Samedi dernier, le Devoir publiait une lettre de l’écrivaine Yolande Geadah dans laquelle celle-ci s’oppose refus de la mixité à une piscine publique de Montréal.
Rappel. Le quartier montréalais de Côte-des-Neiges est probablement le plus multi-ethnique de la métropole. Sa piscine publique, ouverte 22 heures par semaine, réserve deux heures exclusivement aux personnes de sexe féminin et deux autres exclusivement aux personnes de sexe masculin.
Cette mesure, mise en place minimalement il y a seize ans, faisait suite à des demandes de communautés religieuses, à une époque où la vocation religieuse était plus importante qu’aujourd’hui.
De nos jours, elle permet d’accommoder les personnes qui, pour des raisons de pudeur, sont réticentes à se monter peu vêtues devant des personnes du sexe opposé.
Depuis le début du mois, cela est le sujet d’une controverse qui oppose les partisans de la laïcité des services publics à ceux qui souhaitent qu’on réponde aux besoins spécifiques de communautés culturelles dans les limites du raisonnable (appelés « accommodements raisonnables »).
Les partisans de la laïcité soutiennent qu’on ne doit pas tolérer de discrimination reliée au sexe sans faire entorse au principe de l’égalité entre les hommes et les femmes. De plus, cela créerait un précédent qui pourrait nous entrainer vers une ségrégation religieuse plus poussée des services publics.
Je ne suis pas de cet avis. S’il s’agissait de réserver des heures de baignade aux croyants d’une dénomination religieuse particulière et de changer l’eau de la piscine au préalable parce que souillée par des gens d’autres religions, je comprendrais qu’on soit contre. Mais nous n’en sommes pas là. Et ce qu’on permet aujourd’hui n’est absolument pas un précédent qu’on peut évoquer pour exiger davantage. Juridiquement, chaque cas est un cas d’espèce.
Au contraire, cette mesure permet à des femmes de différentes religions de partager simultanément un espace public. C’est donc une mesure d’intégration à la société québécoise.
La pudeur ne se commande pas. Interdire la baignade aux femmes prudes ne les force pas à se montrer au regard de tous : cela les condamne à rester chez elles.
Or les droits visent à consacrer la liberté. Cette mesure rend les femmes libres. Libre de s’accepter en voyant d’autres femmes « ordinaires » plutôt que de les isoler chez elles à se jauger au physique avantageux des modèles présentés dans les revues féminines. Libres de parler entre elles de leur condition sans craindre d’être espionnées par un conjoint dominateur.
Bref, c’est se tirer dans le pied que d’interdire aux personnes prudes de se réunir entre elles. Du strict point de vue de l’intégration à la société québécoise, réserver quelques heures par semaine à la baignade non mixte est un pas vers cette intégration plutôt que le contraire.
Ceci étant dit, il ne s’agit pas de proposer cette mesure partout, mais de la permettre là où cela est justifié. C’est le cas dans le quartier de Côte-des-Neiges. Et les autorités qui l’ont permise doivent être félicitées pour cette initiative.
Références :
Baignade non mixte – Une pratique répandue
Contre les baignades non mixtes pour des raisons religieuses
Les dieux et la piscine
Eh bien juste un petit mot pour dire que je partage une bonne partie des arguments exposés ici.
Bonne journée.
Merci Monsieur Striebel pour votre appréciation.
Beaucoup d’inepties dans cet article.
1. Les baignades non mixtes représentent le tiers du temps lors des fins de semaine. Comment font les familles avec des enfants de sexes différents ?
2. Cette demande est exclusivement religieuse. Je le sais : je fréquente cette piscine depuis plus de 10 ans. Il s’agit bien de ne pas souiller les femmes avec le regard d’hommes de confessions différentes.
3. L’idée d’accepter la ségrégation de l’accès en fonction du sexe au nom de l’ouverture d’esprit est d’une naïveté sans fond, presque culturellement criminelle. Le plus triste est que ce sont des Québécois qui avalisent ces pratiques tellement contraires à la liberté, alors que les immigrants admettent (car c’est normal), comprennent et acceptent les valeurs fondamentales du pays d’accueil.
