Annexions : Crimée vs Palestine

Publié le 12 juin 2020 | Temps de lecture : 7 minutes

L’annexion de la Crimée

La Crimée est une péninsule russe que Nikita Khrouchtchev donna à l’Ukraine en 1954. Pour les Russophones qui la peuplaient majoritairement, ce transfert administratif avait peu d’importance puisque l’ensemble de l’URSS était sous domination russe.

À la dislocation de l’URSS, la Crimée s’est proclamée indépendante en 1992. Mais six ans plus tard, elle acceptait de redevenir une région ukrainienne en contrepartie d’une large autonomie politique.

Dans les années 2000, l’Ukraine est le théâtre d’un affrontement entre des forces pro-russes (soutenues par la Russie) et pro-occidentales (soutenues par les États-Unis).

L’envenimement des relations entre l’Ukraine et la Russie fait en sorte que la majorité russophone de Crimée, sympathique à la mère patrie, est bientôt perçue comme traitre.

À l’époque, 65,3 % des habitants de Crimée sont russophones, 12,1 % sont turcophones et seulement 15,1 % parlent ukrainien.

Les sanctions économiques russes provoquent la chute de l’économie ukrainienne et exacerbent les tendances séparatistes en Crimée.

En 2014, l’annonce par l’Ukraine de son intention (qui ne se réalisera jamais) de retirer au russe son statut de langue officielle dans 13 des 27 régions du pays (dont la Crimée) met le feu aux poudres.

Le 11 mars 2014, le parlement régional de Crimée proclame son indépendance. À la suite du référendum du 16 mars 2014, la Crimée annonce son rattachement à la Russie deux jours plus tard.

Afin d’empêcher l’Ukraine d’écraser cette sécession, la Russie envahit aussitôt la Crimée par le biais de ‘milices’ pro-russes.

Au total, cette annexion s’est faite avec très peu de pertes matérielles et seulement six morts. Ce bilan s’explique par l’assentiment de la population concernée.

Unanimement, les pays occidentaux ont accusé la Russie de violer le Droit international.

Les États-Unis et le Droit international

Depuis qu’ils sont devenus l’unique superpuissance mondiale, les États-Unis se sont métamorphosés en pays le plus belliqueux de toute l’histoire de l’Humanité. C’est du moins l’opinion de l’ex-président Jimmy Carter.

Cette agressivité n’aurait pas été aussi intense si elle était harnachée par le Droit international dont le but est précisément de civiliser le rapport entre les nations.

En 2003, quand les États-Unis échouent à convaincre l’ONU de leur permettre d’envahir l’Irak, ils le font quand même.

Quand les États-Unis décident de renier leur signature d’un traité international, ils ne demandent la permission à personne; ils adoptent une loi américaine qui l’autorise et c’est ça qui est ça.

Quand ils jugent approprié de torturer à mort des prisonniers, ils passent outre le traité international qui l’interdit.

Quand les États-Unis décident de séparer 2 300 enfants de leurs parents après que ces derniers aient illégalement traversé les frontières américaines et que certains de ces enfants meurent en captivité par manque de soins, ils ne se demandent pas si cela est contraire à la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. Ils blâment les parents qui n’avaient qu’à rester chez eux.

Depuis 2002, les États-Unis coupent l’aide militaire de tout pays (sauf quelques exceptions) qui ose extrader des citoyens américains vers la Cour pénale internationale.

Le 5 mars 2020, cette Cour a décidé d’ouvrir une enquête pour crimes de guerre à l’encontre des soldats américains impliqués dans la guerre en Afghanistan.

La réaction américaine ne s’est pas fait attendre; Donald Trump a autorisé des sanctions économiques visant personnellement chaque magistrat de la Cour pénale internationale qui prendrait part à tout effort pour enquêter sur des militaires américains.

En réalité, aucune puissance militaire ne respecte le Droit international lorsqu’elle le juge contraire à ses intérêts.

Un prétexte à une course aux armements

Depuis le démantèlement de l’Union soviétique, l’OTAN se cherche une vocation.

À l’heure actuelle, la puissance militaire américaine est 5 à 10 fois supérieure à celle de la Russie. C’est donc à dire que le risque de guerre mondiale est nul.

Pourtant, lorsque la Russie a annexé la Crimée en 2014, les pays occidentaux ont comparé cette annexion à l’envahissement de la Pologne par l’Allemagne en 1939, un évènement qui a déclenché la Deuxième Guerre mondiale.

Afin de se prémunir contre ce qu’ils qualifient ‘d’expansionnisme russe’, les pays membres de l’OTAN ont déclenché cette année-là une nouvelle course aux armements, décidant de faire passer leurs dépenses militaires d’un pour cent du PIB en 2014 au double dix ans plus tard.

L’annexion de la Palestine par Israël

Depuis la guerre des Six Jours gagnée par Israël en 1967, ce pays a implanté 650 000 colons en territoire palestinien.

Grâce à une crise du logement provoquée artificiellement, les jeunes couples qui veulent fonder une famille n’ont pas d’autre choix que de s’installer en Cisjordanie, même s’ils sont opposés à la guerre coloniale qu’Israël y livre.

Selon le Droit international, l’établissement des colonies israéliennes dans les territoires occupés par Israël depuis 1967 est illégal.

En novembre 2019, l’administration Trump annonce que les États-Unis ne reconnaissent plus la colonisation israélienne en Cisjordanie comme contraire au Droit international. Ils ont décidé cela comme si le Droit international leur appartenait.

Quelques mois plus, tard, le 28 janvier 2020, Donald Trump présente un ‘plan de paix’ qui prévoit l’annexion de la vallée du Jourdain et de 30 % de la Cisjordanie par Israël.

Conclusion

Le Droit des peuples à l’autodétermination fait partie du ‘vrai’ Droit international. Pas du ‘droit international’ à la sauce américaine dicté par Washington.

Or en vertu de ce droit, deux critères accordent à un peuple le droit à l’indépendance; un territoire reconnu internationalement et des caractéristiques ethniques qui lui sont propres, comme c’est le cas à la fois pour le Québec et la Crimée.

Les colonies israéliennes en Cisjordanie ne rencontrent qu’un seul des deux critères essentiels pour justifier leur droit à l’indépendance et leur annexion librement consentie à l’État d’Israël.

