L’expansionnisme toxique de l’Otan

Publié le 14 juillet 2022 | Temps de lecture : 7 minutes

Introduction

À sa création en 1949, l’Otan regroupait les pays qui constituaient les piliers de l’économie occidentale.

Non pas les piliers de la civilisation occidentale puisqu’il aurait fallu ajouter la Russie, occidentalisée depuis Pierre le Grand, mais justement contre laquelle cette alliance militaire a été créée.

À l’origine, toute attaque dirigée contre un pays comme les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, la France ou l’Italie, était de nature à affecter gravement toute l’économie occidentale. D’où l’à-propos d’une telle alliance militaire.

L’élargissement de l’Otan

À l’effondrement du bloc soviétique en 1989, la Russie était ruinée. Ce qui rendait l’Otan vide de sens.

On parlait alors de maintenir cette alliance militaire quand même parce qu’elle permettait de réaliser des économies d’échelle et surtout parce que, sans elle, une Allemagne qui déciderait de se militariser se trouverait de nouveau en position hégémonique en Europe.
 

 
Pendant les années qui suivront, les ‘anciens’ membres de l’Otan (en bleu) accueillirent dans leurs rangs la majorité des anciennes républiques soviétiques d’Europe (en cyan).

Depuis des décennies, celles-ci vivaient dans la crainte d’une invasion soviétique : elles se sont donc empressées de se mettre sous la protection de l’Otan dès que cela fut possible.

En plus, sur cette carte (en vert), sont représentés les pays qui ont officiellement demandé leur adhésion à l’Otan : la Suède et la Finlande (au nord), l’Ukraine (près du centre de la carte), la Bosnie-Herzégovine (près de l’Italie, sur la carte) et la Géorgie (au sud de la Russie).

Ce faisant, l’Otan poursuit une politique d’encerclement militaire contre la Russie.

Le jeu de dominos de la Première Guerre mondiale

La Première Guerre mondiale a été déclenchée à la suite d’un fait divers; l’assassinat du prince héritier de la dynastie austro-hongroise à Sarajevo en 1914.

Un mois plus tard, l’Empire austro-hongrois déclarait la guerre à la Serbie.

Mais comme l’Allemagne était un allié militaire de l’un, alors que la Russie était un allié militaire de l’autre, l’Allemagne et la Russie se déclarèrent mutuellement la guerre.

Puisque la Russie possédait une alliance militaire avec la France, l’Empire austro-hongrois (déjà en guerre avec la Russie) déclarait la guerre à son allié français.

Bref, en raison de tout un réseau complexe d’alliances militaires bilatérales, bientôt toute l’Europe fut mise à feu et à sang.

Les alliances militaires sont belligènes

L’addition des ennemis

Contrairement à ce qu’on pense, les alliances militaires favorisent le déclenchement des guerres. C’est le développement de liens commerciaux et plus précisément l’intégration économique qui fait l’inverse.

Pendant des siècles, les pays européens ont basé vainement la paix sur un ‘équilibre’ entre des blocs militaires hostiles.

Mathématiquement, cet échec s’explique.

Imaginons deux pays, appelés No 1 et No 2, qui s’allient parce qu’ils ont un ennemi commun, le pays X.

En Europe centrale, dans les Balkans et au Caucase, les pays sont entourés d’une multitude d’États voisins.

Imaginons donc que le pays No 1, en plus de son animosité commune contre le pays X, soit également ennemi des pays Y et Z, deux pays avec lesquels le pays No 2 entretient de bonnes relations.

Inversement, imaginons que le pays No 2, en plus de son animosité commune contre le pays X, soit hostile aux pays A, B et C, trois pays pourtant en bons termes avec le pays No 1.

En s’alliant, les pays No 1 et No 2 additionnent leurs ennemis; les voilà ennemis d’A, B, C, X, Y et Z.

Dès que le pays No 1 ou No 2 ‘pète sa coche’ contre l’un de ses ennemis, huit pays entrent en guerre.

