont trop grands.»

Son ministre délégué aux comptes publics a été plus explicite :
« C’est la réforme ou la faillite ! »

Tout comme les entreprises, l’État doit avoir en tout temps les liquidités qui lui sont nécessaires pour respecter ses engagements.

Or l’essentiel de la dette des États est constitué de bons du Trésor.
Lorsqu’ils viennent à échéance, le pays émetteur peut alors les payer (s’il en a les moyens) ou pelleter vers l’avant cette dette en émettant de nouveaux bons du Trésor pour payer les anciens.

Il y a quelques mois, l’ambitieux programme de réduction de taxes pour les riches (qui devait accroitre substantiellement la dette britannique) a été abandonné par Londres quand les bons du Trésor nouvellement émis n’ont pas trouvé preneurs.

Ce qui a entrainé la démission de la première ministre britannique.

D’abord estimé sommairement à 43 milliards de livres sterling, cette réforme devait finalement couter entre 100 et 200 milliards de livres.

Dans le même ordre d’idée, la France a dernièrement annoncé une augmentation de son budget militaire de 413 milliards d’euros en sept ans.

Par crainte de la sanction des milieux financiers, la France doit sabrer son filet de protection sociale. D’où la réforme des retraites.

Puisque le compte n’y est pas, on peut donc anticiper — lorsque la grogne populaire sera passée — d’autres compressions budgétaires reflétant les nouvelles orientations de l’Élysée.

Références :
Crise de la dette : S&P dégrade la perspective du Royaume-Uni
La Banque d’Angleterre intervient en urgence pour empêcher le naufrage de la dette britannique
L’armée française manque de munitions pour la haute intensité
Pourquoi la Banque d’Angleterre est-elle intervenue sur le marché obligataire?
Réforme des retraites : Macron justifie le 49.3 en invoquant des « risques financiers trop grands »
Retraites : la réforme pourrait rapporter 18 milliards d’euros d’ici à 2030, le gouvernement fait l’impasse sur les surcoûts

Paru depuis :
Le gouvernement [français] veut faire 10 milliards d’euros d’économies (2023-06-19)

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Écrit par Jean-Pierre Martel