L’opposition des États-Unis à l’annexion de la Crimée par la Russie et leur assentiment à l’annexion des colonies israéliennes par Israël est le parfait exemple de l’hypocrisie américaine en matière de Droit international.

Références :
Carter, Trump, Trudeau et les armes
Colonies israéliennes
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
Cour pénale internationale
Cour pénale internationale : les Etats-Unis passent à l’acte !
Crimée
Crise de Crimée
Crise ukrainienne
Guerre d’Irak
La communauté internationale va-t-elle sanctionner le projet d’annexion d’Israël?
Oblast de Crimée
Révolution orange
Trump menace de sanctionner des magistrats de la Cour pénale internationale
Un cinquième enfant migrant est mort aux États-Unis depuis décembre
Une fillette meurt de soif en détention aux États-Unis

Complément de lecture : Résumé de géopolitique mondiale (1re partie)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Missiles iraniens : une dangerosité surfaite ?

Publié le 11 janvier 2020 | Temps de lecture : 9 minutes
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Introduction

À la suite d’un attentat terroriste commis par les États-Unis contre le général iranien Qassem Soleimani, l’Iran a répliqué par des tirs de missiles visant deux bases américaines en Irak.

Ces frappes n’ont fait aucune victime.

Pour expliquer cela, certaines sources soutiennent qu’afin d’éviter un incident diplomatique avec l’Irak (avec lequel l’Iran entretient de bonnes relations), l’Iran aurait eu la courtoisie de prévenir ce pays ami peu de temps avant l’attaque (demeurée secrète jusqu’alors).

Celui-ci, en retour, aurait averti les Américains (dont les militaires se sont alors réfugiés dans des abris sous-terrain).

Par contre, certains analystes ont émis l’hypothèse que Téhéran a sciemment raté son coup afin d’éviter une escalade des tensions avec Washington

Ceci est extrêmement douteux. Un pays menacé de guerre ne fait pas exprès pour prouver la vulnérabilité de ses défenses ou l’inefficacité de ses moyens d’attaque.

De plus, on ne gaspille pas des millions$ en missiles pour ‘faire semblant’ de se venger alors qu’on pourrait avoir bientôt besoin de cet argent (ou de ces missiles) pour se défendre.

D’autres sources estiment, au contraire, que les missiles iraniens seraient devenus tellement précis que l’Iran aurait choisi — à l’aveugle puisqu’on était en pleine nuit — de faire la distinction entre les casernes (où les soldats dormaient) et les hangars qui ont été ciblés et détruits. D’où l’absence de victimes.

Quinze ou seize missiles ont été tirés. Onze ont frappé la base militaire d’Ayn al-Assad (photo ci-dessus) tandis qu’un autre a frappé une base américaine située près d’Erbil.

Une première constatation : les bases américaines en Irak ne sont pas protégées par des missiles antimissiles.

De plus, trois ou quatre missiles se sont écrasés dans la campagne irakienne et donc, ont complètement raté leur cible.

D’où la question : les missiles iraniens sont-ils aussi précis qu’on le prétend ?

Les missiles russes

Les missiles iraniens proviennent de deux sources : ceux importés de Russie et ceux fabriqués en Iran.

La technologie antimissile russe est la plus efficace et la plus précise au monde.

En 2007, l’Iran avait obtenu 29 véhicules antiaériens mobiles Tor-M1 en vertu d’un contrat de 700 millions$ signé deux ans plus tôt avec Moscou.

Quoique très efficace, le système antimissile Tor-M1 n’est pas le plus sophistiqué de l’arsenal russe puisqu’il est maintenant vieux de deux décennies. Le cout unitaire de chaque véhicule est de 25 millions$.

En 2010, à l’époque du président russe Dmitry Medvedev, des pressions américaines et israéliennes avaient provoqué l’annulation d’un contrat de vente à l’Iran des redoutables missiles russes S-300.

Depuis le retour de Poutine à la résidence russe, Moscou se dit prêt à vendre des missiles S-300VM (encore plus puissants) à l’Iran. Une offre que Téhéran ne semble pas avoir acceptée.

Ce qui fait sans doute hésiter l’Iran, c’est le prix unitaire de ces véhicules antiaériens; 120 million$. Il s’agit d’une somme considérable pour un pays dont l’économie est étranglée par les sanctions américaines.

L’Iran peut évidemment pratiquer le troc avec Moscou. Mais quoi donner en retour ? La Russie est déjà un des principaux exportateurs de pétrole.

En raison des couts élevés de la technologie antimissile russe, l’Iran fabrique ses propres missiles. C’est sa principale source d’approvisionnement.

Les missiles faits en Iran

En 2018, le budget militaire iranien était de 13 milliards$US (environ le cinquième de celui de l’Arabie saoudite).

Son arsenal de drones et de missiles est le plus important du Moyen-Orient. Les Américains estiment que l’Iran en aurait des milliers, d’une douzaine de variétés.

Ceux dont la portée est la plus courte sont des missiles sol-air destinés à abattre des avions de chasse et des bombardiers ennemis.

Les missiles dont la portée est plus longue sont des missiles sol-sol. Les missiles Fateh ont une portée entre 200 et 300 km. Ce sont ceux que l’Iran a utilisés la semaine dernière contre les deux bases américaines.
 

 
Ceux qu’Israël craint sont des missiles sol-sol dont la portée est encore plus longue; les Shahab.

Les plus puissants d’entre eux pourraient atteindre des cibles situées à deux-mille kilomètres.

En balistique, l’écart circulaire probable (ÉCP) est le rayon du cercle à l’intérieur duquel tombent la moitié des frappes. En somme, c’est une mesure de la précision des missiles.

L’ÉCP des missiles Shahab-3 originels (ceux de 2002) était de 2,5 km. Une telle imprécision est inacceptable.

Membres de cette famille, les missiles Ghadr-1 sont apparus en 2015. Ces derniers sont cinq fois plus précis; leur ÉCP est de 300 mètres.

Le 12 juin dernier, l’aéroport saoudien d’Abha — situé à 306 km du Yémen — a été bombardé par les rebelles de ce pays.

