Le PCJ, annexe de la machine coloniale canadienne

Publié le 6 février 2020 | Temps de lecture : 7 minutes

Introduction

Le Programme de contestation judiciaire (PCJ) est un fonds destiné à subventionner les causes intentées par des particuliers ou les groupes de citoyens afin de défendre leurs droits linguistiques ou constitutionnels.

En 1978, le premier ministre Pierre-Elliot Trudeau (le père de l’actuel premier ministre du Canada) avait créé ce fonds dans le but d’aider les activistes qui luttaient pour que les législatures provinciales se conforment aux politiques fédérales, notamment en matière linguistique.

Plus précisément, la création du fonds était motivée par le désir de financer l’opposition des angloQuébécois à la Loi 101, adoptée un an plus tôt par l’Assemblée nationale du Québec.

À l’origine, ce fonds était administré par le ministère fédéral de la Justice et par le secrétariat d’État.

Dès l’adoption de la Canadian Constitution en 1982, le PCJ a étendu son action à l’ensemble des droits constitutionnels. Depuis ce temps, il lui est parfois arrivé de financer des causes contre des institutions fédérales.

Mais au sujet des droits linguistiques, seules les provinces ont été les cibles du PCJ jusqu’ici. Par exemple, le PCJ ne s’est jamais attaqué à l’unilinguisme anglais du fonctionnement interne de l’appareil de l’État canadien.

En raison des conflits engendrés par ce fonds entre Ottawa et les provinces dont les lois étaient contestées, on a décidé beaucoup plus tard de confier la gestion de ce fonds à un organisme indépendant. Le choix s’est porté sur l’université d’Ottawa.

Normalement, la mission de toute université est la transmission du savoir et la formation professionnelle. Pour qu’une université en soit rendue à gérer un fonds destiné à contester des lois ou des décisions administratives gouvernementales, il faut que cela soit arrangé avec le gars des vues. Nécessairement.

Mon hypothèse est que cela a pour but de soustraire le PCJ à la Loi fédérale d’accès à l’information.

La contestation de la loi québécoise sur la laïcité

L’an dernier, le PCJ a octroyé la somme de 125 000$ à la Commission scolaire English Montreal (CSEM) pour tenter d’empêcher que deux ou trois de ses écoles à moitié vides passent sous l’autorité d’une commission scolaire gravement affectée, au contraire, par la surpopulation de ses classes.

Cette année, la CSEM s’est vu offrir une autre tranche de 125 000$, cette fois pour contester la loi québécoise sur la laïcité.

L’annonce de cette nouvelle a fait bondir le premier ministre du Québec.

Celui-ci s’est indigné que l’argent collecté par Ottawa dans les poches des contribuables québécois serve à tenter d’invalider une loi adoptée démocratiquement, appuyée par l’immense majorité des Québécois, et qui est analogue à celles déjà en vigueur dans plusieurs démocraties européennes.

Au fédéral, on fait valoir que la décision d’aider financièrement la CSEM à contester la loi 21 a été prise par l’Université d’Ottawa et que le gouvernement canadien n’y est pour rien.

Face au tollé, la CSEM a finalement décidé de renoncer à l’argent promis par le PCJ.

Le PCJ et la tentative d’invalidation des lois du Québec

Le 13 avril 2018, l’ordre professionnel des avocats du Québec (appelé le Barreau) avait déposé une requête destinée à faire invalider toutes les lois du Québec sous le prétexte que le processus d’adoption des lois par l’Assemblée nationale n’était pas aussi bilingue que le Barreau le souhaitait. Cette requête était financée en sous-main par le PCJ.

Si cette cause avait triomphé devant les tribunaux, seul le Code criminel canadien, de compétence fédérale, serait demeuré en vigueur. Le Québec aurait été alors livré au chaos et à l’anarchie juridique.

Face à ce projet inouï, des avocats dissidents ont exigé la tenue d’une assemblée générale spéciale afin de se prononcer à ce sujet.

Une semaine avant le vote, la ministre Mélanie Joly — responsable à l’époque du financement du fonds administré par l’université d’Ottawa — publiait dans Le Devoir un plaidoyer demandant au Québec d’aller plus loin en matière de bilinguisme (sans toutefois faire allusion à la demande d’invalidation qu’elle finançait ‘involontairement’).

Comme le tocsin de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois annonçant le début de la Saint-Barthélemy, la lettre de la ministre était implicitement un appel au renfort adressé aux magistrats nommés par le fédéral et aux avocats qui reçoivent des contrats de la Direction fédérale des poursuites pénales.

Peine perdue : c’est finalement par un vote serré (52,5 %) que les avocats présents ont désavoué leur ordre professionnel et obtenu qu’il renonce à son projet insensé.

Conclusion

En acceptant de gérer le Programme de contestation judiciaire, l’université d’Ottawa devenait le bras armé du fédéral contre les provinces récalcitrantes.

Un bras armé situé à proximité de la colline parlementaire, dont tous les experts sont nommés par le fédéral alors que les gestionnaires (nommés par l’université) ont accès aux antichambres ministérielles quand il faut discuter du financement de leur organisme.

Plus tôt aujourd’hui, Justin Trudeau déclarait au sujet du PCJ :

Nous respectons l’indépendance des institutions indépendantes. C’est un programme indépendant qui n’est aucunement géré par le Fédéral.

Par cette déclaration, le premier ministre induit la population en erreur.

Le suivi des sommes accordées (en d’autres mots, la gestion du fonds) est indépendante du fédéral. Mais la décision politique de soutenir ou non les demandes de financement soumises au PCJ est totalement sous le contrôle du fédéral, par le biais des experts qu’il est le seul à nommer sur cet organisme (qui n’existerait pas sans lui).

Donc, sur l’essentiel — l’indépendance du PCJ — Trudeau ment.

De fil en aiguille, le PCJ en est venu :
• à soutenir l’égoïsme d’une commission scolaire anglophone refusant de se défaire d’écoles à moitié vides,
• à financer une tentative insensée de faire invalider toutes les lois du Québec, et
• à prendre la défense du caprice de certains fonctionnaires de porter des breloques religieuses et du chiffon comme s’il s’agissait d’un droit sacré.

Que la décision soit prise directement par des fonctionnaires ou indirectement par des experts nommés par le fédéral et rémunérés à partir des sommes qu’on leur confie, où est la différence ?

Le résultat demeure ce refus obstiné de permettre au Québec de vivre à sa manière et cette manie de le forcer à se plier à la mentalité d’une ethnie dominante. Le tout payé par l’argent que le fédéral prélève dans nos poches.

C’est ça, le prix du fédéralisme; nous finançons notre propre assimilation.

Références :
La CSEM renonce au financement fédéral pour contester la loi 21
La façade ministérielle de l’État canadien
Le Programme de contestation judiciaire lance officiellement ses activités
Ottawa finance la demande d’invalidation de toutes les lois du Québec
Programme de contestation judiciaire
Quelques écoles anglophones à moitié vides vs l’intérêt public
Rapport annuel 2018-2019 du PCJ
Rapport du Comité permanent de la justice et des droits de la personne
Une étude du Programme de contestation judiciaire

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