4. « Ceci étant dit, il ne s’agit pas de proposer cette mesure partout, mais de la permettre là où cela est justifié. » Alors là, on atteint le summum de l’hypocrisie ou d’un différentiablement qui frôle le racisme.
En gros : ces discriminations sont acceptables pour les quartiers pauvres et immigrants. Mais attention : pas question de l’accepter dans mon quartier blanc et éduqué ! Pour la Jasmine de Côte-des-neiges, c’est normal. Pour ma « Julie Tremblay », c’est pas acceptable !
En d’autres termes, il y a bien des humains de plusieurs catégories : ceux qui ne méritent pas l’égalité et les autres. Beau message pour les petites filles qui grandissent au Québec à Côte-des-neiges.
Le Québec a le devoir de garantir à tous ceux qui viennent vivre ici l’égalité de tous et de tenir ses promesses d’intégration plutôt que de se satisfaire (car c’est bien plus confortable) de ghettoïser les Québécois.
Bien pour cela il faudrait oser sortir de la pensée unique et oser porter les valeurs d’égalité et de liberté du Québec.
http://pqoutremont.net/2013/01/10/le-defi/
Reprenons quelques-uns de vos arguments.
1. Vous ciblez les fins de semaine ? Alors parlons-en. Sur les six heures au cours desquelles cette piscine est accessible, elle n’est disponible aux familles avec des enfants de sexes différents que deux heures, soit le tiers du temps. Vous avez raison.
Mais qu’arrive-t-il les deux autres tiers ? Un de ces tiers d’exclusion, c’est à cause des baignades non-mixtes et l’autre tiers — soit autant de temps — à cause des baignades réservées aux adultes.
Mais que faites-vous de la discrimination basée sur l’âge ? N’entendez-vous pas les pleurs de vos pauvres chérubins qui doivent grelotter au froid à l’extérieur pendant que seuls maman et papa peuvent se baigner ? Cette discrimination ne heurte-t-elle pas votre grande sensibilité face aux injustices de toutes sortes ?
Et que dire de ces toilettes où seules les femmes peuvent accéder ? Cette ségrégation sexuelle, n’est-elle pas contraire aux valeurs de mixité qui vous sont si chères ?
2. « Cette demande est exclusivement religieuse. (…) Il s’agit bien de ne pas souiller les femmes avec le regard d’hommes de confessions différentes.»
Ne vous laissez pas aveugler par la xénophobie : pour l’homme jaloux, que sa femme soit désirée par un homme de n’importe quelle religion (y compris la sienne), cela ne fait aucune différence. Renseignez-vous avant de dire n’importe quoi.
3. « …Le plus triste est que ce sont des Québécois qui avalisent ces pratiques tellement contraires à la liberté, alors que les immigrants admettent, comprennent et acceptent les valeurs fondamentales du pays d’accueil. »
Mais c’est quoi les valeurs fondamentales du Québec ? Est-ce un pays où l’État est neutre — c’est-à-dire qui ne fait la promotion d’aucune croyance religieuse — ou un pays où tous les citoyens doivent agir comme s’ils étaient athées ?
La différence entre vous et moi, c’est qu’au lieu de vivre et laisser vivre, vous voulez soumettre les autres à vos beaux grands principes contraignants au nom de la liberté alors que la contrainte, c’est précisément le contraire de la liberté.
Je crois que la liberté, c’est de laisser les autres vivre à leur manière à eux, tant et aussi longtemps que leur liberté ne porte pas préjudice à la mienne.
Quand toutes les Julie Tremblay de Pointe-aux-trembles voudront des heures de baignade entre femmes (comme le peuvent déjà les Jasmine de Côte-des-neiges), ma conception de la liberté c’est de leur permettre à elles aussi. Alors que votre conception de la liberté c’est d’enlever ce privilège aux Jasmine de Côte-des-neiges sous le prétexte que c’est contraire à votre conception d’un Québec lisse, contraignant et égalisateur.
Voilà le gouffre qui sépare nos deux conceptions de la liberté.