L’éveil de François Legault
Le 10 mai, le premier ministre François Legault annonçait son intention de faire en sorte que pour immigrer au Québec (en dehors des programmes humanitaires ou du regroupement familial), il sera obligatoire d’avoir une bonne connaissance préalable de la langue française.
C’est une mesure qui fait partie du programme du Parti Québécois (PQ) depuis 2017 et que nous avons défendue sur ce blogue à plusieurs reprises.
Depuis plus d’une semaine, à l’Assemblée nationale, le premier ministre reproche au Parti Libéral et au PQ de ne pas l’avoir fait lorsqu’ils étaient au pouvoir.
Le premier ministre pourrait également adresser ce reproche à son propre parti puisque celui-ci ne l’a pas fait non plus depuis qu’il est au pouvoir; en effet, nous en sommes encore qu’à l’étape des bonnes intentions gouvernementales.
Le reproche qu’adresse le premier ministre au PQ sert à détourner l’attention du fait que la politique migratoire du PQ, qui date de 2017, est cinq ans d’avance sur lui.
Mais vaut mieux tard que jamais.
La lenteur de la CAQ à défendre le français
Le gouvernement de René Lévesque est entré en fonction le 25 novembre 1976. Il a présenté la Loi 101 le 27 avril suivant. Et celle-ci fut adoptée le 26 aout 1977, soit neuf mois après sa prise du pouvoir.
Cette promptitude reflétait l’importance que René Lévesque attachait à assurer la pérennité du français au Québec.
François Legault est entré en fonction le 18 octobre 2018. Sa loi 96 — qui renforce timidement la Loi 101 — a été présentée le 13 mai 2021 et fut adoptée le 24 mai de l’année suivante, soit 42 mois plus tard. Ce manque d’empressement dit tout.
Mais un demi-siècle après l’adoption de la Loi 101, il est possible que les choses aillent tellement mieux qu’il n’est pas nécessaire de s’empresser de renforcer la Loi 101.
Qu’en est-il exactement ?
Le recensement de 2021 révélait que l’importance démographique des Francophones décline au Québec depuis quinze ans. De plus, depuis cinq ans, le pourcentage des familles montréalaises où se parlent les deux langues officielles du pays a été multiplié par dix.
Le milieu familial est là où naissent et grandissent les Québécois de demain. Or cette bilinguisation familiale est une étape intermédiaire vers la ‘louisianisation’ du Québec.
Pendant ce temps à Ottawa…
Parallèlement, le gouvernement fédéral ouvrait toutes grandes les vannes de l’immigration; plus d’un-million de néoCanadiens ont été accueillis en 2022 et deux-millions de dossiers sont en attente d’approbation au ministère fédéral de l’Immigration.
Au rythme actuel, la population canadienne comptera cent-million de citoyens en 2100.
À Québec, on suppute
À la suite des dernières élections québécoises, la défense du français a été confiée au ministre Jean-François Roberge. Depuis, ce dernier a lancé un ‘grand chantier’ à ce sujet.
Malheureusement, ce que le ministre appelle ‘chantier’ n’est pas un lieu où on construit à partir d’un plan préétabli.
Ce qu’il appelle ‘chantier’ est un lieu où on s’assoit pour discuter. En somme, c’est un chantier assis. Parce qu’après avoir dormi cinq ans sur la défense du français, la CAQ s’est redressée et elle est maintenant assise. C’est un progrès.
Pendant qu’on s’active à Ottawa, le gouvernement actuel songe. Il suppute. Il évalue en regardant le train fédéral passer.
Et le premier ministre se vante d’avoir découvert une idée qui, effectivement, est excellente. Mais elle n’est pas de lui. Pour l’instant, c’est une idée qu’il songe à mettre en application éventuellement. Un jour, peut-être.
À moins d’y renoncer entretemps… Qui sait ?
Références :
Anglicisation du Québec : l’omelette de la loi 96
Le ministre Roberge et la défense homéopathique du français
Le PQ et la francisation des immigrants
Quelles seront les réformes de Québec en immigration?
Paru depuis : Ottawa a versé des milliards pour l’anglais au Québec (2023-11-27)