L’annexion de la Crimée
La Crimée est une péninsule russe que Nikita Khrouchtchev donna à l’Ukraine en 1954. Pour les Russophones qui la peuplaient majoritairement, ce transfert administratif avait peu d’importance puisque l’ensemble de l’URSS était sous domination russe.
À la dislocation de l’URSS, la Crimée s’est proclamée indépendante en 1992. Mais six ans plus tard, elle acceptait de redevenir une région ukrainienne en contrepartie d’une large autonomie politique.
Dans les années 2000, l’Ukraine est le théâtre d’un affrontement entre des forces pro-russes (soutenues par la Russie) et pro-occidentales (soutenues par les États-Unis).
L’envenimement des relations entre l’Ukraine et la Russie fait en sorte que la majorité russophone de Crimée, sympathique à la mère patrie, est bientôt perçue comme traitre.
À l’époque, 65,3 % des habitants de Crimée sont russophones, 12,1 % sont turcophones et seulement 15,1 % parlent ukrainien.
Les sanctions économiques russes provoquent la chute de l’économie ukrainienne et exacerbent les tendances séparatistes en Crimée.
En 2014, l’annonce par l’Ukraine de son intention (qui ne se réalisera jamais) de retirer au russe son statut de langue officielle dans 13 des 27 régions du pays (dont la Crimée) met le feu aux poudres.
Le 11 mars 2014, le parlement régional de Crimée proclame son indépendance. À la suite du référendum du 16 mars 2014, la Crimée annonce son rattachement à la Russie deux jours plus tard.
Afin d’empêcher l’Ukraine d’écraser cette sécession, la Russie envahit aussitôt la Crimée par le biais de ‘milices’ pro-russes.
Au total, cette annexion s’est faite avec très peu de pertes matérielles et seulement six morts. Ce bilan s’explique par l’assentiment de la population concernée.
Unanimement, les pays occidentaux ont accusé la Russie de violer le Droit international.
Les États-Unis et le Droit international
Depuis qu’ils sont devenus l’unique superpuissance mondiale, les États-Unis se sont métamorphosés en pays le plus belliqueux de toute l’histoire de l’Humanité. C’est du moins l’opinion de l’ex-président Jimmy Carter.
Cette agressivité n’aurait pas été aussi intense si elle était harnachée par le Droit international dont le but est précisément de civiliser le rapport entre les nations.
En 2003, quand les États-Unis échouent à convaincre l’ONU de leur permettre d’envahir l’Irak, ils le font quand même.
Quand les États-Unis décident de renier leur signature d’un traité international, ils ne demandent la permission à personne; ils adoptent une loi américaine qui l’autorise et c’est ça qui est ça.
Quand ils jugent approprié de torturer à mort des prisonniers, ils passent outre le traité international qui l’interdit.
Quand les États-Unis décident de séparer 2 300 enfants de leurs parents après que ces derniers aient illégalement traversé les frontières américaines et que certains de ces enfants meurent en captivité par manque de soins, ils ne se demandent pas si cela est contraire à la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. Ils blâment les parents qui n’avaient qu’à rester chez eux.
Depuis 2002, les États-Unis coupent l’aide militaire de tout pays (sauf quelques exceptions) qui ose extrader des citoyens américains vers la Cour pénale internationale.
Le 5 mars 2020, cette Cour a décidé d’ouvrir une enquête pour crimes de guerre à l’encontre des soldats américains impliqués dans la guerre en Afghanistan.
La réaction américaine ne s’est pas fait attendre; Donald Trump a autorisé des sanctions économiques visant personnellement chaque magistrat de la Cour pénale internationale qui prendrait part à tout effort pour enquêter sur des militaires américains.
En réalité, aucune puissance militaire ne respecte le Droit international lorsqu’elle le juge contraire à ses intérêts.
Un prétexte à une course aux armements
Depuis le démantèlement de l’Union soviétique, l’OTAN se cherche une vocation.
À l’heure actuelle, la puissance militaire américaine est 5 à 10 fois supérieure à celle de la Russie. C’est donc à dire que le risque de guerre mondiale est nul.
Pourtant, lorsque la Russie a annexé la Crimée en 2014, les pays occidentaux ont comparé cette annexion à l’envahissement de la Pologne par l’Allemagne en 1939, un évènement qui a déclenché la Deuxième Guerre mondiale.