À cette occasion, le missile (probablement d’origine iranienne) a raté la tour de contrôle. Si bien que c’est la salle d’arrivée des voyageurs qui a été endommagée.

Cette imprécision est compatible avec les renseignements qu’on possède au sujet de l’ÉCP actuel des missiles iraniens.

Cela contraste avec la précision ‘chirurgicale’ des frappes du 14 septembre dernier contre les sites pétroliers saoudiens.

Ce qui donne plus de poids à l’hypothèse — avancée sur ce blogue — selon laquelle ces frappes ont été tirées à bout portant par la dictature saoudienne contre ses propres installations dans le but de forcer les États-Unis à entrer en guerre contre l’Iran.

Conclusion

Le complexe militaro-industriel américain a continuellement besoin de nouvelles guerres pour maintenir l’emploi.

Ce complexe est un allié de l’OTAN. Afin de justifier son existence, ce dernier doit absolument exagérer la dangerosité des menaces ennemies.

D’abord, la Russie.

Alors que l’armée américaine est cinq à dix fois plus puissante que l’armée russe — en d’autres mots, alors que le risque de guerre mondiale est nul — l’OTAN s’est lancée depuis 2014 dans une course aux armements.

Le prétexte en a été l’annexion russe de la Crimée. L’OTAN feint d’ignorer que cette annexion était souhaitée par les Criméens eux-mêmes (qui l’ont adoptée par référendum). Ce que l’OTAN compare abusivement à l’invasion de la Pologne par l’Allemagne nazie en 1939.

Puis, la Chine.

Les États-Unis (et les ONG qu’ils financent) estiment qu’un million d’Ouïgours sont emprisonnés en Chine.

S’il ne fait aucun doute que la Chine a créé des ‘camps de rééducation’ afin de venir à bout des violences inter-ethniques dans l’ouest du pays, on se demande comment la Chine pourrait loger un million de personnes sans qu’on ait des photos satellites pour prouver l’ampleur de cette incarcération.

De plus, il ne faudrait pas oublier qu’il y a officiellement deux millions de prisonniers aux États-Unis, un pays quatre fois moins populeux.

Donc, même si un million d’Ouïgours étaient vraiment emprisonnés, les États-Unis demeureraient le champion mondial de l’incarcération.

Et l’Iran.

De la même manière, l’Iran nous est présenté comme une grande menace terroriste.

Selon les dépêches diplomatiques américaines révélées par Wikileaks, l’Arabie saoudite est le principal financier du terrorisme international.

L’Iran n’est impliqué que dans un terrorisme de portée régionale, comme le sont eux-mêmes presque tous les autres pays de la région.

Il est indiscutable que le général Soleimani planifiait de tuer des soldats américains. Toutefois, on doit admettre que tous les généraux au monde planifient de tuer des ennemis. Pour n’importe quel pays, à quoi ça sert d’avoir une armée si les soldats refusent de tuer des envahisseurs ?

Menacé de guerre par les États-Unis — le seul pays qui, jusqu’ici, ait utilisé l’arme nucléaire — l’Iran sait que seule son adhésion au club des détenteurs de l’arme atomique est susceptible de faire hésiter les Américains à l’envahir. Comme c’est le cas pour la Corée du Nord.

D’ici à ce qu’elle obtienne suffisamment de combustible nucléaire pour créer sa première bombe, l’Iran a choisi de développer son programme de missiles.

Il ne s’agit pas d’une stratégie offensive puisqu’on ne gagne pas de guerre à coups de missile ou de bombardements; l’échec américain en Syrie en est la preuve.

Il s’agit d’une stratégie de dissuasion. L’Iran sait que ses voisins hostiles (notamment l’Arabie saoudite) hésiteront à lui faire la guerre si leurs villes sont susceptibles d’être bombardées par des missiles iraniens alors que la technologie antimissile américaine sera impuissante à les protéger.

Références :
Emad, Ghadr (Shahab-3 Variants)
Fateh-110
How strong is Iran’s military?
Le mystère des attaques contre les champs pétroliers saoudiens
L’Iran riposte aux États-Unis
Russia offers to sell anti-aircraft missiles to Iran
Russia will supply new anti-aircraft missiles for Iran
S-300VM missile system
Tor missile system
2020 Iranian attack on U.S. forces in Iraq

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Une dette saoudienne sur le dos des contribuables canadiens ?

Publié le 30 octobre 2019 | Temps de lecture : 3 minutes


 

Le G20 réunit annuellement une vingtaine de pays — en réalité, 19 pays et l’Union européenne — qui représentent les deux tiers de l’Humanité et 85 % du commerce mondial.

Parce que cette réunion se tiendra en 2020 en Arabie saoudite, le prince Mohammed ben Salmane en sera l’hôte.

Au palais royal saoudien, tous les admirateurs de Justin Trudeau se réjouissent à l’idée de le voir entrer habillé comme Peter O’Toole dans Lawrence of Arabia, du haut de son chameau, au milieu des volutes d’encens et de myrrhe et au son des clochettes.

Mais le premier ministre canadien pourrait avoir d’autres préoccupations.

On apprend aujourd’hui que l’Arabie saoudite est en retard dans ses paiements pour des véhicules blindés canadiens. Ce retard s’élève à 3,4 milliards$ (sur un contrat de quinze milliards$).

L’Arabie saoudite n’étant pas un État de droit, un fabricant n’a aucun recours lorsque ce pays refuse de payer ses dettes.

Même s’il suffisait d’envoyer un huissier pour recouvrer la somme due, il n’est pas certain que ce dernier reviendrait au Canada d’un seul morceau…

Voilà pourquoi ce contrat a été conclu entre le Canada et l’Arabie saoudite et non directement entre celle-ci et le fabricant.

Conséquemment, Ottawa est garant auprès du fabricant du respect du contrat par la dictature saoudienne.

En 2014, lorsque l’Arabie saoudite a manifesté son intention d’acheter de l’armement canadien, les ministères fédéraux à vocation économique avaient recommandé la signature du contrat.

Une recommandation suivie par le gouvernement conservateur de Stephen Harper sous l’indignation de l’opposition libérale.

Mais un tel contrat est soumis à des licences d’exportation. En d’autres mots, la signature du contrat ne valait rien tant que les licences d’exportation n’étaient pas accordées par le ministère des Affaires étrangères.

