Le multiculturalisme et la guerre des diasporas au Canada

Publié le 12 septembre 2024 | Temps de lecture : 8 minutes

Introduction

Chaque fois que de la violence éclate dans les banlieues parisiennes, la presse britannique s’empresse d’en imputer la cause à la laïcité française, accusée d’être antimusulmane.

En contrepartie, lorsque des conflits interethniques surgissent dans les villes ouvrières de Grande-Bretagne, les quotidiens français en concluent que c’est la preuve de l’échec du multiculturalisme à assurer la coexistence pacifique des groupes ethniques de ce pays.

Dans tous les cas, c’est souvent une bavure policière ou une exaspération profonde liée au profilage racial exercé par les forces de l’ordre qui est à l’origine du conflit. Bref, la cause est interne à ces pays.

Ce qui est nouveau depuis quelque temps, ce sont les conflits interethniques qui résultent de guerres à l’Étranger.

Plus précisément, le conflit israélo-palestinien et, dans une moindre mesure, la guerre russo-ukrainienne alimentent des affrontements entre concitoyens canadiens.

Contenir la haine

L’expérience des deux Guerres mondiales nous enseigne que lorsque deux pays s’affrontent militairement, la diabolisation de l’autre n’est pas limitée aux dirigeants du pays ennemi, mais s’étend à toute sa population.

Parce qu’au final, le soldat doit obéir aveuglément à l’ordre de tirer ou de bombarder, sans le filtre de sa conscience. Et pour qu’il devienne une simple machine à tuer, cette détestation doit s’étendre à chacun des soldats du pays ennemi, voire à n’importe quel de ses citoyens.

Israël et l’Ukraine sont des alliés militaires du Canada aux prises avec un conflit armé. Pour faire accepter aux contribuables les sommes que le Canada consacre à les aider, Ottawa doit diaboliser leurs adversaires. Ce qui s’appelle la fabrication du consentement.

Mais voilà que cette stratégie dérape.

La haine des Russes et de leur culture

Au lieu de simplement haïr Vladimir Poutine, une certaine partie des Canadiens se sont mis à haïr également leurs concitoyens de descendance russe et à s’attaquer aux entreprises qu’ils possèdent au pays.

De plus, sous la menace d’internautes anonymes, le milieu de la culture se voit dans l’obligation d’annuler des spectacles mettant en vedette des Russes ou des artistes canadiens de descendance russe.

Au lieu d’en appeler au calme, les dirigeants canadiens poussent leur aveuglement jusqu’à applaudir au Parlement un ex-soldat d’une division ukrainienne pro-nazie.

Plus grave encore, la vice-première ministre du Canada réclamait récemment qu’un documentaire portant sur l’armée russe soit retiré de la programmation du Festival international du film de Toronto.

En raison de son sujet pointu et de sa durée de plus de deux heures, ce film n’était pas destiné à intéresser un large public, même en temps de paix.

Si la projection, prévue demain, devait être maintenue, le cri de ralliement hostile de Chrystia Freeland, propagée sur les médias sociaux, mettra en danger la sécurité des festivaliers qui choisiront de le voir.

Par cette tactique, la vice-première ministre canadienne accepte à l’avance de porter l’odieux de la violence qu’elle aura suscitée. De cette manière, elle se montre digne de son grand-père pro-nazi. Ce dernier n’a jamais tué de Slaves; il a simplement encouragé les autres à le faire.

La haine contre les Canadiens de descendance juive

Depuis l’attaque du Hamas en Israël et la réplique massive de ce dernier, plus d’une centaine d’institutions juives au pays ont été la cible de méfaits.

De plus, sur un bon nombre de campus à travers le pays, des manifestants palestiniens, appuyés par des sympathisants, crient des injures à l’égard de manifestants de descendance israélienne. Et inversement. Comme s’ils étaient citoyens de pays différents.

Ici encore, la haine entre Canadiens est inacceptable. Peu importe l’ethnie concernée et ses sympathies légitimes à l’égard de ses co-religionnaires à l’Étranger.

Il y a deux semaines, cinquante-deux membres arabes et musulmans du Parti libéral du Canada ont annoncé publiquement leur refus d’aider leur parti à gagner une prochaine élection partielle au Québec. C’est leur choix.

