La fêlure du Canada : l’adoption de la constitution sans le Québec

Publié le 6 novembre 2021 | Temps de lecture : 5 minutes

Introduction

Il y a quarante ans, dans la nuit du 4 au 5 novembre 1981, Ottawa et les provinces anglophones du pays aplanirent leurs différends et conclurent un projet de loi constitutionnelle sans le Québec.

Cette séance ultime de négociation s’est tenue secrètement en pleine nuit, à l’insu de tous les représentants du Québec.

Dès le lendemain, le 5 novembre 1981, la Canadian Constitution fut adoptée sans nous. Elle entra en vigueur lors de sa promulgation royale le 17 avril 1982.

Une anecdote

En novembre 2013, je me trouvais à table avec deux autres co-pensionnaires d’un même appartement à La Havane; l’un était Britannique, l’autre Américain.

Évidemment, la discussion suivante s’est déroulée en anglais.

Vers la fin du repas, de but en blanc, le Britannique me demande : “C’est quoi le problème avec le Québec ?

Nous étions en vacances et du coup, ce n’était pas le temps d’énumérer la litanie des griefs du Québec depuis la conquête anglaise de 1760.

J’ai donc choisi l’argument le plus court et plus éloquent quant au statut colonial du Québec au sein du Canada.

Après lui avoir expliqué qu’en 1982, le Canada anglais avait adopté une nouvelle constitution canadienne sans nous, je lui ai demandé : “Si l’Angleterre dotait votre pays d’une constitution sans l’assentiment de l’Écosse, du pays de Galles et de l’Ulster, trouveriez-vous cela normal ?

Et comme il demeurait silencieux, je me suis tourné vers son collègue américain : “Et si les États du Nord des États-Unis dotaient votre pays d’une nouvelle constitution sans le consentement des États du Sud, trouveriez-vous ça normal ?

Et comme lui non plus n’a pas répondu, nous avons continué le repas en parlant d’autres choses.

Mon but n’était pas de les convaincre de mon point de vue, mais de susciter dans leur esprit le doute que quelque chose ne tournait pas rond dans le gentil pays du Canada (soit l’image qu’il projetait à l’époque).

L’urgence d’une nouvelle constitution canadienne

Avec l’adoption en 1975 d’une Charte québécoise des droits et libertés de la personne, le British North America Act de 1867 (qui faisait office de constitution canadienne) prenait soudainement un coup de vieux.

Mais c’est surtout l’adoption en 1977 de la Charte de la langue française (ou Loi 101) qui rendit urgente (aux yeux d’Ottawa) l’adoption d’une nouvelle constitution canadienne.

Jusqu’ici, les divers paliers de gouvernements pouvaient, dans certaines circonstances, brimer des libertés individuelles.

Par exemple, les villes pouvaient interdire le tapage nocturne ou imposer le respect de leur plan d’urbanisme. Les provinces pouvaient limiter la vitesse des automobiles ou retirer la garde d’un enfant à l’autorité de ses parents. Et le fédéral pouvait ordonner la conscription obligatoire.

Avec la Loi 101, pour la première fois, on donnait préséance à un droit collectif à caractère ethnique — le droit du peuple francoQuébécois d’assurer sa survie — sur un droit individuel, soit celui d’appartenir au groupe linguistique de son choix.

Or c’est sur cette liberté individuelle que repose la lente extinction du peuple francoQuébécois.

Sans cette protection collective, ouvrir l’école publique anglaise à tous les néoQuébécois qui le souhaitent, c’est faire en sorte que les francoQuébécois financent eux-mêmes leur propre extinction.

À l’opposé, se jugeant incapables de maintenir la fréquentation de leurs écoles et l’audience de leurs institutions culturelles sans l’assimilation des néoQuébécois, les angloCanadiens du Québec se sont sentis menacés par la Loi 101.

Pour répondre à leurs craintes, la solution d’Ottawa fut d’adopter une nouvelle constitution basée sur le multiculturalisme et notamment, sur la liberté de tout citoyen de s’assimiler au groupe linguistique de son choix.

Il était prévisible que le Québec refuserait de revêtir la camisole de force constitutionnelle conçue spécialement contre lui.

Ottawa aurait pu attendre qu’un gouvernement de ‘collabos’ succède à celui de René Lévesque. Mais dans l’urgence d’agir, on a préféré adopter cette loi fondamentale sans le Québec. En somme, on a préféré doter le pays d’une constitution illégitime.

Conclusion

Dans un empire colonial, la métropole peut consulter ses colonies lorsqu’elle s’apprête à adopter des lois qui les concernent. Mais elle n’y est pas obligée.

La meilleure preuve du statut colonial du Québec au sein du Canada, c’est cette constitution adoptée sournoisement par l’ethnie dominante.

Quand les assises d’un pays reposent sur une loi fondamentale née dans la fourberie, cette fêlure congénitale condamne inévitablement l’édifice à l’effondrement.

Ce n’est qu’une question de temps…

Références :
Il y a 40 ans, le Canada se dotait d’une entente constitutionnelle sans le Québec
Le colonialisme économique ‘canadian’
Le marécage du multiculturalisme canadien

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2 commentaires à La fêlure du Canada : l’adoption de la constitution sans le Québec

  1. Michel Crête dit :

    Vous commencez votre texte par ‘Il y a vingt ans’ alors que l’on devrait plutôt lire ’40 ans’ comme on peut le voir dans la première référence. Sans doute une distraction.

    • Jean-Pierre Martel dit :

      Vous avez parfaitement raison. C’est ce que j’avais écrit.

      Ah ! Que voulez-vous : je sais écrire, mais je ne sais pas compter. On ne peut pas avoir tous les talents…

      Je vous remercie pour m’avoir signalé cette erreur (que je m’empresse de corriger).

      Et j’essaierai de faire mieux la prochaine fois. C’est promis.

      Merci encore. 😉

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