Covid-19 : la quarantaine ou le laisser-faire ? (4e partie)

Publié le 26 mars 2020 | Temps de lecture : 8 minutes

Introduction

Ces jours-ci, chaque gouvernement fait de son mieux afin de traverser cette crise de manière à ce qu’elle cause le moins de dommage possible.

Personne ne peut prédire avec certitude quels seront les gagnants et les perdants de cette vaste expérience douloureuse à laquelle l’Humanité est confrontée.

Si la grande majorité des pays développés ont décidé de suivre tant bien que mal l’exemple chinois — destiné à amortir l’impact de l’épidémie sur les systèmes de santé — quelques pays s’éloignent notablement de ce modèle.

La protection ciblée

Jusqu’à récemment, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et la Suède adoptaient une stratégie, totalement différente, de protection ciblée (en anglais, Herd Immunity).

En résumé, cette stratégie consiste à protéger les personnes âgées en les isolant — puisque c’est essentiellement eux qui en meurent — tout en laissant l’épidémie se répandre dans le reste de la population. Comme on le fait déjà à chaque épidémie de grippe lorsque le vaccin s’avère inefficace.

L’objectif est de limiter le nombre des victimes tout en laissant le pays s’immuniser à la dure et devenir dorénavant réfractaire à toute nouvelle pandémie causée par ce virus-là.

En théorie, cette stratégie n’est pas aussi irresponsable qu’on le prétend.

L’attitude ‘cool’ des Britanniques s’expliquait jusqu’à tout récemment par le fait que la pandémie n’avait causé que relativement peu de victimes dans ce pays insulaire.

Le premier mort dans ce pays est survenu le 5 mars. Une semaine plus tard, il y en avait dix. Du 12 au 19 mars, le nombre de morts passe de 10 à 144. Et une autre semaine plus tard, on est rendu à 578 morts.

Accusé de faire comme Néron qui jouait de la lyre pendant que Rome brulait, Boris Johnson a fait volteface en raison de l’explosion du nombre de morts dans son pays.

En réalité, une progression logarithmique similaire s’est produite partout où la pandémie a frappé. Dans ce sens, le cas de la Grande-Bretagne n’est pas différent.

Encore aujourd’hui, la Grande-Bretagne est trois fois moins touchée que la France.

Depuis la volteface anglaise, la Suède et les Pays-Bas sont les seuls pays qui poursuivent leur politique de protection ciblée.

Du point de vue économique, cette stratégie, évidemment, fonctionne bien; les restaurants et cafés de Stockholm sont pleins, les rues sont achalandées comme d’habitude et l’économie suédoise n’est ralentie qu’en raison des quarantaines imposées ailleurs.

Toutefois, il est strictement interdit de visiter les pensionnaires des maisons de retraités, même en phase terminale. Les attroupements sont interdits pour les offices religieux, les arts vivants et les assemblées politiques : ils sont limités à cinquante personnes dans les autres cas.

Au moment où ces lignes sont écrites, le nombre absolu de morts (92) y est relativement faible (comme c’est le cas dans toute la Scandinavie).

Avec ses 546 morts (en forte croissance) et son 5e rang mondial quant au nombre de morts par million de personnes, les avantages de la protection ciblée sont moins évidents pour les Pays-Bas.

Voilà pourquoi, depuis quelques jours, ce pays se dirige par tâtonnements vers le confinement total de la population. Il n’y est pas encore rendu, mais de toute évidence cela s’en vient.

La stratégie de la protection ciblée est très logique sur papier. Elle repose toutefois sur trois présomptions.

L’épidémie reviendra

Souhaiter que l’ensemble des citoyens acquièrent l’immunité à un virus qu’on ne reverra plus jamais est stupide.

Chaque année, la grippe revient, mais de manière différente. On doit se vacciner de nouveau parce que l’agent causal se présente différemment d’une fois à l’autre.

