
De 2023 à 2024, les dépenses militaires de la Suède sont passées de 8,7 à 12,0 milliards de dollars US, soit une augmentation de 37,5 %.
Ce qui a eu pour effet d’augmenter de deux pour cent la dette publique exprimée en pourcentage du PIB, passant de 31,6 % à 33,5 %.
Ce mois-ci, le premier ministre suédois a annoncé que le budget militaire du pays passerait l’an prochain à 18,7 milliards de dollars US.
Amorcée en 2014, la course aux armements des pays de l’Otan s’est accélérée en 2022 à la suite de l’invasion russe en Ukraine.
Dans les pays européens dont l’endettement est jugée préoccupante par les agences de notation, cette priorité à l’armement les obligent à des cures d’austérité.
Plutôt que de laisser la dette nationale exploser et de forcer les Suédois à des choix difficiles lorsque celle-ci sera devenu insoutenable, la Suède a choisi de poursuivre la rigueur budgétaire qui le caractérise depuis toujours et de sabrer dès maintenant son filet de protection sociale.
Mais comment convaincre le peuple suédois de payer pour des services que l’État leur fournissait gratuitement jusqu’ici ?
Depuis les élections législatives d’octobre 2022, le pays est dirigé par une coalition minoritaire de droite qui, pour survivre, dépend du soutient (sans participation) d’un parti qualifié d’extrême droite (les Démocrates de Suède).
L’argumentaire du gouvernement actuel est simple; le filet de protection sociale de la Suède est trop généreux. Selon lui, les mesures adoptées visent à « réduire les facteurs d’attraction pour les migrants qui souhaitent se rendre en Suède dans le but d’y être pris en charge.»
Sans entrer dans les détails, il est à noter que dans le cas particulier de la Suède, cette rhétorique antimigratoire n’est pas totalement dépourvue de fondement.
Toutefois, c’est un écran de fumée.
Le gouvernement suédois n’a pas l’intention de redonner aux contribuables les sommes économisées sous forme de réductions d’impôts. Au contraire, les économies serviront à financer le seul poste budgétaire à forte croissance; celui du ministère de la Défense.
Les généraux suédois ont raison de dire que dans le cadre d’une guerre entre la Russie et la Suède (trois fois moins peuplé que l’Ukraine), le pays capitulerait en moins d’un mois. Ce qu’ils oublient de dire, c’est qu’une guerre limitée à ces deux pays n’arrivera pas.
Toutefois, dans le cadre d’une Troisième Guerre mondiale, la puissance militaire combinée des pays occidentaux dépasse déjà de plusieurs fois celle de la Russie, malgré la montée en puissance de son industrie de l’armement depuis trois ans.
Donc la paranoïa qui s’est emparée des Suédois à l’occasion du déclenchement de la guerre en Ukraine — et qu’on entretient ces jours-ci par des nouvelles invraisemblables — vise à les déposséder au profit du complexe militaro-médiatique.
Après avoir abandonné sa neutralité militaire, vieille de deux siècles, la Suède est en train de découvrir que le prix de l’adhésion à l’Otan, c’est la liquidation de son filet de protection sociale, devenu trop onéreux.
Références :
Dépenses militaires de la Suède
En Suède, la droite devra composer avec l’extrême droite pour gouverner
Gouvernement Kristersson
La Suède a l’intention d’augmenter à nouveau ses dépenses militaires de 18 % en 2026
La Suède réduit ses aides sociales dans l’espoir de restreindre l’immigration
Le complexe militaro-médiatique
L’immigration modifie le modèle social suédois
Suède
Paru depuis : Pour augmenter leurs dépenses militaires, les pays européens tentés de réduire l’Etat-providence (2025-09-30)
Écrit par Jean-Pierre Martel