1653, l’année où Jeanne Mance sauva le Canada

Publié le 8 mars 2024 | Temps de lecture : 5 minutes


Avant-propos : Depuis quelques années, pour célébrer la Journée internationale des femmes (le 8 mars), ce blogue inverse ce jour-là la règle grammaticale selon laquelle le genre masculin l’emporte sur le genre féminin.

Mais comme dans le texte qui suit, il n’y a pas grand-chose à inverser, on retiendra l’à-propos de célébrer aujourd’hui la mémoire d’une géante de notre histoire.

À juste titre, Jeanne Mance est considérée comme co-fondatrice de Montréal, une ville où elle a œuvré et où elle est décédée en 1673.

Née en 1606, Jeanne Mance est issue de la bourgeoisie de robe; son père était procureur du roi à Langres (en Champagne). Il avait épousé la fille d’un confrère.

À l’époque, la population de la France était environ le double de la population actuelle du Québec. Si bien que dans le petit monde de la noblesse et la haute bourgeoisie, tout le monde connaissait à peu près tout le monde.

N’ayant peu d’inclinaison pour la vie religieuse ni pour le mariage, Jeanne Mance avait choisi de se consacrer aux soins des malades. Pour ce faire, elle s’occupait d’œuvres charitables.

Or sa famille dévote comptait plusieurs ecclésiastiques qui avaient séjourné en Nouvelle-France. Si bien qu’à leur retour, ils racontaient leur pénible traversée, les immenses paysages sauvages qu’ils ont vus, et les peuples étranges qu’ils ont rencontrés et qu’on appelait les ‘Sauvages’ (ce qui, à l’époque, qualifie les gens qui vivent dans les forêts).

Alors que l’élan missionnaire s’empare du milieu catholique français, Jeanne Mance décide elle aussi de tenter l’aventure.

Elle se rend à Paris en 1630 où elle rencontre, entre autres, Angélique de Bullion, veuve du surintendant des finances de France dont elle avait hérité de l’immense fortune.

Or cette dernière caressait l’idée d’établir un hôpital quelque part au Canada (le nom donné au XVIIe siècle à la vallée du Saint-Laurent).

À leur quatrième rencontre, Madame de Bullion demande à Jeanne Mance si elle souhaiterait réaliser son projet. Une proposition que celle-ci accepte.

À cette fin, elle se rend en 1641 à La Rochelle. C’est de ce port que partaient les bateaux pour la Nouvelle-France. Mais avant de partir, elle rencontre Paul de Chomedey de Maisonneuve, chef d’une expédition qui doit fonder une colonie sur l’ile du mont Royal (alors inhabitée).

Celui-ci se cherche une femme vertueuse et compétente pour gérer cette colonie. Enthousiaste, Jeanne Mance accepte cette responsabilité.

Cette rencontre détermine donc le lieu où Jeanne Mance œuvrera: Ville-Marie (soit, de nos jours, Montréal).

Après la construction d’une palissade et des cabanes en rondins (qui bientôt cèdent leur place à des maisons de bois plus confortables), Ville-Marie prend l’aspect d’un fort en bois.

Toutefois, en 1653, la situation de Ville-Marie devient précaire.

Quatre ans plus tôt, les Iroquois avaient détruit la Huronie (qui était située sur une péninsule au milieu des Grands Lacs).

Ces vastes étendues d’eau permettaient de transporter des marchandises sur de grandes distances en se fatiguant beaucoup moins que par voie terrestre.

En tant que peuple sédentaire et exportateur de maïs, les Hurons-Wendats jouissaient de l’amitié de nombreux autres peuples autochtones qui eux étaient nomades. Ce sont les fourrures obtenues en échange de maïs qui permettaient aux Hurons-Wendats d’être impliqués dans leur commerce.

La Huronie occupait donc une position stratégique dans ce commerce.

Rapidement, les Hurons-Wendats en étaient venus à fournir entre 50 % et 60 % des peaux de castor exportées vers la France.

Alors que l’étau se resserre sur Ville-Marie, menacée par les Iroquois, la population du fort n’est pas suffisante pour résister à une attaque de grande ampleur que les Iroquois pourraient déclencher.

Voilà pourquoi Jeanne Mance s’adresse à sa mécène pour lui demander de financer la venue d’une centaine d’hommes à Ville-Marie. Ce que Madame de Bullion accepte.

Jeanne Mance offre alors à De Maisonneuve la somme de 22 000 livres, correspondant littéralement à la valeur de 22 000 livres d’argent. Cette somme équivaut, de nos jours, à un million de dollars.

L’arrivée à Ville-Marie d’un grand nombre de personnes — parmi lesquelles Marguerite Bourgeoys — relancera la vigueur de la colonie et l’empêchera de connaitre le même sort que la Huronie.

Référence : La découverte de nouvelles archives révèle que Jeanne Mance a donné l’équivalent d’un million de dollars pour sauver Montréal en 1653

Compléments de lecture :
Gabriel Sagard en Huronie
Les Sauvages

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Écrit par Jean-Pierre Martel