Même chose pour les coronavirus. Les personnes immunisées au SRAS parce qu’ils l’ont attrapé en 2003 ont lentement perdu leurs anticorps. Pour qu’une immunité soit maintenue, il faut des vaccins de rappel.

Protéger les vieux suffit

Parce que les personnes âgées sont, de loin, les principales personnes fauchées par l’épidémie, on présume généralement que le virus est relativement inoffensif pour les autres, s’apparentant chez ces derniers à une petite grippe.

C’est oublier que le premier cas aux États-Unis — non mortel, mais qui a nécessité plus de onze jours d’hospitalisation — avait 35 ans.

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Pour avoir une bonne idée de ce que peut donner le Covid-19 chez des adultes en bonne santé, je vous invite à écouter le reportage de Marie-Michèle Lauzon réalisé auprès de deux Montréalais dans la quarantaine (dans tous les sens du mot) qui en sont atteints.

De plus, lorsqu’une personne dotée d’une longue expérience médiatique comme Sophie Grégoire-Trudeau (44 ans) préfère se retirer complètement de la vie publique durant sa maladie, cela est un indice de la sévérité possible du Covid-19 chez des adultes relativement jeunes.

Le Covid-19 ne laisse aucune séquelle

La protection ciblée serait injustifiable si on savait que l’infection au Covid-19 laisse d’importantes séquelles dans cette majorité de la population qu’on laisse à elle-même.

On sait déjà que les quatre coronavirus ‘légers’ — ceux qui font partie du groupe hétéroclite des virus responsables d’infections respiratoires bénignes — peuvent parvenir au cerveau en empruntant le nerf olfactif.

Le virologue Pierre Talbot a émis l’hypothèse que le coronavirus du rhume pouvait causer des problèmes neurologiques en infectant des neurones. Jusqu’ici, personne n’en a fait la preuve.

Le Covid-19 pénètre lui aussi dans le cerveau. Puisqu’il cause des dommages périphériques (notamment pulmonaires) beaucoup plus importants que le rhume banal, est-il possible qu’il en fasse autant au système nerveux central ?

Personne ne le sait.

Conclusion

La protection ciblée est une stratégie de santé publique qui n’a jamais été expérimentée.

Dans la mesure où tous les pays ont temporairement fermé leurs frontières, chacun d’eux opère maintenant en vase clos et peut ainsi mettre en œuvre sa propre stratégie de lutte contre la pandémie de Covid-19 sans compromettre la sécurité des autres.

Voilà pourquoi il serait peut-être sage de laisser les pays faire leurs propres expériences plutôt que d’imposer ce qui nous apparait être juste et raisonnable.

À la fin de la pandémie au coronavirus, on compilera les morts par pays et on pourra juger quelle stratégie nationale aura été la plus efficace à sauver des vies.

Je me doute de la réponse. Mais peut-être serons-nous surpris…

Références :
Brazilians protest over Bolsonaro’s muddled coronavirus response
Confinement: pourquoi la Suède et les Pays-Bas résistent-ils ?
Coronavirus : comment l’Europe est devenue l’épicentre de la pandémie
Coronavirus UK map – confirmed cases and deaths of Covid-19
Covid-19 Coronavirus Pandemic
First Case of 2019 Novel Coronavirus in the United States
« Herd Immunity » is Epidemiological Neoliberalism
L’approche de la Suède face au coronavirus est lourdement critiquée
Perte d’odorat, un autre symptôme de la COVID-19
Party VIP pour le virus
Suspected coronavirus victim, 47, ‘didn’t want to waste NHS time’
The U.K.’s Coronavirus ‘Herd Immunity’ Debacle

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Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au Covid-19, veuillez cliquer sur ceci

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Un commentaire à Covid-19 : la quarantaine ou le laisser-faire ? (4e partie)

  1. Lloyd Laurence dit :

    Merci pour ces précisions, et pour votre constante impartialité.

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