Affiches dans un hôpital, payées par l’industrie
Depuis 1975, les microbiologistes du Québec se sont regroupés dans une association qui milite, entre autres, pour la création d’un ordre professionnel régissant leur pratique.
Même s’ils ne ne sont pas encore légalement, les microbiologistes sont déjà, dans les faits, des professionnels de la santé.
Sans eux, certaines maladies infectieuses ne pourraient pas être diagnostiquées correctement. Le choix de l’antibiotique le plus approprié serait impossible sans eux.
Et pourtant, malgré ce rôle essentiel dans la dispensation des soins, les microbiologistes sont sous-estimés.
Dans l’attribution des locaux d’un nouvel hôpital, il ne viendrait à l’esprit de personne de placer le laboratoire de microbiologie au dernier étage, avec cette vue imprenable sur la ville. Au contraire, ce laboratoire est généralement aménagé au sous-sol, avec la buanderie et l’entretien ménager. Parce qu’il faut bien y mettre quelqu’un.
Et même si on sympathise avec ceux qui doivent manipuler les prélèvements de matières fécales et de sécrétions corporelles purulentes, on est conscient que tout cela n’a pas le ‘glamour’ du travail du chirurgien au milieu de son appareillage haut de gamme rutilant de propreté.
Si les microbiologistes sont à ce point sous-estimés, c’est en partie parce qu’ils ne prennent pas la place qui leur revient sur la place publique.
J’écoutais hier soir l’épisode intitulé « C. toujours difficile » de l’émission Enquête, de Radio-Canada.
Cette émission démontrait les graves lacunes des hôpitaux du Québec quant au lavage des mains. Presque à chaque fois où on parlait de lavage des mains, les images retenues pour illustrer à l’écran ce qu’on veut dire, étaient des images de personnes se badigeonnant les mains avec des gels alcoolisés.
Pour la grande majorité des médecins, des infirmières, des pharmaciens et des directeurs d’hôpitaux, se badigeonner les mains avec un gel alcoolisé, c’est une manière commode de sa laver les mains. Or il n’en est rien.
Sur les surfaces sèches et sur les mains, le C. difficile est présent sous forme de spores. Or les spores de bactéries peuvent vivre des années dans l’alcool.
L’alcool est donc totalement inefficace contre le C. difficile, contrairement au véritable lavage des mains (c’est-à-dire avec de l’eau et du savon). Toutes les études le prouvent. Tous les microbiologistes le savent. Et pourtant, ces derniers se taisent.
Comme c’est le cas pour tous les autres bacheliers universitaires, la très grande majorité des couts de la formation des microbiologistes est assumée par les contribuables. Ces détenteurs d’un baccalauréat en sciences ont donc une dette envers la population québécoise.
Ils sont témoins des mesures inefficaces que les autres professionnels de la santé appliquent (de bonne foi sans doute) dans leur combat contre le C. difficile.
Et pourtant, penchés sur leurs éprouvettes dans les entrailles de nos hôpitaux, les microbiologistes se contentent de leur modeste rôle d’exécutants, sans prendre la parole.
Les artisans de l’émission Enquête sont parmi les journalistes les plus respectés du Québec. Or, de toute évidence, on n’a pas cru bon demander à un microbiologiste quelle était l’efficacité des gels alcoolisés contre le C. difficile.
Parce qu’il ne vient pas à l’esprit de personne que les microbiologistes puissent avoir quelque chose d’intéressant à dire à ce sujet, comme sur n’importe quel sujet d’ailleurs.
Cette émission est une occasion unique pour les microbiologistes de prendre la parole et de combattre la réputation surfaite des gels alcoolisés.
Cette erreur d’appréciation est responsable annuellement de centaines de décès au Québec. Puissent les microbiologistes saisir cette occasion de se faire entendre…
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Bonjour M. Martel,
Nous croyons qu’il y a confusion ici entre les microbiologistes membres de l’AMQ et les médecins microbiologistes-infectiologues membres de l’AMMIQ.
Le rôle de prévention et contrôle des infections dans les hôpitaux revient aux médecins microbiologistes-infectiologues et aux équipes de prévention et de contrôle des infections; de même que la gestion des laboratoires de microbiologie médicale dont vous parlez dans votre article est aussi du ressort des médecins microbiologistes-infectiologues. C’est également le médecin microbiologiste-infectiologue qui peut être appelé à diagnostiquer une maladie infectieuse ou à choisir l’antibiotique le plus approprié.
Les microbiologistes de cursus scientifique exercent principalement dans les centres de recherche, dans l’industrie pharmaceutique, cosmétique ou agroalimentaire, dans enseignement collégial et universitaire, en environnement, etc.
Par ailleurs, il est vrai de dire que les microbiologistes membres de l’AMQ militent pour la création d’un ordre professionnel afin d’être reconnus comme des professionnels des sciences appliquées. Pas comme des professionnels de la santé…
Cordialement.
Association des microbiologistes du Québec
Que les membres de l’Association des microbiologistes du Québec exercent ou non dans le domaine hospitalier n’a pas d’importance.
Moi non plus je ne travaille pas dans un hôpital. Ce qui ne m’empêche pas d’estimer qu’il est de mon devoir de citoyen de critiquer des pratiques qui coûtent annuellement la vie de centaines de Québécois.
Les frais de la formation universitaire des microbiologistes sont assumés en grande partie par les contribuables québécois. Les microbiologistes ont donc une dette envers la société québécoise.
Or sur une question de santé publique qui est du domaine de compétence de vos membres — l’inefficacité des gels alcoolisés contre le C. difficile — vos membres et votre association ont choisi le silence.
Or la compétence reconnue des microbiologistes confère à toute opinion exprimée par votre association un poids et une portée que personne d’autre que vous ne possède.
C’est ce silence que je ne comprends pas.