Introduction
À la fin de 2018, la Chine fermait ses frontières aux déchets importés.
C’est là qu’on a appris que le fruit de nos collectes sélectives était simplement expédié à l’Étranger.
Le résultat est que 95 % du papier que nous croyons recycler ne l’est pas; il est envoyé en Asie pour y être enfoui ou brulé.
En 2018, le taux de recyclage du plastique n’était que de 25 %. Quant au verre, c’était peu.
La faillite du recyclage privé
Nos élus ont décidé de confier à l’entreprise privée le soin de recycler ce qui pouvait l’être.
Mais contrairement au ramassage de la neige ou des ordures, le recyclage exige une expertise qui n’est pas à la portée de n’importe quel entrepreneur.
Recycler, ce n’est pas seulement séparer différents matériaux recyclables. Pour qu’on puisse parler de recyclage, il faut qu’une substance renaisse sous forme d’un nouveau produit. C’est ça, le recyclage.
Or notre industrie du recyclage n’en est pas une; c’est simplement une industrie de triage des déchets imputrescibles.
Depuis trente ans, cette industrie produit des agglomérats de basse qualité dont seule une petite partie trouve preneur, le reste ne répondant pas aux besoins de l’industrie.
Il faut donc exporter ce qui est refusé ici. Et quand les pays étrangers eux-mêmes n’en veulent pas, la situation est sans issue.
À coup de subventions, on a incité des compagnies de triage à s’établir au Québec. Puis on a créé vainement des programmes d’aide visant à augmenter la qualité des matériaux issus de cette industrie.
On est rendu maintenant à éponger leurs déficits d’opération quand ce n’est pas à les sauver de la faillite.
Bref, l’industrie du triage au Québec est actuellement dans un état catastrophique.
D’où la question : ne devrait-on pas faire table rase et repartir à neuf ?
Le triage à l’européenne
Au Québec, la collecte des produits recyclables est calquée sur le modèle de la collecte des ordures ménagères.
Au jour de la collecte, on passe devant votre domicile afin de vider le contenu de votre bac de recyclage dans un immense camion où tout est jeté pêlemêle et compacté.
Lorsqu’il est plein, le camion vient porter sa cargaison dans un centre de tri où on s’affaire à démêler ce qui a été mélangé et broyé dans le camion de la collecte.
Et on s’étonne de la contamination croisée des divers produits collectés…
À Montréal, les usines de tri appartiennent à la ville. Mais elles sont opérées par des entreprises privées qui jugent plus rentable de trier grossièrement le fruit de leur collecte et d’expédier le tout à l’autre bout du monde.
Et comme cela leur couterait plus cher de faire les choses correctement, nos villes ferment les yeux afin de confier la tâche au plus bas soumissionnaire.
En Europe, c’est simple.
Bacs de recyclage à Vienne
En quittant son domicile, le citoyen apporte les items à recycler — la bouteille de vin vide de la veille, le quotidien lu de ce matin, etc.— pour jeter cela dans l’un ou l’autre des gros bacs de recyclage spécialisés qui se trouvent dans le fond de la cour de son immeuble (à Helsinki) ou sur son chemin vers le travail (à Porto, à Vienne, et ailleurs).
Périodiquement, des camions font la tournée des gros bacs à papier pour amener leur contenu directement dans l’usine de recyclage du papier.
Le contenu des gros bacs à contenants de plastique est vidé dans d’autres camions pour être livré à l’usine de transformation du plastique.
Et ainsi de suite.
Fini le triage de ce qui n’aurait jamais dû être mélangé. Et bienvenue aux matières non contaminées recherchées par les usines de transformation.
En somme, on ferme les usines sales de triage et on livre directement la matière pure à l’usine spécialisée qui en a besoin.
Une nouvelle grappe industrielle
Partout sur la planète, on souhaite se doter de solutions durables à la gestion des rebuts.
Le Québec possède un solide réseau de chercheurs universitaires aptes à relever n’importe quel défi technologique.
De plus, une multitude de jeunes entrepreneurs sont déjà à l’œuvre à mettre au point des moyens capables d’augmenter nettement la pureté des matériaux obtenus à partir de la collecte des objets recyclables et d’élargir la gamme de ce qui peut être réutilisé.
D’autre part, incapables de s’approvisionner au Québec, nos industriels importent des tonnes de matériaux recyclables de bonne qualité afin de créer des produits de consommation recyclés.
Le recyclage véritable exige la mise en œuvre de moyens dignes d’un choix de société.
Ce qui veut dire la nationalisation de l’industrie du triage pour les mêmes raisons que le Québec a nationalisé l’hydroélectricité; parce que l’industrie était incapable de faire son job correctement.
De plus, il faut donner au ministère de l’Environnement les ressources humaines qui lui manquent pour réunir tous les intervenants de cette industrie afin de créer une véritable grappe industrielle destinée à exporter ses brevets et son expertise à l’ensemble du monde.
Bref, la cause environnementale ne doit pas être perçue simplement comme une menace à contrer, mais également comme une occasion d’enrichissement collectif.
Parus depuis :
Les sales secrets du recyclage du papier canadien (2022-02-03)
Les sales secrets du recyclage du papier canadien, un an après (2023-04-22)