Introduction
Un bon ministre de l’Économie doit d’abord penser en termes macroéconomiques.
Plus tôt cette semaine, M. Fitzgibbon a déclaré que pour atteindre la carboneutralité, le Québec devrait réduire de moitié son parc automobile, peu importe qu’il s’agisse de voitures à essence que de voitures électriques.
Dans une perspective planétaire
Ce que la plupart des Québécois ne réalisent pas, c’est que là où l’électricité est produite par des centrales au charbon (comme en Alberta et dans beaucoup de pays européens) ou par des centrales nucléaires (comme en France ou en Ontario), les voitures électriques, indirectement, y carburent respectivement au charbon et à l’isotope radioactif.
En réalité, le Québec est un des rares endroits au monde où on produit uniquement de l’électricité ‘verte’.
Or du strict point de vue environnemental, carburer au charbon est pire que faire le plein d’essence.
Quant aux voitures électriques, personne ne calcule l’empreinte environnementale non seulement de la fabrication de ces véhicules lourds (en raison de leur imposante batterie), mais également en raison des métaux toxiques que renferment leurs piles électriques et qui, éventuellement dans les cimetières de voitures, migreront lentement vers les nappes phréatiques.
En somme, on ne sauvera pas la planète en fabriquant des voitures électriques; on passera simplement de la pollution de l’air à la pollution des sols… jusqu’à ce que le recyclage de leurs batteries soit généralisé.
Puisqu’encore aujourd’hui, on peine à recycler une chose aussi simple que du papier ou du verre, on pourrait attendre plus longtemps qu’on pense pour voir un recyclage à 100 % du contenu des batteries de nos voitures.
L’exemple finlandais
Pays de 5,4 millions d’habitants, la Finlande a investi des sommes considérables dans l’électrification des transports collectifs.
L’efficacité de son réseau est telle que le nombre de véhicules dans ce pays est de 4,95 millions d’unités (dont 2,85 millions de voitures), alors qu’au Québec, il est de 8,49 millions d’unités (dont 5,59 millions de voitures).
C’est 627 véhicules en Finlande par mille personnes, comparativement à 1 000 véhicules par mille personnes au Québec.
Pour l’ile de Montréal, cette différence équivaut à faire disparaitre 694 000 véhicules qui y encombrent les rues.
Pour l’ensemble du Québec, c’est comme enlever 3,1 millions de véhicules des routes.
Dans le cas précis des automobiles, par mille de population, il y 49 % moins d’autos en Finlande qu’au Québec. Ce qui prouve que le souhait du ministre Fitzgibbon — une réduction de moitié du parc automobile québécois — est possible sans coercition… à la condition d’offrir en contrepartie du transport en commun fiable, économique et sécuritaire.
Mais cela nécessite des dizaines de milliards de dollars d’investissements publics, comme l’a fait la Finlande pendant quarante ans.
Au final, l’électrification du transport en commun profite évidemment à ses utilisateurs. Mais il profite peut-être plus à ceux qui ne l’utilisent pas puisqu’il réduit les embouteillages, la congestion routière et la rage au volant.
Revenons au Québec
De 1990 à 2020, le Québec a réduit ses émissions de GES en dépit d’une croissance de sa population de 23 % et d’une hausse de son PIB de 67 %.
La baisse de 13,2 % des émissions de GES observée au Québec au cours de cette période est principalement attribuable à la diminution des émissions du secteur de l’industrie et du secteur du chauffage résidentiel, commercial et institutionnel.
Au contraire, le secteur des transports a augmenté ses émissions de 36,8 % pour atteindre 42,8 % de toutes les émissions québécoises en 2020.
Toutefois, ce secteur comprend les automobiles, les camions légers, les véhicules lourds (autobus, camions, tracteurs, etc.) et les autres (motocyclettes, véhicules au propane et au gaz fossile).
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Définies comme était des véhicules légers d’au plus 3 900 kg — ce qui est le cas même des véhicules utilitaires — les automobiles (en jaune, ci-dessus) ne représentent que 28,0 % des GES émis par le secteur des transports, lui-même responsable de 42,8 % de la production québécoise de GES.
En somme, les autos émettent 12,0 % des GES québécois.