Ce qui fut fait non pas par les Conservateurs, mais par les Libéraux.

En effet arrivé au pouvoir, le gouvernement libéral de Justin Trudeau n’a rien trouvé de mieux à faire que d’accorder le 8 avril 2016 les licences d’exportation concernant 70 % du matériel militaire canadien visé par le contrat conclu sous les Conservateurs avec l’Arabie saoudite.

Ce qui est un autre exemple qui confirme la thèse selon laquelle le véritable pouvoir à Ottawa est exercé par une machine étatique à qui l’interface ministérielle sert de paravent.

D’où le fait qu’un gouvernement, qu’il soit libéral ou conservateur, cela revient au même.

Avec le résultat que si l’Arabie saoudite ne paie pas sa dette, cela coutera cent dollars à chaque citoyen canadien. Cela représente une somme de 400 $ pour une famille moyenne de deux parents et de deux enfants.

Voilà le prix du fédéralisme.

Références :
Groupe des vingt
La présidence saoudienne du G20 contestée
L’Arabie saoudite en retard dans ses paiements pour des véhicules blindés canadiens
La clarté et l’opacité du ministre Dion

Paru depuis :
Solde impayé des Saoudiens : les blindés reviennent hanter Ottawa (2019-11-02)

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au prix que nous payons pour appartenir au Canada, veuillez cliquer sur ceci.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les drones

Publié le 31 août 2018 | Temps de lecture : 3 minutes

Utilisation militaire des drones

Un drone est un objet volant inhabité capable de revenir se poser sur son lieu de départ. Cette dernière caractéristique, entre autres, le distingue du missile de croisière.

L’industrie de l’armement investit des sommes considérables afin de développer des drones capables d’espionner les lignes ennemies ou de procéder à des frappes sans risquer la vie de pilotes.

Appelés à remplacer les avions de combat, les drones souffrent actuellement d’une lacune importante.

Leurs capteurs doivent transmettre des quantités importantes d’informations — interprétés par un humain à bord lorsqu’il s’agit d’un avion de chasse — mais qui, dans le cas des drones, doivent être interprétées à distance. Ils sont donc très sensibles au brouillage.

C’est là le talon d’Achille des drones militaires; on ne peut les utiliser que contre des ennemis sans support technologique.

Tant qu’on n’aura trouvé le moyen de pallier cette lacune, l’avenir des drones est principalement lié à leur utilisation civile et notamment commerciale.

Drones vs hélicoptères

Les hélicoptères se déplacent à l’aide d’une hélice principale alimentée par un moteur puissant d’une grande précision puisque toute la stabilité de l’appareil en dépend.

Les drones sont équipés de plusieurs hélices actionnées par des moteurs rudimentaires. Par tâtonnement, ceux-ci sont coordonnés par un système informatique qui analyse les données d’un gyroscope interne.

Le rapport entre leur charge utile (souvent une caméra de quelques grammes seulement) et leur empattement est beaucoup plus grand que celui d’un hélicoptère.

Mais ils sont faciles à fabriquer et peu couteux. De plus, ils possèdent une grande autonomie de vol (jusqu’à quarante-cinq heures) et leur écrasement ne cause pas la mort d’un pilote.

Utilité civile des drones

Nuisances à proximité des aéroports et des sites militaires, les drones sont utiles dans les domaines suivants :
• la télésurveillance (qu’il s’agisse de sécurité ou de surveiller l’avancement d’un chantier),
• la localisation de casseurs au cours d’une manifestation violente,
• l’évaluation des dommages, le repérage des victimes et la détermination des priorités à la suite d’un désastre naturel,
• la recherche des personnes disparues (en mer ou en montagne, par exemple),
• l’exploration de territoires difficilement accessibles (canopée, crevasses, cratères volcaniques, œil d’une tornade, etc.),
• la livraison de petits colis (particulièrement lorsque les voies terrestres sont inutilisables) ou l’acheminement du courrier dans les localités isolées.

Références :
Copel É. Drones à tout faire. La Revue 2017; no 73: 89-91.
Drone

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’appartenance inutile du Canada à l’OTAN

Publié le 16 mai 2018 | Temps de lecture : 5 minutes
Le ministre canadien de la Défense, M. Harjit Sajjan

Une promesse non tenue

Le 25 juin 1968, Pierre-Elliott Trudeau — de père de l’actuel premier ministre du Canada — était élu pour la première fois à la tête du gouvernement canadien.

Les deux engagements qui avaient dominé sa campagne électorale furent ses promesses de faire du Canada une société juste et de retirer le Canada de l’OTAN.

Grâce aux 155 députés libéraux élus sur les 263 que comptait alors la Chambre des Communes, M. Trudeau Père avait toute la latitude pour réaliser ses promesses.

Ce deuxième grand engagement n’eut jamais de suite. On présuma à l’époque que cela faisait partie d’une stratégie de négociation dont on ignorait les dessous.

Mais techniquement, ce scrutin était une élection référendaire. Même cinquante ans plus tard, le gouvernement canadien est toujours lié par le mandat qu’il a reçu des Canadiens (même si la majorité d’entre eux sont morts entretemps).

Doubler les dépenses militaires

En septembre 2014, les pays membres de l’OTAN se sont entendus pour augmenter leurs budgets militaires de manière à ce qu’en 2024, le niveau de leurs dépenses atteigne un minimum de deux pour cent de leur produit intérieur brut (PIB).

Par conséquent, lorsqu’on laisse entendre que le Canada est tenu de respecter ses engagements internationaux, on dit n’importe quoi.

Il ne s’agit pas d’un critère d’appartenance à l’OTAN, mais d’un engagement volontaire du Canada. Un engagement auquel notre pays pourrait renoncer aussi facilement que Donald Trump se retire de l’Accord de Paris sur le climat ou qu’il remet en question l’ALÉNA.

Conséquences économiques

Présentement, le risque de guerre mondiale est nul. Il l’est à court et à moyen terme. La force militaire des États-Unis est de cinq à dix fois plus puissante que celle de la Russie.

L’an dernier, le produit intérieur brut de la Russie était de quatre-trillions$. Celui des États-Unis était de 19,36 trillions$. Presque cinq fois plus.

L’OTAN a tendance à exagérer la menace russe pour justifier son existence.

