Plus de glyphosate
À la demande de Bayer/Monsanto, Santé Canada annonçait l’an dernier son intention de hausser substantiellement les taux permis de défoliant dans le blé et les légumineuses canadiennes. Ce qui se serait répercuté sur de nombreux produits alimentaires, dont le pain, les pâtes, les pâtisseries, la bière, etc.
Dès le départ, Santé Canada avait fait savoir que sa décision serait basée exclusivement sur ‘la science’.
Puisque vous et moi n’avons pas les moyens de financer une étude au sujet de la toxicité du glyphosate, seules les études (presque toutes secrètes) des fabricants auraient été prises en considération.
Devant le tollé provoqué par cette nouvelle, le gouvernement Trudeau — à quelques semaines des élections fédérales — a obligé Santé Canada à abandonner ce projet.
L’industrie veut qu’on autorise plus d’OGM
Le mois dernier, l’organisme fédéral annonçait son intention de faciliter la commercialisation d’une nouvelle génération d’organismes génétiquement modifiés (OGM).
Avant qu’un projet de réforme législative ou règlementaire soit dévoilé, il n’y a pas de mal, en principe, à ce qu’on consulte l’industrie quant à la faisabilité des changements souhaités par l’État.
À l’opposé, ce qui n’est pas normal, c’est que Santé Canada entreprenne une démarche non seulement à la demande de l’industrie, mais que cette dernière soit autrice du projet de réforme fédéral.
En pareil cas, Santé Canada ne serait qu’une façade utilisée par l’industrie pour dicter les politiques fédérales qu’elle voudrait voir implanter au pays.
Ayant obtenu à l’avance le document qui devait être soumis à la consultation publique, le journaliste d’investigation Thomas Gerbet (de Radio-Canada) a découvert que ses métadonnées révèlent que sa co-autrice est une démarcheuse de l’industrie agrochimique.
Ce que nie catégoriquement Santé Canada. Mais en raison de la controverse suscitée par les révélations journalistiques, Santé Canada a décidé de retirer son projet de réforme.
Une complicité honteuse ?
L’organisme Vigilance OGM a profité de la loi fédérale sur l’accès à l’information pour demander une copie des études qui avaient convaincu l’an dernier Santé Canada de vouloir autoriser encore plus de pesticides dans les aliments (ce dont nous avons parlé plus tôt).
En réponse à sa demande, l’organisme a reçu 229 pages blanches.
Selon Santé Canada, les études sur lesquelles elle s’est basée sont des documents qui ne lui appartiennent pas.
Contrairement aux exigences imposées à l’industrie pharmaceutique à la suite du scandale du thalidomide, l’industrie agrochimique n’est pas tenue de révéler toutes les études de toxicité en sa possession. Un producteur de pesticide est libre de maintenir secrètes les études qui ne lui conviennent pas.
Puisque ces études ont été financées par l’industrie, celle-ci estime qu’elle en détient la propriété intellectuelle et interdit à Santé Canada d’en révéler le contenu tout en l’invitant à se baser sur elles pour prendre ses décisions.
Le gouvernement canadien pourrait décider qu’il n’accepte de recevoir que des études sur lesquelles l’ensemble de la communauté scientifique peut s’exprimer. En d’autres mots, dire à l’industrie que ses études secrètes ne l’intéressent pas.
Si l’industrie veut qu’on autorise plus de produits chimiques dans la nourriture de la population canadienne, elle serait forcée de rendre publiques les études qui, à son avis, justifient sa requête.
Bref, pas d’études publiques, pas de changement règlementaire.
Conclusion
Dans tous les ministères fédéraux à vocation économique — y compris ceux qui ont une incidence indirecte à ce sujet comme Santé Canada — leurs mandarins se conçoivent comme les gestionnaires suprêmes du marché intérieur canadien.
En effet, l’idéologie néolibérale a perverti les démocraties parlementaires en faisant en sorte que ceux qui nous dirigent ne sont plus les serviteurs de la souveraineté du peuple, mais des courtiers vantant les avantages juridictionnels du pays à des investisseurs devenus souverains.
Or, en contrepartie des centaines de millions de dollars qu’il compte transférer aux provinces dans le but d’améliorer les soins prodigués dans nos hospices, le gouvernement fédéral veut les assujettir à des normes édictées par Santé Canada.
Les lacunes observées au cours de la pandémie dans les hospices du Québec et de l’Ontario, entre autres, s’expliquent par le sous-financement provincial, un sous-financement qui résulte de la diminution des transferts fédéraux en matière de Santé.
Si le fédéral veut rétablir son financement à ce sujet, c’est une bonne nouvelle. Mais pas si sa volteface se fait en contrepartie d’une ingérence encore plus grande dans un champ de compétence constitutionnel exclusif des provinces, cela n’est pas souhaitable.
La dernière chose dont les Canadiens ont besoin, c’est qu’on soigne nos vieillards selon les directives de Santé Canada (alias Pesticides Canada).
Références :
Est-il juste que les riches paient autant d’impôt ?
OGM : Ottawa présente sa réforme en utilisant les fichiers d’un lobby agrochimique
Normes fédérales en CHSLD — « Nous voulons travailler avec les provinces », affirme Ottawa
Ottawa recule sur la « transparence volontaire » des nouveaux OGM
Santé Canada = Pesticides Canada
Santé Canada envoie 229 pages blanches en réponse à une demande d’accès à l’information
Parus depuis :
Ottawa s’associe au lobby agrochimique en pleine réforme controversée (2023-05-03)
« Tiger Team » : quand fonctionnaires et lobbyistes coopèrent dans l’ombre (2023-09-26)
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