Introduction
Jusqu’à mardi dernier, les Canadiens pouvaient se prononcer sur l’intention d’Ottawa de hausser les limites maximales de glyphosate — l’ingrédient actif du RoundUp™ de Mosanto/Bayer — dans les céréales et les légumineuses produites au Canada ou importées au pays.
La ‘norme’ du blé
Hausser la teneur en glyphosate permise dans le blé, cela se répercute sur le pain, toute la boulangerie, les pâtes alimentaires et certaines bières. Soit les fondements de notre alimentation.
Au moment où le glyphosate a été commercialisé, la ‘norme’ canadienne était de 0,1 partie par million (ppm) ou cent milligrammes de glyphosate par tonne de blé.
Au fur et à mesure qu’on utilisait le glyphosate à tort et à travers, le gouvernement canadien normalisait les abus en haussant les teneurs maximales permises.
C’est ainsi que les taux permis ont augmenté de cinquante fois pour passer de 0,1 à 5,0 ppm, notamment en raison de la maturation chimique du blé, c’est-à-dire de l’habitude d’empoisonner le blé afin de hâter sa récolte.
Au lieu de réduire les graines ainsi récoltées en farine, si on les semait, rien ne pousserait tellement ce blé est empoisonné.
Ottawa veut maintenant tripler la limite maximale permise dans le blé pour la faire passer à 15,0 ppm.
Cette limite est de 10 ppm en Europe. Cela signifie que si un agriculteur européen se trompe en mesurant son glyphosate et que son blé est interdit dans son pays, les assiettes des consommateurs canadiens lui serviront de poubelles. Au grand plaisir des importateurs canadiens qui pourront obtenir ce blé à bon prix.
Pour l’instant, les agriculteurs canadiens se réjouissent qu’Ottawa les laisse libres d’utiliser trois fois plus de glyphosate. Mais ils seront les premiers à se plaindre lorsque le blé jugé dangereux ailleurs sera l’objet de dumping sur le marché canadien.
Des normes qui ne veulent rien dire
À l’heure actuelle, les teneurs maximales permises de glyphosate varient de 0,5 ppm dans l’asperge à 200 ppm dans la luzerne.
Non pas que le glyphosate soit différent et moins dangereux dans la luzerne, mais parce que ce défoliant est inoffensif pour la luzerne génétiquement modifiée vendue au Canada. Et comme cet OGM en contient beaucoup, on en permet plus.
En réalité, les normes canadiennes n’obéissent à aucune logique. Ce sont des normes de complaisance adoptées pour rassurer les consommateurs.
Dès qu’on découvre que plus d’un pour cent des aliments dépassent les normes permises, on s’empresse de hausser ces dernières pour pouvoir dire que l’immense majorité des aliments respectent les normes.
Et plus on hausse les normes avant que l’abus soit généralisé, plus on permet à l’abus de se développer sous le couvert d’une norme plus permissive.
On ne s’étonnera donc pas que Mosanto/Bayer soit à l’origine de la demande de révision des normes. C’est ce que le quotidien La Presse révèle ce matin.
On peut présumer que cette compagnie a découvert une manière d’augmenter le rendement de la culture des céréales et des légumineuses en les empoisonnant avec encore plus de glyphosate.
Le fond du problème
Dès le départ du processus d’homologation du RoundUp™, Mosanto a fait accepter par les autorités sanitaires le principe que tout ingrédient dépourvu de propriétés défoliantes est présumé inoffensif.
Pulvérisé sur le feuillage des mauvaises herbes, le glyphosate y glisserait comme de la pluie s’il n’était pas accompagné d’additifs extrêmement chimiques qui forcent les feuilles à se laisser traverser lorsque ce poison est pulvérisé sur elles.
Car le glyphosate tue une plante après avoir été absorbé par ses feuilles et non bu par ses racines. S’il fallait compter sur le glyphosate qui mouille le sol, il en faudrait beaucoup plus. Ce qui serait contraire… aux normes actuelles.
La raison fondamentale pour laquelle celles-ci sont de plus en plus permissives, c’est que les autorités règlementaires sont convaincues depuis longtemps de l’absence de toxicité du glyphosate.
Il y a bien eu des études indépendantes qui suggèrent que le glyphosate est un cancérigène probable. Mais à l’opposé, il existe un très grand nombre d’études réalisées par le fabricant qui prouvent le contraire.
Parce qu’il a payé pour ces études, Mosanto estime qu’elles lui appartiennent. Du coup, il en interdit la publication.
Complices, les autorités règlementaires acceptent de les prendre en considération sans en révéler le contenu. Ce qui rend totalement opaque le processus d’homologation.
Malgré cela, des fuites ont révélé qu’une partie de ces études ont été rédigées par des employés de Mosanto/Bayer et signées par des médecins corrompus.
Et puisqu’une autre corruption, celle au sein du gouvernement fédéral, est un sujet tabou, il se pourrait qu’on apprenne un jour que Mosanto/Bayer distribue les faveurs à des hauts fonctionnaires qui préfèrent se plier à sa volonté plutôt qu’à celle du peuple.
D’ici là, il nous faudra accepter que de plus en plus de céréales et de légumineuses soient empoisonnées au glyphosate; c’est le prix du fédéralisme canadien.
Précisons que la maturation chimique des récoltes par ce défoliant est interdite en Italie, en Autriche, en Belgique, et en République tchèque, c’est-à-dire dans un pays où on consomme beaucoup de pâtes et dans trois autres dont l’importance démographique se compare à celle du Québec. Bref, des pays sans doute plus à l’écoute de leur population.
Références :
Glyphosate
Glyphosate – À n’y rien comprendre
Ottawa, nid de corruption
Roundup : condamnation de Monsanto confirmée en appel en Californie
Santé Canada veut autoriser plus de pesticide glyphosate sur des aliments
Parus depuis :
Cancers liés au Roundup — Bayer perd de nouveau en appel (2021-08-10)
« Tiger Team » : quand fonctionnaires et lobbyistes coopèrent dans l’ombre (2023-09-26)
Postscriptum du 5 aout 2021 : À la suite du tollé provoqué par cette annonce, le gouvernement canadien a renoncé pour l’instant à toute hausse de pesticides avant une revue complète du processus décisionnel à ce sujet.
Référence :
Ottawa suspend tous les projets de hausse des limites de pesticides dans les aliments
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