Le pouvoir d’un dictateur consiste à obtenir l’obéissance de ses sujets, généralement par l’usage de la force ou en suscitant chez eux la peur de sa répression.
Toutefois, un pouvoir totalitaire acquiert sa légitimité aux yeux de ses sujets lorsque ces derniers consentent spontanément à leur domination parce qu’ils y trouvent leur avantage.
Depuis son accession au pouvoir en Russie en 1999, le taux d’approbation de Vladimir Poutine n’est jamais descendu en bas de 60 %. À l’inverse, son taux de désapprobation n’est jamais allé au-delà de 38 %.
De nos jours, ils sont respectivement de 86 % et de 11 %.
Or au sein de la machine de l’État russe, les cadres sont le rouage de la domination consentie par le peuple. Voilà pourquoi la formation, le recrutement, et la gestion des cadres sont à la base de l’édification du pouvoir moscovite.
Les étapes de la création de la méritocratie russe
• L’Académie des Sciences sociales
C’est en 1946 que fut créée l’Académie des Sciences sociales de l’Union soviétique. Les ‘sciences sociales’ dont il s’agit ici comprennent un vaste champ de recherche et d’enseignement qui inclut l’économie et les sciences politiques, entre autres.
Relevant directement du Comité central du Parti communiste, l’Académie formait les meilleurs éléments issus des hautes écoles réparties sur l’ensemble du territoire soviétique, auxquels elle délivrait un diplôme de troisième cycle après la soutenance d’une thèse de l’aspirant.
• L’Académie de l’économie nationale
À ce dispositif s’ajoute en 1977 l’Académie de l’économie nationale et de l’administration publique. Née de la réunion de quinze établissements d’enseignement supérieur autrefois responsables de la formation des cadres du régime.
Depuis 2010, l’Académie relève directement directement du Conseil des ministres de Russie. D’où son surnom d’Académie présidentielle.
Son but est d’alimenter l’État russe en économistes, en gestionnaires à la tête des conglomérats et des grands groupes industriels du pays, de même qu’en hauts fonctionnaires.
L’Académie regroupe 61 laboratoires, cinq instituts et huit centres de recherche.
Elle accueille 230 000 étudiants, dont le quart à Moscou et le reste dans l’un ou l’autre de ses cinquante antennes réparties dans l’ensemble du territoire de la Fédération de Russie.
Son rôle est également d’offrir des programmes de formation continue d’une durée de 18, 36, 72 ou 144 heures (selon la discipline) à tous les cadres de la fonction publique russe. Ceux-ci sont tenus à ce rafraichissement de leurs connaissances aux trois ans.
De plus, elle a établi des partenariats avec 450 institutions à travers le monde. Des partenariats qui, ces jours-ci, en ne faisant pas de vagues, ont plutôt bien résisté aux aléas de la géopolitique.
Exemple : le déploiement en Crimée
Moins d’une semaine après l’annexion de la Crimée, le président russe (à l’époque, Dmitri Medvedev) crée une mission de formation des fonctionnaires criméens afin qu’ils puissent s’acquitter de la tâche d’être les nouveaux relais de Moscou.
C’est ainsi que 14 000 fonctionnaires criméens ont été formés dans l’antenne de l’Académie présidentielle située à Rostov-sur-le-Don, à 500 km de la capitale de Crimée.
Conclusion
En recrutant les meilleurs professeurs du pays, l’Académie présidentielle est de lieu obligé de la formation professionnelle de toute personne qui ambitionne de faire carrière dans la fonction publique russe.
En tissant des relations, et en multipliant les gages d’allégeance et de loyauté, les étudiants y développent la cohésion attendue au sein de l’élite russe. De plus, l’Académie présidentielle façonne chez eux une identité de caste au service du pouvoir et d’érudits au service du peuple.
Ouverte à tous les étudiants doués du pays (sans égard à leurs origines), l’Académie présidentielle contribue à l’acceptation de la domination du pouvoir moscovite sur la société russe puisque rares sont les familles (au sens large) qui n’ont pas un membre qui en fait partie.
Références :
Académie russe de l’économie nationale
L’Académie russe de l’Économie nationale et de l’Administration publique
Complément de lecture : États-Unis vs Russie : la classe politique