Les héros vieillissent mal

Publié le 3 juillet 2020 | Temps de lecture : 4 minutes
L’ex-roi Juan Carlos Ier

En abdiquant en 2014, Juan Carlos Ier cédait la couronne d’Espagne à son fils, connu maintenant sous le nom de Felipe VI.

Il se privait ainsi des huit-millions d’euros que l’État espagnol verse annuellement au monarque afin de lui permettre d’accomplir les devoirs de sa charge.

Depuis, l’ex-roi recevait une pension de 195 000 euros par an, en plus des revenus sur sa fortune personnelle (estimée à deux-milliards d’euros).

Cette ‘petite’ pension lui a été retirée en mars dernier, lorsqu’on a appris que l’ancien monarque évitait de payer sa juste part d’impôt en cachant son argent dans des paradis fiscaux.

En 2008, le ministère des Finances d’Arabie Saoudite versait secrètement cent-millions de dollars sur le compte suisse de la fondation panaméenne Lucum, dont l’ancien monarque est le principal bénéficiaire.

On soupçonne que cette somme lui aurait été versée afin qu’il exerce son influence en faveur d’un projet hispano-saoudien de construction d’un train à grande vitesse reliant deux villes saintes saoudiennes. Un investissement d’une valeur de 6,7 milliards d’euros, autorisé finalement en 2011.

De son côté, le consortium hispano-saoudien a versé en pots-de-vin plus de 200 millions d’euros à un partenaire saoudien et à l’épouse d’Adnan Khashoggi (marchand d’armes décédé depuis, oncle du journaliste américain assassiné dans un consulat saoudien).

Deux ans avant d’abdiquer, Juan Carlos Ier a fait transférer 65 millions$ de sa fondation panaméenne à un compte détenu aux Bahamas par sa maitresse Corinna Larsen, domiciliée à Monaco (autre paradis fiscal).

Le couple semble s’être brouillé depuis si on en juge par les déclarations fracassantes de l’ex-maitresse accusant l’ex-roi d’avoir utilisé des prête-noms, dont elle, pour gérer des comptes cachés et pour mettre une partie de son patrimoine à l’abri du fisc espagnol.

Tant qu’il était à la tête de l’État, Juan Carlos Ier était protégé par une immunité garantie par la constitution. Ce n’est pas le cas des autres personnes impliquées dans cette affaire. De plus, l’impunité royale n’est valable que devant la justice espagnole.

Puisqu’une enquête pour corruption et blanchiment d’argent est ouverte en Suisse contre l’ex-roi et ses associés, ces procédures entachent la réputation de la monarchie espagnole.

D’où les mesures annoncées en mars dernier par Felipe VI contre son père.

Zoom arrière.

À la sixième année de son règne, Juan Carlos Ier avait refusé de reconnaitre un coup d’État qui venait d’être commis dans son pays, ordonnant (à titre de chef des armées) que les militaires défendent la démocratie, sauvant ainsi l’Espagne d’une nouvelle guerre civile.

Il est donc triste de voir cet ex-monarque s’enliser en fin de vie dans des scandales financiers.

Comme quoi l’argent corrompt tout.

Références :
Adnan Khashoggi
Après les révélations sur la fortune cachée de son père, Juan Carlos, en Suisse, le roi Felipe VI le répudie
La fortune secrète de Juan Carlos fait trembler la monarchie espagnole
La justice suisse sur les traces de la fortune de l’ex-roi Juan Carlos à Genève
Le roi d’Espagne Felipe VI refuse l’héritage de son père Juan Carlos
L’ex-roi Juan Carlos soupçonné de fraude fiscale
Spain’s former king Juan Carlos to face investigation over $100m Saudi ‘gift’
Spanish king named on offshore fund linked to €65m Saudi ‘gift’

Post-Scriptum : Un mois après la publication de ce texte, l’ex-monarque a décidé de s’exiler à l’étranger afin d’échapper à la justice de son pays.

Référence :
Soupçonné de corruption, l’ancien roi d’Espagne Juan Carlos s’exile

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Écrit par Jean-Pierre Martel