L’affaire SNC-Lavalin : une fin en queue de poisson

Le 19 décembre 2019


 
Le sort en est jeté; une filiale de SNC-Lavalin a été condamnée à débourser 280 millions$ (payable sur cinq ans) sous une accusation réduite de fraude (et non de corruption) pour une affaire de pots-de-vin en Libye.

Cette filiale (et non sa maison-mère) est placée en probation pour trois ans. Au cours de cette période, un contrôleur indépendant — nommé par qui ? — exercera une surveillance et publiera un rapport annuel sur la façon dont l’entreprise se conforme aux règles.

Les autres accusations ayant été abandonnées, voilà comment se termine l’affaire SNC-Lavalin.

Yves Boisvert (de La Presse) et Gérard Bérubé (du Devoir) estiment que cette sanction est raisonnable et s’apparente à celle qu’aurait pu subir SNC-Lavalin à l’issue d’un Accord de poursuite suspendue (APS).

Effectivement, deux mois après la réélection de Trudeau, la Direction fédérale des poursuites pénales enterre ainsi la hache de guerre avec le premier ministre, parvenant avec SNC-Lavalin à un accord qui imite un APS sans s’être soumise à la loi votée par son gouvernement.

S’il avait su que tout cela finirait ainsi, le premier ministre Justin Trudeau se serait évité bien des soucis en essayant de préserver la compagnie d’une condamnation pour corruption.

Trouble-fête, Patrick Lagacé (de La Presse) fait toutefois remarquer que cette sanction représente à peine 0,56 % du chiffre d’affaires actuel de la compagnie.

Mort de rire, le milieu financier s’est empressé de racheter des actions de la firme d’ingénierie, faisant bondir la valeur de son titre de 23 %.

Donc, tout est bien qui finit bien.

Les accusations contre les véritables coupables ont été abandonnées ou n’ont entrainé que des condamnations mineures. Et la compagnie s’en tire avec une amende symbolique.

Et si SNC-Lavalin voulait éviter de payer un seul centime à l’État canadien, la firme d’ingénierie n’aurait qu’à mettre la clé dans la porte de sa succursale SNC-Lavalin Construction et la rouvrir sous un autre nom.

C’est un tour de passepasse similaire auquel a recouru Chrysler Canada pour éviter de rembourser un prêt de deux-milliards$ qui lui avait été consenti par le fédéral dans le cadre du plan de sauvetage de l’industrie de l’automobile ontarienne, lors de la Grande récession de 2007-8.

SNC-Lavalin en aura-t-elle l’audace ? Si cela arrive, le fédéral fera semblant d’être surpris.

Pour l’instant, les minières ontariennes (qui corrompent à tour de bras en Afrique) passeront un Noël tranquille, persuadées que si l’État canadien devait s’attaquer à leur cas, elles s’en tireront à bon compte.

La jurisprudence, c’est la jurisprudence, n’est-ce pas ?

Références :
Analyse: SNC-Lavalin, ou le rétablissement des APS
Le gouvernement libéral radie un prêt de plus de deux milliards consenti à Chrysler
Les crapules de SNC-Lavalin
SNC-Lavalin Construction coupable de fraude
SNC-Lavalin: Une réparation raisonnable
Une de ses divisions plaide coupable et SNC-Lavalin évite le pire
Un nouveau départ pour l’entreprise SNC-Lavalin

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2 commentaires à L’affaire SNC-Lavalin : une fin en queue de poisson

  1. Joyal dit :

    Je vous invite à lire la chronique de Francis Vailles dans La Presse de ce jour (vendredi): cette amende n’est pas du tout symbolique. Ce serait le montant maximal pour éviter cette entreprise déficitaire depuis 10 ans à ne pas devoir déclarer faillite. C’est bien beau avoir 9 G de revenu, mais si les dépenses sont de 10 G, cette entreprise a un gros problème.

    • Jean-Pierre Martel dit :

      Depuis une décennie, la rémunération des dirigeants de SNC-Lavalin a été à elle seule la moitié de l’amende qu’ils ont convenu de verser au trésor fédéral à l’issue de leur négociation avec la Direction des poursuites pénales.

      Il suffit d’une minuscule majoration de leur marge de profit pour que l’entreprise redevienne très rentable.

      Bref, permettez-moi de diverger d’opinion avec vous à ce sujet.

      Toutefois, c’est l’avenir qui nous dira qui a raison.

      D’ici là, merci pour votre commentaire.

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