Avant-propos : Voici un texte que j’ai écrit alors que j’étais étudiant à l’université.
C’est un texte que je trouvais bien, sans plus, jusqu’au jour où ma mère m’a appris que mon père (grossiste de métier) en avait fait la lecture à voix haute, fièrement, devant un groupe d’amis.
Lorsqu’à l’intersection de la rue Principale et de la route provinciale no 84, Saint-Clin-Clin passa de carrefour à agglomération, Jean Faidècène établit un magasin qu’il légua à sa mort à son fils Henri.
Peu à peu, à mesure que Saint-Clin-Clin était devenu village, les besoins des voisins s’étaient diversifiés; on avait besoin de fusils, de munitions, d’allumettes, de carburant, d’épicerie, de vêtements, etc.
Si bien que l’ancien Chez Ti-Jean était devenu le Magasin général Faidècène afin de répondre à la demande et de rendre service.
Henri connut, par sa situation aisée, le respect qu’on réserve aux notables et aux bourgeois de la place. Sa chaude hospitalité et son sens des affaires lui valurent l’estime et l’admiration de tous. Sa mort causa une grande perte.
Le plus vieux de ses fils, Paul, hérita du célèbre magasin. Mais les jours gris approchaient. Car selon le ‘standing’ de la nouvelle cité de Saint-Clin-Clin-de-l’industrie, on prisait peu ce magasin général qui rappelait trop fidèlement des origines villageoises.
Non, à Saint-Clin-Clin-de-l’industrie, on achetait dorénavant la viande à la boucherie, les conserves à l’épicerie, les biscuits à la biscuiterie, les journaux à la tabagie, les outils à la ferronnerie, les vêtements à la lingerie et le reste à la pharmacie.
Bientôt le magasin général dut fermer ses portes. Que de souvenirs disparurent avec lui.
Les vieux se rappelleront sans doute de son air de prospérité, de cette odeur particulière de bran de scie, de ce va-et-vient caractéristique des endroits achalandés, de Louise qui passait son temps à faire des étalages pour embellir le magasin, et des moments qu’on passait à discuter avec Henri, des conseils qu’il avait le tour de prodiguer, sans parler de son répertoire d’histoires à faire rougir monsieur le curé.
Ouais ! Quand on y pense; avoir l’air si prospère puis, en si peu de temps, plus rien.
Le temps passe vite, le temps passe vite…