De la même manière, les gazouillis belliqueux de Donald Trump servent à entretenir une psychose qui a pour but de promouvoir la vente d’armement américain.

Sur les 250 milliards$ de dépenses fédérales, la majorité de cette somme est incompressible.

Pour accroitre les dépenses militaires de quinze-milliards$ — un pour cent du PIB de plus — le choix de l’État fédéral sera entre :
• hausser de beaucoup la fiscalité des particuliers (puisqu’entretemps on aura diminué celle des entreprises) ou
• effectuer des coupures draconiennes dans les postes budgétaires autres que celui de la Défense nationale.

Pensez que quinze-milliards$, c’est environ cinq-cents dollars de plus d’impôts à payer pour chaque homme, femme et enfant du pays. Ou deux-mille dollars pour une famille moyenne de quatre personnes. Et ce, chaque année, tant et aussi longtemps que le Canada fait partie de l’OTAN.

Ce qui incitera la droite canadienne à soutenir que les contribuables sont trop taxés et qu’on doit mettre fin à un État-providence ruineux…

La machine invisible de l’État canadien

Augmenter les dépenses militaires, peu importe le contexte, cela est typique d’un gouvernement de droite.

Il est donc normal que le gouvernement Harper ait pris cet engagement en 2014.

Mais pourquoi est-il maintenu par un gouvernement libéral qui se veut de centre-gauche ?

Parce que ce gouvernement élu n’est que l’interface ministérielle d’une machine étatique qui est la véritable détentrice du pouvoir.

La direction militaire du pays est formée d’experts, de meneurs d’hommes et de gens déterminés.

Ceux-ci rédigent les rapports qui guident les ‘décideurs’ publics. Ce sont eux qui, en coulisse, menacent de démissionner si on ne tient pas compte de leur point de vue. Et quand on les remplace, c’est du pareil au même.

Bref, en dépit des orientations politiques des différents partis politiques qui se sont succédé à la tête de l’État depuis cinquante ans, ceux-ci semblent se comporter comme à la belle époque où ils étaient financés par une caisse occulte à laquelle le complexe militaro-industriel pouvait contribuer significativement.

La permanence des orientations de l’État est une preuve supplémentaire que la machine de l’État fédéral est formée de grands mandarins qui exercent le pouvoir dans l’ombre, animés par leur propre conception de l’intérêt national.

Références :
Doubler les dépenses militaires et la dénaturation du Canada
Être payé pour apprendre le français, puis démissionner
Les États-Unis et la Corée du Nord
Russia
Service et OTAN: Mélenchon détaille son programme de défense
Un fonctionnaire fédéral défend son droit de travailler en français
United States

Paru depuis :
Trump Discussed Pulling U.S. From NATO, Aides Say Amid New Concerns Over Russia (2019-01-14)

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5 mark II, objectif M.Zuiko 75mm F/1,8 — 1/160 sec. — F/1,8 — ISO 6400 — 75 mm.

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au prix du fédéralisme canadien, veuillez cliquer sur ceci.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les armes de Daech en Irak et en Syrie

Publié le 15 décembre 2017 | Temps de lecture : 6 minutes

Introduction

Après l’effondrement du califat, l’heure est aux bilans.

L’organisme britannique Conflict Armament Research dévoilait hier les résultats d’une enquête effectuée de juillet 2014 à novembre 2017 sur l’origine de l’équipement militaire dont disposait l’État islamique (ÉI) en Irak et en Syrie.

Il est à noter que dans le cas précis de la Syrie, les enquêtes se sont déroulées de juillet 2014 à septembre 2015 et ce, seulement sur le territoire contrôlé par les forces kurdes, les seules qui, essentiellement, ont fait reculer l’ÉI dans ce pays.

De plus, réitérons qu’il ne s’agit pas de tout le matériel mis en œuvre au cours de cette guerre, mais très précisément de celui de l’ÉI.

L’étude porte sur des dizaines de milliers d’items ayant appartenu aux miliciens de l’ÉI; 1 832 armes, 40 984 munitions, sans compter divers ingrédients nécessaires à la fabrication de bombes artisanales.

Dates de fabrication

À partir des numéros de série, on peut juger de la date de fabrication de l’équipement militaire utilisé par l’ÉI. De manière générale, cet équipement était ancien.

Environ 60% de cet équipement avait été fabriqué avant 1990. Près de 40%, entre 1990 et 2009. Seulement 2% des armes (et 15% des munitions), depuis 2010.

Les armes les plus sophistiquées sont évidemment les plus récentes. Elles sont celles dont l’ÉI a fait l’acquisition le plus rapidement.

Seulement deux mois s’écoulent entre la sortie d’usine de certains missiles sol-sol antitanks et leur utilisation par l’ÉI.

Fabriqués en Bulgarie, ces missiles ont été achetés par les États-Unis, fournis aux forces antigouvernementales de Syrie pour détruire les tanks de l’armée de Bachar el-Assad, mais qui ont été refilés plutôt aux mercenaires de l’ÉI en Irak.

D’autres missiles plus anciens — fabriqués en Roumanie et vendus aux États-Unis ou vendues par la Bulgarie à l’Arabie saoudite — ont mis davantage de temps avant de tomber entre les mains de l’ÉI.

En plus du butin de guerre gagné sur le champ de bataille, une partie des armes utilisées par l’ÉI provient donc du transfert de matériel militaire des milices islamistes vers l’ÉI.

On ne doit jamais perdre de vue que toute l’essence consommée par le matériel roulant des milices islamiques provenait des puits de pétrole de l’ÉI (directement ou par le biais du marché noir).

L’armement servait donc parfois de monnaie d’échange pour obtenir du pétrole.

Pays producteurs

Environ 90% des armes et 87% des munitions avaient été produits en Chine, en Russie et dans d’anciennes républiques soviétiques. À eux seuls, le matériel russe ou chinois représente un peu plus de la moitié de cet approvisionnement.

À titre d’anecdote, signalons que dans une cache trouvée près de Mossoul, des sachets de Captagon™ (la drogue stimulante utilisée par les miliciens de l’ÉI) avaient été préalablement attachés à chacune des mitraillettes chinoises qui y étaient entreposées.

