Toute alliance militaire repose sur la crainte d’un ennemi commun.
Depuis l’effondrement du bloc soviétique, l’Otan se cherchait une vocation.
En février 2014, l’annonce par l’Ukraine qu’elle retirera au russe son statut de langue officielle en Crimée — très majoritairement peuplée de Russophones — provoque son indépendance et son rattachement à la Russie.
Pour l’Otan, cette annexion est une aubaine; c’est la preuve de l’expansionnisme russe.
Du coup, en septembre de cette année-là, les pays membres de l’Otan se sont engagés à ce qu’en 2024, le niveau de leurs dépenses atteigne un minimum de 2 % de leur produit intérieur brut (PIB).
Cette nouvelle course aux armements a été déclenchée alors la puissance militaire américaine était déjà cinq à dix fois supérieure à celle de la Russie. En d’autres mots, alors que toute déclaration de guerre de la Russie à l’Occident aurait été suicidaire.
En 2016, en déplaçant une partie de leur arsenal nucléaire de leur base turque d’Incirlik à leur base roumaine de Deveselu, les États-Unis ont réduit la distance de leurs ogives nucléaires de Moscou de 2 000 km à 1 488 km.
Dès l’adhésion éventuelle de l’Ukraine à l’Otan, le redéploiement des ogives nucléaires américaines dans ce pays diminuera considérablement temps d’une frappe américaine contre la Russie.
Celle-ci ne peut tolérer la présence d’un ennemi militaire dans sa cour arrière. Tout comme les États-Unis ne pouvaient pas tolérer la présence de missiles russes à Cuba (d’où la Crise des missiles de 1962).
En 2021, pendant des mois, la Russie a amassé ses troupes à la frontière ukrainienne. Plutôt que d’y voir là une matière à réflexion, l’Ukraine s’est entêtée à croire que tout cela n’était qu’un bluff.
Jamais il n’est venu à l’esprit des dirigeants ukrainiens que toutes les sanctions occidentales appliquées dès le lendemain d’une invasion de la Russie n’étaient rien pour elle en comparaison avec la possibilité d’un anéantissement nucléaire de ce pays par des missiles de l’Otan une fois déployés en Ukraine.
Bref, pour la Russie, la neutralité militaire ukrainienne correspond à un objectif géostratégique crucial.
David contre Goliath
Maintenant que la guerre russo-ukrainienne est déclenchée, les Ukrainiens sont seuls à affronter la tempête.
Les appels désespérés du président Zelensky n’y changent rien; la fourniture d’armes américaines à l’Ukraine affaiblira incontestablement l’armée russe, mais ne changera pas l’issue de la guerre, connue d’avance.
Plus tôt l’Ukraine capitulera, plus elle limitera la souffrance de son peuple et le tribut de guerre qu’elle aura à payer à la Russie pour les dommages causés à son armée. Parce que les perdants paient toujours un tribut de guerre au gagnant.
À partir du moment où Vladimir Poutine confie l’armée russe au général Dvornikov (qui ne fait pas dans la dentelle), on doit s’attendre à assister à la méticuleuse destruction de l’économie ukrainienne au cours des semaines ou des mois qui viennent.
Ce qui permettra aux États-Unis de susciter l’indignation et d’agiter l’épouvantail russe.
Une occasion d’affaires
Déjà, tous les pays de l’Otan sont plus déterminés que jamais à s’armer en dépit de leur incontestable supériorité militaire. En bonne partie, cette augmentation des budgets de la Défense sera constituée d’achats de matériel militaire américain.
Pourtant, la Russie rencontre des difficultés à s’emparer de l’Ukraine, un pays adjacent de 44 millions d’habitants. Comment peut-on s’imaginer qu’elle partirait à la conquête des 880 millions de personnes qui peuplent l’Union européenne, la Grande-Bretagne, le Canada et les États-Unis ?
Ce danger est tellement invraisemblable qu’on demeure médusé devant l’extraordinaire pouvoir de conviction de la propagande américaine et devant l’empressement de nos journalistes à la répéter comme des perroquets.
En rendant toxique toute relation commerciale avec la Russie, les États-Unis espèrent remplacer ce pays comme fournisseur important de pétrole et de gaz naturel à l’Europe.
S’ils devaient réussir, cela donnerait aux entreprises américaines un avantage concurrentiel puisque les hydrocarbures américains seront toujours moins chers lorsqu’achetés aux États-Unis plutôt qu’une fois transportés en Europe, à des milliers de kilomètres.
