La Canadian Constitution de 1982 : une constitution verrouillée

Publié le 26 mai 2022 | Temps de lecture : 9 minutes
Cour suprême du Canada

Introduction

Les constitutions sont des créations humaines. Or la perfection n’est pas de ce monde.

Selon l’évolution des mentalités et selon l’interprétation qu’en font les juges, les constitutions ont souvent besoin d’être retouchées.

Au Royaume-Uni

Le Royaume-Uni ne possède pas de constitution au sens moderne du terme. La Magna Carta de 1215, l’ensemble des lois du pays et leur jurisprudence font office de constitution.

Longtemps champion du multiculturalisme, ce pays s’en est éloigné lorsque récemment, les mentalités ont évolué.

Imposer le serment d’adhésion aux valeurs du pays, voire obliger la connaissance préalable de la langue de Shakespeare aux immigrants avant qu’ils ne mettent le pied sur le sol britannique, cela fut possible sans nécessiter d’amendements constitutionnels; il suffit qu’une nouvelle loi qui remplace l’ancienne.

Donc à toutes les semaines, la Chambre des communes de Londres fait évoluer le droit constitutionnel britannique.

Aux États-Unis

Le droit à l’avortement peut être constitutionnel ou non, selon l’idéologie qui prévaut au sein de la Cour suprême de ce pays.

D’autre part, le droit ‘sacré’ de chaque citoyen de posséder une arme à feu découle d’un amendement à la Constitution adopté en 1791, soit quinze ans après l’indépendance américaine.

Son but inavoué était de permettre aux ‘Blancs’ de s’armer en vue de former des milices afin de traquer et de tuer les esclaves enfuis de leur plantation cotonnière.

De nos jours, elle prend la forme de ces justiciers bénévoles qui, sous le prétexte de sécuriser leur voisinage, font la chasse aux ‘Noirs’ et les assassinent dès que ceux-ci tentent de s’opposer à leur traque.

À l’image des colons anglais qui faisaient la chasse (au sens strict du terme) aux Béothuks de Terre-Neuve au point de les exterminer.

Depuis l’invention des téléphones multifonctionnels, ces justiciers sont moins facilement innocentés par des jurys.

D’autre part, les innombrables tueries qui sévissent dans ce pays pourraient cesser du jour au lendemain si la Cour suprême américaine interprétait beaucoup plus rigoureusement cet amendement constitutionnel qui, à sa face même, ne veut pas dire ce que les tribunaux lui ont fait dire.

Au Canada

Pour des raisons historiques, le Canada fait partie des pays régis par une constitution écrite.

Celle de 1867 était une loi britannique (le British North America Act) adoptée par le parlement de Londres.

Contrairement à ce qu’on pense, les Canadiens ne sont pas tous protégés par cette constitution puisque les peuples autochtones du pays sont plutôt soumis au ‘Droit autochtone’. Cet apartheid juridique puise sa source dans l’Indian Act de 1876 qui a valeur constitutionnelle.

Pour les autres, la constitution de 1867 fit l’affaire pendant plus d’un siècle. Jusqu’au jour où l’Assemblée nationale du Québec adopta la Loi 101, un texte législatif qui lui permettait de se doter de moyens efficaces pour lutter contre l’anglicisation du Québec.

Les ‘lacunes’ de la loi constitutionnelle de 1867 furent aussitôt corrigées par la Canadian Constitution de 1982, adoptée par l’ethnie dominante du pays à la suite d’une séance ultime de négociation à laquelle nous n’étions pas invités.

Cette ethnie agissait ainsi comme l’aurait fait n’importe quel pouvoir impérial à l’égard d’une colonie.

Un droit constitutionnel malléable

Les constitutions ‘anglo-saxonnes’ sont du Common Law et s’interprètent comme tel.

Or contrairement au droit civiliste, le Common Law est souple; un mot peut signifier une chose ou son contraire selon le juge qui en établit l’interprétation.

C’est ainsi que toute personne (sauf une femme) pouvait être nommée au Sénat canadien jusqu’en 1929. En effet, la Cour suprême, dans sa grande sagesse, estimait que les femmes n’étaient pas des personnes.

Je n’y aurais pas pensé…

Il a fallu une décision contraire du Conseil privée de Londres — auprès duquel le parlement canadien pouvait, à l’époque, faire appel — pour que le mot ‘personne’ change soudainement de sens.

C’est ce qui fait la force (et la faiblesse) du Common Law; c’est du mou.

Mais il arrive qu’on ne puisse pas étirer l’élastique au-delà d’une certaine limite.

Au Québec, lorsqu’on a voulu que les commissions scolaires ne soient plus divisées selon l’appartenance confessionnelle, mais plutôt l’appartenance linguistique, il était impossible de trouver un juge qui pouvait penser que ‘confessionnelle’ veut dire ‘linguistique’.