Dans le cas de l’armement fabriqué par d’anciennes républiques soviétiques (30% des armes et 20% des munitions), ils proviennent de Roumanie, de Hongrie, de Bulgarie, de Serbie, de Pologne, et de République tchèque.

Seulement 3% des armes et 13% des munitions avaient été fabriqués par des pays membres de l’OTAN (autres que des pays d’Europe de l’Est). Ce fut principalement le butin de guerre dont l’ÉI hérita lors de la prise de Mossoul (la deuxième ville d’Irak). De ce 3%, les deux tiers sont américains.

Quant aux explosifs, leurs ingrédients et composants — nitrate d’ammonium, nitrate de potassium, détonateurs, mèches, etc.— avaient été achetés en Turquie (et secondairement de Jordanie) sur une longue période temps auprès d’un petit nombre de fournisseurs.

Conclusion

Lorsque la branche irakienne d’Al Qaïda, discréditée dans ce pays et presque complètement anéantie, part faire le djihad en Syrie, elle bénéficie des largesses de l’Arabie saoudite et du Quatar offertes à n’importe quelle milice désireuse d’abattre le régime de Bachar el-Assad.

Très tôt, cet ‘équipement de départ’ est supplanté par le butin obtenu lors des conquêtes territoriales qui mènent à la création du califat et au changement de nom pour État islamique.

Or le califat chevauche deux pays, l’Irak et la Syrie. Le premier est un ancien allié de Moscou tandis que le second l’est toujours.

L’armement des forces gouvernementales de chacun de ses pays est le reflet de ses allégeances géopolitiques. On y trouve donc beaucoup d’armes russes, chinoises et d’anciennes républiques soviétiques.

Lorsque ces forces gouvernementales reculent devant l’avancée de l’ÉI ou d’autres milices islamistes, elles laissent sur place du vieux matériel ‘communiste’.

En Syrie, le recul des forces gouvernementales vers la Syrie dite ‘utile’ (à l’ouest) fait en sorte que le califat s’est retrouvé menacé sur le terrain par les milices islamistes soutenues par les États-Unis et l’Arabie saoudite.

Dans un premier temps, en équipant ces milices, on leur fournissait de nouvelles munitions compatibles avec leurs vieilles armes. Puis bientôt de nouvelles armes compatibles avec leurs vieilles munitions.

Puis, pour aider ces mercenaires à vaincre les milices de l’ÉI et les forces gouvernementales, leurs commanditaires leur ont bientôt fait parvenir des armes plus puissantes.

Dans le cas des missiles antitanks, leur fourniture s’effectue à l’encontre des résolutions de l’ONU et alors que les services de renseignements américains sont parfaitement conscients du danger que ces armes tombent entre les mains de l’ÉI.

Voilà pourquoi les États-Unis et l’Arabie saoudite préfèreront expédier des missiles bulgares et roumains, moins compromettants.

Référence :
Weapons of the Islamic State

Paru depuis :
La valse des armes au Proche-Orient (2017-12-16)


Compléments de lecture :
L’ABC de la guerre syrienne (1re partie)
L’ABC de la guerre syrienne (2e partie)
L’ABC de la guerre syrienne (3e partie)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Doubler les dépenses militaires et la dénaturation du Canada

Publié le 25 mai 2017 | Temps de lecture : 7 minutes
Le ministre canadien de la Défense, M. Harjit Sajjan

Introduction

Depuis l’élection de Donald Trump, les États-Unis accusent les autres membres de l’OTAN de ne pas faire leur juste part dans la défense du monde occidental en raison de l’insuffisance de leur budget militaire.

En réalité, ce reproche n’est pas nouveau mais le nouveau chef d’État américain s’est fait beaucoup plus instant que son prédécesseur à ce sujet.

Qu’en est-il ?

Les dépenses militaires des membres de l’OTAN

En septembre 2014, les pays membres de l’OTAN se sont entendus pour augmenter leurs budgets militaires de manière à ce qu’en 2024, le niveau de leurs dépenses atteigne un minimum de 2% de leur produit intérieur brut (PIB).

Les motifs d’un tel engagement sont obscurs.

D’une part, il est vrai que depuis plusieurs années, la Russie et la Chine augmentent leurs dépenses militaires.

Si on exclut le cas particulier du nombre d’ogives nucléaires (dont la Russie possède un stock vieillissant mais toujours supérieure à celui des États-Unis), la supériorité américaine est écrasante; on estime que la force militaire américaine est de cinq à dix fois supérieure à celle de la Russie.

Conséquemment, même au taux d’augmentation actuel, ni la Russie ni la Chine ne sont en train de rattraper leur retard sur les États-Unis.


 
En 2016, des 28 membres de l’OTAN, seuls six respectaient déjà l’engagement pris pour 2024 : ce sont Les États-Unis, la Grèce, l’Estonie, le Royaume-Uni et la Pologne.

En montants absolus, leurs budgets militaires ne sont pas nécessairement les plus élevés mais ils sont les plus importants relativement à la taille de leur économie.

À 3,6% du PIB, le budget militaire américain est le plus élevé en raison d’une politique étrangère belliqueuse qui les amène utiliser la force militaire et à déclencher des guerres prédatrices sous n’importe quel prétexte. Par la même occasion, cela leur permet de tester l’efficacité et la fiabilité de leur matériel de pointe.

Pourquoi la Grèce, si endettée, est-elle en deuxième position avec 2,4% ? Parce qu’elle inclut le cout de la défense de ses frontières dans le calcul de ses dépenses militaires. Or la Grèce est à l’avant-scène de la crise migratoire européenne.

Ex-république soviétique et pays voisin de la Russie, l’Estonie vit dans la hantise d’un envahissement russe et de la déstabilisation de son économie par des agitateurs à la solde de Moscou. Son budget militaire (2,2%) en est le reflet.

De la troisième place en 2015, le Royaume-Uni occupe maintenant la quatrième en 2016 (avec 2,2%) puisque ce pays n’a plus les moyens de continuer d’être le fidèle accompagnateur des États-Unis dans leurs entreprises guerrières.

De 1990 à 2013, la Pologne a réduit ses dépenses militaires de 2,4% à 1,8%. Elles ont remonté à 2,0% depuis pour une raison précise; ce pays ambitionne de devenir un exportateur d’armement et, entretemps, subventionne massivement le développement d’un complexe militaro-industriel national.

