Les démocraties parlementaires en Europe
Les démocraties parlementaires sont celles où les représentants élus par les citoyens exercent les pouvoirs de l’État.
La plupart des démocraties parlementaires européennes sont nées au XIXe siècle afin de répondre aux espoirs suscités par la Révolution française.
Parce que contrairement à la Révolution américaine (qui lui est antérieure), la Révolution française eut une influence qui dépassa largement les frontières du pays dans lequel où elle se déroula.
Après la défaite de Napoléon et la restauration des diverses dynasties que les armées napoléoniennes avaient renversées, les monarques acceptèrent de partager (de manière variable selon les pays) leur pouvoir avec un parlement élu au suffrage universel masculin (étendu aux femmes au XXe siècle).
Ce parlement était toutefois soumis à l’autorité royale.
Cette forme de gouvernement hybride entre la monarchie absolue et la démocratie parlementaire est appelée monarchie constitutionnelle.
Encore de nos jours, on compte douze monarchies constitutionnelles en Europe.
L’Angleterre était déjà une monarchie constitutionnelle lorsqu’éclata la Révolution française. Et c’est cette forme de gouvernement qu’elle imposa au Canada par le biais d’une loi coloniale adoptée par le parlement britannique en 1867. Appelée British North America Act, cette loi fit office de constitution canadienne jusqu’en 1982.
L’héritage colonial du système politique canadien
Au Canada comme en Grande-Bretagne, le peuple élit les députés d’une chambre basse appelée Chambre des Communes. Indirectement, le peuple élit également le chef du gouvernement puisque le parti qui fait élire le plus de députés forme le gouvernement.
Les lois de la Chambre des Communes sont soumises à l’approbation d’une chambre haute — appelée Sénat à Ottawa et Chambre des Lords à Londres — et finalement à la sanction purement symbolique du monarque (ou de son représentant).
Alors que la Chambre des Lords est composée de membres
à vie nommés par le monarque (dont certains sont des lords héréditaires, issus de la noblesse anglaise), le Sénat canadien est composé exclusivement de nominations politiques.
Toutefois, près de 40 % des Québécois sont inaptes à y être nommés. En effet, en vertu de dispositions constitutionnelles remontant à 1867 (mais encore en vigueur), seul un propriétaire foncier est qualifié pour devenir sénateur.
Depuis 1867, on ne peut être nommé au Sénat que si on possède des terres d’une valeur minimale de 4 000 piastres (sic) dans la province ou le territoire que l’on représente ainsi que des propriétés mobilières et immobilières d’une valeur minimale de 4 000 autres piastres en sus de toutes ses dettes et obligations.
Les exigences constitutionnelles de 1867 avaient pour but de s’assurer que le Sénat canadien représenterait l’élite économique (sic) du Canada.
Ces exigences ont été reconduites dans la Canadian Constitution de 1982. Toutefois, on ignore toujours (puisque cela n’a jamais été plaidé) si le surplus exigée de l’actif sur le passif du sénateur (4 000 piastres) équivaut, juridiquement, à 4 000 dollars d’aujourd’hui ou à une valeur indexée de près de 80 000 dollars.
En somme, parmi le 60 % (approximativement) de Québécois propriétaires, la majorité d’entre eux ne peuvent pas être nommés au Sénat tant qu’ils n’auront pas payé leur hypothèque.
Au Canada, le pouvoir du peuple de choisir ses dirigeants est donc limité à la chambre basse d’un parlement bicaméral (c’est-à-dire à deux chambres).
Quand une discrimination basée sur l’argent empêche la grande majorité de la population d’un pays de pouvoir accéder à une des deux chambres d’un parlement bicaméral, ce pays ne peut pas être qualifié de démocratique.
Lorsque Justin Trudeau déclare que le Canada est un pays post-national, s’il veut dire qu’il est tellement dépourvu d’identité propre qu’il pourrait facilement disparaitre — s’annexer aux États-Unis, par exemple — sans que personne ne voit de différence, il a raison.
Mais cela ne change pas le fait que sa structure gouvernementale est celle d’une monarchie constitutionnelle, soit une structure totalement dépassée au XXIe siècle.
Les mœurs politiques au pays
Dans les vieilles démocraties nées au XIXe siècle, l’histoire politique est une succession de dictatures dont la durée est celle du mandat obtenu.
Le pouvoir du peuple ne s’exprime qu’au moment du scrutin. Une fois élu, un gouvernement majoritaire est doté de tous les pouvoirs jusqu’à l’élection suivante.
Par exemple, si la dernière tentative d’Ottawa de tripler (de 5,0 ppm à 15,0 ppm) le taux maximal de glyphosate dans le blé canadien a échoué, c’est parce que cette décision a été annoncée à la veille du déclenchement des élections.
Autrement, elle serait passée comme lettre à la poste. Comme chacune des décisions antérieures qui ont progressivement fait augmenter le taux maximal de 0,1 ppm à 5,0 ppm (50 fois plus) au fil des années.
Une campagne électorale ne comporte pas d’obligations contractuelles. En d’autres mots, rien n’oblige le politicien à réaliser ses promesses.
Une fois élu, le politicien fédéral pourra oublier les milliards d’arbres qu’il avait promis de faire planter.
Son collègue au niveau municipal pourra oublier les dizaines de milliers de logements sociaux qu’il avait promis de faire construire; parce que c’est toujours la faute d’un palier de gouvernement supérieur si cela ne se fait pas.
Et si certaines promesses nous sont familières — comme la gratuité du transport en commun aux étudiants ou aux retraités — ce n’est pas une illusion. Comme ces autoroutes promises depuis des décennies, il est important d’éviter de réaliser trop vite les promesses qui ‘marchent’ et qui pourraient encore ‘marcher’ à l’élection suivante…
Quant aux grands enjeux, notamment au sujet de l’environnement, rien de mieux qu’une promesse ambitieuse étendue deux ou trois décennies. En faisant une telle promesse, le chef d’un parti promet que ceux qui lui succèderont à la tête de l’État au cours des 20 ou 30 prochaines années la réaliseront pour lui. Ce n’est pas forçant.
L’important est de prendre le pouvoir. Une fois cela fait, les hasards de la vie fournissent toujours, sans qu’on les cherche, la justification aux promesses brisées.
Faire table rase
Tout cela dure depuis plus de 150 ans.
Il faudrait être naïf pour croire qu’on peut réformer le Canada; les changements nécessaires sont tellement fondamentaux qu’ils nécessiteraient une refonte complète de la Canadian Constitution de 1982.
Or cette constitution est verrouillée; il est impossible de l’amender de manière substantielle.
En Islande, la Révolution des casseroles a été possible parce que ce pays est petit et que son gouvernement peu militarisé est constamment à la merci de la colère du peuple.
Le Canada, lui, est une monarchie constitutionnelle qui a mal vieilli.
Ce genre de pays convenait à l’époque où le peuple était illettré. De nos jours, les citoyens se contentent de moins en moins d’être consultés une fois par quatre ans.
Pour vivre dans un pays où, en tout temps, le peuple peut ramener à l’ordre n’importe quel palier de gouvernement qui s’égare — en d’autres mots, un pays où le peuple peut destituer ses dirigeants politiques n’importe quand — rien de mieux que de créer un pays à neuf et de choisir tous ensemble comment il devrait fonctionner.
Vous voyez ce que je veux dire ?
Complément de lecture : Corruption fédérale : les voyages forment la vieillesse
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