L’affaire Tigana Mbidi Kiata
Le 14 octobre 2020, peu après 16h30, une ainée de 82 ans effectuait sa promenade quotidienne quand elle fut heurtée mortellement par une voiture qui roulait à environ 80 km/h sur le trottoir.
L’accident est survenu dans l’arrondissement de Saint-Léonard, plus précisément dans une zone de 30 km/h en raison de la proximité d’une école primaire.
La voiture a d’abord frôlé deux piétons, puis est montée sur le trottoir pour ensuite percuter la victime et finalement s’écraser contre un arbre.
Même si son véhicule est une perte totale, le chauffard n’a pas été blessé en raison de sa ceinture de sécurité et de son sac gonflable.
Défendu par l’aide juridique, le chauffard a été accusé de conduite dangereuse ayant causé la mort.
L’accusé travaillait cinquante heures par semaine. L’accident est survenu après une journée de douze heures commencée à 4h du matin.
Après l’accident, l’accusé s’est endormi sur le siège arrière de la voiture de police qui le conduisait au poste pour interrogation.
Lors de son témoignage, l’accusé a affirmé n’avoir conservé aucun souvenir des instants qui ont précédé la collision.
À l’issue récente du procès, la juge Dominique-B. Joly de la Cour du Québec a estimé qu’elle était en présence d’un cas de perte momentanée de contrôle inexpliquée. Du coup, elle a déclaré l’accusé non coupable.
La clé de l’énigme
L’explication de cette perte de contrôle se trouve dans le témoignage des policiers; l’accusé s’est endormi sur le siège arrière de leur autopatrouille.
Même si l’accusé a témoigné sous serment qu’il n’était pas fatigué du tout pendant qu’il conduisait, on doit se poser la question suivante : comment un assisté social (puisqu’il avait droit à l’aide juridique) peut-il s’endormir après avoir subi la perte totale de sa voiture et après avoir tué quelqu’un ?
La réponse est simple; parce qu’il était épuisé. Et parce qu’épuisé, il s’est endormi au volant.
La médiocrité des juges libéraux
L’avocate Dominique-B. Joly a accédé à la magistrature en 2005 alors qu’elle fut nommée juge à la Cour municipale de la ville de Montréal par le gouvernement libéral de Jean Charest.
À l’époque, selon la Commission Bastarache, le critère premier pour être nommé juge, ce n’était pas la compétence; c’était d’avoir contribué à la caisse du Parti libéral du Québec.
En 2014, elle fut promue à la Chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec par le gouvernement libéral de Philippe Couillard.
En huit ans à la Chambre criminelle, on peut présumer qu’elle a déjà entendu des témoins se parjurer.
Pourtant, lorsqu’un accusé affirme sous serment qu’il n’était pas du tout fatigué après son quart de travail, la magistrate le croit dur comme fer.
Ce serait donc les yeux grands ouverts que le chauffard aurait passé proche de tuer deux piétons, aurait dévié sa course sur le trottoir pour y heurter mortellement sa victime et se précipiter sur un arbre.
Tout s’est passé tellement rapidement, écrit la juge Joly, qu’il n’est pas étonnant que l’accusé ait peu de souvenirs des évènements.
Parions que si, au cours du procès, le policier qui assurait la sécurité des lieux avait soudainement dégainé son arme et tiré en direction de la juge Joly, celle-ci conserverait de ce bref moment un souvenir indélébile…
Meurtre ou conduite dangereuse ?
Selon le Code criminel, on ne peut condamner un accusé pour meurtre que s’il n’existe aucun doute quant à sa culpabilité. Et dans le cas précis d’une accusation de meurtre au premier degré, on doit prouver la préméditation et l’intention coupable.
Dans l’accusation de conduite dangereuse ayant causé la mort, il faut, hors de tout doute raisonnable, prouver seulement deux choses. Premièrement, que la conduite était dangereuse; or rouler en voiture à 80 km/h sur un trottoir est clairement une conduite dangereuse. Et deuxièmement, que cette conduite dangereuse ait causé la mort de quelqu’un; or l’ainée est réellement morte d’avoir été happée par le véhicule conduit par l’accusé.
Prouver l’intention coupable n’est pas nécessaire. Pourtant, dans son jugement, la juge Dominique-B. Joly écrit :
« Il n’y a aucune preuve démontrant la moindre intention délibérée de créer un danger pour les autres usagers de la route. Il y a perte momentanée de contrôle inexpliquée. Tout ce qui a précédé semble toutefois s’inscrire dans le comportement usuel de tout conducteur automobile.»
Il n’est pas exclu de penser qu’en plus de la personne happée, cet accident de la route ait fait une deuxième victime; le conducteur lui-même, exploité par un employeur qui l’oblige à travailler indument, et dont le véhicule est une voiture de fonction.
Serait-ce par pitié que la juge Dominique-B. Joly a innocenté l’accusé ?
On en trouve peut-être des indices dans le texte de la magistrate, un document dont je n’ai pu obtenir de copie malgré mes très nombreuses démarches.
En dépit de cela, instaurer une jurisprudence selon laquelle tout automobiliste peut tuer un piéton du moment qu’il ne le fait pas par exprès est une connerie.
Les conséquences
Le 24 octobre 2021 dans un village de trois-mille habitants situé à 50 km à l’est de Montréal, un adolescent de 15 ans roulant en scooter était tué par le conducteur d’un véhicule utilitaire qui avait dévié de sa route.
La preuve recueillie par les policiers démontrait que le chauffard était en train d’utiliser son téléphone avant et pendant l’impact mortel. Ce que le conducteur a lui-même reconnu aux policiers lorsque ces derniers sont arrivés sur les lieux.
Le 13 février dernier — soit deux semaines après le jugement dans l’affaire Tigana Mbidi Kiata — l’avocat de la Direction des poursuites criminelles et pénales (la DPCP) annonçait sa décision d’abandonner ses accusations dans ce cas-ci.
Pour expliquer cette décision, la porte-parole de la DPCP a déclaré : « À la suite d’une analyse complète du dossier d’enquête, la DPCP a conclu qu’aucune accusation ne pouvait être portée relativement à cet évènement tragique, n’ayant pas la conviction d’une perspective raisonnable de condamnation.»
En d’autres mots, puisque la jurisprudence établie récemment par la juge Dominique-B. Joly exige qu’on prouve hors de tout doute raisonnable l’intention coupable d’un chauffard lorsqu’il happe mortellement un piéton, un cycliste ou un motocycliste, nous abandonnons la cause puisque nous n’avons pas la preuve qu’il l’a fait par exprès.
La plainte privée
Lorsque la DPCP refuse de porter plainte, les citoyens peuvent recourir à un processus rarement utilisé, soit la plainte privée.
Michel Gauvin est le père de Caroline, grièvement blessée dans un accident d’auto impliquant des tracteurs de déneigement en 2013.
Après que la DPCP eut refusé de poursuive les responsables de l’accident, M. Gauvin a décidé de donner une seconde chance au système judiciaire en déposant une plainte privée.
Mais devant les tribunaux criminels, seule la DPCP est habilitée à porter plainte. Mais si la DPCP avait remporté cette cause privée, elle aurait démontré sa faute à intenter d’elle-même les poursuites contre les coupables.
Après une préenquête bâclée, la DPCP a ordonné un arrêt de procédure pour insuffisance de preuve. Or il ne peut y avoir de procès sans plaignant. On peut avoir tous les témoins qu’on veut, pas de plaignant, pas de procès.
Au lieu d’acquiescer sommairement à la demande de la DPCP, le juge a néanmoins décidé de justifier une décision qu’il rendait à contrecœur.