Afin de se prémunir contre ce qu’ils qualifient ‘d’expansionnisme russe’, les pays membres de l’OTAN ont déclenché cette année-là une nouvelle course aux armements, décidant de faire passer leurs dépenses militaires d’un pour cent du PIB en 2014 au double dix ans plus tard.
L’annexion de la Palestine par Israël
Depuis la guerre des Six Jours gagnée par Israël en 1967, ce pays a implanté 650 000 colons en territoire palestinien.
Grâce à une crise du logement provoquée artificiellement, les jeunes couples qui veulent fonder une famille n’ont pas d’autre choix que de s’installer en Cisjordanie, même s’ils sont opposés à la guerre coloniale qu’Israël y livre.
Selon le Droit international, l’établissement des colonies israéliennes dans les territoires occupés par Israël depuis 1967 est illégal.
En novembre 2019, l’administration Trump annonce que les États-Unis ne reconnaissent plus la colonisation israélienne en Cisjordanie comme contraire au Droit international. Ils ont décidé cela comme si le Droit international leur appartenait.
Quelques mois plus, tard, le 28 janvier 2020, Donald Trump présente un ‘plan de paix’ qui prévoit l’annexion de la vallée du Jourdain et de 30 % de la Cisjordanie par Israël.
Conclusion
Le Droit des peuples à l’autodétermination fait partie du ‘vrai’ Droit international. Pas du ‘droit international’ à la sauce américaine dicté par Washington.
Or en vertu de ce droit, deux critères accordent à un peuple le droit à l’indépendance; un territoire reconnu internationalement et des caractéristiques ethniques qui lui sont propres, comme c’est le cas à la fois pour le Québec et la Crimée.
Les colonies israéliennes en Cisjordanie ne rencontrent qu’un seul des deux critères essentiels pour justifier leur droit à l’indépendance et leur annexion librement consentie à l’État d’Israël.
L’opposition des États-Unis à l’annexion de la Crimée par la Russie et leur assentiment à l’annexion des colonies israéliennes par Israël est le parfait exemple de l’hypocrisie américaine en matière de Droit international.
Références :
Carter, Trump, Trudeau et les armes
Colonies israéliennes
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
Cour pénale internationale
Cour pénale internationale : les Etats-Unis passent à l’acte !
Crimée
Crise de Crimée
Crise ukrainienne
Guerre d’Irak
La communauté internationale va-t-elle sanctionner le projet d’annexion d’Israël?
Oblast de Crimée
Révolution orange
Trump menace de sanctionner des magistrats de la Cour pénale internationale
Un cinquième enfant migrant est mort aux États-Unis depuis décembre
Une fillette meurt de soif en détention aux États-Unis
Complément de lecture :
Résumé de géopolitique mondiale (1re partie)
Je me permets d’ajouter un éclaircissement à votre citation :
« Afin d’empêcher l’Ukraine d’écraser cette sécession, la Russie envahit aussitôt la Crimée par le biais de ‘milices’ pro-russes. Au total, cette annexion s’est faite avec très peu de pertes matérielles et seulement six morts. Ce bilan s’explique par l’assentiment de la population concernée. »
Les quelque 20 000 soldats russes qui étaient déjà présents en Crimée, conformément aux accords relatifs à la base navale russe, ont été rejoints par 20 000 des 22 000 soldats ukrainiens qui s’y trouvaient aussi et qui ont fait défection, avec armes et bagages, car ils ont choisi de ne pas se tourner contre leurs compatriotes.
Ces soldats ont ensuite enlevé l’écusson de l’armée ukrainienne de leur uniforme pour devenir ceux que le chroniqueur Brousseau [du Devoir] qualifiait de « petits hommes verts » en les associant à des soldats russes introduits anonymement en Crimée.
Deux des six morts que vous mentionnez étaient un soldat ukrainien et un criméen, abattus tous deux par un sniper, et qui ont été enterrés côte à côte avec les honneurs lors de funérailles communes. Ce qui révèle un peu du climat qui prévalait à ce moment-là en Crimée.
N.D.L.R. : Ce commentaire est tiré de ceux émis en réponse au texte Menaces russes du chroniqueur François Brousseau, du Devoir.