La guerre des masques
Puisque la pandémie au Covid-19 se propage principalement par l’air que nous respirons, toute personne qui désire se protéger à l’aide d’un masque N95 devrait pouvoir le faire.
Mais voilà, on en manque. Ce qui oblige nos gouvernements à les réserver pour ceux qui sont au front de la lutte contre la pandémie. À juste titre.
« Ça joue dur.» C’est par ces mots que le premier ministre du Québec faisait allusion à la compétition féroce que se livrent les pays afin d’acquérir du matériel médical de protection.
Le 15 mars, on apprenait la tentative des États-Unis de s’approprier l’exclusivité — pour la somme d’un milliard de dollars — d’un vaccin que cherche à mettre au point un laboratoire allemand.
Ces jours-ci, sans viser directement Washington, la présidente du Conseil régional d’Ile-de-France accuse ‘des Américains’ d’avoir détourné des masques destinés à la région parisienne.
Dans un pays aussi contrôlé que la Chine, on voit mal comment des contrebandiers américains pourraient exercer sur le tarmac d’aéroports chinois sans que les États-Unis aient officieusement obtenu la permission des autorités chinoises de les laisser opérer.
Une accusation analogue a été formulée par le ministre terre-neuvien de la Santé et le président français du Conseil régional du Grand Est.
Le 2 avril, un importateur québécois recevait une partie de sa commande de masques chinois; il a bien reçu les masques sanitaires, mais pas les 10 000 masques KN95 qui, eux, ont été expédiés par erreur en Ohio. On ignore si l’erreur a été corrigée par le transporteur.
Le 3 avril, un ministre de la cité-État de Berlin a accusé les États-Unis de piraterie après que 200 000 masques N95 destinés à la police berlinoise eurent été détournés à Bankok vers les États-Unis.
Cette semaine, les États-Unis ont officiellement interdit à un fabricant américain de masques N95 d’exporter une partie de sa production vers le Canada.
La France fait pareil. En vertu d’un décret adopté récemment, les masques fabriqués par la succursale française de Medicom seront uniquement destinés à la France.
La Chine fait l’inverse. Dans ce pays, les simples citoyens ont de la difficulté à obtenir des masques parce que leur pays préfère vendre au plus vite (et aux plus offrants) des milliards$ d’équipement de protection médicale pendant que les pays occidentaux se battent pour en avoir.
Bref, c’est la foire d’empoigne entre les pays pour obtenir des masques.
L’atout secret du Canada
Ces jours-ci, la France attend la livraison de près de deux-milliards de masques chinois.
Dans la lutte contre le Covid-19, vouloir une telle quantité de masques est raisonnable pour un grand pays.
Le Canada pourrait, lui aussi, obtenir autant de masques et même, les obtenir assez rapidement.
Mais comment est-ce possible ?
Parmi tous les pays qui se battent pour obtenir des masques, le Canada possède un atout qui vaut de l’or, à donner à la Chine en plus du prix usuel pour les masques; Mme Wanzhou, une des dirigeantes de Huawei.
Celle-ci est détenue au Canada en vertu d’un mandat d’arrestation que les États-Unis mirent trois mois à justifier.
Essentiellement, cette affaire est une farce, pour les raisons expliquées dans le texte ‘L’affaire Huawei : dure pour le Canada, la vie de caniche américain’.
Donald Trump a déjà déclaré que si elle était détenue aux États-Unis, il l’aurait libérée en échange d’un bon accord commercial avec la Chine.
Au Canada, elle pourrait être exfiltrée vers la Chine et remplacée par un sosie. Cela serait fait clandestinement puisque la résidence où elle est confinée est certainement épiée par des espions américains.
Lorsque la substitution sera découverte après l’élection présidentielle américaine, on fera semblant d’être surpris. Ce qui justifiera une enquête-bidon qui aboutirait à un cul-de-sac, raison d’État oblige.
Tout dépend d’Ottawa : est-ce que les vies de centaines ou de milliers de Canadiens — qu’on pourrait sauver en se procurant suffisamment de masques — valent plus que l’issue d’une affaire juridique qui est une source d’embarras pour le pays depuis plus d’un an ?
Références :
Coronavirus: anger in Germany at report Trump seeking exclusive vaccine deal
COVID-19 : des Américains rachètent en Chine un lot de masques destinés à la France
Des masques destinés au Canada détournés vers d’autres pays?
Des masques perdus à cause d’une erreur informatique?
La guerre des masques
La France a commandé près de 2 milliards de masques en Chine
La République Tchèque aurait détourné des masques et des appareils respiratoires destinés à l’Italie
Les États-Unis demandent à 3M de ne plus envoyer de masques au Canada
US accused of ‘modern piracy’ after diversion of masks meant for Europe
Washington assure n’avoir jamais acheté à la Chine de masques destinés à la France
Parus depuis :
Plus d’un million de masques commandés pour le Canada resteront en Inde (2020-04-23)
90 000 masques destinés au Québec disparaissent à l’aéroport de Toronto (2020-05-28)
Compléments de lecture :
La bataille pour fabriquer du liquide désinfectant québécois (2020-04-20)
Boris Johnson: we considered ‘aquatic raid’ on Netherlands to seize Covid vaccine (2024-09-28)
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