En mars dernier, je prédisais que le retrait de certaines sociétés occidentales de Russie provoquerait la russification de son économie.
C’est exactement ce qui est en train de se produire. Par exemple, en fermant tous ses restaurants russes, MacDonald’s a perdu un milliard de dollars. Et l’investisseur qui s’en est porté acquéreur pour une bouchée de pain fait depuis des affaires d’or.
Les choses s’avèrent parfois plus compliquées que prévu.
Pour pallier l’accusation de financer indirectement l’invasion russe en Ukraine, les pays d’Europe occidentale ont annoncé leur intention de cesser, d’ici la fin de l’année, leurs achats d’hydrocarbures russes.
La distribution mondiale de pétrole et de gaz naturel s’opère par une série de vases communicants. Ce que la Russie ne vend pas à l’Europe, elle le vend là où la consommation est croissante.
Les États-Unis peuvent bien interdire à la Chine ou à l’Inde d’en acheter; tant que les oléoducs ne seront pas équipés de compteurs américains, c’est peine perdue.
En annonçant leur résolution pieuse, les pays européens ont déclenché de l’insécurité sur les marchés mondiaux.
Cette ‘insécurité’ est bien relative. Au lieu de décharger sa cargaison à sa destination prévue, un méthanier la déchargera ailleurs. Et ce qui ne sera pas acheminé ailleurs le sera autrement.
Le mot ‘insécurité’ est le signal qu’attendent toutes les pétrolières pour hausser leurs prix. C’est l’équivalent de la cloche qui annonce aux écoliers le début de la récréation.
Depuis le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne, le prix du pétrole s’est accru de manière importante. Si bien que les revenus que la Russie en tire sont 60 % supérieurs cette année en comparaison avec ceux de l’an dernier.
C’est plus que tout le matériel militaire russe détruit depuis le début de la guerre.
Et ce, en dépit du fait que ce pays écoule son pétrole à 30 % en dessous du prix courant.
Ce prix d’ami est une des conséquences de l’appréciation de la valeur du rouble.
En bannissant les banques russes du système SWIFT — qui facilite les flux financiers — les pays européens ne pouvaient pas s’attendre à ce que la Russie leur livre du pétrole et du gaz naturel sans être payée en retour.
Ce pays a donc exigé d’être payé en roubles. Hypocritement, les dirigeants de l’Union européenne l’ont accusé de violer les termes des contrats d’approvisionnement, libellés en euros.
Imaginez un locataire qui paierait son loyer avec un chèque postdaté. Il aurait beau dire qu’il a payé; si le propriétaire est incapable de toucher cet argent, c’est comme si le paiement n’avait jamais été effectué.
Donc il était normal que la Russie impose le paiement en roubles.
Bref, après les protestations d’usage, les pays concernés (dont l’Allemagne) ont secrètement cédé à cette exigence.
En temps normal, la Russie est payée en devises fortes, dont le dollar américain et l’euro. Ce qui lui permet de payer ses importations.
En somme, il est rare que d’importants contrats internationaux soient conclus en devise russe.
La demande soudaine pour cette dernière par les pays acheteurs d’hydrocarbures russes augmente sa valeur.
Tout au début de l’invasion russe, cette devise s’est effondrée, passant de 78 à un creux de 138 roubles pour un dollar américain.
Depuis le contournement des sanctions occidentales, cette devise a repris de la vigueur. Ces jours-ci, elle vaut plus qu’avant le début de la guerre, soit 57 roubles pour un dollar.
Toutefois, quand la monnaie d’un pays vaut plus cher, cela nuit à ses exportations. Pour compenser, la Russie diminue donc le prix de ses hydrocarbures à des pays amis. Ce qui lui permet de demeurer compétitive.
Références :
La Russie inonde la Chine avec son pétrole
Les usines russes de Renault passent aux mains de Moscou
Malgré les sanctions, la monnaie russe est aujourd’hui plus forte qu’avant la guerre
Malgré les sanctions, les revenus pétroliers de la Russie augmentent
McDonald’s et la culture du bannissement
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