Le dépistage ‘massif’ du Covid-19 au Québec : une plaisanterie

Le 3 mai 2020

Introduction

Il y a quelques jours, le gouvernement québécois annonçait qu’à partir de la semaine qui vient, on procèdera à 14 000 tests du Covid-19 quotidiennement, au lieu des six-mille actuels (officiellement, mais en réalité cinq-mille).

Cela est qualifié de dépistage ‘massif’. Un qualificatif repris en chœur par les quotidiens du Québec.

Soyons sérieux; 14 000 tests, cela correspond à tester quotidiennement 0,16 % de la population québécoise. Imaginez : moins du cinquième d’un pour cent.

Et ce, alors que le virus se répand rapidement.

Si l’hécatombe du Covid-19 dans les hospices était inévitable, la contamination qui a commencé à s’emparer des hôpitaux du Québec est l’illustration parfaite du fiasco des politiques de dépistage du gouvernement.

En principe, les hôpitaux sont des lieux où on guérit des maladies et non là où on les attrape.

Comment a-t-on pu en arriver là ?

Des prémisses erronées

Le port du masque inutile ?

Actuellement, les autorités sanitaires du Québec soutiennent encore que le port du masque, même artisanal, n’est utile que lorsque la distance sanitaire est impossible à respecter.

Après s’être entêtées pendant des semaines à soutenir l’invraisemblable; le masque était complètement inutile, sauf pour les professionnels de la Santé.

L’expérience des pays d’Extrême-Orient démontre exactement le contraire. Et cette expérience se transformera soudainement en preuve scientifique le jour où un épidémiologiste patenté l’écrira de sa plume dans une revue spécialisée.

Dès lors, la direction de la Santé publique du Québec découvrira ce secret de Polichinelle et abandonnera l’idée saugrenue que le diplôme académique potentialise l’efficacité du masque et/ou qu’on a besoin de quatre ans d’université pour apprendre comment le mettre.

Pas de contagiosité sans symptôme ?

Depuis des semaines, on sait que certaines personnes (dites asymptomatiques) sont atteintes secrètement par le Covid-19; elles sont contagieuses sans le savoir et demeureront contagieuses jusqu’à leur guérison.

Chez les personnes chez qui des symptômes se manifestent, le maximum de contagiosité est le jour d’apparition des symptômes et la veille de ce jour. Ce sont les deux jours où ces personnes sont les plus dangereuses. On sait cela depuis la fin du mois de mars.

Portant, la direction de la Santé publique du Québec s’entête à soutenir qu’on n’est pas contagieux lorsqu’on est sans symptôme.

Allonger les délais

Pour être testé, le citoyen doit donc être symptomatique.

De plus, il doit prendre rendez-vous. Celui-ci lui est accordé le jour même. J’ai cru comprendre que dans le quartier ‘chaud’ de Montréal-Nord, les intéressés n’auront pas besoin de prendre rendez-vous, ce qui ne change rien de fondamental.

Les tests dont les résultats seraient obtenus en trente minutes n’ont pas été homologués par Santé Canada. Conséquemment, on reçoit les résultats le lendemain, ce qui est après le pic de contagiosité.

Conséquemment, les autorités sanitaires du Québec sont comme le chien qui court après sa queue; toujours en retard sur le virus.

Protéger les hôpitaux et les écoles

Pour protéger adéquatement le personnel hospitalier, on doit tester tous les employés fréquemment, même ceux qui sont asymptomatiques. Exception faite pour ceux qui ont déjà attrapé le Covid-19 et qui en sont guéris.

Dès qu’une charge virale est détectée dans les cavités nasales ou dans la gorge d’un employé, celui-ci doit quitter immédiatement le travail et se mettre en quarantaine.

De plus, on doit tester tous les patients qui se présentent à l’hôpital à l’exception de ceux admis par ambulance à l’urgence, déjà testés à bord de ces véhicules.

C’est ça, un dépistage massif.

Voilà comment on doit protéger dorénavant nos établissements de santé.

Pour ce qui est des écoles, on doit instaurer une stratégie de dépistage équivalente.

Tester la population

Une politique de dépistage doit avoir un but clair. Que veut-on au juste ?

Empêcher l’infection de se répandre

Empêcher ? C’est trop tard; la pandémie s’est enracinée et elle poursuivra irrémédiablement son cours en raison des erreurs passées qu’on s’entête à répéter.

Ralentir la pandémie au Québec

Si on veut vraiment ralentir la propagation de la pandémie, cela se fait en ajustant l’importance du déconfinement. Pas autrement.

Savoir où nous en sommes rendus

Si c’est ce qu’on veut, il ne sera plus question de tester n’importe quelle personne qui répond à des critères de sélection, mais de tester un échantillonnage de la population choisi au hasard.

Pour deviner les intentions de vote lors des élections, les maisons de sondage ont besoin d’un maximum de mille répondants parmi la population.