En d’autres mots, la campagne américaine pour inciter les Européens à s’affranchir des hydrocarbures russes vise à assujettir davantage l’Europe à la puissance hégémonique des États-Unis.
Les conséquences mondiales du conflit
Si cette guerre se prolonge, elle entrainera des révoltes dans les pays qui dépendent de l’approvisionnement en céréales d’Ukraine et de Russie, de même que dans ceux où les agriculteurs ont besoin des engrais chimiques russes. Dans un cas comme dans l’autre, guerre égale famine égale révolte.
Le boycottage de l’économie russe provoque artificiellement la pénurie de tous ses produits d’exportation. Ce qui veut dire que l’inflation, déjà évidente avant le conflit, sera propulsée à des niveaux imprévisibles.
Cela obligera les banques centrales à relever leurs taux d’intérêt de base. Ce qui provoquera un ralentissement économique. Or toute diminution de la consommation entraine parallèlement une diminution des sommes perçues sous forme de taxes à la consommation (TVA, taxes de vente, etc.).
Lorsque les États sont peu endettés, ils peuvent entreprendre de grands chantiers pour soutenir l’économie lorsque survient un ralentissement.

Malheureusement, de nombreux pays se sont fortement endettés au cours du confinement décrété en début de pandémie. Dans le cas de la France, sa dette actuelle équivaut maintenant à 116,3 % de son PIB (comparativement à un peu plus de vingt pour cent pour la Russie).
Le ralentissement économique et l’augmentation des couts de la dette obligeront les États à remettre à plus tard les projets colossaux qui sont nécessaires à combattre le réchauffement climatique.
La seule issue budgétaire pour eux sera d’adopter des mesures d’austérité.
Entre autres, cela signifie moins d’argent pour nos hôpitaux, moins pour nos écoles, moins pour le transport en commun, et moins pour le logement social.
Tout cela parce que la priorité budgétaire sera l’accroissement futile de nos dépenses militaires. Au Canada, l’armée sera une vache sacrée qui bouffera annuellement 34,5 milliards$, soit deux pour cent du PIB.
Pour une famille canadienne de deux parents et de deux enfants, c’est 3 681 $ qu’on prélèvera chaque année dans ses poches.
Ceux qui applaudissent aujourd’hui ces augmentations seront les premiers à protester contre l’appauvrissement que cela entrainera.
Après le fiasco de la lutte sanitaire en Occident, les gouvernements qui ont si mal protégé leur population contre la pandémie peuvent s’attendre à la montée de la colère du peuple quand ils entreprendront de le faire souffrir davantage par des mesures d’austérité.
Références :
À la fin du troisième trimestre 2021, la dette publique s’établit à 2 834,3 Md€
Aleksandr Dvornikov: Russian general who helped turn tide of Syrian war
Crise des missiles de Cuba
Dépenses militaires : le Canada s’éloignerait de la cible de 2 % de son PIB
Des budgets militaires en expansion
Doubler les dépenses militaires et la dénaturation du Canada
Guerre en Ukraine : Egypte, Liban, Soudan… Ces pays menacés par des pénuries alimentaires à cause du conflit
La dépendance du marché des engrais à la Russie met à risque la production céréalière
La Finlande décidera « d’ici quelques semaines » de son adhésion à l’OTAN
Le budget fédéral prévoit une aide militaire de 500 M$ de plus à l’Ukraine
Le Canada a formé des éléments d’un régiment ukrainien lié à l’extrême droite
Le coût des engrais devrait continuer d’augmenter en raison de la guerre en Ukraine
Pas de retombées furtives pour le F-35
Théorie des dominos
Ukraine economy to shrink by almost half this year, World Bank forecasts
US moves nuclear weapons from Turkey to Romania
U.S.-Ukraine Charter on Strategic Partnership
Parus depuis :
The Energy Shock — Germany Plans for a Winter Without Gas from Russia (2022-07-29)
Au Royaume-Uni, nouvel épisode des grèves de la colère face à l’inflation (2022-08-18)
En Belgique, la colère sociale gronde face à l’explosion des factures énergétiques (2022-09-09)
Complément de lecture : L’engrenage ukrainien
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Jean-Pierre,
Je te réponds, assez longuement à vrai dire.
Tu écris : « En février 2014, l’annonce par l’Ukraine qu’elle retirera au russe son statut de langue officielle en Crimée — très majoritairement peuplée de Russophones — provoque son indépendance et son rattachement à la Russie.»