Sans alliance militaire, la Première Guerre mondiale n’aurait pas eu lieu; à sa place, on aurait eu la guerre serbo-austro-hongroise et des millions de morts auraient été épargnées.

L’audace des faibles

Lorsque l’Otan accueille dans ses rangs de petits pays (comme les pays baltes, par exemple), ceux-ci reçoivent toute la protection militaire des États-Unis en contrepartie de quoi, les Américains ne reçoivent presque rien de plus que ce qu’ils ont déjà.

Le 31 mars dernier, la première ministre d’Estonie — un pays balte de 1,3 million d’habitants — en appelait aux autres pays pour qu’ils en fassent davantage contre la Russie.

On peut imaginer qu’avant d’adhérer à l’Otan, ce pays vulnérable devait bien se garder de battre le tambour de la guerre contre son puissant voisin.

Mais fort de l’appui inconditionnel de l’Otan, ce pays — comme la mouche dans la fable ‘Le coche et la mouche’ de La Fontaine — se prend pour le portevoix des va-t-en-guerre de l’Otan.

Par ailleurs, la Russie possède une enclave territoriale (l’oblast de Kaliningrad), totalement isolée du reste de la Russie. Elle est située au nord de la Pologne et au sud de la Lituanie (au centre de la carte ci-dessus).

Dernièrement, la Lituanie — un autre pays balte, de 2,7 millions d’habitants — décidait d’interdire le passage ferroviaire du minerai de fer, des matériaux de construction et des produits technologiques en transit sur son territoire vers cette enclave russe.

Il y a une différence entre interrompre nos relations commerciales avec la Russie et instaurer un blocus terrestre contre elle (ce qui va bien au-delà des sanctions économiques décidées par les pays occidentaux).

Un blocus, qu’il soit terrestre ou maritime, est un casus belli, c’est-à-dire un acte considéré comme justifiant une déclaration de guerre.

Le blocus maritime de l’Ukraine en mer Noire, décidé par Moscou, est également un casus belli. Mais il s’agit de deux pays déjà en guerre. Ce qui n’est pas le cas, pour l’instant, entre la Russie et la Lituanie

L’audace insensée de cette dernière est le résultat d’un expansionnisme devenu risqué pour la paix dans le monde.

Conclusion

Entre deux blocs hostiles — comme le sont devenus l’Occident et la Russie depuis le début de la guerre en Ukraine — il est sage de maintenir une zone tampon entre les deux afin d’éviter qu’une simple escarmouche de frontière entre l’Otan et la Russie dégénère en guerre mondiale.

C’est sur ce principe que reposent les forces d’intervention de l’Onu; s’interposer entre des belligérants épuisés par la guerre et qui aspirent maintenant à être séparés.

Bref, une des leçons de l’Histoire, c’est que — autant que possible — on doit éviter que des empires ennemis aient une frontière commune.

Conséquemment, l’expansionnisme aveugle de l’Otan jusqu’aux frontières de la Russie fait planer une menace considérable sur la paix mondiale.

Références :
Le terrible sort des personnes exilées en Lituanie
Growing tensions between Russia and the Baltic States: the Kremlin threatens NATO members
La tension monte à Kaliningrad, autour de l’enclave russe, la Lituanie bloquant le passage de certaines marchandises
Oblast de Kaliningrad
Organisation du traité de l’Atlantique nord
‘Putin’s Appetite Will Only Grow.’ Estonia’s Prime Minister Says We’re Not Doing Enough to Stop Russia
Résumé de géopolitique mondiale (1re partie)
Russia threatens retaliation as Lithuania bans goods transit to Kaliningrad
Ukraine Is the Latest Neocon Disaster

Paru depuis :
La Pologne construit une barrière à la frontière avec Kaliningrad (2022-11-02)

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés à la guerre russo-ukrainienne, veuillez cliquer sur ceci.

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