Introduction
Pour qu’un ‘crime’ le soit au sens juridique, il faut qu’il constitue une infraction au Code criminel. Or c’est le législateur qui en décide. Pas le Conseil des ministres. Pas le gouvernement. Mais plutôt le parlement lorsqu’il se transforme en législateur en adoptant des lois.
Et ce sont les pouvoirs répressifs de l’État — les forces de l’ordre, les tribunaux et les prisons — qui sont chargés de faire respecter la volonté du législateur.
Il n’y a pas que les meurtres qui sont des infractions au Code criminel; la possession simple de cannabis, par exemple, était une offense criminelle… jusqu’à ce qu’elle soit décriminalisée par le parlement canadien.
N’importe qui peut s’adresser aux tribunaux civils. Toutefois, le pouvoir d’entamer des poursuites criminelles appartient exclusivement à la DPCP (la Direction des poursuites criminelles et pénales) au Québec et à un organisme similaire au fédéral.
Jouissant d’une totale autonomie, la DPCP est composée d’avocats. Son rôle est de recevoir les preuves jugées irréfutables par la police et d’estimer s’il est approprié de saisir les tribunaux à ce sujet.
Mais dans l’exercice de ses fonctions, il arrive que la DPCP manque grossièrement de jugement. En voici un exemple.
Le cas
On appelle ‘voie de fait’, toute violence légère commise à l’encontre d’une personne sans provoquer de lésion corporelle. Elle désigne un comportement ou un acte portant atteinte aux droits de la personne.
Le 14 juin dernier, un garçon de 12 ans a été acquitté de l’accusation de voie de fait portée contre lui par la DPCP parce qu’il avait chatouillé sa demi-sœur alors qu’ils regardaient un film.
Cet acquittement est connu du grand public deux mois et demi plus tard grâce à une révélation du quotidien La Presse.
La preuve soumise à la Cour a démontré que la fillette de 11 ans n’avait pas consenti à être chatouillée par son demi-frère âgé d’un an de plus et donc, techniquement, que ce dernier avait utilisé sa force enfantine pour prévaloir.
Le fond de l’histoire est simple. Nés d’un même père, les deux enfants sont de mères différentes. Or les deux femmes se détestent.
Six semaines après le ‘crime’, la mère de la fillette a convaincu cette dernière de porter plainte auprès de la police.
Invoquant la violence et l’absence de consentement, la mère a harcelé les policiers jusqu’à ce que ceux-ci, de guerre lasse, finissent par porter plainte auprès de la DPCP.
Le monopole dont jouit la DPCP vise à protéger le système judiciaire des plaintes futiles susceptibles de monopoliser les ressources limitées des tribunaux et de les paralyser.
Parce que les procureurs de la DPCP et les avocats pigistes à qui ils délèguent certains de leurs dossiers gagnent plus de 200$ de l’heure, on s’attend à ce que ces professionnels fassent preuve de discernement.
Pour justifier sa décision d’aller de l’avant, l’avocate de la DPCP invoque le fait que la preuve était irréfutable.
Effectivement, le garçon admettait lui-même avoir donné des petits coups avec ses mains sur les cuisses de sa demi-sœur assise à côté de lui même après que celle-ci lui ait demandé d’arrêter.
Selon certaines études féministes, regarder avec insistance une femme ou l’inviter au restaurant une deuxième fois après avoir essuyé un refus, cela constitue de la violence sexuelle.
À plus forte raison, selon l’avocate de la DPCP, lorsqu’un enfant de 12 ans touche les cuisses de sa demi-sœur de 11 ans sans son consentement, cela constitue une violence inacceptable qui justifie une accusation criminelle.
On reste donc sans voix devant la décision stupide de l’avocate Béatrice Fecteau de judiciariser, au nom de la DPCP, les taquineries (c’est le mot utilisé par la magistrate) entre les deux enfants.
De plus, même je suis entièrement d’accord avec la juge Geneviève Marchand — la seule adulte sensée dans cette affaire — je ne m’explique pas pourquoi cette magistrate n’a pas rendu sa décision séance tenante. En d’autres mots, pourquoi a-t-elle cru bon prendre cette cause en délibéré afin de rédiger son jugement de six pages ?
Conclusion
Je suis exaspéré de voir qu’on abandonne les causes contre des assassins qui n’ont pas eu leur procès dans des délais raisonnables, alors :
• que la DPCP gaspille notre argent à tenter de criminaliser les taquineries enfantines,
• que les avocats s’en mettent plein les poches en multipliant les requêtes dilatoires,
• que les juges prennent des causes en délibéré alors qu’ils devraient rendre jugement séance tenante, et
• que la juge en chef de la Cour du Québec ordonne aux magistrats des causes criminelles de ne siéger qu’un jour sur deux alors qu’au Canada anglais, ils siègent quatre jours sur cinq.
Dans la constitution d’un Québec indépendant, on prendra soin de pallier les abus de monopole de la profession juridique en retirant à celle-ci le pouvoir de se sanctionner elle-même.
Références :
Décision de la juge Geneviève Marchand
Devant la justice à 12 ans pour avoir « achalé » sa demi-sœur
Doit-on fermer l’université Laval ?
L’esprit de caste de la juge Lucie Rondeau
Réforme de la juge Rondeau : 9000 causes criminelles en péril, selon Québec
Un garçon de 12 ans acquitté d’avoir « taquiné » sa demi-sœur
Compléments de lecture :
Les abus de procédure du ministère des Transports
Les familles Caïn et Abel
Les tribunaux et la vieille au déambulateur
MMA : Maudite justice de merde !
Bonjour Jean-Pierre,
Cette histoire est incroyable et j’espère que dans le jugement de 6 pages de la juge Geneviève Marchand, quelques lignes étaient réservées à la mère qui a instrumentalisé sa fille …
Bonne journée,
Vous avez parfaitement raison de parler d’instrumentalisation puisque la juge Genève Marchand elle-même écrit que les deux enfants ont une belle relation et s’amusent régulièrement ensemble.
Que la rivalité entre deux parents mène à des bassesses, cela fait partie de l’imperfection de la nature humaine. C’est sans doute pourquoi la magistrate a passé sous silence cette instrumentalisation.
Sagement, le législateur a prévu deux mécanismes pour protéger le système judiciaire des plaintes futiles, du moins en droit criminel.
La première est le monopole de la DPCP. La deuxième est que celle-ci ne peut intenter une poursuite qu’après avoir reçu la preuve recueillie à l’occasion d’une enquête policière, une preuve accompagnée de la déclaration solennelle du policier à l’effet qu’il a acquis la conviction profonde que les preuves recueillies prouvent la culpabilité de ou des personne(s) visée(s) par son enquête.
Dans ce cas-ci, ces deux mécanismes ont failli.
Les policiers ont cédé sous la pression de la mère de la fillette. Ils ne devraient pas, mais il arrive que les policiers se débarrassent d’une patate chaude en transférant le dossier à la DPCP.
Quant à l’avocate de la DPCP — dont le devoir était de lire la preuve et de réaliser à quel point tout cela était de l’enfantillage — la crainte d’une poursuite pour diffamation m’interdit d’en dire tout le mal que j’en pense…
Pour terminer sur une note positive, on peut se réjouir que 12 ans soit l’âge minimal pour être accusé en vertu du Code criminel, sinon cela ferait longtemps que la DPCP aurait poursuivi un bébé pour avoir volé la suce d’un autre bébé à la garderie.