Le logement social à Montréal : les promesses en l’air

Publié le 21 octobre 2021 | Temps de lecture : 7 minutes

Actuellement, on estime que 23 000 familles montréalaises sont en attente d’un appartement dans un HLM (habitation à loyer modique). Or des appartements en HLM, il en existe seulement 20 000 selon La Presse, déjà tous occupés.

La crise du logement qui frappe la ville est le résultat de six décennies de sous-investissement dans le logement social. Le dernier projet d’envergure à ce sujet, ce sont les Habitations Jeanne-Mance, inaugurées en 1959.

Situé au nord-est de l’intersection du boulevard Saint-Laurent et de la rue Sainte-Catherine, ce complexe comprend 788 logements dispersés dans cinq tours de douze étages (occupées principalement par des personnes âgées), de même que quatorze multiplex en rangées de trois étages et neuf maisons de ville (occupés principalement par des familles avec enfants).

À Vienne, la ville a construit l’équivalent de deux Habitations Jeanne-Mance par année pendant quarante ans.

Au cours de la présente campagne à la mairie, Denis Coderre promet la construction de 50 000 logements au cours des quatre prochaines années, dont 10 000 logements sociaux.

À cette fin, M. Coderre mise, entre autres, sur la création d’un Fonds d’investissement d’impact de Montréal pour l’habitation sociale et communautaire doté de plus de 125 millions$ provenant de la Ville de Montréal et d’investisseurs institutionnels (comme les fonds de retraite).

Le talon d’Achille de cette promesse, c’est que si ce fonds n’est pas très rentable, aucun investisseur institutionnel n’y investira. Or on ne peut pas espérer faire beaucoup d’argent en louant des appartements à des pauvres.

Pour ne pas être en reste, la mairesse sortante renchérit; c’est 60 000 logements abordables — abordables pour qui ? — qu’elle fera construire au cours ‘des prochaines années’.

Qu’on en promette mille ou un million, il ne se fera pas de logements sociaux en nombre suffisant tant que le fédéral ne décidera pas de payer pour leur construction.

C’est à Ottawa que se trouve le seul gouvernement qui possède la marge de manœuvre budgétaire suffisante pour lancer un vaste chantier de construction de logements sociaux à travers le pays.

Les promesses des deux candidats à la mairie sont des promesses en l’air. En réalité, leurs promesses sont conditionnelles aux largesses du gouvernement fédéral, par l’intermédiaire du gouvernement québécois puisque légalement, les villes sont des créatures de l’État québécois.

À la dernière élection municipale, Mme Plante avait promis 6 000 logements sociaux et autant de logements abordables.

Des six-mille promis, seuls 1 082 logements sociaux sont construits et habités (soit 18 %). Le 82 % restant est à l’état de projet, en voie d’adoption, ou en chantier. Bref, ce n’est toujours pas fait, quatre ans plus tard.

Toujours il y a quatre ans, Mme Plante promettait de faire adopter un règlement municipal qui obligerait les promoteurs de complexes résidentiels à consacrer 20 % de leurs appartements à du logement social, 20 % à du logement abordable, et 20 % à du logement familial.

En avril 2021, le règlement promis il y a quatre ans est finalement adopté. À la veille du renouvèlement de son mandat, au lieu du 20-20-20, c’est devenu du 20-10-05. Et comme ce règlement n’a que sept mois, il n’a produit aucune réalisation concrète. Bref, du vent.

L’idée de compter sur des entrepreneurs privés pour construire des logements sociaux est une fausse bonne idée. En effet, une telle politique les incite à construire leurs immeubles résidentiels là où leur investissement sera plus rentable, c’est-à-dire hors de Montréal.

En réalité, toute construction résidentielle est de nature à soulager la crise du logement. Ceux qui y aménagent libèrent leur logement actuel. En retour, ce dernier devient disponible pour d’autres. Et par un jeu de chaises musicales, des logements moins luxueux deviennent disponibles pour des gens dont le revenu est moindre.

