Armide : amour et passion chevaleresques

Publié le 19 avril 2012 | Temps de lecture : 4 minutes
Affiches à l’entrée du Théâtre Elgin

Jusqu’au 21 avril, l’Opera Atelier de Toronto présente Armide (1686), le dernier opéra terminé par Jean-Baptiste Lully. L’opéra raconte l’amour malheureux de la magicienne Armide pour le chevalier Renaud.

Après la Ville-reine, cette production sera présentée trois fois à l’Opéra royal de Versailles (du 11 au 13 mai prochains) et huit fois à New York, entre le 21 juillet et le 23 août 2012.

Dans tous les cas, l’accompagnement musical sera assuré par les membres du Tafelmusik Orchestra, soit un des meilleurs orchestres baroques au monde.

Plafond du Théâtre Elgin

Dès le départ, ce qui frappe dans cette production, c’est le jeu maniéré des chanteurs. Il s’agit ici d’un choix délibéré du metteur en scène, un choix qui se justifie dans la mesure où il ne s’agit pas de personnages de téléromans mais d’êtres plus grands que nature tirés d’un poème épique de la Renaissance. Or qui connait le langage corporel et la manière de s’exprimer des chevaliers médiévaux imaginés par un auteur italien ?

Plus précisément, il s’agit d’une dramatisation excessive de l’émotion ressentie par les personnages, dans un opéra qui repose entièrement sur la description des sentiments. À titre d’exemple, au 2e des cinq actes, quand Armide — incarnée Peggy-Kriha Dye, par une tragédienne exceptionnelle — lève son glaive pour poignarder Renaud endormi, on la voit hésiter à plusieurs reprises entre la haine éprouvée contre lui et l’éveil de la pulsion sexuelle qu’il suscite en elle, et qui lui fera finalement renoncer à ses sombres projets (ce qui, heureusement, permet à l’opéra de se poursuivre encore une heure). Cette dramatisation possède l’avantage de rendre évidente la compréhension du livret.


 
Les décors sont biens. Le véritable point faible de cette production, ce sont les costumes qui, quoique chatoyants, manquent de magnificence pour un opéra qui a contribué à la splendeur royale sous Louis XIV. Il faut préciser que si les danseuses sont vêtues de robes, leur collègues masculins dansent généralement en collants. C’est aussi la tenue vestimentaire du baryton qui incarne le personnage de la Haine et qui, heureusement, possède le gabarit ostentatoire d’un culturiste.

À Toronto, la danse baroque ne semble pas avoir atteint la maturité qu’elle a ici, à Montréal ni, à plus forte raison, celle qu’on peut constater sur les scènes baroques parisiennes. Mais on a compensé cette lacune par une créativité qui a valu aux spectateurs de très agréables numéros de danse dont un, accompagné de castagnettes, qui fut un moment de pure magie.

Les chanteurs et les danseurs semblent tous avoir moins de 35 ans. Si vous êtes habitués aux sopranos obèses, cette jeune distribution ne comporte que de jeunes adultes au physique avantageux.

Oui mais le chant dans tout cela ? Absolument impeccable. Si la diction française laisse parfois à désirer, le chant lui-même est parfait.

Et puisque l’Air du sommeil est celui qui a fait la renommée de cette œuvre, les spectateurs présents au Théâtre Elgin mardi soir eurent droit à une pièce d’anthologie de la part du ténor canadien Colin Ainsworth (pour lequel on a transposé le rôle de Renaud, originellement conçu pour un haute-contre). À Versailles, une exécution de cette qualité (précisons que dans ce cas-ci la diction était parfaite) aurait provoqué un tonnerre de bravos et d’applaudissements. À Toronto, personne n’a applaudi : je n’en suis pas revenu.

Bref, si vous passez par Toronto ces jours-ci ou si vous pouvez assister à une des représentations versaillaises, je vous invite à assister à cet opéra baroque très bien défendu par cette jeune troupe torontoise enthousiaste.

Détails techniques : Panasonic GH1, objectif Lumix 14-45mm
1re photo : 1/60 sec. — F/4,4 — ISO 800 — 20 mm
2e photo  : 1/30 sec. — F/4,0 — ISO 320 — 18 mm
3e photo  : 1/4 sec. — F/4,5 — ISO 400 — 21 mm

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