Pour atteindre nos objectifs climatiques, rien ne doit être épargné. Ce qui fait que même douze pour cent, c’est trop.
Mais aussi controversée qu’elle soit, la déclaration du ministre est en deçà de la vérité; même si plus aucune voiture à essence ne roulait au Québec demain matin, cette mesure réduirait instantanément les GES de 12 %. Lorsqu’on lui ajoute la réduction de 13 % réalisée jusqu’ici, cela ferait un total de 25 %.
Le Québec serait alors loin de ses engagements climatiques, soit de réduire ses GES de 37,5 % par rapport avec leur niveau de 1990.
Conclusion
Au Québec, on ne construit pas de voitures et on ne raffine pas de pétrole.
Chaque fois qu’on achète une voiture ou qu’on fait le plein d’essence, c’est de l’argent qui sort de nos poches pour enrichir les régions du monde qui produisent des voitures, des pièces automobiles, des pneus, ou de l’essence.
En somme, favoriser l’achat ou l’utilisation des automobiles (peu importe lesquelles), c’est saigner l’économie du Québec.
Par contre, le Québec est un producteur important de matériel destiné au transport en commun, qu’il s’agisse de wagons de métro ou d’autobus.
Développer l’économie du Québec, c’est favoriser la production de biens et de services québécois et leur exportation à l’Étranger. C’est comme ça qu’on développe l’économie nationale.
Aussi souhaitable que soit un investissement massif du Québec dans le transport en commun, l’atteinte de nos cibles environnementales nécessite un changement radical de toutes nos habitudes de consommation.
Le ministre Fitzgibbon l’a bien compris et on doit le féliciter pour sa franchise.
Références :
Fitzgibbon insiste, il faudra réduire considérablement le parc automobile québécois
GES 1990-2020
La ‘batterification’ des transports
Le derrière miraculeux de la ministre
Le transport en commun finlandais : le matériel roulant
Pierre Fitzgibbon
Parus depuis :
The Urban Mobility Scorecard Tool: Benchmarking the Transition to Sustainable Urban Mobility (2023-08-25)
La demande des véhicules électriques dépasse les prévisions d’Hydro-Québec (2024-01-29)
Il ne faut pas oublier que c’est un homme qui pense que le nucléaire n’est peut-être pas une mauvaise idée…
Il faut garder en tête que la voiture électrique, bien que construite ailleurs, carbure ici à l’électricité québécoise. Chaque plein rapporte environ entre 6 et 10$ à Hydro-Québec et diminue l’émission de CO₂ un plein à la fois. La carcasse et les pneus en fin de vie demeurent, pour l’instant, un problème.
Le Québec est un des endroits au monde où la voiture électrique est la plus écologique puisque, comme tu l’as dit, on produit de l’électricité verte.
Aujourd’hui, je n’arrive, toujours, pas à être d’accord avec la voiture électrique.
J’ai lu qu’une voiture électrique devient écolo (moins d’émission de CO2) seulement après 30 000 km.
Et, en France, on n’a pas assez de bornes…
sandy39, vous avez parfaitement raison.
Mais avant d’aller plus loin, permettez-moi de m’excuser pour le temps que j’ai mis à vous répondre : des obligations urgentes m’ont obligé de différer ma réponse.
Revenons aux voitures électriques. On sous-estime grandement leur empreinte environnementale.
Par exemple, dans un pays où l’électricité est produite par des centrales au charbon, l’auto électrique carbure au charbon.
Quant aux bornes, elles devraient venir vite. En France, chaque fois qu’on fait le plein d’essence, une partie de cette somme enrichit des pays producteurs de pétrole.
Toutefois, si on carbure à l’électricité, 100 % de cette recette va dans les coffres de l’État.
Ben ma foi (langage familier), j’accepte vos excuses bien que je n’attendais pas forcément une réponse !
Non mais c’est vrai, je suis, toujours, agacée d’entendre que la voiture électrique est la plus écolo…
J’ai même entendu dire que construire les batteries électriques étaient plus écolo que d’aller chercher du pétrole !
Les composants des batteries me retenaient… pour ne pas dire que c’était pas mieux, non plus !