La peur de l’indépendance

Publié le 18 avril 2024 | Temps de lecture : 6 minutes


 
Introduction

Le moteur des révolutions est le sentiment d’injustice. En contrepartie, le moteur des contre-révolutions, c’est la peur.

Dans ce second cas, ce peut être la peur de la mitraille ou la peur de l’inconnu. Pour paraphraser Machiavel, on peut dire qu’un peuple consentira aveuglément à sa domination tant qu’il sera habité par de la peur de tout perdre en dépit du fait qu’il ne possède rien…

Depuis un demi-siècle, chaque fois que le peuple francoQuébécois s’apprêtait à poser un geste de rupture, ceux qui n’y avaient pas intérêt ont invoqué la peur.

Les camions de la Brink’s

Au cours de la campagne électorale québécoise de 1970, les sondages révélaient que deux partis politiques étaient presque à égalité dans les intentions de vote : le Parti libéral du Québec (d’allégeance fédéraliste) et un tout nouveau parti indépendantiste, le Parti Québécois. Loin derrière eux se trouvait l’Union nationale, un parti nationaliste au pouvoir jusque-là.

Trois jours avant le scrutin, neuf camions blindés de la Brink’s partaient des bureaux montréalais du Royal Trust en direction de Toronto. À leur bord, une quantité présumée importante de titres financiers.

Le tout devait démontrer le risque de fuite des capitaux hors du Québec si le Parti Québécois devait prendre le pouvoir.

Selon Wikipédia, l’opération était une tentative de manipulation de l’opinion publique orchestrée par le premier ministre canadien de l’époque, Pierre-Elliott Trudeau (le père de Justin Trudeau).

Publiée en exclusivité par le quotidien montréalais The Gazette (avisé à l’avance par un appel anonyme), la primeur sera reprise le lendemain — soit l’avant-veille du vote — par tous les journaux du Québec.

Le résultat fut que seuls sept députés du PQ furent élus deux jours plus tard.

La perte de la péréquation fédérale

Il existe plusieurs programmes en vertu desquels le gouvernement fédéral verse de l’argent aux provinces dans leurs champs de compétence constitutionnelle; santé, infrastructures, logement, garderies, etc.

En gros, les sommes versées par Ottawa correspondent à l’importance démographique ou économique de chaque province.

Toutefois, il existe un programme où le Québec semble recevoir bien davantage que sa ‘juste part’; c’est la péréquation.

Celle-ci est un mécanisme de redistribution de la richesse entre les provinces riches du pays vers les provinces qui le sont moins, dont le Québec.

C’est ainsi que le gouvernement québécois reçoit annuellement environ treize-milliards de dollars d’Ottawa.

À chacun des deux référendums sur l’indépendance tenus jusqu’ici, l’argument massue du camp fédéraliste a toujours été que si le Québec se sépare, il perdra les milliards de dollars qu’Ottawa a la bonté de lui verser, plongeant l’économie du Québec dans le marasme et la misère.

Il y a plusieurs années, ce blogue avait publié une analyse économique qui démontrait que le Québec souffrait d’un sous-investissement chronique d’Ottawa dans l’économie québécoise. Un sous-investissement qui était presque totalement corrigé par la péréquation.

En somme, l’argent de nos taxes et de nos impôts qu’Ottawa n’investit pas dans l’économie du Québec, il le verse annuellement sous forme de péréquation en nous faisant croire qu’il nous fait la charité.

Précisons que cette analyse ne tient pas compte des gouffres financiers que sont devenus l’aménagement des chutes Muskrat à Terre-Neuve, la construction du pipeline Trans-Mountain en Colombie-Britannique et la construction des frégates canadiennes en Nouvelle-Écosse.

Par contre, le fédéral fait valoir que depuis des années, il dépense plus au Québec que ce qu’il y perçoit. Ce qui est vrai. Mais n’est-ce pas contradictoire avec ce que nous venons de dire ?

En réalité, lorsque le fédéral fait des déficits colossaux (ce qui est le cas depuis que Justin Trudeau est au pouvoir), Ottawa dépense plus dans chaque province que ce qu’il perçoit. C’est justement pour cela qu’il fait un déficit.

Toutefois, lorsqu’on tient compte du partage de la dette canadienne que le Québec aura à payer lorsqu’il fera son indépendance, cet argument fédéraliste s’effondre.

En présentant le budget de l’an 1, le Parti Québécois a fait la démonstration que l’État québécois, même privé totalement de péréquation, serait mieux financé dans un Québec souverain.

Conclusion

On ne peut pas faire la promotion de l’indépendance sans critiquer le colonialisme canadian.

En effet, le Canada est une puissance coloniale qui, à la différence des autres, ne possède pas ses colonies sous les tropiques. Les siennes sont incrustées dans son territoire.

D’une part, ce sont des dizaines de réserves indiennes régies par un apartheid juridique. Et d’autre part, c’est le Québec dont on favorise l’anglicisation, entre autres par un déluge migratoire qui dépasse largement ses capacités d’intégration.

La preuve la plus irréfutable de ce statut colonial est l’adoption d’une nouvelle constitution sans le Québec par l’ethnie dominante du pays en 1982. Tout comme n’importe quelle métropole coloniale n’hésite pas à imposer sa volonté à ses colonies.

En disant tout haut ce qu’une bonne partie du peuple francoQuébécois pense tout bas, Paul Saint-Pierre Plamondon abandonne brièvement cette image positive et rose bonbon dans lequel les forces fédéralistes aimeraient le voir se limiter.

En réalité, les chemins qui mènent à la liberté sont parsemés d’embuches. Pour être guidé vers l’indépendance, ce que nous avons besoin, c’est d’un chef qui, tout en étant fondamentalement bienveillant envers son peuple, peut également froncer les sourcils et élever le ton lorsque nécessaire.

Il est rassurant de voir que c’est le cas du chef péquiste.

Références :
Coup de la Brink’s
Le colonialisme économique ‘canadian’
Le coût de l’oléoduc Trans Mountain explose à nouveau
Le référendum de la dernière chance, dit St-Pierre Plamondon
Les chutes Muskrat : un éléphant blanc à nos frais
Les miettes fédérales au chantier maritime Davie
Le texte de ‘refondation’ du PQ : le paroxysme de l’insignifiance
L’indépendance permettrait au Québec d’économiser 12 milliards sur 7 ans, selon le PQ
Péréquation fédérale au Canada
Québec solidaire reproche à St-Pierre Plamondon de verser dans le « catastrophisme »

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Écrit par Jean-Pierre Martel