Sous la manchette « Montréal casanier », le quotidien Métro dévoilait ce matin le résultat d’un sondage effectué sur l’Internet auprès de 15,000 personnes âgées de 18 à 49 ans dans trente villes du monde, dont 500 personnes à Montréal.
Ce sondage révélerait que les jeunes Montréalais visitent peu leurs institutions culturelles, comparativement aux citoyens d’autres grandes villes.
Par exemple, la proportion des jeunes qui visitent un musée, une galerie d’Art ou un théâtre au moins une fois par mois est de :
• Stockholm : 9%
• Copenhague : 11%
• Montréal : 12%
• Londres : 29%
• Mexico : 30%
• Santiago : 30%
• Beijing : 32%
• São Paulo : 33%
Ce qui a attiré mon attention, c’est que ce sondage en ligne a été effectué entre le 15 janvier et le 15 février 2011.
Si on s’informe de la fréquence de mes sorties culturelles, ma réponse sera influencée par le temps de l’année où la question m’est posée. L’été, en pleine saison des festivals, j’aurai tendance à surévaluer cette fréquence et à oublier un peu les rigueurs du climat qui modéraient mes envies de sortie six mois plus tôt.
Effectivement, lorsqu’on analyse les résultats, on voit que les citoyens les plus casaniers habitent des villes nordiques (Stockholm, Copenhague et Montréal) alors que ceux qui vivent sous des climats plus chauds, sortent d’avantage. Une exception est Beijing qui possède un climat tempéré.
Si on effectue un sondage sur l’Internet dans un pays où les domiciles sont moins reliés à l’Internet, on risque que les répondants soient plus fréquemment des gens qui répondent à partir d’un lieu public. On sur-représente donc ceux qui sortent davantage que la moyenne. C’est comme effectuer ce sondage sous la marquise de la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, auprès de ceux qui viennent justement d’assister à un spectacle.
On doit donc regarder avec beaucoup de circonspection les résultats de ce sondage puisque le journaliste n’a pas cru bon préciser le texte exact des questions et que les données y sont présentées de manière très sommaire.
Il s’agit donc de données possiblement intéressantes, mais analysées de manière superficielle. Jamais l’explication du climat — pourtant évidente — ne semble avoir traversé l’esprit de l’auteur. On lit le texte avec l’impression que les jeunes Montréalais sont des incultes comparés aux autres jeunes autour du globe.
Le journaliste y aurait pensé qu’il aurait eu honte de publier une lapalissade à l’effet que plus il fait froid, moins les gens ont le goût de sortir. Car on ne fait pas les manchettes avec des lieux communs.
Bonjour M. Martel,
Vous apportez un point en effet très intéressant pour la météo. Je crois qu’il serait simpliste toutefois de ne s’en tenir qu’à ce simple facteur. Je ne sais pas si vous avez lu l’analyse de Simon Brault qui complète l’article de présentation de données. Il constate aussi sur le terrain le problème de fréquentation chez les jeunes, confirmé par une étude américaine. M. Brault affirme également que si les baby-boomers avaient été pris en compte, les statistiques de fréquentation seraient beaucoup plus élevées. Ce sont eux qui font vivre les institutions culturelles. Beau temps, mauvais temps, ils achètent encore des billets.
Par ailleurs, je trouve votre affirmation disant que l’article présente les jeunes d’ici comme des incultes un peu dure. Après tout, l’analyse de M. Brault démontre qu’au contraire, les jeunes sont intéressés par la culture, il faut simplement aller les chercher et les séduire d’une manière différente.
Merci pour vos commentaires.
Vincent Fortier
Journaliste et chef de pupitre au Métro
Aucune génération dans toute l’histoire de l’humanité n’a autant été exposée à la culture et n’a autant consommé de produits culturels que celle des jeunes d’aujourd’hui.
Au lieu d’écouter de la musique à la maison, les jeunes transportent leur discothèque avec eux : la musique qu’ils ont choisie est devenue la trame musicale personnelle de leur vie.
Sans eux, l’industrie cinématographique américaine ferait faillite.
Sans les adolescentes et les jeunes femmes d’aujourd’hui, la majorité des romanciers et des scripteurs de téléromans du Québec ne pourraient pas vivre de leur plume (ou de leur clavier).
Les nouveaux médias sociaux et leur engouement auprès des jeunes à travers le Monde, ont grandement contribué à la diffusion des valeurs culturelles de l’Occident (aspiration à la liberté et respect de la dignité humaine, entre autres).
Bref, une bonne partie de l’Art d’aujourd’hui — celle qui n’est pas spécifiquement conçue pour des institutions — est consommée par les jeunes d’une manière disproportionnée par rapport à leur importance démographique ou économique.
En d’autres mots, les jeunes se ruinent (presque) pour des produits culturels ou des outils électroniques qui permettent d’en consommer.
D’ailleurs, la culture fait tellement partie de leur vie qu’ils ne la voit pas en tant que telle : ce qu’ils voient, ce sont des « tounes » cool, des films écoeurants, des vidéos le fun, etc.
Par contre, ils ont peu d’affinité pour les galeries d’Art (ils n’ont pas les moyens d’y acheter quoi que ce soit) et pour les expositions muséales qui ne sont pas conçues pour eux. Doit-on s’en surprendre ?
Tout à fait juste.