Le cas canadien

Le Canada n’a que quatre voisins : la Russie, les États-Unis, les iles Saint-Pierre et Miquelon, et le Groenland.

La Russie ne se risquerait pas à envahir le Canada puisque cela mettrait en péril l’approvisionnement des États-Unis en matières premières et provoquerait immédiatement l’entrée de ce pays en guerre.

Si devenir un champ de bataille n’est jamais une perspective intéressante pour aucun pays, il est illusoire de penser que doubler nos dépenses militaires changerait l’issue d’un conflit.

Pour ce qui est des Américains, on voit mal pourquoi ils utiliseraient la force afin de s’emparer de ressources qu’ils obtiennent déjà pacifiquement.

Quant à la menace d’une attaque par les milices de Saint-Pierre et Miquelon ou par les Esquimaux du Groenland, notre budget militaire actuel devrait suffire à nos protéger de cette redoutable menace.

La dénaturation du Canada

Ce dont il est question ici, ce n’est pas de hausser de 1% le budget fédéral consacré aux dépenses militaires mais de consacrer à ce poste budgétaire une somme supplémentaire équivalent à 1% du PIB.

Le PIB du Canada est de 1 551 milliards$. Il s’agit donc de dépenser quinze-milliards$ de plus par année à ce sujet.

C’est l’équivalent de l’important contrat de blindés canadiens achetés par l’Arabie saoudite. Sauf qu’il ne s’agira pas d’une dépense étalée sur plus d’une décennie, mais répétée annuellement par le Canada.

De plus, comme le contrat défunt des chasseurs F-35, il est à prévoir qu’il s’agira en bonne partie pour le Canada d’achats d’armements américains pour lesquels notre pays n’obtiendra que très peu de retombées économiques.

Les différents postes budgétaires de l’État sont des vases communicants. Dans la perspective où les États-Unis s’apprêtent à réduire substantiellement l’impôt des entreprises, où donc l’État canadien trouvera-t-il l’argent supplémentaire pour la Défense nationale sinon en diminuant le filet de protection sociale qui constitue une caractéristique fondamentale du pays ?

En somme, que les Canadiens élisent un gouvernement de gauche ou de droite, il suffit de doubler les dépenses militaires canadiennes pour forcer le gouvernement fédéral à virer à Droite, peu importe la volonté exprimée démocratiquement par les citoyens du pays.

Et toute réduction appréciable du taux d’imposition aux entreprises décrété par Washington rendra encore plus inévitable et dramatique le démantèlement du filet de protection sociale canadien, devenu trop onéreux.

Sur les 250 milliards$ de dépenses fédérales, la majorité de cette somme est incompressible. Pour accroitre les dépenses militaires de quinze-milliards$, le choix de l’État fédéral sera entre hausser de beaucoup la fiscalité des particuliers ou effectuer des coupures draconiennes dans les postes budgétaires autres que celui de la Défense nationale.

Sous les motifs obscurs d’engagements internationaux, ce dont il est question est d’obliger le Canada à revêtir volontairement une camisole de force budgétaire qui le condamne à appauvrir son propre peuple pour engraisser le complexe militaro-industriel américain.

Références :
Le Canada prêt à doubler son budget de défense d’ici 2024
Les dépenses de défense des pays de l’OTAN (2009-2016)
Les pays de l’Otan dépensent toujours moins en matière de défense
Les 25 ans de l’OTAN
Ottawa tente de comptabiliser différemment ses dépenses militaires
Sommet de l’OTAN sous pression pour Justin Trudeau
Trump qualifie l’OTAN d’organisation «obsolète»
Quels pays ont le plus augmenté leur budget militaire? La réponse en carte

Parus depuis :
OTAN : Le Canada n’atteindra jamais les cibles de dépenses, a admis Trudeau (2023-04-19)
L’OTAN et le secret canadien : l’argent n’est pas le plus gros problème de notre armée (2024-07-04)

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5 mark II, objectif M.Zuiko 75mm F/1,8 — 1/160 sec. — F/1,8 — ISO 6400 — 75 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les dépenses militaires au Moyen-Orient en 2014

Publié le 15 janvier 2016 | Temps de lecture : 2 minutes

L’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) a été fondé en 1966 afin de célébrer les 150 ans de paix ininterrompue en Suède.

Cet organisme publie des données relatives aux dépenses militaires.

À partir de ses données, voici les dépenses militaires en 2014 de plusieurs pays du Moyen-Orient et, à titre comparatif, de trois pays : la Tunisie, la France et le Canada.

La première colonne après le nom du pays indique les sommes dépensées en milliards de dollars américains, en pourcentage du produit intérieur brut du pays, par personne, et le pourcentage que cela représente de l’ensemble des dépenses de l’État.

MMM$US PIB /capita Budget
Arabie saoudite 80,8 10,4% 2 747$ 25,9%
Émirats arabes unis 22,8 5,1% 2 421$ 23,9%
Turquie 22,6 2,2% 298$ 5,8%
Israël 15,9 5,2% 2 040$ 13,0%
Oman 9,6 11,6% 2 467$ 25,5%
Irak 9,5 4,2% 273$ 9,1%
Égypte 4,9 1,6% 60$ 5,1%
Liban 2,1 4,5% 424$ 14,0%
Jordanie 1,3 3,5% 169$ 9,0%
Tunisie 0,9 1,8% 82$ 5,3%
France 62,3 2,2% 964$ 3,8%
Canada 17,5 1,0% 492$ 2,3%

On voit donc que l’Arabie saoudite, un pays de 27 millions d’habitants, dépense davantage en équipement militaire que la France, 2,5 fois plus peuplée.

De plus, en Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis et dans la république d’Oman, les dépenses militaires accaparent environ le quart des dépenses publiques, soit beaucoup plus que dans les pays moins menacés par la guerre.

Parce que peuplés respectivement de 81 et 85 millions de personnes, la Turquie et l’Égypte dépensent par personne beaucoup moins que la moyenne même si, en montants absolus, cela représente une somme appréciable.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Parenthèse canadienne : armement vs matériel militaire

Publié le 12 octobre 2015 | Temps de lecture : 3 minutes

Préambule : Un des avantages de posséder son propre blogue, c’est qu’on est libre de publier ce qu’on veut.