Si on veut savoir le pourcentage de la population contagieuse, on fait mille prélèvements dans les voies respiratoires supérieures parmi un échantillonnage de la population choisi aléatoirement. On obtiendra le pourcentage actuel des gens contagieux (symptomatiques ou non).

Si on veut connaitre où en est l’immunité grégaire, on fait mille tests sérologiques effectués à partir d’une goutte de sang prélevée au bout des doigts. Encore une fois, parmi un échantillonnage préalablement choisi.

Et ces deux-mille tests — au maximum, quelques centaines pourraient suffire — permettraient de savoir exactement où nous en sommes rendus et d’ajuster en conséquence les politiques de déconfinement.

Voilà la démarche scientifique qui semble faire cruellement défaut à nos experts en Santé publique.

Rassurer les gens qui se croient atteints

En plus, on devrait offrir des tests au besoin à l’ensemble de la population.

Ceux qui ont des symptômes qui laissent penser qu’ils ont attrapé le Covid-19 veulent sans doute éviter de se mettre en quarantaine pour rien. On devrait leur offrir la possibilité d’en avoir le cœur net, moyennant un frais modérateur.

Toutefois, on doit se rappeler que tester n’importe qui, n’importe quand, cela n’a aucune valeur scientifique; plus on teste, plus on trouve.

Et ce qu’on trouve, ce n’est que le pourcentage de gens atteints parmi ceux qui ont été testés, et non le pourcentage des gens atteints parmi la population.

Références :
Le métier des travailleurs de la santé changé par un ennemi minuscule
COVID-19 : les leçons du dépistage à grande échelle de l’Islande
Les mystères du Covid-19 (2e partie)
Temporal dynamics in viral shedding and transmissibility of COVID-19

Parus depuis :
À la grâce de Dieu (2020-05-05)
La stratégie de dépistage du Québec vivement critiquée par une conseillère de Trudeau (2020-05-07)
La bureaucratie, obstacle au dépistage massif (2020-05-09)
Une stratégie de tests aléatoires est essentielle (2020-05-11)
Underdetection of cases of COVID-19 in France threatens epidemic control (2020-12-21)
Des tests automatisés bloqués par une exigence de dernière minute (2021-03-01)
Dépistage chez les travailleurs essentiels — Une méthode « sûre, acceptable et peu coûteuse », conclut l’étude (2021-06-15)

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au Covid-19, veuillez cliquer sur ceci

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4 commentaires à Le dépistage ‘massif’ du Covid-19 au Québec : une plaisanterie

  1. Lloyd dit :

    Bonjour Jean-Pierre Martel,
    Vous avez une sacrée santé pour vous exprimer quotidiennement, avec la même soft vindicte, sur des sujets devant lesquels le monde entier a déjà baissé les bras.
    À demain !

    • Jean-Pierre Martel dit :

      Durant le confinement, j’avais le choix.

      Je pouvais m’ennuyer et claquer une dépression.

      Mais j’ai préféré lire, écrire sur mon blogue (tout en écoutant la musique que j’aime), regarder mes téléromans préférés, aller presque à tous les soirs à la Comédie française et, de temps en temps, admirer un ballet au Bolchoï. Évidemment, pas tout cela en même temps.

      Bref, je me porte très bien merci…

      Oh ! J’oubliais. Et je m’essaie à la culture des tomates sur mon balcon. C’est fou comme ça pousse vite.

  2. Daniel dit :

    Bonjour M. Martel,

    Par « COVID-19 » on sous-entend « maladie à coronavirus 2019 ». Arrêtez donc d’écrire « le Covid-19 ».

    Cordialement,

    Daniel

    • Jean-Pierre Martel dit :

      Pour l’immense majorité de la population, les phrases ‘Il a le Covid-19’ et ‘Il a développé la maladie causée en attrapant le virus COVID-19’ sont synonymes.

      J’ai choisi d’appeler ‘Covid-19’ à la fois le virus et la maladie qu’il provoque.

      C’est un choix éditorial. Cela simplifie la compréhension des 41 textes que j’ai écrit à ce sujet puisque j’évite d’avoir à préciser à chaque fois la distinction à faire entre les deux.

      Tout comme j’ai choisi arbitrairement d’écrire ce mot au masculin alors que beaucoup d’auteurs préfèrent en parler au féminin.

      On peut penser que le masculin sous-entend le (virus) Covid-19 alors que le féminin sous-entend la (maladie au) Covid-19. Ce sont des distinctions que je préfère ignorer. Arbitrairement, j’ai opté pour le masculin parce que le mot ‘Covid-19’ sonne de genre masculin.

      Pour terminer, je vous remercie pour votre suggestion. Toutefois, en tant que vulgarisateur, j’ai l’intention de continuer à faire simple sans faire simpliste.

      Merci quand même.

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