La guerre russo-ukrainienne et la vassalisation de l’Europe

Publié le 23 juin 2022 | Temps de lecture : 6 minutes

Introduction

On attribue à Montesquieu la maxime suivante : « Les responsables des guerres ne sont pas ceux qui les déclenchent, mais ceux qui les ont rendues inévitables.»

Depuis la nuit des temps, le sort d’un pays faible qui est voisin d’un pays puissant, c’est d’être son vassal. Le Canada en est un exemple.

Dans le texte L’engrenage ukrainien, nous avons vu que les organisations non gouvernementales américaines (financées par Washington) ont dépensé des milliards de dollars pour amener le peuple ukrainien à croire qu’il était dans son intérêt de devenir l’ennemi militaire de son puissant voisin.

Ce qui rendait inévitable la guerre entre eux.

Guerres courtes vs guerres longues

Les guerres les moins pénibles — autant pour l’agresseur que pour l’agressé — sont celles qui sont courtes.

Si la France n’avait pas capitulé à l’Allemagne dès 1940, on admirerait aujourd’hui la copie de la tour Eiffel et de l’Arc de Triomphe, l’une et l’autre reconstruits à l’identique.

L’armement sophistiqué que les États-Unis fournissent à l’Ukraine a pour but de transformer cette guerre en entreprise ruineuse pour la Russie. En vain jusqu’ici.

Mais cela ne changera pas l’issue de la guerre, connue d’avance. Tout cela ne fait que prolonger les souffrances du peuple ukrainien.

Ceci étant dit, la victoire militaire de l’Ukraine demeure possible. Mais seulement à l’issue d’une guerre d’usure s’échelonnant sur de très longues années.

À titre d’exemple, en Afghanistan, les Talibans ont vaincu l’armée américaine après vingt ans de lutte armée. Et au Vietnam, le Viêt Cong a fait de même après une décennie de guérilla.

Une guerre d’usure qui n’est pas qu’une suite de petites escarmouches transforme inévitablement le théâtre de la guerre en champ de ruines.

Depuis 2011, la guerre en Syrie a détruit 98 % de son économie, de la raffinerie de pétrole à la petite boulangerie de quartier.

C’est ce qui attend l’Ukraine si ce pays ne renonce pas définitivement à son intention d’adhérer à l’Otan.

La vassalisation de l’Europe

En participant à la croisade américaine contre la Russie, l’Europe occidentale se tire dans le pied.

Contrairement à ce qu’on tente de nous faire croire, la Russie a toujours été un fournisseur fiable d’hydrocarbures.

Toutefois, en bannissant les banques russes du système SWIFT — qui facilite les flux financiers — les pays européens ne pouvaient pas s’attendre à ce que la Russie leur livre du pétrole et du gaz naturel sans être payée en retour.

Ce pays a donc exigé d’être payé en roubles. Seuls les pays qui se sont entêtés à ne pas payer leur gaz ont été pénalisés.

L’Allemagne a accepté. Malheureusement, ce pays a commis deux imprudences.

Premièrement, dans le cadre de ses sanctions contre la Russie, il a refusé en février dernier d’homologuer la mise en service du gazoduc Nord Stream 2, prolongeant l’exclusivité de son approvisionnement par Nord Stream 1.

Deuxièmement, alors que les turbines et les compresseurs de ce gazoduc plus ancien ont une importance stratégique, l’Allemagne a accepté que le conglomérat allemand Siemens confie leur entretien à sa filiale canadienne.

Ces appareils hautement spécialisés doivent être régulièrement entretenus et réparés. Malheureusement, une partie d’entre eux sont bloqués à Montréal puisque le Canada refuse leur sortie du pays, invoquant ses sanctions économiques contre la Russie.

Du coup, le gouvernement allemand annonce aujourd’hui qu’il se voit dans l’obligation d’envisager sérieusement le rationnement du gaz naturel.

On ne devrait pas être surpris d’apprendre que le zèle canadien s’explique par des directives secrètes reçues de Washington dans le but de forcer l’Allemagne à se sevrer dès maintenant du gaz russe, peu importe les conséquences immédiates pour ce pays.

En 2017, on comptait 511 méthaniers en service à travers le monde. Il en faut peu puisque le mode de transport idéal du gaz naturel, c’est par gazoduc.

Mais si du jour au lendemain, les pays européens voulaient s’approvisionner en gaz naturel auprès du Qatar ou de l’Amérique du Nord, il faudrait construire immédiatement cinq-mille méthaniers et équiper des dizaines de ports européens des installations nécessaires.

Voilà un aperçu de ce signifie concrètement le sevrage immédiat au gaz naturel russe.

Compte tenu de tout cela, pourquoi l’Europe a-t-elle accepté de dépendre des hydrocarbures russes ?

C’est que les contrats d’approvisionnement avec la Russie sont libellés en euros, une devise dont l’Europe contrôle l’émission et, par ricochet, la valeur.

Dans l’éventualité d’une très grave crise économique, il suffit à l’Europe de dévaluer sa monnaie pour payer ses hydrocarbures moins chers.

En achetant plutôt son gaz naturel du Qatar ou son pétrole d’Arabie saoudite, les contrats d’approvisionnement seront en dollars américains.

En vertu de l’extraterritorialité du droit américain, cela signifie que l’Europe devient complètement vassalisée aux États-Unis. Il suffit alors à Washington d’interdire tout commerce avec un pays fournisseur pour que l’Europe soit obligée d’obéir.

Références :
Extraterritorialité et pétainisme
Guerre russo-ukrainienne : ces sanctions qui font du bien
L’Allemagne contourne les termes de sa Constitution pour renforcer son armée
L’Allemagne passe en niveau d’alerte face au tarissement du gaz russe
La Russie va suspendre samedi ses exportations de gaz vers la Finlande
Les Sanctions canadiennes contraignent Nord Stream 1
Moscou coupe le gaz à la Pologne et à la Bulgarie
Ukraine : l’opérateur du gazoduc Nord Stream 2 acculé à la faillite

Paru depuis :
The Energy Shock — Germany Plans for a Winter Without Gas from Russia (2022-07-29)

Complément de lecture : L’épouvantail russe

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés à la guerre russo-ukrainienne, veuillez cliquer sur ceci.

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