De son côté, Denis Coderre promet de supprimer ces exigences qui constituent selon lui une entrave à la construction domiciliaire.

Ce qui est logique; vaut mieux un tiens cher que deux tu l’auras gratuits. Mais cela ne règlera pas la pénurie de logements abordables à Montréal dans un avenir prévisible.

Tout au plus, en augmentant l’offre de logements (peu importe leur prix), on diminue le déséquilibre entre l’offre et la demande et les pressions inflationnistes sur le prix des loyers.

J’imagine que si la loi exigeait la destitution de toute administration municipale qui n’a pas réalisé le quart de chacune de ses promesses dès la première année de son mandat, Mme Plante et M. Coderre y penseraient deux fois avant de promettre n’importe quoi pour se faire élire.

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Selon les données de 2019, environ 156 000 logements ne respectent pas les règles de salubrité de la ville. Il est probable que les pires d’entre eux sont inhabités.

Au lieu d’attendre que les logements négligés par leurs propriétaires deviennent des taudis, la ville devrait saisir (sans compensation financière) les logements les plus insalubres, y effectuer des rénovations éclair afin de les mettre à niveau, et les offrir en tant que HLM.

En étatisant sans compensation financière, la ville soulage des propriétaires de logements déficitaires. Or aucun propriétaire n’intentera des procédures couteuses pour conserver la propriété d’un bien qui ne vaut rien. Il peut menacer, mais il ne le fera pas.

Donc la ville ne devrait pas hésiter.

Une telle mesure devrait suffire à loger toutes les familles montréalaises en attente d’un appartement en HLM.

Références :
Crise du logement: «La politique de l’autruche doit cesser», selon le FRAPRU
Le logement social à Vienne
Les murales peintes des Habitations Jeanne-Mance
Logement social : les leçons de Vienne

Parus depuis :
Logement social : 1 milliard de fonds dans le flou (2021-11-01)
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Écrit par Jean-Pierre Martel


Vaccination obligatoire : la redécouverte des droits collectifs

Publié le 21 octobre 2021 | Temps de lecture : 2 minutes


 
Le plus fondamental de tous les droits fondamentaux est le droit à la vie. Et dans l’échelle des droits, le droit à l’intégrité physique est probablement celui qui devrait figurer au deuxième rang.

Ce qui signifie le droit de refuser qu’on vous injecte quoi que ce soit sans votre accord.

Ceux qui s’opposent à la vaccination obligatoire au nom de ce droit ont raison.

Dans un autre ordre d’idée, lorsqu’un pays déclare la guerre et proclame la conscription obligatoire, le citoyen appelé sous les drapeaux ne peut pas invoquer son droit à la vie pour refuser de servir de chair à canon.

Et s’il déserte l’armée, il risque le peloton d’exécution.

C’est donc à dire que même un droit fondamental comme celui à la vie n’est pas absolu.

Si le pays est attaqué, il a besoin de tous ses citoyens aptes au service militaire pour protéger ceux qui ne peuvent se défendre.

Dans ce cas, le droit collectif à la vie a préséance sur le droit individuel.

Il en est ainsi en temps de guerre sanitaire.

Les travailleurs de la Santé et ceux qui exercent en milieu scolaire sont en contact avec des personnes vulnérables. Dans le premier cas, ce sont les malades. Et dans le second, ce sont les enfants non vaccinés.

Ces travailleurs sont comme ces soldats. Mais au lieu que l’État les oblige de se confronter aux dangers de la guerre, il les oblige de recevoir un vaccin inoffensif dans 99,999 % des cas.

Alors que se multiplient les obligations vaccinales à travers le monde, nous sommes en train de découvrir qu’il y a un temps pour défendre le respect des droits individuels. Et il y a un temps pour défendre le respect des droits collectifs.

C’est la menace d’un ennemi commun qui marque le basculement d’une époque à l’autre.

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Écrit par Jean-Pierre Martel