Mais c’est l’armée russe qui a envahi la Crimée, violant la signature de Eltsine, 1er président élu de toute l’histoire de la Russie, qui avait accepté les frontières de 1991.
« l’Otan se cherchait une vocation.»
Où est la preuve de cette affirmation ?
« En 2016, en déplaçant une partie de leur arsenal nucléaire de leur base turque d’Incirlik à leur base roumaine de Deveselu, les États-Unis ont réduit la distance de leurs ogives nucléaires de Moscou de 2 000 km à 1 488 km.»
C’était en 2016, soit deux ans après l’invasion de la Crimée par la Russie.
Jean-Pierre, tu devrais féliciter les Américains d’avoir les yeux ouverts et de savoir tirer la conséquence (encore très modérée) devant un pays envahisseur.
D’ailleurs, reconnais-tu que Poutine a bel et bien envahi un territoire par delà le droit international ?
Si la langue anglaise était interdite au Québec, que penserais-tu des USA s’ils envahissaient le Québec pour protéger les Anglophones de Montréal ? Cette invasion est de la démence mon cher Jean-Pierre. En conviens-tu ?
« La Russie ne peut tolérer la présence d’un ennemi militaire dans sa cour arrière.»
Mais la Russie tolère déjà 3 bases américaines en Turquie, et qui est dans l’Otan ! Et elle est comme l’Ukraine contiguë à la Russie.
Il y a (800 des bases américaines en 177 pays !). Ces pays en sont ravis. Sans elles, ils seraient envahis tant les Saddam Hussein pullulent en tout pays non démocratiques.
En quoi, un simple déplacement d’ogives ou de personnel d’une base à l’autre changerait stratégiquement la donne ? Comment un simple déplacement de matériel pourrait être politiquement significatif ?
« En 2021, pendant des mois, la Russie a amassé ses troupes à la frontière ukrainienne.»
Tu cautionnes ce genre de moyen diplomatique pour régler un simple conflit linguistique entre Ukrainiens russophones et non russophones ?
Une langue menacée mérite qu’on envoie à la mort 1 million de non-Russes mobilisés de l’outre-Oural ?
« La possibilité d’un anéantissement nucléaire de ce pays par des missiles de l’Otan une fois déployés en Ukraine.».
Jean-Pierre, on n’envahit pas un pays, le dévastant et y tuant des deux côtés un million de personnes, pour se protéger d’une « possibilité ».
Depuis quand, en droit, met-on en prison en cas de « possibilité » de récidive un ancien détenu qui a déjà purgé sa peine ?
La Chine et les USA, devant la très exactement même possibilité de l’anéantissement nucléaire, jamais ils n’ont bougé un soldat l’un contre l’autre depuis la fin de la guerre de Corée 1950-53 ?
« Pour la Russie, la neutralité militaire ukrainienne correspond à un objectif géostratégique crucial.»
La neutralité de l’Ukraine devant un Gorbatchev ou devant un Eltsine serait envisageable.
Mais pas devant un Poutine connaissant son comportement en Tchéchénie, en Georgie et en Syrie. Et son mot révélateur d’un impérialisme sans complexe : « Là où un soldat russe met le pied, ce sol devient russe.»
La neutralité suisse ne vaut rien militairement. Mais elle est demeure sensée puisque la Suisse est entourée de pays démocratiques… et membres de l’Otan !
Selon ton raisonnement, la Suisse devrait s’allier militairement à la Russie car elle est entourée par l’Otan ?
« Plus tôt l’Ukraine capitulera…»
On croirait entendre Poutine.
Si, comme moi, tu ne veux pas que le Canada capitule devant Trump, comment justifier le souhait que l’Ukraine cède devant Poutine ?
« Comment peut-on s’imaginer que la Russie de Poutine partirait à la conquête des 880 millions de personnes qui peuplent l’Union européenne, la Grande-Bretagne, le Canada et les États-Unis ?»
Tu grossis l’argument pour le rendre ridicule. En le grossissant au-delà du possible.
La Russie populiste, impériale de Poutine, ne veut que refaire l’URSS qui, malgré le projet planétaire de l’internationalisme marxiste-léniniste, était restée russe, uniquement russe. Avec à sa tête un Géorgien ! Jamais Moscou n’a fait du Pacte de Varsovie ou du Comecon une table à égalité des participants.
Le prochain sur la liste est la Moldavie, puis la Roumanie, puis la Bulgarie. Mais d’ici là, l’Europe aura sa défense propre et renforcée et Poutine sera stoppé, à moins qu’il ne disparaisse.