Ce matin, j’ai pris quelques instants pour écrire un commentaire à la suite de la parution d’un article dans quotidien québécois Le Devoir (que je lis en vacances afin de demeurer informé ce ce qui se passe dans mon pays).

Cet article nous informait que le Parti libéral du Canada entend honorer le contrat de véhicules blindés qu’une compagnie canadienne fabriquera pour l’Arabie saoudite.

Selon le chef libéral, ces véhicules ne sont que des jeeps et ne constituent donc pas de l’armement.

Pour des raisons certainement très valables, mon commentaire a été refusé par Le Devoir. Le voici donc ci-dessous.

 
Que ce soit des véhicules blindés ou des hélicoptères, cela demeure du matériel militaire.

Or dans tous les pays du monde, on ne peut exporter du matériel militaire sans l’autorisation des dirigeants du pays puisque cela a une incidence directe sur la politique extérieure de ce pays.

Le contrat de la General Dynamics ne peut avoir été signé sans la permission explicite et secrète du gouvernement Harper.

En accordant cette permission, le gouvernement Harper a violé la loi canadienne. Mais une loi, ça se change. Surtout lorsqu’on est fermement décidé à militariser le pays, comme c’est le cas du gouvernement Harper.

Au-delà de son aspect moral, ce contrat est surtout un marché de dupes.

L’Arabie saoudite possède une longue tradition d’asservir à ses intérêts géostratégiques les armées des pays bénéficiaires de ses contrats lucratifs.

En d’autres mots, par ses contrats, l’Arabie saoudite transforme les soldats étrangers en mercenaires involontaires de ses intérêts.

Après avoir soutenu financièrement les milices de l’État islamique pendant des années, l’Arabie saoudite s’est retourné contre lui le jour où il s’est mis à vendre le pétrole extrait du territoire qu’il contrôle à 10$ le baril, devenant ainsi un concurrent déloyal.

La contrepartie secrète de ce contrat — qui vaut entre 760 millions et 1,5 milliard$ par année — l’Arabie saoudite exige que le Canada bombarde l’État islamique.

Donc pour un contrat au bénéfice d’une compagnie privée (dont les profits seront probablement exportés dans un paradis fiscal), les contribuables canadiens doivent financer des bombardements qui leur coutent plus de 500 millions par année.

Faites le calcul, c’est un marché de dupes.

Mais la question fondamentale est la suivante : dans quel pays voulons-nous vivre ?

Dès qu’on accepte que notre économie repose de manière importante sur la vente d’armements, nous devenons un pays dont les dirigeants ont le devoir de semer la guerre afin de soutenir notre économie.

Parus depuis :
Londres se retire d’un appel d’offres saoudien pour une question de principe (2015-09-14)
Les jeeps de Justin – Le «deal» avec Riyad fait éclater la vitrine morale d’Ottawa (2016-02-18)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les dépenses militaires en 2009

Publié le 7 février 2011 | Temps de lecture : 2 minutes

Depuis dix ans, les dépenses militaires mondiales ont augmenté de 49%. Pour la dernière année dont les chiffres sont connus avec précision, soit 2009, elles ont augmenté de 5,9% (en dollars constants) en comparaison avec l’année précédente.

En 2009, huit pays effectuaient à eux seuls 70% des dépenses militaires de la planète.
   1 – les États-Unis : 43,2% (661 milliards$)
   2 – la Chine : 6,5% (100 milliards$)
   3 – la France : 4,2% (64 milliards$)
   4 – le Royaume-Uni : 3,8% (58 milliards$)
   5 – la Russie : 3,5% (53 milliards$)
   6 – le Japon : 3,4% (52 milliards$)
   7 – l’Allemagne : 3,0% (46 milliards$)
   8 – l’Arabie Saoudite : 2,7% (41 milliards$)

Toujours en 2009, par habitant, les cinq pays les plus dépensiers étaient…
   1 – les États-Unis (2 100$)
   2 – l’Arabie saoudite (1 603$)
   3 – la France (1 026$)
   4 – le Royaume-Uni (966$)
   5 – l’Australie (892$)

Loin derrière, la Chine dépense 75$ par habitant, soit 28 fois moins que les États-Unis. Toutefois, le budget militaire chinois est en croissance rapide ; il s’est accru de 15% en 2009.

En pourcentage du Produit intérieur brut, cela représente…
   • l’Arabie saoudite : 8,2%
   • les États-Unis : 4,3%
   • la Russie : 3,5%
   • la Corée du Sud : 2,8%
   • MOYENNE MONDIALE : 2,7%
   • le Royaume-Unis : 2,5%
   • la France : 2,3%

De 1988 à 1997, en dollars constants, le Canada a réduit ses dépenses militaires pour les augmenter progressivement par la suite. Si bien que 2008 fut la première année où elles ont dépassé leur niveau d’il y a vingt ans. De plus, le Canada consacre une proportion relativement faible de son produit intérieur brut aux dépenses militaires.


Dépenses militaires de cinq pays (en milliards de dollars de 2008)

  1988 1993 1998 2003 2008
États-Unis 533,6  $ 443,6  $ 362,3  $ 486,0  $ 616,1  $
Chine 20,4  $ 25,9  $ 48,5  $ 86,2  $
France 71,0  $ 69,0  $ 62,9  $ 65,7  $ 66,9  $
Arabie saoudite 17,8  $ 20,1  $ 24,0  $ 22,2  $ 38,2  $
Canada 18,3  $ 16,6  $ 13,5  $ 14,5  $ 19,3  $

 

Dépenses militaires de cinq pays (en pourcentage de leur PIB)

  1988 1993 1998 2003 2008
États-Unis 5,7% 4,5% 3,1% 3,8% 4,3%
Chine   2,0% 1,7% 2,1% 2,0%
France 3,6% 3,3% 2,7% 2,6% 2,3%
Arabie saoudite 15,2% 12,5% 14,3% 8,7% 9,2%
Canada 2,0% 1,8% 1,3% 1,1% 1,3%


 
Références :
Copel É, Des armes à tout prix, La Revue, 2010; 8: 58-61
The SIPRI Military Expenditure Database

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