Le texte de ‘refondation’ du PQ : le paroxysme de l’insignifiance

Publié le 5 septembre 2019 | Temps de lecture : 7 minutes

Introduction

À la suite de la cuisante défaite électorale subie l’an dernier, le PQ s’est engagé dans un exercice de remise en question de ses orientations politiques.

Le texte de ‘refondation’ — qui sera soumis aux congressistes dans quelques semaines — était très attendu.

Ce document de trois pages vient d’être publié par Le Devoir.

Analyse du texte

Du strict point de vue littéraire, c’est un texte bien.

Il est clair. Les arguments se suivent logiquement et l’ensemble est cohérent.

Le texte est formé de 674 mots. Les 278 premiers mots établissent ce qui suit.

Les trois premiers paragraphes découlent d’un patriotisme convenu; ils auraient pu être écrits par n’importe quel politicien fédéraliste.

C’est alors qu’on arrive au cœur du document, soit la liste des valeurs fondamentales du PQ renouvelé :
• la liberté,
• la justice et l’équité,
• le nationalisme, et
• la protection de l’environnement.

Dans son désir obsessionnel de ‘susciter l’adhésion’, de ‘bâtir des consensus’ et d’en arriver à ‘des décisions rassembleuses’, on fera la promotion de valeurs qui ne permettent pas au PQ de se distinguer des autres formations politiques du Québec.

En réalité, dès qu’un parti sécessionniste renonce à choquer l’opinion publique, voire à simplement susciter la controverse, il se coupe les ailes.

S’il est vrai qu’une partie des Québécois sont des indépendantistes purs et durs, il existe une proportion encore plus grande de fédéralistes tout aussi convaincus qui ne peuvent qu’être scandalisés par un discours qui s’attaque au Canada qu’ils aiment.

Conséquemment, être soucieux de ne pas faire de vague tout en affirmant que son ‘action politique se concentrera sur la fondation d’un pays’ (le Québec) est un oxymore.

Pour tous les peuples qui aspirent à l’indépendance, le chemin qui mène à la liberté est un combat contre l’adversité.

La seconde partie du texte, composée de 396 mots, est une profession de foi selon laquelle la meilleure manière de concrétiser ces quatre valeurs serait l’indépendance.

Le texte a raison de dire, en résumé, que si le Québec avait tous les pouvoirs d’un pays souverain et disposait de tout l’argent envoyé à Ottawa, il pourrait faire plus.

Mais cette idéologie positive échoue depuis des décennies à convaincre une majorité de Québécois de voter pour l’indépendance. Pourquoi ? Parce que ceux-ci estiment qu’un tiens vaut mieux que deux tu l’auras.

Normalement, ce texte de ‘refondation’ devrait être la charte politique du PQ. Or ce texte mièvre est en fait une camisole de force idéologique.

En se limitant à n’être qu’un beau discours et en évitant de recourir également à la critique frontale de l’État colonial canadian, il prive le PQ d’un argumentaire qui suffirait à convaincre les voix qui lui manque pour rallier une majorité de Québécois à l’indépendance.

Pour terminer, les deux derniers paragraphes sont de la même inspiration que le début du texte, mais en plus pompeux.

Le cliché du ‘Parti de la chicane’

Pendant des années, le PQ ne s’est pas défendu de l’accusation libérale d’être le ‘Parti de la chicane’.

En réalité, c’est sous un gouvernement libéral, plus précisément au cours du Printemps érable, qu’on crevait des yeux, cassait des dents, fracturait des mâchoires et provoquait des commotions cérébrales.

Aussi controversé que soit un référendum, une consultation populaire au Québec n’a jamais tué personne.

Tel un enfant dévoré par la culpabilité, le PQ promet maintenant qu’il ne recommencera plus.

Cette reconnaissance par le PQ — dans un texte fondateur en plus — que les accusations libérales sont fondées est pathétique.

L’âge des révoltes

Pour qu’un parti suscite l’enthousiasme, il doit être en phase avec son époque.

Pendant des années, ici comme ailleurs, on a cru au mirage du néolibéralisme.

Selon la théorie du ruissèlement, plus les riches s’enrichissent, plus cette richesse finit par atteindre les gens ordinaires.

Or partout en Occident, les peuples se soulèvent parce qu’ils réalisent que le néolibéralisme ne tient pas ses promesses.

Aux États-Unis, le pouvoir d’achat du travailleur moyen stagne depuis des décennies. Parallèlement apparaissent des objets technologiques (ex.: téléphones multifonctionnels) de plus en plus couteux que réclament leurs enfants.

Désespérée, une partie importante de l’électorat américain soutient un président instable, menteur, misogyne et raciste, dont l’équilibre psychologique est douteux.

En Grande-Bretagne, on a voté pour le Brexit afin de protester contre l’immigration en provenance de l’Europe continentale et par ressentiment contre la cupidité de l’élite financière du pays.

La France est confrontée à la révolte des gilets jaunes.

En Italie et en Europe de l’Est, les partis populistes incarnent la colère du peuple.

Quant au président Bolsonaro du Brésil, on a toujours l’impression, les rares fois qu’il sourit, que le visage est sur le point de lui craquer.

Bref, au lieu de critiquer le colonialisme économique d’Ottawa contre le Québec — ce qui susciterait inévitablement la controverse — le PQ préfère devenir la version Peace & Love du discours nationaliste de la CAQ.

Conclusion

Les Québécois qui sont devenus adultes depuis le début de ce millénaire — et qui n’ont donc connu, essentiellement, que des gouvernements libéraux — ne savent pas que le PQ a déjà été un parti révolutionnaire.

Ce parti a instauré des politiques radicales, nées presque toutes dans la controverse :
• la Charte de la langue française (1977),
• la loi limitant le financement des partis politiques (1977),
• la loi antibriseurs de grève (1977),
• la protection de la vocation des terres agricoles (1978),
• la création du ministère de l’Environnement (1979),
• la création de la Régie du logement (1979),
• la création du droit à la non-discrimination à l’égard des femmes enceintes (1982),
• la création du Fonds de solidarité de la FTQ (1983),
• la loi sur l’équité salariale (1996),
• la création des centres de la petite enfance (1997),
• la création de l’assurance médicaments (1997),
• la loi sur l’assurance-parentale (2001),
• la signature de la Paix des Braves avec les peuples autochtones (2002),
• le rétablissement de la paix sociale lors de la grève étudiante (2012),
• l’interdiction de la production d’amiante (2012),
• la fermeture des centrales nucléaires (2012).

Et j’en passe.

Avec son texte de ‘refondation’ de couleur pastel, le PQ aspire à devenir la version aseptisée de ce qu’il a déjà été; une formation politique bourgeoise qui se fond dans le bleu poudre des murs de l’Assemblée nationale.

Ce texte de ‘refondation’, aussi lisse et insignifiant qu’une publicité de cosmétique, rappelle l’époque joyeuse où l’électorat choisissait ses dirigeants politiques à la blancheur de leurs dents.

Le PQ doit être en phase avec le temps présent et ne pas hésiter à créer la controverse en ouvrant les yeux du peuple, de même qu’en lui disant ce qu’il a peur d’entendre. Apparemment, ce sera pour une autre fois.

Avec ce texte de ‘refondation’ accueilli dans l’indifférence générale, le PQ s’enfonce dans la redondance politique.

J’espère qu’il se réveillera avant qu’il ne soit trop tard.

Référence : La déclaration du Parti québécois

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Écrit par Jean-Pierre Martel