Inconduite flagrante, partialité évidente, conduite répréhensible. Voilà les mots utilisés par le magistrat pour blâmer la DPCP d’avoir commis un abus de procédure en nuisant à un père de famille en quête de justice pour sa fille.
Les tribunaux civils
Lorsque les tribunaux criminels refusent de jouer leur rôle, les conjoints et les enfants endeuillés peuvent se tourner vers les tribunaux civils afin d’obtenir justice.
Se pose alors le problème de l’accessibilité économique au système judiciaire.
Dans une cause criminelle, c’est l’État (par le biais de la DPCP) qui se charge de punir les conducteurs fautifs d’avoir causé la mort d’un autre utilisateur de la voie publique.
Toutefois, dans une cause civile, les proches de la victime, en plus d’assumer leur deuil, doivent se choisir un avocat et entreprendre à leurs frais de longues et couteuses démarches juridiques en vue d’obtenir réparation. Ce qui peut prendre des années.
Dans les faits, les personnes aisées sont les seules qui peuvent se permettre le luxe d’entreprendre de telles procédures.
Pour l’assisté social, le travailleur à faible revenu et même le travailleur moyen — bref, pour la grande majorité de la population — la seule voie qui reste, c’est de se faire justice soi-même.
Quand l’État refuse d’assumer ses responsabilités, les citoyens doivent se tourner vers le privé. Or dans une cause criminelle, le privé, c’est le briquet et l’essence.
Se sortir de la faillite de l’État canadien
L’ordre professionnel des avocats du Québec (appelé le Barreau) déposait en 2018 une requête (financée en sous-main par Ottawa) qui était destinée à faire invalider toutes les lois du Québec. Cette entreprise insensée fut arrêtée par un vote obtenu de justesse lors d’une assemblée générale spéciale des membres du Barreau.
D’autre part, plus récemment, Julie Rondeau, juge en chef de la Cour du Québec, a ordonné une grève du zèle de tous les magistrats sous son autorité en leur demandant de ne siéger qu’un jour sur deux alors qu’en Ontario et en Colombie-Britannique, les juges en Chambre criminelle consacrent deux fois et demie plus de temps à entendre les causes qui leur sont soumises.
En favorisant une thrombose judiciaire, la juge Rondeau veut forcer le ministre de la Justice du Québec à instaurer une discrimination à l’embauche contre tous les avocats québécois qui ne sont pas parfaitement bilingues alors qu’un avocat unilingue anglais peut librement accéder à la magistrature au Canada anglais.
Bref, la profession juridique est minée de l’intérieur par un cancer que sont tous ces juges incompétents nommés par le fédéral ou par le Parti libéral du Québec.
Le seul moyen de s’en débarrasser est de faire table rase de cette monarchie constitutionnelle sclérosée qu’est le Canada et de repartir à neuf en créant un nouveau pays, digne du XXIe siècle, où le système judiciaire sera au service du peuple.
Références :
Acquitté après avoir fauché une piétonne en roulant sur le trottoir à 80 km/h
Adolescent happé mortellement en scooter: le conducteur distrait par son téléphone ne sera pas accusé
Aînée happée mortellement : «Le véhicule s’en venait rapidement»
L’esprit de caste de la juge Lucie Rondeau
Ottawa finance la demande d’invalidation de toutes les lois du Québec
L’utilité de la Commission Bastarache
Un chauffard tue une aînée dans une zone de 30 km/h
Un procureur du DPCP malmené par un juge
Postscriptum : Pendant que ce texte était l’objet d’une révision de dernière minute, Paul-Jean Charest, conseiller en communications de la Cour du Québec, nous expédiait une copie de la décision de la juge Dominique-B. Joly. À sa lecture, ce jugement ne remet pas en question le texte publié.
Ceci étant dit, nous remercions M. Charest pour son aimable collaboration.
Référence : Décision de l’honorable Dominique-B. Joly
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