Le néo-impérialisme russe est une idiotie réactionnaire. Une impossibilité.
À terme, les nains se font battre : L’UE en PIB pèse 18 milliards d’euros et la Russie 2 !!!
Et les USA qui appuieront l’UE : 29.
Donc 47 contre 2. Ce n’est pas David contre Goliath, c’est Massada contre l’armée romaine…
Jean-Pierre, au bluff, quand je n’ai qu’un 3 de carreau et un deux de pique, et que l’autre en face a 3 as et 3 rois, je m’écrase et je dis : « Je passe ».
Où est la raison, autre que la stupidité, qui poussent les nationalistes russes à vouloir ressembler à Staline ?
Quant aux Américains, cher Jean-Pierre, j’ai enseigné l’histoire américaine durant 10 ans. Assez pour connaitre tous leurs défauts.
Leur force : sa gauche (qui ne rend jamais les armes) les reconnait. Elle les martèle pour fortifier sa démocratie. Elle ne peut vivre sans fake news, et ceux-ci sont démasqués sans arrêt.
La liberté d’expression maximalisée fouette son énergie et empêche toute léthargie. Les fautes et les erreurs fatalement surviennent. Mais elle les ramasse à la petite cuillère sans les cacher.
En revanche, le néo-impérialisme russe n’a fait aucune analyse ou introspection sur l’échec de l’URSS. Et ils reproduisent les mêmes erreurs, comme entrer en Ukraine comme ils sont entrés en Afghanistan (1979-89).
Jean-Pierre, comment peux-tu accepter que les Russes de 2025 s’allient avec les talibans ? Les plus barbares qui soient au gouvernement d’un pays dans le monde.
« Le boycottage de l’économie russe provoque artificiellement la pénurie de tous ses produits d’exportation. Ce qui veut dire que l’inflation, déjà évidente avant le conflit, sera propulsée à des niveaux imprévisibles.»
Ce n’est qu’un ajustement entre prix relatifs, qui n’est pas de l’inflation.
Jean-Pierre, l’inflation n’est jamais causée par les flux des produits réels, quels qu’ils soient.
Elle est produite par un excès de la création monétaire par la banque centrale de tout pays qui en est victime. Qui le dit ? La théorie quantitative de la monnaie, de Fisher.
Elle fut réactivée ou encore mieux prouvée par Milton Friedman, qui eut raison contre les Keynésiens qui pensaient que l’inflation résultait d’un excès de la demande globale (C+ I + G + X-M) sur l’offre globale. L’équation quantitative de la monnaie fut pensée en 1920 par Fisher. C’est MV = PT.
À la fin de ton article, tu fais bien de mentionner l’appauvrissement de la société civile, partout dans le monde, à la suite de la hausse des dépenses militaires. C’est fort juste, d’évidence et bête à hurler.
Mais si tu réfléchis à la séquence des événements, aucune de ces conséquences maléfiques ne serait arrivée si Poutine n’avait pas envahi la Crimée en 2014.
Où serait la complaisance de Trump face à la Russie, si ce n’est cette terrible humiliation, si les Russes sortaient les vidéos minables qu’ils auraient fait sur Trump à son insu lors de débats avec des filles russes très professionnelles…?
Ce n’est de ma part que spéculation. Mais je sais faire la différence entre une spéculation, des faits prouvés et la propagande russe.
Que penses-tu de ce chantage possible, rien que possible, sur la sexualité de Trump par les Russes ? La planète a quelques leaders minables qui se nourrissent de fonds d’égout. Et ils sont hyper puissants ou hyper dangereux :
https://www.ledevoir.com/monde/etats-unis/800044/donald-trump-poursuit-auteur-rapport-liens-supposes-russie
Je vais envoyer copie de ma réponse à deux publications françaises, virulemment anti-islamistes et populistes de droite, mais… financés par les Russes, à tout le moins leur site d’hébergement est .ru. Je l’ai trouvé par hasard. C’est Riposte laïque :
https://ripostelaique.com/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Riposte_la%C3%AFque
Ainsi que Résistance républicaine de Christine Tassin :
https://resistancerepublicaine.com/
J’ai tenté de converser avec eux. Ils ont vite refusé car je ne suis nullement d’extrême-droite. Comme tu sais, je suis social-démocrate, laïciste, pro-immigration qui soit parfaitement intégrée aux valeurs de la modernité universaliste, anti-croyance et anti-secte, et fédéraliste. On ne se fait pas beaucoup d’amis avec ce cumul d’étiquettes bien affichées.