On a dû amender la constitution de 1867. Ce qui fut fait en 1997 parce que les mécanismes d’amendement avaient la souplesse requise.

Ce n’est plus le cas depuis la Canadian Constitution de 1982. Pour être certain que la camisole de force constitutionnelle imposée au Québec soit blindée, on a rendu ses amendements terriblement compliqués.

Une clause non fiable

Mais cette constitution possède une échappatoire; la clause dérogatoire.

En principe, cette clause permet à n’importe quelle législature d’adopter une loi qui serait contraire à des dispositions constitutionnelles.

C’est précisément dans ce but qu’elle fut ajoutée au texte constitutionnel, à la demande des provinces des Prairies.

Mais ceux qui interprètent cette clause littéralement s’imaginent avoir affaire à du code civiliste. Au contraire, c’est du Common Law.

C’est ainsi que la constitution de 1867 exige que la publication des lois québécoises se fasse dans les deux langues officielles du Canada afin que les Québécois, autant francophones qu’anglophones, puissent en prendre connaissance dans leur langue.

Le texte de la constitution ne va pas au-delà.

Mais à l’époque où la Cour suprême était dirigée par le juge Bastarache, on avait utilisé un concept à la mode parmi les juristes — soit celui des exigences constitutionnelles non écrites — pour statuer que même si ce n’était écrit nulle part, l’Assemblée nationale du Québec devait adopter simultanément les versions françaises et anglaises des lois et non seulement les traduire après l’adoption de la version originale française.

Depuis, la Cour suprême n’a pas renoncé à ce concept, mais elle l’applique de manière plus parcimonieuse, afin d’établir des normes de justice fondamentale et non pour de simples peccadilles comme c’est le cas pour l’exemple que nous venons d’évoquer.

La constitution des Anglo-canadiens

Strictement parlant, rien ne limite le pouvoir d’utiliser la clause dérogatoire; un parlement peut l’invoquer aussi souvent qu’il le souhaite.

Le Québec est d’autant plus justifié de le faire qu’il n’a pas souscrit à cette constitution (adoptée sans lui) et qu’elle reflète des valeurs qui ne sont pas les nôtres.

Or justement, c’est une constitution qui élève au rang de droit fondamental de simples ‘caprices constitutionnels’ comme le ‘droit’ des représentants de l’État de porter des breloques religieuses ou le ‘droit’ de nos jeunes Rhodésiens du West Island de refuser d’apprendre un peu de français à l’école.

Même si cela n’est écrit nulle part, la Cour suprême du Canada possède toute la latitude qu’il lui faut pour créer des limites constitutionnelles au droit d’invoquer la clause dérogatoire.

Si elle devait le faire, certains crieront au scandale et compareront la Cour suprême à la tour de Pise, toujours penchée du bord d’Ottawa (qui nomme ses juges et les rémunèrent).

Conclusion

Si le Québec doit invoquer la clause dérogatoire pour se soustraire à la Charte canadienne des droits et libertés (c’est le nom officiel de la Canadian Constitution), ce n’est pas la preuve qu’il entend violer des droits fondamentaux.

C’est parce que cette charte est taillée sur mesure pour rendre inexorable la colonisation anglaise du Québec. Ou bien on s’y soustrait, ou bien le peuple francoQuébécois sera ‘Louisianisé’ dans cent ans. C’est aussi simple que ça.

Le seul moyen d’assurer la pérennité du français au Québec et de créer une société selon nos valeurs laïques, c’est par l’indépendance nationale.

À l’occasion de deux référendums, les Québécois ont refusé d’assumer leur destin et ont préféré remettre leur sort entre les mains d’une ethnie dont la classe politico-médiatique et judiciaire nous a toujours été hostile.

C’est vraiment brillant…

Références :
Adoption d’un amendement constitutionnel relatif à l’éducation
Célèbres cinq
Constitution du Royaume-Uni
Deuxième amendement de la Constitution des États-Unis
Droit autochtone canadien
La façade ministérielle de l’État canadien
La fêlure du Canada : l’adoption de la constitution sans le Québec
La violence par arme à feu atteint des proportions terrifiantes
Le génocide des Béothuks à Terre-Neuve
Les origines racistes du deuxième amendement
Les principes constitutionnels non écrits : qu’est-ce qui se passe dans ce domaine?
L’intégration des immigrants en Grande-Bretagne
Lois 21 et 96 : Ottawa prêt à défendre les droits des minorités en Cour suprême
Meurtre d’un joggeur afro-américain : les trois accusés condamnés à la prison à vie

Parus depuis :
Ottawa contre l’exigence du français pour la recevoir la citoyenneté au Québec (2022-09-28)
Disposition de dérogation : Trudeau envisage de se tourner vers la Cour suprême (2023-01-21)

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