Les deux États-Unis d’Amérique

5 novembre 2020

Introduction

Cette semaine, Edison Media Research effectuait un sondage auprès de 15 590 électeurs américains.

Le but de l’exercice était de découvrir, selon l’allégeance politique, les critères déterminants dans leur choix à la présidence des États-Unis.

Critères d’appréciation

Pour les électeurs démocrates, ce qui compte ce sont :
• 91 % : les inégalités raciales
• 82 % : la pandémie au coronavirus
• 63 % : la couverture d’assurance maladie
• 28 % : la criminalité et la sécurité
• 17 % : l’économie.

Pour les électeurs républicains, les critères d’appréciation sont :
• 82 % : l’économie
• 71 % : la criminalité et la sécurité
• 36 % : la couverture d’assurance maladie
• 14 % : la pandémie au coronavirus
•   8 % : les inégalités raciales.

Précisons que 78 % des électeurs démocrates sont favorables au mouvement Black Lives Matter alors que 85 % des électeurs républicains en ont une opinion défavorable. C’est donc presque la moitié du peuple américain qui s’oppose à ce mouvement.

En tenant compte de la possibilité d’une obstruction systématique des sénateurs républicains, la tâche de s’attaquer au racisme systémique aux États-Unis s’annonce titanesque.

Parmi les caractéristiques du candidat à la présidence, les électeurs démocrates jugeaient primordiales l’habilité à unir le pays (76 %), le bon jugement (68 %) et l’empathie (50 %).

De loin, les deux critères les plus importants chez électeurs républicains étaient d’avoir un chef fort (71 %) et quelqu’un capable d’empathie (49 %).

Villes et campagnes

Dans les villes d’au moins cinquante-mille habitants, 60 % des gens se disent démocrates et 37 % se disent républicains.

Les banlieues se répartissent également entre démocrates (51 %) et républicains (48 %).

Dans les petites villes et les régions rurales, 45 % des gens sont démocrates alors qu’une faible majorité (54 %) serait républicaine.

Il est à noter que le résultat du scrutin (connu depuis ce sondage) monte un clivage beaucoup plus grand entre les grandes métropoles américaines (très acquises à Biden) et les régions rurales du pays (très favorables à Trump).

Ce qui se reflète dans la répartition territoriale des États pro-Biden vs des États pro-Trump.

Le sondage de Pew

La campagne électorale a sans doute exacerbé les différences d’opinions entre démocrates et républicains.

Qu’en est-il avec plus de recul ?

En aout dernier, le Pew Research Center avait procédé à un sondage analogue. Avec cette différence que les choix de réponses était plus varié.

Chez les démocrates, les sujets qui les intéressaient le plus et qui pouvaient déterminer leur vote étaient :
• 84 % : l’assurance maladie
• 82 % : la pandémie
• 76 % : les inégalités raciales et ethniques
• 72 % : l’économie
• 68 % : les changements climatiques
• 66 % : les nominations à la Cour Suprême
• 65 % : les inégalités économiques
• 57 % : la politique étrangère
• 50 % : le contrôle des armes à feu.

Chez les républicains, c’était plutôt :
• 88 % : l’économie
• 74 % : la criminalité violente
• 61 % : l’immigration
• 61 % : les nominations à la Cour Suprême
• 60 % : le contrôle des armes à feu
• 57 % : la politique étrangère
• 48 % : l’assurance maladie
• 46 % : l’avortement.

Références :
Important issues in the 2020 election
Les États-Unis : sur la voie d’une guerre civile ?
National Exit Polls: How Different Groups Voted

Parus depuis :
How Joe Biden won the presidency – a visual guide (2020-11-09)
Donald Trump has lost the election – yet Trumpland is here to stay (2020-11-12)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’ABC des Grands électeurs américains

5 novembre 2020

Les États-Unis sont une semi-démocratie.

La Révolution américaine est antérieure à la Révolution française. La première est née du refus de marchands américains de payer une taxe anglaise sur le thé destinée à amortir les couts de la guerre de Sept Ans.

Même si le préambule de la Constitution américaine débute par les mots ‘We the People…’, ce ‘We’, ce sont ces bourgeois (dont faisaient partie les signataires de la constitution).

Ce sont eux qui se proclament comme étant le peuple; ni les femmes ni les esclaves n’en font partie. Ceux-ci n’avaient aucun droit de participer à la vie politique ou à l’exercice du pouvoir.

Selon le texte de la Constitution américaine, ce peuple (de bourgeois) n’a le droit de voter que pour ses dirigeants locaux.

Constitutionnellement, le pouvoir de choisir le président appartient aux parlements des États. Ils le font par l’intermédiaire de représentants (appelés Grands électeurs) qui sont obligés de voter selon l’ordre reçu.

Au cours des siècles, les États ont adopté des lois qui délèguent ce pouvoir à leurs citoyens. Voilà pourquoi, de nos jours, les citoyens américains votent indirectement pour leur président.

Contrairement à d’autres pays, ce pouvoir populaire n’a donc pas d’assise constitutionnelle; il ne fait que découler d’anciennes lois locales qu’on peut abroger sans préavis si on jugeait que la situation l’exige.

Par exemple, il suffirait de prétexter une fraude généralisée, même si c’est faux. Dans un tel cas, le gouverneur d’un État pourrait ordonner à ses Grands électeurs de voter sans tenir compte de la préférence populaire.

Au XXe siècle, par des amendements constitutionnels, on a étendu à l’ensemble de la population le droit d’élire des officiers locaux.

Dans les faits, les suprémacistes blancs ont infiltré toutes les couches du pouvoir et s’activent lors de chaque scrutin à décourager le vote des ‘Noirs’ par l’intimidation et par différentes mesures discriminatoires.

Un nombre déterminé de Grands électeurs est attribué à chaque État selon son poids démographique. Au total, le nombre de Grands électeurs est fixé à 538.

Pour être élu président, il en faut au moins 270 (sur ces 538) car à 269, les deux candidats seraient à égalité. Ce qui déclencherait une crise politique exacerbée, on s’en doute, par la rhétorique outrancière de Trump.

Le système électoral tarabiscoté des États-Unis fait en sorte que depuis presque trente ans, il n’est arrivé qu’une seule fois qu’un candidat républicain a été porté à la présidence grâce à une majorité des voix exprimées; c’est lors de la réélection de George-W. Bush.

Mais à son élection, de même qu’à celle de Trump, ces deux candidats républicains ont pris le pouvoir contre la volonté du peuple américain.

Voilà pourquoi ce pays est une semi-démocratie.

Références :
America Is Not a Democracy
Article Two of the United States Constitution
Trump could stay in power even if he doesn’t win the election. The Constitution allows it.
We’ve been fighting over who gets to vote since 1787
Why the Right Keeps Saying That the United States Isn’t a Democracy

Paru depuis :
Counted out: Trump’s desperate fight to stop the minority vote (2020-11-17)

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Écrit par Jean-Pierre Martel