Imagine que ces deux Revues électrononiques ne voudront pas publier mon commentaire-ci, mais ils accepteront le tien qui lui répond.
Ils sont, même le niant, facho-catho partisans de l’omerta contre les idées qui ne leur conviennent pas. Comme quoi, les portes s’ouvrant ou se fermant révèlent le fond du cœur et de l’esprit du propriétaire de l’édifice.
Jean-Pierre, il faudrait bien se rencontrer à Québec. J’y habite. Que de belles conversations nous aurions ! Si tu aimes en plus le bon vin.
Toujours un plaisir de te lire, Jean-Pierre. Tu me forces à la réflexion. C’est le but de tout débat public.
À la prochaine.
Jacques Légaré
Permettez-moi de me limiter à l’essentiel.
Premièrement, une des leçons de l’histoire est qu’on doit toujours séparer des empires ennemis par des pays-tampons.
Tout comme on doit éviter que deux beaux-frères qui se détestent soient assis l’un à côté de l’autre au Réveillon de Noël.
L’Ukraine est un de ces pays tampons. Voilà pourquoi Vladimir Poutine a déclaré dès 2008 que toute tentative de l’Ukraine de rejoindre l’Otan serait un casus belli.
Tout comme les États-Unis ne pouvaient pas tolérer en 1962 que la Russie déploie des missiles à Cuba, la Russie ne peut pas tolérer que les États-Unis déploient leurs missiles nucléaires à 500 km de Moscou.
Deuxièmement, la Turquie n’est pas contigüe à la Russie; la mer Noire les sépare. Un demi-million de fantassins de l’Otan précédés de milliers de chars d’assaut pourraient envahir la Russie à pied à partir de l’Ukraine. À partir de la Turquie, c’est plus loin et plus compliqué.
Troisièmement, implicitement, vous semblez croire que le slogan de Poutine pourrait être Make Russia Great Again. C’est faux.
Pendant des décennies, la Russie a entretenu d’excellentes relations avec la Finlande (un ancien duché russe) en dépit du fait que ce pays, de 1945 à 1970, avait un budget de défense microscopique et donc, était une proie facile.
Les pays baltes ont persécuté leur minorité russe de leur indépendance retrouvée en 1991 à leur adhésion à l’Otan en 2004. Jamais n’ont-ils été menacés d’invasion russe. Pourquoi ? Parce que cette persécution (qui se poursuit toujours) n’allait pas jusqu’à les tuer.
Contrairement à l’Ukraine où de 2014 à 2022, entre quatorze et seize-mille personnes ont été tuées, très majoritairement parmi la population russophone de l’Est du pays, au cours de la guerre civile qui s’y est déroulée.
À l’exception de la Tchétchénie, la Russie envahit un territoire afin de protéger la population qui l’habite. Et ce, à la demande du gouvernement sécessionniste qui la représente.
La Russie n’a pas empêché les massacres des Russophones d’Odessa parce que l’oblast d’Odessa n’a pas fait appel à elle.
La Russie a envoyé des troupes en Crimée seulement après que les Criméens eurent voté en faveur de leur indépendance et après que le gouvernement libre de Crimée ait fait appel à elle.
La Russie a laissé les Ukrainiens russophones de l’Est de l’Ukraine se faire massacrer par les milices néonazies payées par Kyiv tant et aussi longtemps qu’ils ne se sont pas constitué en gouvernement autonome réclamant la protection de la Russie. Jusque-là, la Russie se contentait de leur envoyer des armes.
Quant aux ‘petits bonhommes verts’ dont on a tant parlé, ce n’était pas des soldats russes, mais des soldats ukrainiens qui avaient changé de camp pour protéger les leurs contre la tyrannie de Kyiv.
Pour terminer, même si la propagande occidentale répète à satiété que la guerre russo-ukrainienne est illégale, cette affirmation ne s’appuie sur aucune résolution du Conseil de sécurité de l’Onu (où la Russie a droit de véto), ni sur la condamnation d’un tribunal international.
Cette accusation repose sur des résolutions non contraignantes de l’Assemblée générale de l’Onu. Or celles-ci ne font pas partie du Droit international.
Sans être juriste, mon impression est que, contrairement à l’invasion de l’Irak par G.W. Bush, l’invasion de l’Ukraine par la Russie se justifie d’un strict point de vue légal.