Ceux-ci écrivent : « Vous ne pouvez pas profiter de notre travail au pays tout en perpétuant notre déshumanisation à l’étranger.»

Aucun Arabe et aucun Musulman canadien n’est déshumanisé à l’Étranger.

Quand les signataires parlent de leur déshumanisation à l’Étranger, ils parlent en tant que membres du peuple palestinien ou d’un des peuples arabes dont ils se réclament.

En somme, ils se voient d’abord et avant tout comme des membres d’une diaspora au Canada.

De la même manière, les Palestiniens qui protestent à McGill sont en bonne partie des étudiants américains ou canadiens-anglais dont la loyauté première est à l’égard de leur peuple au Proche-Orient et non à l’égard des Québécois qui subventionnent niaiseusement leurs études.

Conclusion

Depuis toujours, les recensements des États-Unis dénombrent les diverses ‘races’ qui peuplent son territoire (ci-dessous).

De manière générale, l’appartenance ethnique est la fondation sur laquelle sont édifiées les sociétés anglo-saxonnes; ce sont des sociétés inégalitaires et racistes au sein desquelles chacun doit demeurer à sa place.

Le multiculturalisme est la façade idéologique de ce tribalisme; il consiste à encourager les citoyens, non pas à se définir comme Canadiens avant tout, mais comme membres de sa tribu ethnique.

Plutôt que de promouvoir l’égalité de tous les citoyens aux yeux de l’État, le multiculturalisme exacerbe la tendance naturelle au repli ethnique et renforce le sentiment d’appartenance à sa tribu.

Comme en Inde, on aboutit donc à une série de castes régies par des tabous, dont l’interdiction d’accomplir des tâches réservées aux gens d’une caste différente de la sienne.

Par exemple, se porter à la défense des peuples autochtones est inacceptable pour les metteurs en scène (ex.: Robert Lepage), les enseignants universitaires (ex.: Alexandra Lorange) et les cinéastes (ex.: Michelle Latimer) qui n’appartiennent pas à la tribu appropriée.

Et puisque la politique d’Équité, de diversité et d’inclusion du fédéral est basée (entre autres) sur des considérations raciales, il est essentiel de débusquer ceux qui n’ont pas la pureté du sang requise.

Depuis un demi-siècle, le multiculturalisme se pare des attributs de la Vertu et de la Justice.

Mais il a suffi qu’éclatent des guerres beaucoup plus proches de nous, des guerres auxquelles certains Canadiens peuvent d’identifier, pour que le multiculturalisme mène à des affrontements tribaux entre Canadiens, voire à une fragmentation sociétale.

Ce n’est une coïncidence si les campements pro-palestiniens sont apparus d’abord aux États-Unis pour se répandre ailleurs en Occident et que la détermination des protestataires y a été plus grande; c’est qu’il s’agit d’une société fragmentée où le patriotisme ostentatoire n’est que de façade.

Comme en Ukraine, combien de millions de jeunes Américains préfèreraient se réfugier à l’Étranger (au Canada, par exemple) plutôt que de défendre leur pays s’il était attaqué ?

C’est ça, le multiculturalisme.

Références :
Des menaces et des alertes à la bombe visent plus d’une centaine de groupes juifs au pays
Détecter les « faux Autochtones » dans les universités
Documentaire sur des soldats russes en Ukraine : Chrystia Freeland s’indigne
Équité, diversité et inclusion : la nouvelle discrimination multiculturelle
Gaza : des employés du PLC menacent de boycotter la partielle
La convergence culturelle : communion et symbiose
La fabrication du consentement politique : un exemple américain
La guerre a changé la vie de Canadiens d’origine russe
Le grand-père de la vice-première ministre du Canada, un collabo nazi
Le marécage du multiculturalisme canadien
Le multiculturalisme ou le tribalisme des sociétés anglo-saxonnes
Un historien du génocide face à Israël

Parus depuis :
Manifestations propalestiniennes sur les campus: Amira Elghawaby veut plus de profs musulmans (2024-09-13)
Le TIFF invoque des raisons de sécurité pour suspendre les projections de Russians at War (2024-09-13)

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au prix que nous payons pour appartenir au Canada, veuillez cliquer sur ceci.

2 commentaires

| le prix du fédéralisme, Politique canadienne | Mots-clés : | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel