Maisons des ainés : un éléphant blanc ?

Publié le 28 mai 2022 | Temps de lecture : 4 minutes

Introduction

Lors de la campagne électorale de 2018, la Coalition Avenir Québec (CAQ) promettait de construire une trentaine de Maisons des ainés au cours de son premier mandat.

Chacune d’elles pouvant loger un maximum de cent-trente personnes, cela représente au total 3 480 places en quatre ans, soit 870 places par année.

Remplacer par mieux

À l’époque, l’intention de la CAQ n’était pas d’augmenter la capacité d’hébergement du réseau, mais de moderniser la manière d’héberger les personnes en perte d’autonomie en remplaçant peu à peu les anciens hospices par des édifices où chaque chambre serait ergonomiquement plus efficace et où les aires communes seraient vastes et lumineuses.

Puisque 870 places, c’est moins de trois pour cent de la capacité actuelle du réseau public (qui compte 37 500 places), ce remplacement aurait été complété dans trente ans.

Selon le rapport gouvernemental Les aînés au Québec, paru en 2017, il y a 1,6 million de citoyens âgés de 65 ans ou plus au Québec. Ceux-ci sont suivis par 1,8 million de personnes présentement âgées de 50 à 65 ans.

Même en tenant compte de la mortalité naturelle d’une partie de nos vieillards, de plus en plus de personnes se bousculeront aux portes de nos hospices dans les années qui viennent.

Parallèlement, la forte dénatalité qui a succédé au babyboum a diminué l’importance démographique des générations suivantes, c’est-à-dire de celles qui auront à financer les Maisons des ainés par leurs impôts.

Compléter par mieux

Supposons que le gouvernement du Québec ait pris la sage décision de renoncer à remplacer peu à peu les places existantes et qu’il ait plutôt choisi d’ajouter des places, tout en maintenant fonctionnel le réseau existant.

Dans tous les cas, nous faisons face à un important problème financier.

Le budget de construction des 46 maisons des ainés (complétées ou en voie de l’être) est de 2,79 milliards$. Pour un total de 3 480 places, à raison d’un peu plus de huit-cent-mille dollars par personne.

Quant à leur budget d’exploitation, on l’estime à 1,5 milliard$ sur cinq ans, soit l’équivalent d’un loyer mensuel de 7 183$.

Puisqu’on y héberge des personnes en perte d’autonomie, c’est un milieu où on assure une couverture de soins (médicaux et infirmiers, entre autres), on y sert des repas et on y organise des loisirs.

Bref, il est normal que l’hébergement dans une Maison des ainés soit plus couteux que dans une simple maison de chambre.

Toutefois, l’hébergement dans ces établissements constitue une mesure sociale et en tant que telle, doit viser à répondre à des besoins essentiels.

D’où la question : peut-on couvrir ces besoins essentiels à cout annuel moindre que 143 678$ par personne ?

Soins à domicile vs rénovictions

Dans nos établissements de Santé, l’épidémie au Covid-19 a révélé de graves lacunes dont la correction nécessitera des investissements très importants dans les années qui viennent.

La construction de seulement 3 480 places en Maisons des ainés — ce qui ne couvre même pas l’augmentation des besoins dans le réseau — entrainera un investissement de 2,79 milliards$.

Du coup, il serait sage d’évaluer le rapport cout-bénéfice de ce mode d’hébergement afin d’éviter de poursuivre une expérience qui pourrait s’avérer ruineuse pour notre filet de protection sociale.

Pour éviter une explosion des couts, il faut investir massivement dans les soins à domicile; plus on maintient l’autonomie de nos vieillards, moins cela coute cher.

Mais pour cela, le gouvernement actuel devra faire preuve de beaucoup plus de détermination pour lutter contre les rénovictions — les évictions sous prétexte de rénovation — qui affectent de manière disproportionnée les personnes âgées.

En pleine crise du logement, lorsqu’un vieillard est jeté à la rue, il risque de venir engorger le réseau de nos hospices même s’il aurait pu encore vivre des années dans son propre appartement.

Références :
Le désamour de la CAQ pour les ainés
Maisons des aînés : les coûts gonflent encore

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| 2018-202X (années Legault), Sociologie | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel